Keiko Ichiguchi est une mangaka dont j’aime beaucoup le trait old school et la sensibilité qu’elle met dans ses oeuvres. Ici, elle nous propose un récit à la fois universel et intimiste sur un moment clé de l’Histoire : la Seconde Guerre Mondiale. Le récit est vibrant, de force, de drame, de tristesse et d’espoir.
Japonaise expatriée en Italie, elle a fait le choix non de nous parler de la guerre vue par les Japonais, mais de la guerre vue par les Allemands. On pourrait avoir peur qu’elle cherche à racheter ceux-ci mais non, elle propose un portrait tout en nuances de ce moment tragique de notre histoire.
Dans son récit, en trois temps (les premières années, la campagne russe, la chute de l’Empire), elle nous fait suivre toute une panoplie d’Allemands pour nous montrer la diversité des individus confrontés à cet événement. Bien sûr, nous suivons avant tout un trio : un frère (Max) et une soeur (Elen), et l’amoureux de celle-ci (Alec). Le premier est un anti-nazi assumé. La deuxième est une allemande qui n’aime pas le régime mais qui n’ose pas forcément agir au début. Quant au dernier, il a été fortement blessé dans sa vie et en veut beaucoup aux Juifs, il s’engage donc dans les Jeunesses hitlérienne. En plus d’eux, nous pouvons également voir des juifs, des membres de la Gestapo, des soldats russes, des citoyens allemands lambda pour et contre le régime. Bref, on brosse à peu près tout le panel des réactions possibles face à ce qui se passe et c’est une grande force du titre.
Mais comme sait très bien le faire Keiko Ichigichu, cette histoire est avant tout celle de trajectoires de vie. La vie d’abord d’Alex/Alec, ce jeune allemand dont les parents sont morts et qui s’est fait embrigader dans les jeunesses hitlériennes. On va suivre sa belle rencontre avec Elen, leurs retrouvailles, mais surtout son parcours militaire. Il commence comme jeune qui haït profondément les juifs sous de faux prétextes, puis devient soldat lors de la campagne russe et la réalité du terrain commence à le faire changer. Mais on voit toute la difficulté à sortir d’un tel engrenage quand il revient à Berlin ensuite tandis que le régime vit ses dernières heures. C’est une histoire sombre et dramatique que la sienne et j’en ai été très touchée. Puis également la vie d’Elen, sa compagne, qui est celle qui évolue le plus avec lui. Au départ, c’est une jeune fille comme les autres, qui a peur face aux horreurs qu’elle voit et qui ne sait pas comment réagir et décide donc de les fuir en se réfugiant dans de faux moments de bonheur. Mais avec la guerre qui avance, elle va se rendre compte qu’elle doit résister et participer, comme son frère, à éclairer les esprits. Elle devient alors quelqu’un de très courageux, qui est capable d’aller jusqu’au bout pour ses idéaux.
Dans ce oneshot, l’autrice nous a donc proposé un mélange de drame romantique avec l’histoire d’amour contrariée d’Elen et Alec pendant la guerre, et de drame humain plus large avec les horreurs de celle-ci. Elle nous emporte avec beaucoup de facilité dans ce récit dur et puissant mais dans lequel elle n’oublie pas de glisser une pointe d’espoir avec cette quête de liberté et de justice des héros.
1945 est un récit court, mais construit intelligemment, porté par des personnages aux trajectoires marquantes, le tout sous le trait fin et expressif de Keiko Ichiguchi qui n’est pas sans rappeler celui de Reiko Shimizu ou de Moto Hagio en moins froid. Un titre à découvrir !
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