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Citations de Jonathan Littell (228)


Cette tendance s’étendait à tout notre langage bureaucratique (…) : dans les correspondances, dans les discours aussi, les tournures passives dominaient, « il a été décidé que… », « les Juifs ont été convoyés aux mesures spéciales », « cette tâche difficile a été accomplie », et ainsi les choses se faisaient toutes seules, personne ne faisait jamais rien, personne n’agissait, c’étaient des actes sans acteurs, ce qui est toujours rassurant, et d’une certaine façon ce n’étaient même pas des actes, car par l’usage particulier que notre langue nationale-socialiste faisait de certains noms, on parvenait, sinon à entièrement éliminer les verbes, du moins à les réduire à l’état d’appendices inutiles (mais néanmoins décoratifs), et ainsi, on se passait même de l’action, il y avait seulement des faits, des réalités brutes soit déjà présentes, soit attendant leur accomplissement inévitable (…).
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Si vous êtes né dans un pays ou à une époque où non seulement personne ne vient tuer votre femme, vos enfants, mais où personne ne vous demande de tuer les femmes et les enfants des autres, bénissez Dieu et allez en paix. Mais gardez toujours cette pensée à l’esprit : vous avez peut-être eu plus de chance que moi, mais vous n’êtes pas meilleur.
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Docteur, je ne souffre que d'une maladie sexuellement transmissible et irrémédiablement fatale : la vie.
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Dans beaucoup de cas, en venais-je à me dire, ce que j'avais pris pour du sadisme gratuit, la brutalité inouïe avec laquelle certains hommes traitaient les condamnés avant de les exécuter, n'était qu'une conséquence de la pitié monstrueuse qu'ils ressentaient et qui, incapable de s'exprimer autrement se muait en rage, mais une rage impuissante. [] Leurs réactions, leur violence, leur alcoolisme, les dépressions nerveuses, les suicides, ma propre tristesse, tout cela démontrait que l'autre existe, existe en tant qu'autre, en tant qu'humain, et qu'aucune volonté, aucune idéologie, aucune quantité de bêtise et d'alcool ne peut rompre ce lien, ténu mais indestructible.
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Elle me téléphona le matin, juste avant de prendre le train. Sa voix était douce, tendre, chaude. La conversation fut brève, je ne faisais pas réellement attention à ce qu'elle disait, j'écoutais cette voix, accroché au combiné, perdu dans ma détresse. "On peut se revoir, disait-elle. Tu peux venir chez nous." - "On verra", répondit l'autre qui parlait par ma bouche. J'étais de nouveau pris de haut-le-coeur, je crus que j'allais vomir, j'avalai convulsivement ma salive en respirant par le nez et parvins à me retenir. Puis elle raccrocha et je fus de nouveau seul.
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Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire ? Le suicide, bien entendu, reste une option. Mais à vrai dire, le suicide me tente peu. J'y ai, cela va de soi, longuement songé; et si je devais y avoir recours, voici comment je m'y prendrais: je placerais une grenade tout contre mon coeur et partirais dans un vif éclat de joie.
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plus que jamais, je voulais être tranquille, mais il semblait que ce fût impossible : je m'écorchais la peau sur le monde comme sur du verre brisé ; je ne cessais d'avaler délibérement des hameçons, puis d'être étonné lorsque je m'arrachais les entrailles de la bouche.
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je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l’air, le manger, le boire et l’excrétion, et la recherche de la vérité. Le reste est facultatif.
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Pour les Russes comme pour nous, l'homme ne comptait pour rien, la Nation, l'Etat était tout, et dans ce sens nous nous renvoyions notre image l'un à l'autre. Les Juifs aussi avaient ce sentiment fort de la communauté, du Volk : ils pleuraient leurs morts, les enterraient s'ils le pouvaient et récitaient le Kaddish; mais tant qu'un seul restait en vie, Israël vivait. C'était sans doute pour ça qu'ils étaient nos ennemis privilégiés, ils nous ressemblaient trop.
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Le poète kyivien Leonid Kisseliov, mort de leucémie à 22 ans, a écrit en russe les vers suivants :
Ia postoïou ou kraïa bezdny
I vdroug poïmou, slomias v toske,
Tchto vsio na svete – tolko pesnia
Na ukraïnskom iazyke.

