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Critiques de Juli Zeh (212)
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Nouvel an

Ça ne va pas trop fort dans le couple que forment Henning et Theresa. Ils ont deux enfants, Jonas et Bibbi qui leur compliquent la vie malgré le bonheur qu'ils apportent. Aussi, Henning a cru bien faire en organisant un séjour sur l'île de Lanzarote (Canaries) pour y passer Noël et le Jour de l'An, deux semaines au soleil, au lieu de se geler à Göttingen.





Lanzarote est présentée comme « l'île aux vélos » et ça tombe bien car Henning adore pédaler. Malgré le grand vent qui perturbe beaucoup Theresa, le premier janvier, il décide enfin d'enfourcher le vélo qu'il a loué afin d'escalader le volcan Atalaya de Femès.





Tout en roulant, il pense à sa vie, revoit le réveillon de la veille au restaurant, tout ce qui cloche dans son couple, son enfance, ses beaux-parents, sa mère et Luna, sa soeur. Cette soeur, est un grave sujet de discorde avec Theresa car la relation fraternelle est fusionnelle et Luna en abuse, revenant vivre très souvent et longtemps aux crochets de son frère, ce que sa belle-soeur ne supporte plus. Enfin, il y a surtout cette Chose qui pourrit son existence, le rend malade et l'empêche d'avoir une vraie vie sociale.

Jusque-là, impossible de se douter, d'imaginer ce que nous réserve la suite car j'ai été littéralement happé par la seconde partie du livre, à partir du moment où Henning rencontre Lisa, Allemande elle aussi, qui lui fait visiter cette étonnante maison isolée, tout là-haut, dominant Femès et ses environs.





Sans divulgâcher, ce qui nuirait beaucoup à la lecture, je peux dire que ces paysages, cette maison, ces galets peints montrés par Lisa, cette citerne recueillant l'eau de pluie si précieuse, tout cela, Henning semble l'avoir déjà vu et c'est là le noeud du problème.





Dans Nouvel An, l'auteure allemande Juli Zeh démontre un talent évident pour détailler la psychologie de ses personnages. Elle les fait vivre avec précision, humour, causticité et connaît bien le vélo ce qui, pour moi, est très positif ! de plus, la traduction de Rose Labourie colle parfaitement au ton, au rythme et au déroulé de l'histoire.





Son roman est un véritable thriller et permet de révéler un énorme traumatisme subi par Henning durant son enfance. Il va très loin dans l'étude des relations familiales et montre bien comment des souvenirs peuvent être créés de toutes pièces soit avec des photos, soit, ce qui peut avoir de très graves conséquences, avec un récit adopté par celui qui l'écoute.





Complètement captivé par ce roman, j'ai souvent frémi et souri parfois tellement la terrible histoire fraternelle regorge de détails pertinents ou amusants. Ce Premier janvier, en vacances aux Canaries, sera une journée essentielle car elle révèlera l'origine du mal dont souffre Henning. Pour savoir s'il réussira à crever l'abcès, une seule solution : lire Nouvel An !



Livre lu dans le cadre des Explorateurs de la Rentrée littéraire 2019 de Lecteurs.com.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Nouvel an

La vie du narrateur lui échappe : son couple bat de l'aile, ses enfants l'épuisent, son travail est ingérable et il est de plus souvent sujet à de terribles crises d'angoisse qui le laissent vide et sans force. Il a soudain l'idée d'emmener les siens à Lanzarote pendant les vacances de fin d'année. Le jour de l'An, au cours d'une ascension solitaire en vélo entamée pour échapper à la morosité familiale, il croit reconnaître des lieux connus dans son enfance : le passé lui remonte brutalement à la figure, faisant resurgir de vieux évènements traumatisants refoulés au plus profond de sa mémoire.





Le récit commence doucement, autour du mal être du personnage principal qui, malgré toute sa bonne volonté, ne parvient pas à gérer son existence. Lorsque son passé se rappelle violemment à lui, le rythme s'emballe soudain, et le lecteur se retrouve aspiré aux côtés du narrateur, dans une tension horrifiée qui ne se relâchera plus avant le dénouement inattendu, aux nouvelles perspectives inextricables.





Le cadre si particulier de Lanzarote éclaire de ses contrastes en noir et blanc un huis-clos d'autant plus angoissant qu'il enferme dans son drame deux très jeunes enfants. Tandis que le lecteur tremble et s'étonne, il comprend peu à peu les raisons qui empêchent encore aujourd'hui le principal protagoniste de vivre normalement : une prise de conscience qu'il imagine semblable dans la tête du narrateur, et pourtant…





Construit sur les terribles conséquences du silence et du déni autour d'un implacable fait divers, ce roman fait doublement froid dans le dos : l'on y frémit des épreuves traversées par les deux enfants, mais aussi de leurs souffrances à l'âge adulte. Ce roman est une excellente surprise, qui se dévore en une soirée et continue de vous hanter bien après sa dernière page.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Décompression

Jola et Théo viennent faire un stage de plongée sur l'île de Lanzarote. Actrice, la jeune femme prépare ainsi un futur premier rôle au cinéma. Ses relations avec Théo, un écrivain plus âgé, en manque d'inspiration, sont conflictuelles.

Sur l'île, ils sont hébergés par Sven, le moniteur de plongée, et sa compagne Antje. Très vite, Sven se sent attiré par Jola, qui ne fait rien pour le décourager, bien au contraire...

Mais qui manipule qui dans cette histoire ?



Juli Zeh cache bien son jeu ; il faut en effet attendre les toutes dernières pages pour comprendre qu'on s'est fait balader dans les plus de 250 qui précèdent.

Les personnages sont crédibles : le pas si vieil écrivain, cynique et désespéré par son manque d'inspiration ; la jeune actrice prête à tout pour réussir ; le moniteur séducteur séduit ; la compagne pas si consentante que ça...

Le milieu de la plongée est décrit de façon réaliste (non pratiquant, je ne saurais dire s'il l'est de façon crédible). Le décor, l'île Lanzarote, est décrit avec juste la précision qu'il faut pour faire rêver, donc sans luxe de détails.

Le huis-clos, car il s'agit bien de cela entre les quatre personnages principaux, est clairement posé et astucieusement utilisé.

