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Citations de Jonathan Littell (228)


Deutschland est le seul pays d'Europe qui ne désigne pas géographiquement, qui ne porte pas le nom d'un lieu ou d'un peuple comme les Angles ou les Francs, c'est le pays du "peuple en soi"; deutsch est une forme adjectivale du vieil allemand "tuits", peuple". C'est bien pour ça qu'aucun de nos voisins ne nous appelle de la même façon : allemands, germans, Duits, Jedeschi... p.391
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et c'est ainsi que je rentrais à la SS le cul encore plein de sperme
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L'air ce matin-là était exceptionnellement léger. Le cri des oiseaux, on aurait dit, ne faisait que rider la surface profonde et claire du silence transparent. (Vassili Grossman, cité p. 40)
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La guerre est finie. Et puis, on a compris la leçon, ça n'arrivera plus. Mais êtes-vous bien sûrs qu'on ait compris la leçon ? Etes-vous certains que cela n'arrivera plus ?
Ceux qui tuent sont des hommes, comme ceux qui sont tués, c'est cela qui est terrible. Vous ne pouvez jamais dire : je ne tuerai point, c'est impossible.
Vous devez résister à la tentation d'être humains.
On a beaucoup parlé, après la guerre, pour essayer d'expliquer ce qui s'était passé, de l'inhumain. Mais l'inhumain, excusez-moi, cela n'existe pas. Il n'y a que l'humain et encore de l'humain.
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Un livre magistral jusqu’à la dernière page
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Dans une rue légèrement pente, bordée de voitures et de camions détruits, je remarquais un homme sur le trottoir, appuyé d'une main à un lampadaire. C'était un soldat, sale, mal rasé, vêtu de guenilles tenues par des ficelles et des épingles, la jambe droite sectionnée sous le genou, une blessure fraiche et ouverte d'où coulaient des flots de sang ; l'homme tenait une boîte de conserve ou un gobelet en étain sous le moignon et essayer de recueillir ce sang et de le boire rapidement pour éviter d'en perdre trop.
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C'était sans doute pour ça qu'ils étaient nos ennemis privilégiés, ils nous ressemblaient trop.
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Jonathan Littell
1
Boutcha

Puis vient Boutcha. C’était, avant tout ça, une banlieue tranquille de
37 000 habitants, entourée de grandes forêts et toute proche de la « mer » de
Kiev, un vaste réservoir artificiel crée dans les années 1960. Coupée en deux par
une voie ferrée, la petite ville a son quartier huppé où alternent grosses datchas
cossues, hôtels, magasins de bricolage et restaurants, plusieurs « secteurs
privés » de petites maisons individuelles principalement habitées par des
retraités, des groupes d’immeubles d’époque soviétique et de grands ensembles
récents conçus pour attirer les jeunes citadins en manque d’air frais et d’espaces
verts.
Cinq semaines après le retrait russe, la ville a été prise d’une frénésie de
nettoyage, les carcasses des blindés détruits ont disparu, les rues grêlées
d’impacts d’obus ont été réasphaltées, les fosses communes et les tombes dans
les jardins vidées. La rue Vokzalna, où l’artillerie ukrainienne a ravagé début
mars une colonne russe, est de nouveau toute proprette ; au carrefour avec la rue
Iablounska, là où gisaient lors de la libération de la ville plusieurs cadavres aux
mains attachées dans le dos, des employés municipaux achèvent de repeindre les
passages piétons.
Lire aussi : A Boutcha, ville martyre de la banlieue de Kiev, le lent retour à la vie
Des familles promènent leurs chiens, des hommes à vélo de sport circulent au
milieu des ruines, incongrus avec leurs tenues moulantes fluorescentes et leurs
petits casques. Certains gardent leur humour, comme Mika Skoryk-Chkarivska,
la maire adjointe de Boutcha. Quand je l’interroge sur les portes des bureaux de
la mairie, arrachées de leurs gonds et posées contre les murs, elle sourit : « Les
Russes font tout pour nous rapprocher de l’Europe. Maintenant, grâce à eux, on
travaille en open space. » Mais les maisons détruites, les impacts des bombes
sur les immeubles et le vaste secteur tout neuf du cimetière, avec ses centaines
de tombes fraîches décorées de couronnes de fleurs en plastique aux couleurs
criardes, témoignent encore de la violence de ce qui s’est déroulé ici, de la
désolation qui reste. Ça, et les histoires.
