Kit Meinem d’Atyar est un architecte couru. Il est employé par l’Empire, et plus précisément par le Département des Routes. Nous n’en saurons pas davantage, car l’auteur ne s’épanche pas sur des considérations géopolitiques. L’essentiel est ailleurs.
Il vient de terminer sa précédente mission et est, comme toujours, missionné pour diriger la construction d’une autre structure (dont les travaux ont déjà débuté). Votre perspicacité est sans faille, il s’agit bien d’un pont. Mais pas n’importe lequel, car celui-ci a deux particularités : la première est qu’il doit enjamber un fleuve sur près de 400 m, une distance qui commence à être honorable. Le principal intérêt réside dans la deuxième contrainte : ce pont doit être battit sur un fleuve de brume. Là aussi, l’auteur ne s’embarrasse pas d’explication sur la nature de cette brume, tout juste savons-nous qu’elle est hautement corrosive et composée de créatures pour le moins dangereuses. Ainsi, pas question ici de créer un pont avec un appui sur le fleuve, c’est exclu. Il s’agira donc d’un pont d’un seul tenant, le tablier posé entre deux piliers posés sur les deux rives. Un mot sur la technologie et l’époque du récit : plutôt médiéval si tenté que cela puisse vouloir dire quelque chose sur un monde imaginaire (il ne s’agit pas de la Terre). Nous dirons que le récit est d’inspiration médiévalisante dans un genre fantasy.
Kit arrive donc à Procheville (l’attribution des noms des bourgades directement concernées dans le récit puisqu’étant les principales impactées par la construction du pont peut paraître simpliste mais, là aussi, l’essentiel est ailleurs) et se met tout de suite au parfum. La différence entre les gens du cru, ruraux, et lui, issue d’Atyar, la capitale peut sembler caricatural au premier abord. Mais Kit a l’habitude et toute son intelligence sera de nouer des contacts amicaux, bienveillants avec la plupart des personnes qu’il va être amené à rencontrer. En effet, il apprit rapidement qu’une grande partie d’une structure était faite de gens. Le récit alterne entre la construction du pont et des flash-back sur son passé où l’on apprend, entre autres, que son père était lui aussi architecte. Rien d’étonnant, car on apprend que dans le récit la plupart des gens exercent le métier de leurs aïeux et portent même dans leur nom cette originalité (exemple : la famille Bac qui transporte les gens et marchandises sur le fleuve de brume via un … bac).
Justement, une des premières personnes qu’il rencontre en arrivant est Rasali Bac, une des rares qui navigue sur le fleuve malgré le danger de la brume (les Très Gros, les Géants…). Dès lors, le récit n’aura de cesse d’alterner entre l’édification du pont (et tout ce que cela peut supposer comme contraintes, retards, accidents), la relation entre Kit et Rasali et les flash-back sur son passé.
La thématique du pont comme lien entre les Hommes est bien traitée mais ce qui l’est encore plus, à mon sens, est l’impact du progrès sur ceux-ci. A mesure que le chantier avance et que le pont se matérialise devant nous, on perçoit les changements à venir pour les populations riveraines. Certains y voient une opportunité salvatrice dans le développement du commerce, parfaitement légitime au demeurant. A contrario, une autre partie de la population comme les passeurs des bacs, pour prendre un exemple tout à fait fortuit, vont clairement devoir s’adapter en conséquence. Ce sentiment est distillé tout au long du récit par l’entrefaite de la relation entre Kit et Rasali. L’architecte est tiraillé entre l’érection du pont, son travail, toute sa vie à vrai dire et sa relation avec Rasali pour qui ce même pont signifie tout l’inverse, la fin de son travail, l’anéantissement de son monde.
Le récit évoque également la solitude d’un homme qui ne s’attache jamais véritablement aux populations qu’il côtoie, auxquelles il apporte le progrès. Et pour cause: une fois un projet achevé, il fais ses valises et part sur une autre mission si bien qu’il ne peut jamais véritablement constater les bienfaits de son travail pour les autres.
En conclusion :
C’est une nouvelle où flotte une atmosphère bienveillante. Intéressante sans être révolutionnaire par les thèmes qu’elle aborde, elle saura vous faire voyager et vous faire passer un très bon moment de lecture. L’essentiel est là.
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