Ajoutons les qualités de conteuse de l'auteure, son écriture fine et millimétrée (bravo au traducteur, Matthieu Dumont), et l'on obtient un excellent bouquin, un thriller psychologique, dans une ambiance étouffante, bien caché derrière un roman basé sur le trio "conjoint-conjointe-amant" !
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Nouvel an

Un plaisant et curieux roman sur le refoulement des traumatises de l’enfance. Vacances d’un couple et enfants sur une île espagnole. L’homme décide de reprendre le vélo. C’est en grimpant sur une route de montagne qu’il fait le point sur son rôle de père. Mais surtout un événement va surgir de son passé. Oubli ? Imagination ? Original et doté d’une belle écriture où chaque coup de pédales augmente le suspens. Agréable surprise pour un roman talentueux.
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Nouvel an

J'avais beaucoup aimé «  La Fille sans qualités » , à l'écriture brillante, publié aussi chez Actes Sud en 2007.



Je me suis plongée avec plaisir dans ce roman vertigineux , un peu lent dans la première partie mais prenant, haletant, angoissant, jusqu'aux dernières pages, un huit- clos qui étonne, angoisse , passionne aussi .



Lu d'une traite...



Vacances de Noël en famille pour Henning , Theresa, son épouse, Bibi et Jonas , leurs très jeunes enfants, deux et quatre ans, sur l'île de Lanzarote, l'île aux vélos .

Or, le temps est maussade, le premier janvier, comme la vie du narrateur Henning part en vrille : son couple ne va pas pour le mieux, les enfants l'épuisent , il ne parvient plus à communiquer avec Theresa.



Il décide d'enfourcher un vélo et de s'éloigner un tant soit peu des obligations familiales.

Pédaler lui fait du bien, comme si l'angoisse descendait de son ventre pour être brûlée dans ses jambes ça tire dans les cuisses, il a faim et soif..



j'ai bien aimé ces passages qui décrivent les vraies sensations pour celui qui aime pédaler dans les ascensions harassantes...



Mais Henning désirerait rester sur son vélo jusqu'à la fin de ses jours, primitif, pré humain, luttant contre le vent, contre la montagne...un premier de l'an....

Il ressent une colère contre le monde entier, brûle de l'intérieur .



Car lacets, pentes vertigineuses l'empêchent de penser à la CHOSE...cette CHOSE qui l'habite , le menace , le hante , revient , fait de son quotidien un enfer...

Arrive épuisé au sommet de la montagne où village et paysage se révèlent , trouants comme un voile qui se déchire un lieu maudit de son enfance.

Il se livre à une pénible introspection , repensant au réveillon raté , à ses crises d'angoisse...se heurte soudain à des souvenirs enfouis .

Je n'en dirai pas plus. ...

L'auteure, dans la seconde partie , se livre à un excellent travail d'expérimentation psychique .

Elle ressuscite chaque instant du passé avec minutie , plonge Henning dans l'obscur refoulé de sa mémoire, appuie sur les moments de sortilège, d'irréalité entre non- dits , secrets de famille ,l'expérience traumatisante , où fantasmes et démesure s'étalent au grand jour .



La tension monte, L'auteure maintient le suspense, avec brio.



Construit sur les conséquences du déni autour d'un terrible fait divers , ce récit banal au début fait froid dans le dos ...

Un thriller psychologique bien mené ..

«  Au fond, tout risque de rameuter la Chose. La Chose ouvre les yeux. La Chose flaire le vent . » «  La nécessité de contrôler ses pensées —- c'est presque ce qu'il y a de pire dans la Chose. »
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Brandebourg

« Brandebourg » est un roman intéressant dont il serait dommage de se priver. L’histoire se déroule dans une campagne riante autrefois située en RDA qui a gardé de son passé récent l’idée que seul l’immobilisme pouvait éviter de réveiller les tragédies. Mais Berlin est proche et des néo-ruraux s’installent pour profiter des joies champêtres tout en ignorant -en bons citadins qu’ils sont restés- des voisins qui les indiffèrent.

Lorsqu’un parc éolien choisit ce patelin de 200 âmes pour s’y installer, les nouveaux arrivants, inconscients des forces en présence, vont ébranler le modus vivendi du village pour défendre leurs intérêts particuliers.

Les voix des habitants, qui se succèdent et se répondent, vont exprimer cet ébranlement, chacun en charge de sa vérité propre, ce qui permet au roman de se déployer sans manichéisme. Si la mise en place des différentes instances narratives est assez laborieuse, l’autrice garde la main grâce à un humour d’autant plus présent qu’elle se représente dans un certain nombre de personnages pas franchement sympathiques, dont un auteur raté et une éleveuse de chevaux (ce qu’est effectivement Juli Zeh) parfaitement amorale.

Quant à l’équilibre mis à mal, il se reformera et l’épilogue fait irrésistiblement penser au « Guépard » de Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne change. »

Mais cette fresque rurale et sociale n’est pas exempte de défauts et on pourrait même dire, pour se mettre au diapason d’un style souvent clichetonneux, qu’elle chausse de gros sabots.

Déjà, si les 150 premières pages sont aussi pesantes, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit pour le lecteur de faire connaissance avec de multiples personnages dont les liens entre eux ne se dévoilent que progressivement. C’est surtout à cause des tartines historico-sociologico-psychologisantes qui les accompagnent. Chaque personnage arrive lesté de son background dont rien ne sera épargné au lecteur. Et comme si cela ne suffisait pas, Juli Zeh marie la symbolique avec une force d’évidence dont on se passerait bien: le communiste est maigre, le capitaliste gras; quant à la vengeance finale, on n’ose imaginer plus allégorique.

Et surtout, tous les personnages sont de grands sentencieux, qui passent leur temps à nous balancer leur conception de la vie, à laquelle s’ajoute, pour faire bonne mesure, la conception qu’a l’autrice de la littérature. « Plus j’en apprenais, plus l’histoire me faisait penser au jouet préféré de mon enfance, un kaléidoscope rouge dans lequel on voyait un motif fait de minuscules perles multicolores. On tournait un peu, et tout avait l’air différent. » ou bien « chacun habite son propre univers dans lequel il a raison du matin au soir. » Mon dieu que c’est original tout cela. Sans doute le concepteur de jeux vidéos est-il le personnage qui exprime le mieux la philosophie de ce roman : soit des personnages archétypaux mis les uns en présence des autres dont la rencontre ne peut générer qu’un nombre limité de réactions, dans une forme exacerbée de causalité loin de l’ambiguïté fondamentale du vivant.