Je me tiens au bord de l’abîme
Et soudain je réalise, brisé par l’angoisse,
Que le monde entier n’est qu’un chant
En langue ukrainienne.
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* Extrait d'un entretien avec la revue l'OBS de mars 2018 *

-- En 2007 , vous disiez qu'il faudrait du temps pour expliquer le succès des " Bienveillantes " . Et maintenant ?

-- Ça a clairement quelque chose à voir avec le nazisme . Après " Les bienveillantes " , il y a eu toute une vague de livres sur cette question là ...... On devrait davantage s'intéresser à ce qui se passe maintenant . les nouveaux nazis ne ressemblent plus aux anciens . Ils ont bazardé tout l'attirail et le kitsch , le flambeau et les uniformes à deux balles . C'est plus subtil . Plus insidieux . Trump en est une manifestation parmi beaucoup d'autres . Certains sont beaucoup plus doués . Victor Orban par exemple . Ou la petite frappe autrichienne . Ou Poutine .
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Car l'homme a pris les faits bruts et sans prolongements donnés à toute créature sexuée et en a bâti un imaginaire sans limites, trouble et profond, l'érotisme qui, plus que tout autre chose, le distingue des bêtes, et il en a fait de même avec l'idée de la mort, mais cet imaginaire là n'a pas de nom, curieusement (on pourrait l'appeler thanatisme, peut-être) : et ce sont ces imaginaires, ces jeux de hantises ressassés, et non pas la chose elle-même, qui sont les moteurs effrénés de notre soif de vie, de savoir, d'écartèlement de soi.
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Mais les hommes ordinaires dont est constitué l'Etat- surtout en des temps instables- voilà le vrai danger. Le vrai danger pour l'homme c'est moi, c'est vous. Et si vous n'en êtes pas convaincu, inutile de lire plus loin. Vous ne comprendrez rien et vous vous fâcherez, sans profit ni pour vous ni pour moi
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À nouveau

1. En 1990, une femme qui m’était alors proche sollicita Maurice Blanchot pour une revue qu’elle éditait. La réponse lui parvint sous la forme de deux lettres : l’une, manuscrite et personnelle, l’autre, tapée à la machine et publique. Je traduisis en anglais cette dernière (sous un nom d’emprunt) pour la revue en question. Elle débutait ainsi : « Chère Madame, pardonnez-moi de vous répondre par une lettre. Lisant la vôtre où vous me demandez un texte qui s’insérerait dans le numéro d’une revue universitaire américaine (Yale) avec pour sujet “La littérature et la question éthique”, j’ai été effrayé et quasiment désespéré. “À nouveau, à nouveau”, me disais-je. Non pas que j’aie la prétention d’avoir épuisé un sujet inépuisable, mais au contraire avec la certitude qu’un tel sujet me revient, parce qu’il est intraitable. »

2. Un sujet intraitable qui me revient. On pourrait tout aussi bien dire une pierre lancée à la tête, qui m’assomme, me rend bête. Je n’avais même pas commencé que j’étais déjà épuisé. Blanchot encore : « Vouloir écrire, quelle absurdité : écrire, c’est la déchéance du vouloir. »

3. C’était vers le début de 2021, alors que l’Europe émergeait péniblement du Covid. Un ami me proposa d’écrire sur Babyn Yar. « Pourquoi tu n’écrirais pas quelque chose sur Babyn Yar ? Tu devrais écrire sur Babyn Yar. » À nouveau ? Oh non, pas à nouveau.

4. Cet ami était très convaincant. « Écoute, tu travailles sur Tchernobyl, me disait-il. Babyn Yar c’est pareil, c’est une Zone. » L’idée n’était pas inintéressante. D’autant plus que « Zone d’exclusion », le terme d’usage en français comme en anglais, n’est pas une traduction correcte : Zona vidtchouzhennia, le terme ukrainien, tout comme le terme russe Zona ottchouzhdeniia, serait plutôt « Zone d’aliénation ». Pour un temps, j’ai vaguement songé à en faire mon titre. Mais c’était une fausse piste.

5. Antoine d’Agata se trouvait par hasard à Kyiv. « Si on faisait ça ensemble ? », je lui ai dit. Dans le désarroi et la confusion, c’est toujours mieux d’avoir de la compagnie.

