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Citations de Kapka Kassabova (178)


Dans les yeux des locaux qui traînaient au bistrot, je voyais bien qu'ils n'arrivaient pas à me cerner, à savoir dans quelle catégorie me ranger : je n'étais pas une épouse-mère, et je n'étais pas non plus une pute. Mais qu'étais-je donc, au juste ?
"- Tout à fait, approuva Ioanna. Tu viens de décrire ma vie ici en deux mots."
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[Le jugement], nom d’une falaise surplombant une forge, près de la frontière. La gorge est si profonde qu’on n’en voit pas le fond, juste de la brume. Cette falaise, on ne s’y rend que dans un unique but. De son sommet, on pousse les indésirables dans le brouillard depuis les prémices de l’humanité. Quand on connaît le faible des thraces pour les sacrifices et leur prétendu rapport très optimiste à la mort, c’était l’endroit idéal pour lancer les “élus” dans un périple vers la déesse-mère, à qui ils porteraient un message de la part des vivants.
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La campagne de haine contre les personnes d’origine turque comportait des similitudes avec la guerre des Malouines et ses conséquences pour la junte militaire argentine : un conflit absurde et vénéneux, le moyen pour un Etat policier en déroute de détourner l’attention du peuple des véritables enjeux du moment : le marasme économique, les magasins vides, les droits de l’homme bafoués au quotidien, les problèmes environnementaux, et le vent qui se levait, celui d’un changement baptisé “glasnost” et “perestroïka”. Une minorité constitue toujours une proie facile.
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Même modestes, les actes de bonté marquent durablement.
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Le Kanun se nourrit de la peur et de la culpabilité. Alors qu'un rêve, telle une route, vous extirpe des mâchoires tribale et brise vos chaînes, ne serait-ce qu'un instant... Et parfois, il suffit d'un instant.
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"Ces montagnes sont mystiques. Certains phénomènes demeurent inexpliqués, et c'est peut-être aussi bien. "
Il n'avait pas tort. C'est quand on parvient à tout démystifier dans les moindres détails qu'on commence à se sentir diminué, comme dépossédé. Le peuple de la Strandja s'était fait déposséder de tout, sauf de ça. Et ça, personne ne pouvait le leur prendre.
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A la fin de l'été, à Sofia, l'année de Tchernobyl, nous avons dit au revoir à Anastassia. Parmi les feuilles rouge et or charriées par le vent, il y a ma mère, une ombre vêtue de pourpre et de noir vaporeux. Une forte rafale aurait pu l'emporter, comme une feuille. Elle m'a toujours fait l'impression de n'être attachée à la vie que par un fil, comme si elle était née sans racines, comme si elle avait besoin du concours d'une force extérieure pour rester ancrée au sol.
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Tanas me montra une photo de l'oncle de Sandro, Boris, le prêtre du village, arborant un habit de cérémonie et une longue barbe, près d'une église. C'est la dernière photographie prise avant qu'ils ( la Sigurimi) débarquent, me précisa Tanas.. Ils lui coupèrent la barbe et incendièrent l'église. On réservait aux villages frontaliers comme celui-ci un traitement particulièrement sévère.
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Le silence était celui de l'humanité partie faire un long somme. Les grillons accordaient leurs élytres en vue du concert vespéral.
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La culture humaine commence dans la nature. Voilà la vraie mémoire. Qui vit dans la nature oublie. Qui vient en pareil endroit se souvient.
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Si les choses et les gens disparaissent ici, rien ne s'en va pour de bon, m'avait-on dit. C'est ce que je ressentais à cet instant, comme une présence dans mon dos.
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Le Kanun symbolise un des archétypes fondamentaux de la condition humaine : notre pulsion de mort collective. C'est notre propension à l'autodestruction travestie en volonté de se protéger. J'aurais vraiment préféré que ce phénomène soit exotique, circonscrit aux montagnes maudites, mais au lieu de cela, il m'a rappelé ma propre famille, de nombreuses autres familles de ma connaissance dans les Balkans et, d'une manière générale, les affres de l'existence humaine.