Dans « Brandebourg », l’amoureuse des livres est légiste: or, lire a moins à voir avec la dissection qu’avec le vampirisme. Un roman doit pouvoir se nourrir des rêves et des interrogations de ses lecteurs -et c’est cette liberté-là que Zeh ne semble pas décidée à nous donner.
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Le pays des hommes

Petit roman illustré assez charmant, Le pays des hommes s’adresse à de jeunes enfants, probablement entre 5 et 8 ans. Juli Zeh raconte l’histoire d’un jeune garçon, Robs, qui atteint impatiemment l’arrivée de la neige pour pouvoir célébrer correctement Noël qui approche à grands pas. Sur le chemin de l’école, il s’arrête un instant au par cet fait une rencontre étonnante : Nittaalaq, une Inuit de son âge. (En fait, le roman parle sans cesse d’Esquimaux mais c’est un terme jugé un peu péjoratif chez les nations autochtones…) Cette nouvelle amie lui raconte quelques légendes sur les peuples du Groenland. Tout y passe : les premiers arrivants, la chasse et la pêche, la construction des igloos, la confection des vêtements, etc. Même, comment les Inuits « fabriquent » l’hiver. Oui, oui, vous avez bien lu ! Ce sont eux qui le fabriquent et l’apportent dans le sud ! D’ailleurs, c’est la mission de Nittaalaq et la raison de sa présence mais… elle n’y parvient plus et Robs devra essayer de lui venir en aide. Je vous laisse deviner si le jeune garçon aura son Noël blanc ou non.



Le pays des hommes est instructif (jusqu’à un certain point) mais surtout émerveillant. Les jeunes lecteurs devraient apprécier plutôt bien. C’est dû en partie à cette histoire simple et jolie de Juli Zeh mais également à la personne derrière les illustrations, Gabriella Giandelli. Coup de chapeau ! J’aime bien ses personnages et ses animaux aux traits arrondis et bienveillants mais, surtout, le traitement des couleurs. Le blanc et le noir (et toutes les nuances de gris entre les deux) et le bleu sont très appropriés à l’histoire racontée. Même si elle se déroule dans une ville (probablement allemande, si je me fie au nom de l’auteur), elle fait beaucoup référence au Groenland, au Grand Nord, à la neige. Je m’intéresse un peu plus à la littérature jeunesse depuis que j’ai quatre nièces et je constate qu’il se fait beaucoup de belles choses. Je ne peux que m’en réjouir, en espérant produire le plus de futurs lecteurs possibles.
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Coeurs vides

Pour son second ouvrage en territoire science-fictif après Corpus delicti en 2010, la romancière (et juriste) allemande Juli Zeh imagine une histoire qui mêle uchronie et dystopie sur fond de thriller politique. Coeurs Vides, traduit par Rose Labourie, est un livre court mais passionnant publié cette année par les éditions Actes Sud dans leur collection ExoFictions. Si l'actualité semble actuellement davantage à l'action qu'à l'attentisme, le roman de Juli Zeh reste quant à lui tout à fait pertinent sur l'état de la démocratie en 2022.



Un terrorisme sous contrôle

Pour mieux comprendre de quoi l'on parle, plongeons dans l'univers de Coeurs Vides. Nous sommes en Allemagne en 2025 et Angela Merkel a perdu les élections au profit d'un mouvement nouveau appelé CCC (pour Comité des Citoyens Concernés) dirigée par une certaine Regula Freyer. Sous cette appellation, un parti autoritaire et extrémiste qui réduit petit à petit toutes les libertés et les acquis fondamentaux des citoyens allemands à coup de « packs d'efficience ».

De la réduction du seuil démocratique à l'interdiction des bières étrangères, le CCC cadenasse la société allemande « pour son propre bien ».

L'Allemagne n'est d'ailleurs pas la seule dans cette étrange situation puisque l'on apprendra au détour d'une phrase que le Frexit a suivi le Brexit, que Donald Trump et Vladimir Poutine ont redoré leur image publique en parvenant à exiler Bachar al-Assad et à mettre fin à la guerre en Syrie.

Un vent autocratique souffle sur le monde et l'Europe n'y fait pas exception.

Dans ces conditions, on imagine déjà des révoltes un peu partout…mais Coeurs Vides nous prend à contre-pied en débutant son action par un repas entre amis tout ce qu'il y a de plus banal. Alors que les enfants des deux couples s'amusent, la politique n'est abordée que du bout des lèvres, de façon un peu honteuse, comme si un ras-le-bol silencieux s'était emparé des convives.

Il faut dire aussi que l'hôte de la soirée, Britta Söldner, profite largement de la situation actuelle en Allemagne puisqu'elle dirige une organisation d'un genre très particulier appelée le Pont avec son ami et collègue Babak Hamwi. Sous ses dehors d'organisation thérapeutique pour les suicidaires allemands, le Pont repère les éléments les plus à risques de la société pour les passer à travers un programme en douze étapes visant à tester leur volonté suicidaire.

Et si rien n'y fait, ni les cliniques, ni les médicaments, ni la torture, ni la mise en conditions réelles, Britta leur propose de donner une utilité à leur suicide en les rencardant avec des organisations terroristes, des écologistes de Green Power aux islamistes de Daech, tout en fixant un nombre de victimes et un montant de dégâts acceptables. Une façon comme une autre de garder le contrôle et d'être cyniquement utile à la société apathique dans laquelle vit Britta. Sauf que lors de ce repas entre amis, un attentat est déjoué à Leipzig…et Britta n'y est pour rien ! Un concurrent mystérieux vient rebattre toutes les cartes et menace l'équilibre de la terreur savamment entretenu par l'organisation.

Voilà, en somme ce qui va occuper notre « héroïne » Britta Söldner pendant les 285 pages de Coeurs Vides. Les guillemets sont de rigueur puisque Britta est loin d'être une personne recommandable. Au contraire, elle constitue certainement une synthèse parfaite de la situation politique de son pays pris dans la tourmente post-démocratique des années 2010–2020.

Juli Zeh, au-delà du thriller mené de main de maître, s'interroge sur ce qui pourrit nos démocraties et les mènent à l'échec.