« On en a marre, de parler aux journalistes ! », me hurle une dame à la porte de son jardin. Mais d’autres vous
accueillent plus chaleureusement. Sur la rue Vokzalna, un peu au-dessus des maisons pulvérisées lors du
bombardement de la colonne, un monsieur de 66 ans, Vladimir Ivanovitch, nous invite à entrer dans sa cour et
nous présente son neveu Viatcheslav, venu l’aider à réparer.
« C’était une fille d’ici, elle vivait à Kiev, mais elle était revenue pour aider sa grand-mère. Ils l’ont gardée
comme un jouet, et puis, quand ils sont partis, ils lui ont mis trois balles dans le visage. La police en a trouvé
deux, j’ai retrouvé la troisième après. » Viatcheslav, habitant de Boutcha
Des soldats russes s’étaient installés chez lui, avec un mortier de gros calibre dans le jardin derrière. L’intérieur
de la maison est un chaos absolu, tout a été retourné, ravagé, brisé, tout ce qui était neuf a été volé. Vladimir
Ivanovitch, au moment de la prise de la ville, début mars, s’était tout d’abord réfugié dans son pogreb, le
souterrain dans le jardin qui sert à conserver les aliments, puis avait filé avec sa femme vers la cave de l’école
toute proche ; le 12 mars, ils ont été évacués par la Croix-Rouge.
Pendant son absence, selon les voisins restés sur place, les soldats installés chez lui ramenaient des jeunes
femmes, et il a retrouvé des quantités de préservatifs usagés et de bouteilles d’alcool vide au milieu du foutoir
qu’ils ont laissé, ainsi que deux colliers, des bijoux en toc, qui pendent encore sur un poteau rouillé. Il y avait
aussi une femme morte dans le pogreb. C’est Viatcheslav qui a découvert le cadavre lorsqu’il est venu inspecter
la maison après la libération de la ville.
« Elle était nue, sur le dos, la tête éclatée, les jambes et le ventre tailladés au couteau, m’explique-t-il posément.
Elle portait juste une chouba [un manteau de fourrure] et des claquettes, et elle regardait vers le haut. C’était
une fille d’ici, elle vivait à Kiev, mais elle était revenue pour aider sa grand-mère. Ils l’ont gardée comme un
jouet, et puis, quand ils sont partis, ils lui ont mis trois balles dans le visage. La police en a trouvé deux, j’ai
retrouvé la troisième après. » Il me la montre, une longue balle fine, du 5,45 mm.
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Le travail à l'usine connaît une stricte ségrégation sexuelle : les hommes créent les motifs, percent les cartons, montent les chaînes, surveillent les métiers et gèrent les similaires qui les desservent ; leurs femmes et leurs filles, elles, aujourd'hui encore, restent wheeleuses, dégraphiteuses, raccomodeuses, effileuses et plieuses. Les traditions sont fortes.
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...et je considérais ces nuques avec le regard d'une femme, comprenant soudainement avec une netteté effrayante que les hommes ne contrôlent rien, ne dominent rien, qu'ils sont tous des enfants et même des jouets, mis là pour le plaisir des femmes, un plaisir insatiable et d'autant plus souverain que les hommes croient contrôler les choses, croient dominer les femmes, alors qu'en réalité les femmes les absorbent, ruinent leur domination et dissolvent leur contrôle, pour en fin de compte prendre d'eux bien plus qu'ils ne veulent donner. Les hommes croient en toute honnêteté que les femmes sont vulnérables, et que cette vulnérabilité, il faut soit en profiter, soit la protéger, tandis que les femmes se rient, avec tolérance et amour ou bien avec mépris, de la vulnérabilité infantile et infinie des hommes,de leur fragilité si proche de la perte de contrôle permanente, cet effondrement perpétuellement menaçant, cette vacuité incarnée dans une si forte chair. C'est bien pour cela , sans aucun doute, que les femmes tuent si rarement. Elles souffrent bien plus, mais elles auront toujours le dernier mot.
