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Citations de Jonathan Littell (228)


Ma pensée maintenant glissait : à la place de sa frêle nuque venaient se dessiner des nuques autrement puissantes, celles d'hommes que j'avais connus ou même simplement aperçus, et je considérais ces nuques avec le regard d'une femme, comprenant soudainement avec une netteté effrayante que les hommes ne contrôlent rien, ne dominent rien, qu'ils sont tous des enfants et même des jouets, mis là pour le plaisir des femmes, un plaisir insatiable et d'autant plus souverain que les hommes croient contrôler les choses, croient dominer les femmes, alors qu'en réalité les femmes les absorbent, ruinent leur domination et dissolvent leur contrôle, pour en fin de compte prendre d'eux bien plus qu'ils ne veulent donner. Les hommes croient en toute honnêteté que les femmes sont vulnérables, et que cette vulnérabilité, il faut soit en profiter, soit la protéger, tandis que les femmes se rient, avec tolérance et amour ou bien avec mépris, de la vulnérabilité infantile et infinie des hommes, de leur fragilité, cette friabilité si proche de la perte de contrôle permanente, cet effondrement perpétuellement menaçant, cette vacuité incarnée dans une si forte chair. C'est bien pour cela, sans aucun doute, que les femmes tuent si rarement. Elles souffrent bien plus, mais elles auront toujours le dernier mot.
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Les hommes ont besoin d'être guidés, ce n'est pas leur faute. Ce sont des questions complexes et il n'y a pas de réponses simples. La Loi, qui sait où elle se trouve ? Chacun doit la chercher, mais cela est difficile, et il est normal de se plier au consensus commun. Tout le monde ne peut pas être un législateur.
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Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis, le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire?
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Mais les balais et les bouteilles, cela pouvait faire mal : je cherchai quelque chose de plus adéquat. Moreau adorait les grosses saucisses allemandes ; la nuit, j'en prenais un dans le réfrigérateur, la rouler entre mes mains pour la réchauffer, la lubrifiais avec de l'huile d'olive ; après, je la lavais avec soin, la séchais et la remettais là où je l'avais trouvée. Le lendemain je regardais Moreau et ma mère la découper et la manger avec délice, et je refusais ma part avec un sourire
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Je n'avais pas les connaissances pour le critiquer, mais il me semblait que si l'on croyait en une certaine idée de l'Allemagne et du Volk allemand, le reste devait suivre naturellement. Certaines choses pouvaient être démontrées, mais d'autres devaient simplement être comprises; c'était aussi sans doute une question de foi.
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Les premiers métiers à tulle anglais, secret jalousement gardé, sont passés en contrebande en France au lendemain des guerres napoléoniennes grâce à des ouvriers fuyant les taxes douanières ; c’est un Lyonnais, Jacquard, qui les a modifiés pour produire de la dentelle, en y introduisant une série de cartons perforés qui déterminent le patron. Des rouleaux, en bas, alimentent l’ouvrage en fil ; au cœur du métier, cinq mille bobines, l’âme, sont serrées dans un chariot ; puis un catch-bar (nous gardons en français certains termes anglais) vient tenir et balancer ce chariot avec un grand clappement hypnotique, d’avant en arrière...
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- Que les ordres restent toujours vagues, c'est normal, c'est délibéré...
Ceux qui insistent pour avoir des ordres clairs ou qui veulent des mesures législatives n'ont pas compris que c'est la volonté du chef et non ses ordres qui comptent, et que c'est au receveur d'ordres de savoir les déchiffrer et même anticiper cette volonté. Celui qui sait agir ainsi est un excellent national-socialiste, et on ne viendra jamais lui reprocher son excès de zèle, même s'il commet des erreurs.
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....Par exemple, si vous êtes français, considérez votre petite aventure algérienne, qui a tant traumatisé vos concitoyens. Vous y avez perdu 25 000 hommes en sept ans, en comptant les accidents : l’équivalent d’un peu moins d’un jour et treize heures de morts sur le front de l’Est ; ou bien alors de sept jours environ de morts juifs. Je ne comptabilise évidemment pas les morts algériens : comme vous n’en parlez pour ainsi dire jamais, dans vos livres et vos émissions, ils ne doivent pas compter beaucoup pour vous.
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On se plaît à opposer l’État, totalitaire ou non, à l’homme ordinaire, punaise ou roseau. Mais on oublie alors que l’État est composé d’hommes, tous plus ou moins ordinaires, chacun avec sa vie, son histoire, la série de hasards qui ont fait qu’un jour il s’est retrouvé du bon côté du fusil ou de la feuille de papier alors que d’autres se retrouvaient du mauvais. Ce parcours fait très rarement l’objet d’un choix, voire d’une prédisposition.