En quête de sens

La dystopie dans Coeurs Vides restent toujours en sourdine, au détour d'une discussion entre amis, après l'annonce d'une nouvelle mesure restrictive par le CCC, en croisant des terrains aménagés pour des programmes spéciaux autour du sport, en scrutant le déplacement de Regula Freyer à l'étranger…

Et si le noeud uchronique du roman, en l'occurrence la victoire mondiale du populisme et de l'autoritarisme, se fait vite discret, c'est parce que le roman de Juli Zeh n'est pas tant un roman d'anticipation qu'un roman de politique-fiction où l'autrice démêle les fils enchevêtrés d'une démocratie qui a perdu la face. Son héroïne, Britta, est un parfait reflet du glissement d'une partie de la population, ni trop pauvre ni trop aisé, qui trouve dans la situation une zone grise lui permettant de vivre plus ou moins confortablement.

Britta profite du cynisme ambiant et de la perte de l'élan vitale chez ses concitoyens pour les utiliser à des fins politiques et populistes, prenant le terrorisme pour une monnaie d'échange, un business, transformant le message politique en stratégie marketing. Britta, au fond, a conscience que ce qu'elle manigance n'a rien d'innocent, mais elle préfère ignorer ce fait et mettre en sourdine sa propre conscience pour profiter des bénéfices générés par cette entreprise peu recommandable.

Elle est donc à l'image de la société dans laquelle elle vit, une société où l'on troquerait volontiers ses droits démocratiques contre un lave-linge, au diable les grands principes et vive le confort moderne capitaliste. Juli Zeh constate l'échec du système démocratique parce qu'il repose sur un investissement minimum de la part du socle, c'est-à-dire du citoyen. Que se passe-t-il quand celui-ci n'a plus l'envie, dégoûté par un système qui tourne à vide et qui joue avant tout sur la peur de son prochain pour fonctionner ? Que se passe-t-il lorsque l'électeur, rassuré par la stabilité de son petit confort moderne n'a plus l'impulsion de se renseigner, de s'informer et, finalement, de s'indigner ?

Que se passe-t-il quand même les actes terroristes deviennent des petits arrangements entre amis quasi-inoffensifs ?

La démocratie meurt, le vote n'a plus d'utilité et les opportunistes (du CCC) s'engouffrent dans la brèche. Dès lors, la démocratie d'hier devient le terreau fertile des dictatures de demain.



De la violence en politique

Il y a dans Coeurs Vides un constant sentiment de gâchis qui entre en collision avec l'utilisation du suicide comme d'une arme politique. Il est d'ailleurs édifiant que Juli Zeh ait choisi ce sujet tabou dans les sociétés occidentales pour construire son intrigue, nous mettant aux côtés de personnes particulièrement déterminés à mourir et qui, sans en avoir conscience, sont bien plus vivantes que la plus grande part d'une population rivée à son écran de smartphone ou à son fil Twitter.

Là où l'autrice allemande surprend, c'est par son refus cependant de faire tomber un régime totalitaire par des méthodes tout aussi expéditives.

Elle a l'intelligence de comprendre, et de nous faire comprendre, que de forcer un changement de régime quand la population n'a pas pris la mesure du mal qui règne dans le pays, c'est toujours et encore décider pour ladite population et la renforcer dans son apathie. C'est remplacer une dictature par une autre forme de dictature, c'est oublier de réveiller le monde et approuver la léthargie de l'électeur moyen qui regarde les changements comme un spectateur regarde les rebondissements d'un blockbuster au cinéma.

Dans le fond, tout le cheminement de ce roman plus malin qu'il n'en a l'air, c'est de chercher à réveiller les consciences, par l'extrême, par un chat gris et une pierre, et pas en caressent son lecteur dans le sens du poil. Car si l'on ne réagit plus devant ce qui est fondamentalement mal, peut-être ne mérite-t-on pas autre chose à la fin ? Derrière la mécanique de la terreur, Juli Zeh réfléchit sur l'impact de la violence et les conséquences de la radicalité idéologique pour mieux capter l'immobilisme de notre siècle, consacrant sans le dire Julietta comme la véritable héroïne de cette histoire à la place d'une Britta complice et opportuniste.



Mêlant dystopie, uchronie et surtout politique-fiction, Coeurs vides parvient à questionner le lecteur sur son engagement démocratique et à réfléchir sur les limites d'un système qui repose sur la volonté de ses électeurs. Ajoutez-y un thriller efficace et un sous-texte dérangeant sur l'utilité de la violence pour changer les choses et vous obtenez un roman engagé et dérangeant qui refuse les effets de manche.
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Décompression

Lorsque l'on est en plongée, sous l'eau, on a l'impression que le temps s'arrête. D'être dans un autre espace-temps. L'univers sous-marin appelle à la régression, le retour au liquide amniotique, et même à une remontée dans l'évolution des espèces. Je m'y suis toujours senti en sécurité, comme protégé des turpitudes des contingences terrestres. Loin du vacarme qui nous envahit habituellement. La beauté des fonds sous-marins, que j'ai parfois comparé à un jardin, m'a toujours fait pensé à de la poésie. Je m'y sentais dans un état second. C'est tout à fait ce que ressent Sven, ce moniteur de plongée, qui a laissé son Allemagne natale pour fonder avec son amie un club de plongée aux Canaries. Suite à une déception professionnelle, il a décidé de tout quitter, de s'affranchir de la réalité économique, politique, sociale, bref, de la vie européenne. Son club fonctionne très bien, il est à peu près heureux, bien que la relation avec sa compagne devienne de plus en plus routinière. Mais, en somme, tout va bien.

Jusqu'à l'arrivée sur l'île, d'un couple fortuné, de la jet-set berlinoise, Jola von Pahlen, actrice qui doit obtenir son brevet de pongée pour l'obtention d'un rôle important et son compagnon, Théo écrivain assez connu. Ils ont payé très cher pour réserver l'exclusivité d'un stage de plongée pour 2 semaines. Mais très vite, les relations entre les 4 protagonistes vont tourner au cauchemar. Et peu à peu, sans que l'on sache vraiment à quel moment, le roman plutôt psychologique, va glisser vers le polar sociologique. Car, le monde que Sven voulait fuir, va lui revenir comme un boomerang. Les requins ne se trouvent pas uniquement sous l'eau. Je dis polar sociologique, mais je pourrais même parler de luttes de classes. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, aussi. Sven, avec son honnêteté assez naïve, va se faire méchamment manipuler par Jola et Theo, jusqu'au meurtre. "L'île entière était un champ de bataille. Je ne pouvais plus rester à l'écart de la mêlée. Mon espace vital venait d'être anéanti comme celui d'une espèce en voie de disparition. Mon existence n'était plus possible que sous la surface. Là où tout était ordre et beauté". Je n'en dis pas plus. Si vous aimez ce genre, lisez ce livre, vous ne le regrettez pas.
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L'aigle et l'ange

