Joëlle Charbonneau

Il me regarde dans les yeux, et, pendant un moment, je crois déceler dans son regard ce que je lis dans le mien à chaque fois que je me regarde dans un miroir. La peur.

Cibles, élimination, débordement, pertes humaines. Que de jolis mots pour décrire un probable bain de sang.

- Tu vas devoir affronter la réalité, reprend mon père d'une voix douce. Et n'oublie pas que je serai fier de toi, quoi qu'il arrive.
- Même si je ne suis pas sélectionnée pour le Test ?
- Surtout si tu n'es pas sélectionnée pour le Test, sourit-il en me donnant un petit coup dans l'estomac.

peut-être la taille des populations administrées l'explique-t-elle aussi. Plus le pays est grand, moins les gouvernants se sentent concernés par le bien-être de chacun. Il est alors plus simple de sacrifier un petit groupe pour le bien d'un plus grand et de faire des choix qui seraient autrement impensables.

Le contrôle est une illusion. Seule une poignée de gens ont le pouvoir de définir leur vie comme ils l'entendent. En même temps, ils définissent aussi celle des autres.

Le papier est une denrée précieuse car beaucoup d'arbres ont été détruits durant les Sept Époques de la guerre. À l'école, nous utilisions le moindre espace blanc de nos feuilles. Le papier usagé est systématiquement envoyé à l'usine de recyclage.

Tout ne se passe pas toujours comme on le voudrait, c'est comme ça. Dans tous les cas, il faut rebondir et trouver de nouveaux objectifs.

besoins ou désir ?

Une voix s'élève. Ma voix. et elle raconte une histoire que je ne peux pas croire.

"Au cours de ce test, beaucoup des candidats ont démontré que pour eux, la fin justifie les moyens. Je n'arrive pas à être d'accord avec ça. En revanche, j'ai compris une chose importante : on ne peut pas changer le passé . Ce qui est fait ne peut être défait."

-Tu as tout compris, pas vrai, Tad? reprit Rashid, l'index pointé. Je suis musulman donc j'ai posé des bombes. Facile. Je suis musulman donc je te déteste! Eh bien oui, je te déteste, mais seulement parce que tu es un crétin.

Deux éclairs croisés.
Un symbole de pouvoir, de savoir et de rébellion. Un symbole qui combine mon passé et mon avenir.
Mon avenir qui commence aujourd'hui.

Le destin décide de tout, au final. Dommage que le destin soit un sacré enfoiré.

Quand on s'adresse aux esprits les plus brillants, il faut s'attendre à ce que certaines interrogations soient soulevées.

La lueur pâle de la lune et le faisceau de sa lampe torche nous permettent de remonter l’allée. Je prends garde à bien lester au milieu du pont. Même s’il y a une rambarde de chaque côté, je ne veux pas risquer un faux pas.

Les aérojets ressemblent à celui que j’ai pris des Cinq Lacs à Tosu. Longs et fins, ils s’élèvent à cinq mètres au-dessus du sol et sont idéals pour se déplacer sur des terrains ravagés par les Sept Époques de la guerre.

La majorité des étudiants s’entasse dans le premier. Je choisis le deuxième. L’intérieur est éclairé d’une lumière douce. Le plafond est assez haut pour que je me tienne debout. Les coussins des sièges ont l’air confortable. À l’arrière se trouve une cabine. Lors de ma venue à Tosu, Tomas et moi y avions trouvé de quoi nous restaurer. La porte du fond mène aux toilettes. Les vitres sont couvertes d’un tissu opaque qui nous empêche de voir le paysage. Nous ne découvrirons pas notre destination avant d’être arrivés.

