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Citations de Julie Ruocco (162)


Leur barbarie doit être le lieu de démonstration de notre intelligence, car elle nous a donné cette conscience aiguë de ce qui est irréparable et par là aussi, de ce qui importe vraiment. De là vient notre sentiment profond d’avoir été dépouillés de nos rêves de liberté, humiliés dans notre force et mutilés dans notre chair. Ils nous ont donné à voir un pays faible et monstrueux.
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Bérénice découvrait l'orgueil fou d'être une femme au bord du précipice, la surprise perpétuelle de se relever au delà du silence et des entraves, même si c'était la dernière chose qu'elle faisait, surtout si c'était l dernière chose qu'elle faisait.
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Elle pensa à s'allonger à ses côtés sur le socle et simplement attendre
Se blottir contre le corps de son père comme jamais elle n'avait osé le faire.Son père de silence, son père de combat, son père de fatigue et de chansons murmurées.
(p.94)
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“Éclairer les contours du monstre, délimiter son empire mouvant pour le priver de l’ombre qui le nourrit”, c’est ce que cette femme avait écrit en anglais au-dessus d’une série de retranscriptions. Une sorte de défi ou de prière. Elle connaissait l’histoire, les mécanismes des massacres, les rumeurs qui entretenaient la mémoire de la peur. Elle savait que contre l’instinct du désespoir, il fallait la clarté brute des faits, qu’il fallait chiffrer l’horreur pour lutter contre le silence et l’oubli. L’endormissement des consciences, la paralysie des forces prenaient leur source dans l’impossibilité de la parole, dans l’effacement des preuves et l’impunité des bourreaux ordinaires.
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Rien n’est mauvais par essence dans la nature, il n’y a que les hommes qui l’enlaidissent à force de mal voir et de mal nommer.
— Je ne pense pas que ce soit un problème de langue ni de vision, répliqua le jeune homme d’une voix terne.
Sous ses sourcils blancs, les yeux du vieillard brillaient :
— Et pourquoi pas ? Les poètes donnent des noms aux choses et aux êtres pour leur permettre d’exister. (…) Il n’y a que l’art pour sauver les hommes, l’art pour leur laver la langue et les yeux.
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Sans justice et sans mémoire, nous nous condamnons éternellement à être tour à tour victime puis bourreau. Pour briser ce cycle infernal, il ne nous faudra pas seulement triompher des combats mais aussi de notre propre vengeance. Écouter les survivants, honorer les morts, pour que l’horreur se résorbe enfin en justice. Peu importent la défaite ou la victoire, j’espère que ceux qui viendront après nous ne résisteront plus jamais à la tentation d’être humains.
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Le quotidien peut rapidement devenir un tissu de parjures. Oh, rien d’abord, mille petites lâchetés, des mesquineries anodines et sans force qu’on traîne et qui deviennent de plus en lourdes au fil des années. Un dégoût de soi que l’on garde comme une gêne obscure, et puis on se rappelle cette main qu’on a refusé de tendre, la phrase que l’on n’a pas prononcée, l’acte mille fois rejoué et qui aurait pu faire la différence. Même les hommes qui n’ont traversé ni guerre ni exil. Alors pour ceux qui avaient dû fuir, qui s’en étaient sortis après des kilomètres de course et de frontières armées, il restait toujours une trace. Celle du sacrifice et de la trahison mêlés. Cette culpabilité voilée, elle l’avait progressivement sentie chez Nazar.
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Avoir envie n’était pas céder. Céder n’était jamais perdre. Elle en était sûre et cette certitude l’avait libérée de la peur qu’on inocule aux petites filles et qui s’instille dans le corps des femmes jusqu’à ce qu’elles en crèvent. Elle pouvait tirer des hommes un plaisir égal et sans contraintes.
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Ils l’ont décapitée parce qu’elle était maquillée et ne portait qu’un voile transparent. Ils ont dit que c’était contraire au Coran et ils ont aussi tué l’époux. Pour impureté. Il aurait dû empêcher l’indécence de sa femme, c’est ce qu’ils ont dit.