Résumer L’aigle et l’ange est un peu difficile. Allons-y avec Max, un jeune allemand qui n’aime pas son travail même s’il l’exerce correctement (son patron semblait bien le considérer même si son départ le laisse un peu indifférent). Mais qu’est-ce qui le préoccupe autant ? Jessie. Cette femme qu’il a autrefois aimée et qu’il aime encore, mais qui s’est enlevée la vie. Depuis, plus rien n’a de sens. Avec de nouveaux amis (dont Clara), Max erre à travers l’Europe, de l’Allemagne à l’Albanie en passant par Vienne. Ses errances n’ont aucun but précis, si ce n’est chercher à revivre des souvenirs, à capter l’instant passé (oui, oui, passé !), à ressentir quelque chose, n’importe quoi sauf ce vide. Sortir et rester à la fois dans sa léthargie. Même la drogue, frayer avec la mafia albanaise.



Je suppose que l’aigle est Max et l’ange… la regrettée Jessie.



Sur l’édition que j’avais entre les mains, on parle du parcours d’un groupe de jeunes désabusés, presque des nihilistes. Je l’étais tout autant, désabusé, par cette lecture. À aucun moment, les personnages ne m’ont semblé sympathiques ; encore moins intéressants. Ils auraient pu mourir à leur tour que cela m’aurait laissé de glace.



J’ai ri un peu, par moment. Par exemple, quand j’ai finalement compris que Jacques Chirac était le nom donné au chien de Marie. À part cela… Bof ! C’est dense, noir, pas vraiment le genre de livres qui me plait. Les dialogues ne sont pas identifiés par des tirets, on peut parfois les confondre avec le reste de la narration, ce qui ajoute à l’impression de densité. L’histoire ne devient qu’un gros morceau compact de lettres, ce que j’ai trouvé rebutant.



L’aigle et l’ange n’est pas un mauvais livre mais je ne comprends pas l’engouement qu’il a suscité. Apparemment, ce fut la révélation de son auteure, Juli Zeh. Là encore, je suis surpris. Son écriture me semble assez ordinaire. Quoique c’est un premier roman, alors il faut laisser le temps à sa plume de s’affermir et de se développer. Je suis curieux (sans doute à cause de ses sources d’inspiration, Brest Easton Ellis et Robert Müsil ?) de lire ses autres ouvrages. Peut-être que le prochain rendez-vous se déroulera mieux.
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Corpus delicti : un procès

Corpus delicti est une belle découverte que je dois à mon libraire préféré. L'Allemande Juli Zeh est diplômée à la fois de littérature et de droit. Mélange intéressant qui se retrouve dans son formidable roman.



L'intrigue se déroule en 2057. L'Etat a instauré la Méthode qui garantit à tous les citoyens santé et longévité. Tout dans le pays est d'une propreté clinique, à commencer par les êtres humains. Tout est sous contrôle : chaque jour une batterie de tests est transmis à l'organisation centrale pour s'assurer de la bonne santé de chacun.

Juli Zeh a poussé le principe de précaution médicale à son extrême dans ce roman d'anticipation. L'amour est devenu une affaire de compatibilité génétique. Café, thé et toutes substances nocives et excitantes sont formellement interdits. Tout au plus, pour les téméraires, peut-on ajouter un peu de citron dans une bonne tasse d'eau chaude... Et oui, vive la cordialité au pays de la Méthode!



Mia, l'héroïne, s'est jusqu'à présent tenue dans les clous, travaillant comme biologiste et obéissant aux prescriptions qui rythment le quotidien. La mort de son frère, un sujet dangereux car tendant à la subversion, va changer la donne.



Le ton de l'ouvrage est volontairement froid. J'y ai retrouvé un peu de l'ambiance particulière du 1984 de George Orwell. Juli Zeh dépeint une société angoissante et déshumanisée par trop de propreté, trop de codes rigides réglant les rapports entre les êtres. L'auteure nous rappelle qu'un monde stérilisé pour assurer une hygiène maximale est un monde mort, ou tout comme.



Si assurer la santé de tous est évidemment une bonne chose, les excès et dérivés d'un tel système conduisent tout droit à un régime totalitaire. Gare au clou qui dépasse! Quid du sous-titre Un procès? Je m'en voudrais de déflorer ce ressort!
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Décompression

Un couple de vacanciers, une île de rêve, un moniteur de plongée et sa compagne : tels sont les ingrédients de ce cocktail détonnant, et nous voila partis pour presque 300 pages de chassé-croisé entre ces personnages ayant tous des zones d’ombre dans un univers où le soleil tape du matin au soir.

L’univers de la plongée est omniprésent mais pas déplaisant du tout, même pour la novice que je suis. En revanche l’atmosphère est loin d’être celle à laquelle on s’attend sur cette petite île paradisiaque. Ici, les vacanciers comme les habitants vivent au rythme des marées, à la vitesse d’un plongeur qui découvre et s’émerveille de son environnement.

Mais il y a une énorme différence entre ce que l’on voit, ce que l’on croit et ce qui se passe réellement. Les personnages de ce roman nous entraînent donc dans un ballet aquatique hypnotique et malsain.

Le roman se lit facilement mais j’ai eu l’impression que chaque scène était un prélude à quelque chose d’horrible, de pervers ou d’angoissant.

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L'ultime question

Où il est question de physique quantique et d'univers parallèles, de l'enlèvement d'un enfant et d'un odieux chantage, d'un meurtre perpétré par un homme venu d’ailleurs, d'un drôle de commissaire préoccupé par des questions existentielles et de l'affrontement entre deux scientifiques aux relations ambiguës…



Dans un Fribourg estival où le temps semble s'étirer, se distendre dans une sorte de ralenti et s’enrober dans la chaleur étouffante du mois de juin, Sébastian, physicien adepte des mondes multiples, va faire la dure expérience du libre arbitre et voir tous ses repères voler en éclat dans un réel qui le dépasse. Pris au piège entre ses convictions scientifiques et la contrainte d’une action criminelle qui lui répugne, il est soumis à un affreux dilemme où vont se confronter valeurs éthiques et principes modernes de théories quantiques.