Je suis obligée de me retenir pour ne pas aller à la fenêtre voir si Tomas arrive. Pour me contrôler, je ferme les yeux et essaie de penser au bonheur que j’ai ressenti la première fois que j’ai vu les bâtiments de l’université. Le Test était fini depuis une semaine. Il faisait beau et le soleil me chauffait la peau. Je ne pouvais pas m’arrêter de sourire. J’avais réussi. Je vivais mon rêve et marchais dans les pas de mon père. Tout était possible, surtout avec Tomas à mes côtés. J’ignorais à ce moment combien ce bonheur était précieux. Combien il serait de courte durée. J’ignorais que je ne tarderais pas à découvrir que rien n’était comme je le pensais. Que j’étais piégée.

Tomas savait-il à ce moment-là ? J’essaie de me remémorer son visage pendant que nous marchions dans le campus en discutant de notre avenir. Y avait-il des signes qu’il avait gardé le souvenir du Test ? Avait-il conscience de ce à quoi ressemblerait notre avenir en réalité ? Et si c’est le cas, puis-je lui pardonner de ne pas me l’avoir dit ?

Mais toutes ces pensées disparaissent quand enfin la porte s’ouvre. Tomas. Il m’ouvre ses bras et je n’hésite pas une seconde. Peu importe ce qui s’est passé, Tomas fait partie de mon passé et de mon présent. Au chaud contre lui, en sécurité, je laisse mes larmes couler. Le visage enfoui dans sa veste, je revois Rawson vaciller et tomber dans cet immense trou sans fond. J’étais trop loin pour distinguer son expression mais je peux imaginer la terreur qui l’a saisi au moment de disparaître dans l’abîme. Tant d’espoirs. Évanouis en une seconde.

Tomas me laisse pleurer sans rien dire. Il m’offre réconfort et protection en me serrant dans ses bras. Une fois mes larmes taries, il ne me demande rien. Il m’embrasse, me souffle qu’il m’aime et ajoute :

- Je suis désolé d’avoir mis tant de temps à arriver. J’ai eu peur que tu penses que je ne viendrais pas.

-Je savais que tu me retrouverais ici.

C’était peut-être la seule chose dont j’étais certaine.

VOTRE REQUÊTE A ÉTÉ PRISE EN COMPTE.
NEED VA FAIRE SON POSSIBLE POUR QUE VOTRE BESOIN SOIT SATISFAIT.

Ma dernière pensée avant d’être emportée par le sommeil est qu'on ne m'a pas demandé d'inviter d'autres gens.Soit il y a un bug,soit celui qui envoie les réponses a été trop gentil pour me dire ce que je sais déjà: NEED ne peut rien pour moi.

-En tout cas, tu t'es trompé au moins sur une chose, Cia. Je ne suis manifestement pas l'élève le plus intelligent de la classe. Même si c'était très malin de ma part de faire équipe avec toi. Quelle autre fille aurait été capable de me soigner après que j'ai réussi à me faire exploser?
Je me tourne pour prendre le paquet de fruits séchés afin qu'il ne remarque pas mes joues écarlates.
-Tu plaisante, toutes les filles à marier de Cinq Lacs se seraient battues pour être à ma place. Surtout si tu leur avait promis de les embrasser pour les remercier.
-Cia...
Je le regarde. Il ne rit plus.
-Si une autre fille m'avait soigné, murmure-t-il, je ne l'aurai pas embrassée.

-Dans la mythologie, l'éclair représente soit la connaissance, soit la punition des dieux pour ceux qui avaient transgressé les limites. Nous voulons apprendre en transgressant les règles que l'on nous impose.
Raffe a raison et son dessin est puissant. Jusqu'à présent je considérais l'éclair gravé sur mon bracelet comme la marque de mes capacités techniques, mais ça...
-C'est parfait.
La connaissance ou la perte de l'ignorance. La punition des dieux. Oui c'est parfait.
Nous sommes quatre a présent. Cinq, si Zeen est toujours en vie.

Quand elle abordait un problème compliqué, elle prenait soin de le formuler comme une énigme à résoudre. Jamais comme une épreuve à traverser.