Le Kanun, c'était l'enclume. C'était le châtiment infligé à qui avait le malheur de descendre la même rue deux fois dans la même journée, et l'injonction à la loyauté inconditionnelle pour tous les membres du clan. C'était la culpabilité, la honte, l'orgueil, l'amour qui mutile, la projection par les anciens de leurs ténèbres intérieures sur les plus jeunes; la rage, le chagrin, l'enfermement de l'esprit dans des tours privées de soleil, la volonté d'ajouter de la souffrance aux comptes familiaux déjà foisonnants. Le Kanun veillait à ce que la reproduction l'emporte sur l'évolution.
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L'Est mit un terme à ce cycle infernal en colonisant les deux royaumes, et il fallut partager la terre exquise et les voies navigables entre les nouveaux suzerains. Dans l'empire de l'Est, les nordistes étaient plutôt des gardiens de bétail et des artisans, les sudistes plutôt des commerçants, et pourtant l'entente était cordiale et les différentes corporations se mélangeaient, sauf au sein de leurs Eglises respectives : l'Eglise du Sud essayait constamment de dévorer l'Eglise du Nord, moins puissante, l'instance religieuse étant le principal organe de pouvoir dans ces royaumes assujettis à l'Est. Quand, finalement, l'empire de l'Est, en déclin, fut repoussé avec le concours de l'Ouest et de l'empire du Nord-Est en plein essor, le spectre de la frontière resurgit et le Sud et le Nord recommencèrent à s'étriper.
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Il serait tentant d’établir un parallèle entre l’expulsion des Turcs de Bulgarie et l’horreur que les nationalistes
serbes allaient infliger à la Bosnie, non loin de là, car dans les deux cas, on chercha à justifier les atrocités par
des anachronismes crasses en invoquant le « joug turc ».

[...]

La guerre en Yougoslavie était due à un virus nationaliste serbo-croate réactivé après être resté en sommeil
pendant des décennies,

[...]
alors que la purge ethnique en Bulgarie constitua l’ultime exaction imbécile du totalitarisme crépusculaire. 
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Le Village-dans-la-vallée se trouvait tout au bout de la route. On y pénétrait au terme d’une longue descente à travers une forêt située dans la plus ancienne réserve naturelle des Balkans. Des biches et des cerfs pointaient leur museau puis s’éclipsaient dans la lumière émeraude. Des pics-verts tapotaient des messages en morse.
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Il ne faut jamais se venger, lui conseilla-t-elle, car cela finit toujours par retomber sur vos descendants. Sur le plan moral, elle prônait la gentillesse en toutes circonstances, l’indulgence envers son prochain, car rien ne s’efface.
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Mon guide, l’ancien agronome, me montra l’endroit où la Kanina était détournée. Et il attira mon attention sur les bons côtés inattendus de ces trente dernières années. Une reforestation s’était amorcée de façon spontanée grâce au climat idéal, et certaines pratiques néfastes avaient cessé. Nous vîmes une forêt de pins blancs, la partie inférieure de leurs troncs striée de cicatrices, là ou le conifère avait été entaillé, saigné par une multitude d’incisions horizontales en vue de recueillir sa résine. Cette méthode dépouillait l’arbre de son écorce et interrompait sa croissance. La résine, utilisée à des fins médicinales et industrielles, était récoltées avec brutalité, ce qui n’est plus le cas de nos jours. Je pris soudain conscience que les huiles balsamiques de myrrhe et de benjoin s’obtenaient de la même façon, à coups de bistouri. On saigne l’arbre à benjoin à l’âge de 7 ans pour qu’il secrète sa résine.

Je vis que les prairies, les pâturages et toutes les clairières étaient forgés par la main de l’homme, et je compris que la disparition de l’élevage intensif conduisait à un processus, très lent, mais naturel, de réensauvagement. Les trous creusés par l’homme se comblaient. Parmi les plantations dédiées à la monoculture du pin, d’autres espèces prenaient racine. Elles voyageaient au gré du vent depuis le Pirin, de l’autre côté de la vallée. La forêt se soignait en recouvrant un semblant de sa diversité originelle.

« Et il faut que la même chose se produise avec les gens, commenta mon guide en me tendant un petit bouquet de cumin sauvage , dans cette prairie sur le rivage ou nous avions perdu la notion du temps. Ceux d’entre nous qui sont restés ont été abîmés par l’Etat mafieux. Si vous qui êtes partis il y a des décennies reveniez au pays, ça contribuerait à rééquilibrer les choses. »
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Je ne saurais vous dire ce qu’est l’élixir. C’est à vous de le chercher. Tout ce que je sais, c’est que notre Terre le fabrique dans son chaudron, en permanence, partout, et que vous faites partie de la recette insensée. Il ne s’achète ni ne se vend. Il surgit quand vous êtes à court d’argent et de mots, et que vous devenez ce que vous êtes, une raison valable pour escalader les pics et sillonner les vallées.
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Le poète et l'hypocondriaque aspirent à se connaître eux-mêmes. Ils aspirent à connaître le miraculeux et le redoutable en eux et à comprendre comment ces deux forces interagissent.
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C'est la seule chose qui nous reste, disait son sourire, ne pas cesser d'essayer.
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