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Citations de Kevin Powers (147)


Un rêve habitait la rivière. Je me tenais là debout et nu dans l’eau près de la berge opposée. Un troupeau de chevaux se prélassait dans un champ planté de cornouillers et de saules. Ils avaient tous la même robe rouanne, sauf un vieux palomino au pelage doré qui me regardait tandis que les autres paissaient dans la faible clarté de la lune. Il avait les sabots en sang, des traces de fouet et une marque au fer sur la croupe. Il entra dans l’eau peu profonde en dodelinant de la tête. Alors qu’il marchait vers moi, le sang se diluait dans le courant, laissant dans le sillage de l’animal une traînée rouge. Il se déplaçait lentement, mais sans rechigner ; seul son pas était hésitant. Toujours debout et nu, je frappai doucement l’eau autour de moi des deux mains, sans violence, mes doigts allant et venant en demi-cercles sur la surface. Le cheval s’approcha et renâcla un peu tout en secouant tranquillement sa tête une, deux fois. Il resta devant moi, vieux, esquinté par le fouet, perdant son sang, mais bien droit malgré ses blessures. Il se pencha et son nez toucha mon épaule et mon cou ; puis je me penchai à mon tour, l’effleurai du bout de mon nez, passai mes mains autour de son encolure et sentis la puissance de ses muscles meurtris. Ses yeux étaient noirs et doux.
Telle était la vision que j’avais lorsque je me réveillai. Mon Dieu, quel vacarme ! Les cris se rapprochèrent.
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Il contempla la cabane et hocha la tête.
Plus de soixante-quinze années s'étaient écoulées depuis son départ.Le temps avait laissé sa marque.
Une maison exige qu'on y vive pour mériter ce nom.
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Il n’y avait pas de balle qui m’était destinée, ni à Murph, d’ailleurs. Nulle bombe ne nous était promise. N’importe laquelle nous aurait tués exactement comme elles ont tué les autres. Il n’y avait pas d’heure ni de lieux prévus pour nous. Je ne pense plus à ces quelques centimètres à gauche ou à droite de ma tête, ou à ces quelques kilomètres-heure de différence qui nous auraient placés précisément là où la bombe a explosé. Cela ne se produisit jamais. Je ne suis pas mort. Murph, si. Et même si je n’étais pas présent lorsque cela s’est passé, je crois sans l’ombre d’un doute que les sales couteaux qui l’ont poignardé s’adressaient à « qui de droit ». Rien ne faisait de nous des êtres d’exception. Ni le fait de vivre. Ni celui de mourir. Ni même celui d’être ordinaires.
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Les gens ont toujours fait ça, pensai-je. Ils ont toujours cherché à contourner la vérité: un avenir incertain, un destin absent, pas de main tendue dans nos existences, juste ce qui se produit, et nous qui regardons. Je le savais, mais cela ne me suffisait pas, et je m'acharnais à trouver un sens, comme ils l'avaient peut-être fait ici en Allemagne voici bien des années, cherchant une logique dans tous les événements qui s'étaient produits, couvrant leurs visages avec de la cendre et des baies qu'ils avaient ramassées dans les vallées après le dégel du printemps, se tenant au-dessus des corps de garçons, de femmes ou de vieillards couverts de feuilles et d'herbe prêts à flamber sous les pierres qui maintiendraient leurs corps en place au cas où la chaleur et le crépitement des flammes les tireraient de leur sommeil étrange.
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Je regardai par la fenêtre, à travers la cime des arbres à feuilles persistantes alignés entre les bâtiments. Je savais qu'au moins quelques-unes des étoiles que j'avais vues avaient déjà disparu, s'étaient déjà évanouies dans le néant. J'eus le sentiment de contempler un mensonge. Mais je m'en fichais. Le monde fait de nous des menteurs.
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Je me souviens de m'être senti soulagé pendant mes classes, alors que tous les autres avaient la peur au ventre. J'avais compris que je n'aurais plus jamais de décisions à prendre. J'éprouvais un sentiment de liberté, mais cela me rongeait malgré tout, au fond de moi. Je finis par me rendre compte que la liberté ne se résumait pas à une absence de responsabilité.
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Je vis une nation s’ouvrir dans la nuit. Elle se déroulait au-delà des piémonts et des collines jusqu’à la face ouest des Blue Ridge Mountains, où les plaines reposaient doucement dans le crépuscule rose sous les heures accumulées.
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Il désignait les collines autour de la ville. De petits feux étaient apparus dans le lointain. Ils brûlaient tel un édredon éventré d'étoiles tombées du ciel.