Menant sa toute dernière enquête avant la retraite, le commissaire Schilf, homme singulier aux déductions insolites, essaie par tous les moyens, même les plus saugrenus, d’appréhender la vérité dans une réalité ceinte d’un épais brouillard d’incertitudes. C’est ainsi qu’il se résout à utiliser la tumeur au cerveau dont il souffre, en s’aidant des hallucinations que la maladie cérébrale lui provoque…

Ce drôle de bonhomme qui ne croit pas plus au hasard qu’à l’objectivité des faits, déchiffre les indices à la fois à coup d’interrogations métaphysiques, de raisonnements philosophiques et d’interprétations rationnelles. La lumière qui émergera de son originale approche policière sera bien plus étonnante que tout ce qu’il avait au préalable pu concevoir.



Depuis la parution de son premier roman « L’aigle et l’ange » puis de « La fille sans qualités » - titre clin d’œil au récit de Robert Musil « L’homme sans qualité » - la romancière allemande Zuli Zeh, née en 1974, est devenue l’une des figures majeures de la jeune génération des lettres d’outre-Rhin.

Son engagement politique, ses prises de positions et son franc parlé ont fait d’elle une artiste considérée, souvent sollicitée par les médias pour s’exprimer sur les phénomènes de société.

Ses livres dénotent en effet une sérieuse inclination pour les questions d’ordre éthique et abordent souvent les thèmes de l’implication, de la conscience collective et des valeurs morales dans notre monde « moderne ».



Avec « L’ultime question », la romancière allemande recourt au genre policier dans une élaboration tout à fait originale et personnelle où elle entrecroise la métaphysique et la physique quantique.

Cela donne un roman insolite, extravagant, à la limite de la science-fiction, émaillé de sujets philosophiques et existentiels.

Responsabilité, culpabilité, causalité, libre arbitre, dualité entre le bien et le mal…ce n'est pas Une Question Ultime mais bien une série d’interrogations ontologiques que l'auteur soumet à notre réflexion, en y associant les préoccupations et les convulsions de la physique moderne.

Entre rationalisme, idéalisme et antagonisme perpétuel entre le bien et le mal, il est souvent bien difficile de choisir ou d’émettre un jugement de valeur tranché et définitif, et ce d’autant plus lorsque l’existence d’univers multiples engendre autant de contradictions que de possibilités !

Ainsi, une action criminelle a-t-elle le même poids moral lorsqu’on sait que dans un monde parallèle cette action n’a jamais été commise ? Peut-on tuer délibérément un homme avec la seule justification scientifique que ce dernier est toujours vivant dans une autre dimension ? La démonstration scientifique peut-elle aller à l’encontre des considérations conceptuelles de Bien et de Mal ?



Zuli Zeh nous offre là un thriller scientifique et métaphysique des plus interrogatifs ! Si le sujet est parfois un brin confus et ses contours un peu flous, « L’ultime question » fait néanmoins partie de ces livres curieux et attirants qui nous laissent dans un état de perplexité et la tête pleine d’une réflexion riche et intelligente.

Au côté de personnages attachants et rehaussée d’une écriture qui va droit au but, modelée avec une concision imagée et sensitive, la romancière, en fine observatrice de notre société contemporaine, nous immerge dans une réalité où le tangible et le perceptible résultent bien souvent de sentiments personnels sous tendus par un système devenant hélas de plus en plus individualiste…

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La Fille sans qualités

Dans ma Pal depuis deux ans, la fille de la 1ere de couv. , m’a fait de l’œil à chaque fois que j’ai croisé son regard. Ce n’est pas elle, la fille sans qualités. C’est indéniablement une princesse à savoir une ado typée jeune pouliche à chevelure soyeuse, peau parfaite, silhouette déliée, fringues à la mode portées avec un naturel nonchalant.

Non, la fille sans qualités est Ada, 14 ans, un physique un peu ingrat, une intelligence affutée comme un couteau à viande. Elle se tient à l’écart des autres élèves. Asociale, arrogante, chacun craint ses réparties incisives.

Et pourtant Ada va se lier à Alev, un jeune homme de 18 ans, aussi suffisant et arrogant qu’elle mais disposant d’un charisme qui va rapidement faire de lui un personnage incontournable du lycée.

Très lentement un rapprochement s’opère jusqu’à la mise en place d’un « jeu » dont Smutek, le prof d’allemand est contraint de participer comme victime désignée par Alev, le maître du jeu.

Je pensais ne jamais venir à bout de ce récit qui a pourtant des qualités d’écriture certaines, une construction efficace. Le choix de confier la narration à la juge chargée de statuer sur cette affaire car tout finira par un procès annoncé d’entrée, est judicieux…

Et pourtant.

Que ce roman est long…………………

Que la présentation des personnages est lonnnnngue……… Qu’Alev, populaire mais suffisant, manipulateur, amoral est détestable.

Que la mise en place de l’intrigue est longuuuuuuue….

Que les introspections des uns, des autres m’ont semblé oiseuses, que les interminables échanges sur le Bien, le Mal, Dieu, le Diable, le passé, le présent « Le présent n’est jamais qu’un présent futur » qui s’appuient certainement sur des références philosophiques (mais sur ce point je suis mauvais juge étant limitée dans ce domaine) m’ont fatiguée.

L’insistance à souligner la supériorité de l’intelligence des deux ados m’a également épuisée. J’ai été dérangée d’ailleurs par la thèse sur laquelle repose tout le récit. Des ados intelligents seraient forcément comme se réclament eux-mêmes Ada et Alev « les arrière-petits-enfants des nihilistes ».

Un roman dont j’attendais beaucoup et qui finalement, après tant d’efforts pour en venir à bout, s’est révélé démoralisant.



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Décompression

Sven, la quarantaine, allemand et, après ses études de droit, s'est installé il y a une quinzaine années à Lanzarote pour y vivre de sa passion et devenir moniteur de plongée. Il vit avec Antje, qu'il a connu quand elle n'était encore qu'adolescente, et qui gère l'administratif de l'école de plongée et de la location de la petite maison de vacances qu'ils louent aux stagiaires. Quand un couple réserve les services de Sven pour deux semaines, celui accepte sans hésiter pour les rentrées financières particulièrement élevées, sachant qu'il devra être disponible à la fois pour les cours, le nombre illimité de sessions de plongée mais également pour les visites touristiques et sa connaissance de la vie nocturne de l'île. Quand Jola et Théo arrivent, Sven, troublé par la jeune femme va perdre assez rapidement ses repères...Jola trentenaire, fille à papa, vénéneuse, joue dans une série télévisée et se prépare pour un rôle important - tourner le biopic d'une plongeuse réputée, Théo, lui la cinquantaine, a publié il y a bien longtemps un roman qui a eu son petit succès, mais souffre depuis de l'angoisse de la page blanche...