6. On est allés ensemble visiter l’endroit. C’était en avril, il faisait gris, les arbres étaient nus. Il n’y avait vraiment pas grand-chose à voir. J’ai dressé un inventaire : deux parcs, une forêt, un grand ravin et quelques petits, une rivière souterraine, des monuments (beaucoup de monuments), trois églises dont une fort ancienne et deux neuves, une synagogue elle aussi flambant neuve, un asile psychiatrique, une prison psychiatrique, un institut psychiatrique inachevé, deux cimetières (l’un orthodoxe, l’autre militaire), les traces de deux autres cimetières rasés (l’un juif, l’autre orthodoxe), les bureaux de la télévision ukrainienne, la tour de la télévision ukrainienne, des immeubles d’habitation, des boutiques, des écoles et des jardins d’enfants, un cinéma abandonné, un métro, une maternité, un hôpital, une morgue. Antoine était aussi peu convaincu que moi : « Tu veux que je photographie quoi, au juste ? » Décidément, me disais-je, mieux vaudrait peut-être tout planter là. Oublier cette histoire, passer à autre chose.

(INCIPIT)
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On a beaucoup parlé, après la guerre, pour essayer d'expliquer ce qui s'était passé, de l'inhumain. Mais l'inhumain, excusez-moi, cela n'existe pas. Il n'y a que de l'humain et encore de l'humain : et ce Döll en est un bon exemple. Qu'est-ce que c'est d'autre, Döll, qu'un bon père de famille qui voulait nourrir ses enfants, et qui obéissait à son gouvernement, même si en son for intérieur il n'était pas tout à fait d'accord ? S'il était né en France ou en Amérique, on l'aurait appelé un pilier de sa communauté et un patriote ; mais il est né en Allemagne, c'est donc un criminel. La nécessité, les Grecs le savaient déjà, est une déesse non seulement aveugle, mais cruelle.
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Voyez-vous, il y a à mon sens trois attitudes possibles devant cette vie absurde. D'abord l'attitude de la masse, hoï polloï, qui refuse simplement de voir que la vie est une blague. Ceux-là n'en rient pas, mais travaillent, accumulent, mastiquent, défèquent, forniquent, se reproduisent, vieillissent et meurent comme des boeufs attelés à la charrue, idiots comme ils ont vécu. C'est la grande majorité. Ensuite, il y a ceux, comme moi, qui savent que la vie est une blague et qui ont le courage d'en rire, à la manière des taoïstes ou de votre Juif. Enfin, il y a ceux, et c'est si mon diagnostic est exact votre cas, qui savent que la vie est une blague, mais qui en souffrent. C'est comme votre Lermontov, que j'ai enfin lu : I jizn takaïa poustaïa i gloupaïa choutka, écrit-il." Je connaissais maintenant assez de russe pour comprendre et compléter : " Il aurait dû ajouter : i groubaïa, une blague vide, idiote et sale."
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La Pologne ne sera jamais un beau pays mais certains de ses paysages ont un charme mélancolique. Il fallait environ une demi-journée pour se rendre de Cracovie à Lublin. Le long de la route, de grands et mornes champs de patates, entrecoupés de canaux d'irrigation, alternaient avec des bois de pins sylvestres et de bouleaux, au sol nu, sans broussailles, sombres et muets et comme fermés à la belle lumière de juin.
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"... Moi, tu sais, j'admire les bolcheviques. Eux, c'est pas de la soupe aux cafards. C'est un système d'ordre. Tu te plies ou tu crèves. Staline, c'est un type extraordinaire. S'il n'y avait pas Hitler, je serais peut-être communiste, qui sait ?"
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Quelque part, un homme perd son existence, couvert de poussière de charbon, dans les profondeurs étouffantes d'une mine ; ailleurs, plus loin, un autre se repose au chaud, revêtu d'alpaga, enfoncé avec un bon livre dans un fauteuil, sans jamais songer d'où et comment lui viennent ce fauteuil, ce livre, cet alpaga, cette chaleur.
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Sais-tu que le terme de "national socialisme" à été forgé par un juif,précurseur du sionisme, Moise Hess?Et ce n est pas un hasard: quoi de plus volkisch que le sionisme ? Comme nous,ils ont reconnu qu il ne peut y avoir de volk et de blut sans Biden,et donc qu il faut ramener les juifs à la terre. Eretz Israël pure de toute race.
Les juifs sont les premiers vrais nationaux socialistes, depuis près de trois mille cinq cents ans déjà, depuis que Moise leur a donné une loi pour les séparer à jamais des autres peuples.
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