p.94
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Elle s'assit par terre, alluma une cigarette , croisa les jambes et se mit à pleurer en silence.
Je songeai que c'était cela, plutôt que sa beauté, qui avait attiré Murph ici durant ces longues journées identiques les unes aux autres. Cet endroit, ces petites tentes au sommet de la colline, cette étroite ruine dans laquelle elle se trouvait : c'était peut-être le dernier rempart de gentillesse et de douceur. C'était naturel de rester là à la regarder sangloter sur un coin de terre poussiéreuse. Je comprenais pourquoi Murph était venu, et pourquoi je ne pouvais pas repartir : parce qu'on ne sait jamais si ce que l'on voit ne va pas disparaître pour toujours. Bien sûr, Murph voulait assister à cette tendresse, il voulait contempler une jolie fille, il voulait être dans un endroit où la compassion avait encore sa place, mais ce n'était pas tout. Il voulait choisir. (...). Il voulait se fabriquer et conserver au moins un souvenir de sa propre volonté pour contrebalancer les restes éclatés de tout ce qu'il n'avait pas demandé.
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Je n'avais plus aucune certitude. Je n'aurais fait que me salir les mains, rien de plus. Je compris, tandis que je me tenais là dans cette église, qu'il y avait une différence notoire entre ce dont on se souvient, ce que l'on dit, et ce qui est vrai. Et je ne croyais pas être en mesure de faire un jour la distinction.
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Je rentrais chez moi. Même ça, chez moi, j'avais bien du mal à me figurer ce que cela signifiait; et plus encore à penser au-delà de la dernière enclave du désert, où semblait-il, j'avais laissé la meilleur part de moi-même, un grain de sable parmi d'autres.
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Les secrets que l'on garde pour soi sont les plus lourds à porter
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Je crus à une époque qu'il fallait vieillir avant de mourir.
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Le chagrin est un mécanisme concret, et nous ne pleurons que ceux que nous connaissions. Ceux qui nous étaient étrangers et qui mouraient à Al Tafar s'intégraient au paysage, comme si quelque chose avait semé dans cette ville des graines qui faisaient sortir de terre, de la poussière, ou des pavés, des corps telles des fleurs après le dégel, desséchées et flétries sous un soleil froid et lumineux.
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Si ce poème vous a rendu sourd,
si les mots qu'ils contient fument,
si certains vous ont transpercé le corps
ou celui de ceux que vous aimez, ceci expliquera
un peu pourquoi, des années plus tard,
vous préférez dormir sur le canapé. Si ces mots ont
fait des victimes, ce poème comprendra alors
que souvent, être au lit
signifie baisser
la garde.
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En s'envolant, ils brisèrent du bout de leurs ailes déployées la surface lisse de l'eau qui ondoya, frissonna comme une multitude de cordes pincées ; les lueurs aux fenêtres et les quelques étoiles parsemées dans le ciel telle une poignée de grains de sel semblèrent elles aussi vaciller.

p.89
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Les Rivers avaient survécu à la rudesse des premières années et occupé une place importante dans le comté, pourtant son père et lui s'étaient depuis débrouillés pour défaire le dur labeur de générations entières. Pete vivotait aujourd'hui grâce à la réputation des morts et à la pitié des vivants, une mixture au goût amer.
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Dans certains endroits, et dans certaines circonstances, plus aucune distinction entre vie privée et vie publique n'était autorisée. Un peu comme si on vous jetait nu à la rue. Et même s'il ignorait l'étendue de cette mise à nu, il ne pensait pas que cela pourrait passer pour une bénédiction.
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Tu savais qu’il n’y avait aucune excuse pour faire ce que tu étais en train de faire, puisque c’est quelque chose qu’on t’a appris toute ta vie, pourtant tu as continué, et à présent même ta mère est ravie et fière parce que tu as su viser, parce que grâce à toi des gens se sont écroulés pour ne plus jamais se relever (…). En vérité cela n’a aucune importance car, finalement, tu as échoué là où tu aurais pu accomplir au moins une chose de bien : l’unique personne que tu avais promis de ramener vivante est morte.
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Je compris, tandis que je me tenais là dans cette église, qu'il y avait une différence notoire entre ce dont on se souvient, ce que l'on dit, et ce qui est vrai.
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