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Notre système, notre État se moquait profondément des pensées de ses serviteurs. Cela lui était indifférent que l'on tue les Juifs parce qu'on les haïssait ou parce qu'on voulait faire avancer sa carrière ou meme7,dans certaines limites,parce qu'on y prenait du plaisit. Tout comme cela lui était indifférent que l'on ne haïsse pas les Juifs et et les Tsiganeservices et les Russes qu'on tuait, et que l'on ne prenne absolument aucun plaisir à les eliminer, aucun plaisir du tout. Cela lui était était même indifferent, au fond, que l'on refuse de les tuer, aucune sanction ne serait prise, car il savait que le réservoir des tueurs disponibles était sans fond...
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Plus que jamais, je voulais être tranquille, mais il semblait que ce fût impossible : je m’écorchais la peau sur le monde comme sur du verre brisé ; je ne cessais d’avaler délibérément des hameçons, puis d’être étonné lorsque je m’arrachais les entrailles par la bouche.
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Depuis les débuts de l'histoire humaine, la guerre a toujours été perçue comme le plus grand mal. Or nous, nous avions inventé quelque chose à quoi beaucoup déjà cherchaient à échapper en se réfugiant dans les certitudes élémentaires de la guerre et du front.
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Mettez-vous à ma place. Quel homme sain d'esprit aurait pu s'imaginer qu'on sélectionnerait des juristes pour assassiner des gens sans procès ? [...] Pour nous, c'était une autre sale journée de travail ; pour eux, la fin de tout.
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Document passionnant sur la guerre en Syrie. Et qui fait la part des choses. Des bons et des méchants dans les 2 camps. Et des gens qui souffrent. Et des gens qui vivent (qui meurt aussi et beaucoup, beaucoup trop). Retour sur Terre, une fois cette lecture terminée. Adieu guimauve du JT. A lire d'urgence.
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Le peuple syrien est élevé comme dans un poulailler : tu as le droit de manger, dormir, pondre, c'est tout. Il n'y a pas de place pour la pensée.
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"... depuis que l'Einsatz nous a transféré une partie de sa charge nous sommes débordés." Le camp ne savait plus quoi faire des cadavres et avait commandé un crématorium, équipé de cinq fours monomufles conçus par Kori, une firme spécialisée de Berlin. "Ils se disputent le marché avec Topf und Söhne, d'Erfurt, ajouta-t-il. A Auschwitz, ils ne travaillent qu'avec Topf, mais nous avons jugé les conditions de Kori plus compétitives."
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En feuilletant mon Platon, j'avais retrouvé le passage de La République auquel m'avait fait songer ma réaction devant les cadavres de la forteresse de Lutsk : Léonte, fils d'Aglaion, remontait du Pirée par le côté extérieur du mur Nord, lorsqu'il vit des corps morts couchés près du bourreau ; et il conçut un désir de les regarder, et en même temps ressentit du dégoût à cette pensée, et voulut se détourner. Il lutta ainsi avec lui-même et plaça sa main sur les yeux, mais à la fin il succomba à son désir, et s'écarquillant les yeux avec les doigts, il courut vers les corps, disant : " Voilà, soyez maudits, repaissez-vous de ce joli spectacle ! " A vrai dire les soldats semblaient rarement éprouver l'angoisse de Léonte, seulement son désir, et ce devait être cela qui dérangeait la hiérarchie, l'idée que les hommes pussent prendre du plaisir à ces actions. Pourtant, tous ceux qui y participaient y prenaient un plaisir, cela me paraissait évident.
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Au milieu de ces hommes-là, je faisais figure d'intellectuel un peu compliqué, et je restais assez isolé. Cela ne me dérangeait pas: l'amitié de gens grossiers, je m'en étais toujours passé. Mais il fallait rester sur ses gardes.
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(…) J’avais mené mon travail avec énergie et rigueur ; or, c’était comme lors de ma mission à Paris, je n’avais pas compris les règles du jeu, j’avais cherché la vérité là où l’on voulait non pas la vérité mais un avantage politique.
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