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La ville était devenue un tapis de ruines. Autour des places, les murs qui avaient porté l’écho de la révolution n’existaient plus et dans le béton meurtri, les slogans, les poèmes étaient troués de balles et d’injures. Cet horizon de gravats avait permis à d’étranges drapeaux de pousser dans la nuit. Comme si, à force de labourer la terre pour y planter des cadavres, le régime de Bachar avait fait de son pays un terreau parfait pour la fin du monde. C’est là que les hommes en noir, pour beaucoup avec des accents étrangers, étaient arrivés. En plus de leurs armes flambant neuves et de leur barbe sale, ils avaient emmené un dieu sauvage que l’on connaissait mal. Rapidement, ils s’étaient approprié tout ce qu’il restait. Leurs pensées cannibales avaient été édictées en lois et comme si l’horreur passée ne suffisait pas, ils avaient recouvert les crimes de l’État avec les leurs.
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En ce temps-là, tout était encore possible. Il y avait cru, il avait dansé, espéré de toutes ses forces. Aujour­­d’hui, il songeait avec amertume à toute cette lumière. Son peuple s’était levé mais le monde était resté assis. Les autres, pensait-il, auraient pu au moins les regarder. Rien que pour partager leur joie et leur innocence. Rien que parce que tout, absolument tout, allait se résorber dans l’atrocité mais qu’ils ne le savaient pas encore. À cette époque, ils commençaient à peine à entrevoir que l’espoir était fragile et qu’il faudrait faire face à l’horreur de la faiblesse humaine.
Au début, Asim n’avait pas pris garde aux signes, aux drapeaux verts puis de plus en plus noirs dans la foule. Une ombre s’étendait sur eux. Ses racines ne leur étaient pas inconnues, mais il se refusait à y croire.
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Ce que je ne comprends toujours pas, c'est que la mécanique génocidaire du XX ème siècle ne nous ait rien appris. Les survivants ont parlé pourtant, on n'avait plus l'excuse de la virginité.
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Bérénice avait ressenti une sorte d'étourdissement, le médaillon dans sa paume lui était paru lourd. Plus lourd encore que lorsqu'il était agglutiné à la terre grecque.
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C'était une effigie de Furie qu'elle tenait entre ses doigts. L'une des filles de Gaïa et du sang d'Ouranos mutilé, celles qui étaient chargées de poursuivre et harceler les criminels. Elle se rappelait ses cours de culture antique, les textes d'Hésiode qui narraient la naissance sanglante du Titan Cronos. Comment le sang du ciel était tombé sur la terre et avait fécondé son sein. L'univers s'était ouvert. Il avait été pour la première fois livré au temps, à la violence et il avait eu besoin d'une mémoire pour continuer à se déployer. Voilà ce qu'étaient les Erinyes : celles qui n'oublient jamais les fautes, la vengeance du ciel contre ceux qui enfreignent les lois.
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C'est contre lui que nous avons pris les armes, contre cet orgueil de l'homme qui l'érige en possesseur du monde et qui a inventé un dieu cruel pour se venger d'être plus petit que la nature.
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"L'âme ne sait pas tout ce que le corps peut." Le vieux Spinoza avait raison, pensait Bérénice. Il y a des forces qui rendent la réalité plus limpide que le rêve.
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Il n'imaginait pas qu'un gouvernant puisse faire le pari du chaos contre son peuple. Miser sur la déstabilisation des voisins, la porosité des peurs, la folie collective. "Il est traitre, celui qui tue son peuple !", ce slogan Asim l'avait martelé, il l'avait chanté toute la nuit.
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Alors plutôt que de souffler sur la cendre d'une épopée écrite sans eux, ils avaient préféré précipiter la fin du monde dans un Orient qui n'existait pas.
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Chaque demande, chaque passeport était l'occasion de faire fondre la pierre qui pesait sur ses épaules. Tous les noms qu'il avait retenus en lui jusqu'à la folie, il les redonnait aux vivants. C'était comme ressusciter les morts. Quelque chose d'eux survivrait au delà des ruines.
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Cette guerre ne pouvait pas se suivre sur les cartes, avec des positions qui se gagnaient ou tombaient. Les repères géographiques n'importaient plus, l'empire de la démence se mesurait à la disparition des femmes. Menacées si elles sortaient, insultées si elles osaient seulement se montrer depuis leur balcon. Elles pouvaient être emmenées, juste parce qu'elles étaient dans la rue, parce que leur voile n'était pas assez noir, les gants pas assez mats On ne les revoyait jamais.
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