La double narration, celle de Sven et celle de Lola - qui tient son journal, permet de créer la tension et le drame qui se font plus palpables au fur et à mesure des jours qui s'écoulent, et des relations toxiques dans le couple qui s'avèrent tantôt perverses, tantôt violentes; Jola se plaint de l'attitude de Théo dont elle dénonce la violence et cherche à se consoler auprès de Sven; quant à Théo, il noie ses problèmes dans l'alcool et dans des accès de violence qu'il semble oublier le lendemain. Sven tente de rester en dehors du couple mais est sans cesse attiré, provoqué et pris à témoin par l'un ou l'autre dans leur relation de couple toxique.



Avec Décompression, Julie Zeh arrive, par petites touches et grâce aux deux versions divergentes de l'histoire, à créer un huis clos où chacun des personnages énoncent une vérité qui n'est pas celle de l'autre. Entre scènes de ménages feutrées souvent cruelles et plongées où les incidents se succèdent, Julie Zeh balade le lecteur et l'emmène dans les profondeurs de l'âme humaine se jouant de ses héros malheureux pour certains, manipulateurs pour d'autres...Décompression est une première rencontre avec cette auteure et un thriller psychologique réussi, qui m'a séduit et m'a donné l'envie de connaître un peu plus le travail de Julie Zeh.
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Nouvel an

Je lis peu de littérature allemande (Bernhard Schlink, Alina Bronsky) mais après la lecture ce court roman, j'ai très envie de m'y intéresser davantage. En effet, J'ai vraiment apprécié de découvrir Juli Zeh et son brillant sens du récit. L'histoire ici se découpe en 2 parties distinctes. Une première phase assez lente où l'autrice pose ses personnages : Henning sur son vélo en ce 1er janvier en vacances à Lanzarote qui semble fuir (qui, quoi ?) ; ses relations avec sa femme et ses enfants ; la « chose » en lui. Et une seconde partie tout en tension, inquiétante, qui m'a laissée à la fin du livre totalement essorée et ébahie par une issue surprenante. Tout ce que j'aime. Une belle découverte !
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Décompression

Intrigant, troublant et dérangeant (dans le bon sens, si c’est possible), palpitant, mystérieux. C’est ainsi que je décris Décompression, ce thriller de Juli Zeh. Tout commence de façon anodine. Sven est un Allemand qui a tourné le dos à ses études en droit et a tout abandonné pour ce coin de paradis, l’île de Lanzarote, quelque part dans l’Atlantique. Il approche la quarantaine et se la coule douce à s’occuper des touristes et à faire de la plongée. Avec sa compagne Antje, ils forment un couple « down to earth » assez sympathique, nonchalent, qui jouissent d’un mode de vie que certains qualifieraient de quasi-idyllique. Puis arrivent Jola et Théo. « Ils n’avaient pas l’air de vacanciers » (p. 13) Déjà on sait que rien ne sera ordinaire.



D’autres diront que le début est plutôt lent, j’en conviens. Les descriptions du paysages, mêmes si elles occupent plusieus pages, servent surtout à mieux (essayer de) cerner les quatre personnages, qui formeront un genre de huis-clos dans l’immensité de ce coin de paradis. J’aime l’attention portée aux détails par Juli Zeh, toujours juste assez pour titiller le cerveau.



Parfois, la narration passe à Jola. Ou plutôt à son journal intime (des entrées qui dépassent rarement dix pages, mais qui permettent d’en apprendre beaucoup). Toutefois, plus on avance dans le temps, plus il est nécessaire de se demander si ce qu’elle y consigne est la vérité. Dans tous les cas, ça permet d’entrer un peu mieux dans le psychée de cette femme complexe. Parlant d’elle… Jolante von der Pahlen est une femme dans la trentaine. Fille d’un producteur de cinéma célèbre, riche, mariée à Théodore Hast, un écrivain obscur, désabusé et plus âgé qu’elle. Ce qu’elle veut, elle l’obtient. Presque toujours… Là, ce qu’elle veut, c’est une vraie carrière. Depuis trop longtemps elle interprète un rôle dans un téléfeuilleton et elle souhaite faire le saut au grand écran dans un rôle mémorable. Ce rôle, c’est celui de Lotte Hass, une plongeuse des années 1950. D’ailleurs, c’est la raison de sa venue à Lanzarote : effectuer un nombre illimité de plongées pour faire l’acquisition d’un certificat et d’un brevet.



Certains diront que le thème de la plongée est omniprésent. Moi, au contraire, je le trouve à sa place. D’abord, c’est la passion de Sven et la raison de venue de Jola sur l’île. C’est un point de rencontre, un élément de mystère et d’intrigue (ce qu’il peut s’en passer, des choses, sous l’eau !). Aussi, ça rend l’intrigue beaucoup plus réaliste. Ce n’est pas une histoire qui aurait pu se passer n’importe où et qu’on a transplanté à Lanzarote pour que ça fasse pittoresque, non. Tout est essentiel au déroulement.



Ce que j’ai aimé de ce roman, c’est cette ambiance, ce sentiment que quelque chose peut se produire à tout moment. D’où le fait que je classe parmi les thrillers, n’en déplaise à certains. Un accident en pleine mer, lors d’un plongée, un accident de voiture. Tout devient propice à une catastrophe qui semble éminente, à un mystère. « Les essuie-glaces luttaient fébrilement contre les paquets d’eau. La lumière des phares ne portait pas à cinquante mètres. Un renard dégoulinant se tapit au bord de la route. Il avait l’air misérable. Pour autant que je sache, il n’y a pas de renards sur l’île. » (p. 70). Par de simples courts paragraphes, parfois inutiles à l’intrigue, Juli Zeh réussit à nous faire entrer dans son univers étrange, malaisant, mystérieux. Plus on avance, plus le couple Jola-Théo semble fragile, on dirait plutôt deux êtres vivant côte à côte que des amoureux. D’ailleurs, les liaisons extraconjugales ne semblent pas un problème pour aucun des deux. L’important, c’est les projets professionnels de la femme mais, lorsqu’ils semblent compromis, tout se désintègre. Et le malaise qu’on a ressenti tout le long, il se transforme en angoisse.