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Historiquement, depuis la Grande Catherine, le choix du pouvoir russe a toujours été d'appuyer les mollahs fondamentalistes mais loyaux contre les modernisateurs, potentiellement subversifs, voire antigouvernementaux. La grille d'analyse russe se fonde sur la question de la loyauté au pouvoir et non pas sur le contenu de ce qui est prêché.
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Et je considérais ces nuques avec le regard d’une femme, comprenant soudainement avec une netteté effrayante que les hommes ne contrôlent rien, ne dominent rien, qu’ils sont tous des enfants et même des jouets, mis là pour le plaisir des femmes, un plaisir insatiable et d’autant plus souverain que les hommes croient contrôler les choses, croient dominer les femmes, alors qu’en réalité les femmes les absorbent, ruinent leur domination et dissolvent leur contrôle, pour en fin de compte prendre d’eux bien plus qu’ils ne veulent donner. Les hommes croient en toute honnêteté que les femmes sont vulnérables, et que cette vulnérabilité, il faut soit en profiter, soit la protéger, tandis que les femmes se rient, avec tolérance et amour ou bien avec mépris, de la vulnérabilité infantile et infinie des hommes, de leur fragilité, cette friabilité si proche de la perte de contrôle permanente, cet effondrement perpétuellement menaçant, cette vacuité incarnée dans une si forte chair.
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Frères humains, laissez moi vous raconter comment ça s'est passé. On est pas votre frère, rétorquerez vous, et on ne veut pas le savoir. et c'est bien vrai qu'il s'agit d'une sombre histoire, mais édifiante aussi, un véritable conte moral, je vous l'assure.
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la boule de feu mourut, et je fus plongé dans l'obscurité, une ténèbre épaisse, asphyxiante. Se débattre était vain ; je hurlais, mais aucun son ne sortait de mes poumons écrasés. Je savais que je n'étais pas mort, car la mort elle-même ne pouvait être aussi noire ; c'était bien pire que la mort, un cloaque, un marécage opaque ; et l'éternité ne semblait qu'un instant en regard du temps que j'y passais.
Enfin, la sentence fut levée : lentement, la noirceur sans fin du monde se défit.
(...)
La porte s'ouvrit et une femme apparut, vêtue de blanc ; mais avec elle une couleur fit irruption dans ce monde, une forme rouge, vive comme le sang sur la neige, et cela m'affligea au-delà de toute mesure, et j'éclatai en sanglots. "Pourquoi pleurez-vous ?" dit-elle d'une voix mélodieuse, et ses doigts pâles et frais me caressèrent la joue.
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Plein d'avenir ? L'avenir me semblait plutôt se rétrécir chaque jour, le mien comme celui de l'Allemagne. Lorsque je me retournais, je contemplais avec effroi le long couloir obscur, le tunnel qui menait du fond du passé jusqu'au moment présent.
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Vous devez penser : Ah, cette histoire est enfin finie. Mais non, elle continue encore. P837
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Une brève pause pour aller vomir, et je reprends.
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-il ne faut pas oublier non plus que notre colonialisme, même africain, était un phénomène jeune, et que les autres, à leurs débuts, n'ont guère fait mieux: que l'on songe aux copieuses exterminations belges au Congo, à leur politique de mutilation systématique, ou bien à la politique américaine, précurseur et modèle de la nôtre, de la création d'espace vital par le meurtre et les déplacements forcés - l'Amérique, on tend à l'oublier, n'était rien moins qu'un "espace vierge", mais les Américains ont réussi là où nous avons échoué, ce qui fait toute la différence.
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On a beaucoup parlé, après la guerre, pour essayer d'expliquer ce qui s'était passé, de l'inhumain. Mais l'inhumain, excusez-moi, cela n'existe pas. Il n'y a que de l'humain et encore de l'humain: et ce Döll en est un bon exemple. Qu'est ce que c'est d'autre, Döll, qu'un bon père de famille qui voulait nourrir ses enfants, et qui obéissait à son gouvernement, même si en son for intérieur il n'était pas tout à fait d'accord ? S'il était né en France ou en Amérique, on l'aurait appelé un pilier de sa communauté et un patriote; mais il est né en Allemagne, c'est donc un criminel. La nécessité, les Grecs le savaient déjà, est une déesse non seulement aveugle, mais cruelle.
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Les victimes, dans la majorité des cas, n'ont pas plus été torturées ou tuées parce qu'elles étaient bonnes que les bourreaux ne les ont pas tourmentées parce qu'ils étaient méchants. Il serait un peu naïf de le croire, et il suffit de fréquenter n'importe quelle bureaucratie, même celle de la Croix-Rouge, pour s'en convaincre. Staline, d'ailleurs, a procédé à une démonstration éloquente de ce que j'avance, en transformant chaque génération de bourreaux en victimes de la génération suivante, sans pour autant que les bourreaux viennent à lui manquer.
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Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis, le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire?
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