LA BEAUTÉ EST PARTOUT
la beauté est partout
même
sur le sol le plus dur
le plus rebelle
la beauté est partout
au détour d’une rue
dans les yeux
sur les lèvres
d’un inconnu
dans les lieux les plus vides
où l’espoir n’a pas de place
où seule la mort
invite le coeur
la beauté est là
elle émerge
incompréhensible
inexplicable
elle surgit unique et nue –
à nous d’apprendre
à l’accueillir
en nous
Par-delà ce tumulte
qu'est vivre, aimer et mourir
le ciel soudain s'éclaircit
balayé par un grand vent blanc
(" Un monde ouvert: anthologie personnelle")
J'ai tout retiré de ma chambre
hormis quelques images
il reste trois fois rien
l'aile d'un goéland
un bloc de pierre glacée
la photo d'une fille nue
au centre de ce vide
mon être danse
Je ne pense pas que l'attirance pour les lieux déserts , les conditions élémentales et la pierre brute soit inhumaine , je pense au contraire que cela donne à l'être humain une base authentique.
Il existe quelque chose comme un ton de base , parlé, joué ou écrit, que l'on peut entendre tout autour de la terre .
Une fois que l'on s'est accordé à sa longueur d'onde, une grande part de ce que l'on appelle "culture " se révèle de peu d'importance , pour ne pas dire futile ,et sonne creux .
Peut-être toute vraie culture se fonde-t-elle sur ce ton de base et s'élabore-t-elle à partir d'une dimension fondamentale qui est le lieu d'une austère jouissance.
Après-midi d'automne
Grand silence
ici sur la côte
à quelques milles au nord
de la Rivière-au-Tonnerre
je bois ce qui reste de whisky
en regardant les feuilles d'érable
brûler dans la froide lumière
Je dis au revoir à quelque chose
mais je ne sais pas à quoi.
(Golfe du Saint-Laurent)
Les montagnes donnent refuge à toutes sortes de personnages asociaux, et puisque tout un chacun a besoin d'un peu d'asocialité de temps à autre, le pèlerinage dans la montagne est une très ancienne tradition.
LE PHILOSOPHE SUR LA PLAGE
Le philosophe baroque
marche sur la plage rocailleuse
se parlant à lui-même
comme un lézard détraqué
observe une sterne huppée
et pense : Schopenhauer…
aperçoit un oiseau de paradis
et s’écrie : Nietzsche !
mesure les ondes de son cerveau
tout au long de l’après-midi
met de la métaphysique dans son gin
quand le soleil se couche
quand le soleil existentiel
se couche
Mais quand je marche seul
sur les rochers ou les prés marins
le silence même s'illumine
et je ne pense ni à la culture
ni même à la subsistance
il n'est question
que d'aller plus loin au dehors
toujours plus loin au dehors
vers l'extrême ligne de la lumière
(" Poèmes d'Ecosse")
l'homme a besoin d'arrimer son savoir
mais il lui faut un espace vide
dans lequel se mouvoir
je vivais et marchais
comme jamais encore
devenais un peu plus qu'humain
connaissais une plus large identité
les traces de caribou sur la neige
le vol des oies sauvages
l'érable rouge à l'automne
mordu par le gel
tout me devint plus réel
plus réellement moi
que mon nom même p 189
Merci pour cette poignée de jours d'avril
pour le vent blanc qui souffle
pour la terre sombre et les herbes entremêlées
et la fille qui marche à mes côtés
( au pays des douze collines, Irlande)