Toutefois, ce que j’ai aimé de Décompression, c’est que Juli Zeh réussit à me surprendre comme lecteur. Elle me tient tout le temps sur mes gardes, un rebondissement apparaît là où je ne m’en doutais guère et, celui que j’attendais, il ne survient pas. Ou pas au moment que j’imaginais. Et que dire de cette finale ! Un autre auteur aurait terminé son roman sur une note dramatique, avec un coup d’éclat. Zeh, non. On croit que tout finit par se dissiper, même si plus rien n’est pareil (en tout cas pour Sven), et en même temps on en doute. C’est troublant et, en même temps, très intelligent. Vraiment le genre de livre que, si on s'en rend jusqu'au bout, on en reste imprégné. Wow !
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Nouvel an

Si vous êtes indulgent avec Actes Sud parce c'est une excellente maison d'édition. Si le Nouvel An et l'hystérie qui l'entoure ne vous fait pas horreur. Si vous n'avez jamais été à Lanzarote et que cette île vous fascine - a priori. Si vous n'avez pas lu « La possibilité d'une île » de Michel Houellebecq. Si, comme moi, vous avez déjà été à Lanzarote et que vous n'avez pas été déçu par toute cette caillasse noire. Si, comme moi, vous avez été à Lanzarote et que vous n'avez pas été dégoûté par les hordes de touristes anglais qui vont rôtir leurs fesses blafardes sur les plages. Si vous n'avez pas vu le film « Gazon maudit » dans lequel Alain Chabat gravit péniblement une pente à vélo et s'écroule dans la fosse à purin des cochons. Si vous ne vous êtes pas lassé des histoires de mecs quarantenaires abandonnés par leurs femmes. Si vous vous n'avez pas été durablement impressionnés par Günther Grass, Heinrich Böll, ou Thomas Mann et si la littérature allemande contemporaine vous intrigue encore. Si le fait d'avoir deux récits en un ne vous rebute pas. Si vous êtes capable d'attendre la page 115 pour voir le récit décoller et lire enfin quelque chose de puissant. Ça fait beaucoup de « si » et ça ne m'a donc pas suffi. C'est frustrant parce que de cette fameuse page 115 à la page 172, c'est du grand art. Ce sont des lignes à haute tension qui défilent sous les yeux. On est pris à la gorge, on panique avec les gamins, à se demander d'où va surgir la catastrophe. Une vraie réussite, qui fait regretter la première partie du livre, beaucoup trop poussive, et bourrée de clichés.

Bilan : 🌹🔪
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Décompression

Décompression est un roman noir, à l'ambiance bien particulière. C'est un espèce de huis-clos entre trois personnages sur l'île de Lanzarote. Sven est un allemand, expatrié sur l'île espagnole. Il est instructeur de plongée et reçoit deux clients bien particuliers : une actrice et son compagnon écrivain. C'est alors un jeu étrange qui se développe entre eux.



Les personnages ne sont absolument pas attachants et l'île de Lanzarote peu décrite, donc aucun dépaysement malheureusement. Ce qui est intéressant c'est la construction du roman : on alterne avec un chapitre ou Sven est le narrateur et un chapitre extrait du journal intime de notre actrice. L'alternance est une bonne idée même si par moment, le roman traîne en longueur ou certains évènements se répètent.



Je pense être passée a coté de ce roman qui a pourtant de bonnes critiques. C’était la première fois que je découvrais Juli Zeh. Je retenterai un autre de ses romans pour me faire une idée mais pour le moment je ne suis pas convaincue.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Nouvel an

Quelles répercussions futures ont les non-dits, les mensonges qu'un adulte arrive à imprimer sans mal, car tout un pan de sa perception est différente de la nôtre, dans l'esprit d'un enfant? Pourquoi cache-t-on des choses à un enfant? Pour essayer de façon bienveillante d'adoucir un évènement traumatique pour lui? Ou au contraire de façon égoïste pour nous faciliter l'oubli à nous-mêmes?

Voici le genre de questionnements auxquels ce livre invite.

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Je n'ai pas lâché le livre, je ne voulais pas lâcher la roue de Henning, tant que je ne connaissais pas toute son histoire, tous ses secrets si méticuleusement enfouis. Quelle mouche pique ce trentenaire, qui se lance un matin à l'ascension à vélo du volcan Atalaya, alors qu'il est en vacances, en famille, sur l'île de Lanzarote en Espagne? Il n'a absolument rien prévu, il n'a pensé à prendre ni eau, ni nourriture, ni même ses lunettes de soleil. Son vélo de location est lourd et ses baskets de running ne sont pas faites pour une telle entreprise.

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Il me fait penser à un desperate househusband, l'humour de la série en moins je précise (ça le fait beaucoup moins au masculin c'est clair que je suis pas traductrice...), car ses pensées alors qu'il souffre sur son vélo alternent entre ses enfants en bas-âge si beaux mais si chronophages, dont il s'occupe davantage que sa femme, qui a la meilleure situation professionnelle du couple. Il pense à son boulot qu'il exerce chez lui la plupart du temps et dans lequel il peine à être efficace au vu de ses obligations familiales. Il pense à son couple et à ses fragilités. Il pense à son enfance, à sa soeur, à sa mère qui les a élevés seule et qui a fait son possible. Il pense à "la Chose" qui l'envahit de plus en plus, sous la pression de la vie quotidienne. La Chose...Nan nan je vous vois venir il ne s'agit pas de sexe! ni d'une référence à la famille Adams. J'avoue l'expression m'a semblée un peu maladroite, j'aurais bien aimé être capable de lire de l'allemand pour voire quel était le terme de base de l'autrice. La Chose, c'est le mal-être qui l'emplit au point où ça en devient physique, se traduisant en crises de panique qui lui tombent dessus et le paralysent. Serait-ce une part de cette angoisse qui lui donne cette force mystérieuse qui le pousse à appuyer sur les pédales, alors qu'une partie de son corps semble mû par une force qu'il ne maîtrise pas tout à fait et dont il connait pas l'origine?

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Je suis arrivée en haut du volcan avec Henning, j'ai su toute son histoire, j'ai crains les bribes et les non-dits à mon tour mais au final tout est limpide. Je n'ai pas voulu lâcher sa main et encore moins lorsque c'était sa main de petit bonhomme de 5 ans. Parce que c'était une histoire effarante qui répond sans détours aux questionnements cités plus haut et aussi parce que Juli Zeh a parfaitement su distiller un suspens dévorant.
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