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Citations de Laszlo Krasznahorkai (133)


Ca rentrait pas, y'avait rien à faire, pourtant on s'est donné de la peine, mais nous autres on était pas habituées, des chansons comme Brunette, ma jolie Brunette, ou bien Que descende l'étoile du matin, ou encore La Buse noire a pondu trois oeufs, on savait les chanter, mais alors cette nouvelle chanson, c'était pas pour nous, pas moyen de la faire entrer dans nos oreilles,et puis on était pas assez, la Jucika, elle était pas là, il manquait aussi la mère Horgos, et Roszika, et m'ame Kati, et, ah oui, m'ame Mariska, et puis sa voisine, comment qu'elle s'appelle déjà, ça me revient pas, c'est pas grave, mais le chef de choeur, un brave homme je dois dire, il nous a forcées, il nous a repassé la cassette, dix fois, vingt fois, pour que la chanson elle nous rentre dans les oreilles, mais il n'y avait pas moyen, c'est pas qu'on voulait pas, nous on voulait bien, même qu'à la fin on était toutes autour du magnéto comme si c'était la crèche du p'tit Jésus, et puis on a essayé, on s'est décarcassées, on a chantonné, Ne pleure pas pour moi Arne... ça y est, v'là que ça recommence, ce maudit mot, c'est çui-là qui voulait pas rentrer dans nos têtes, Arginta, ah, c'était quoi déjà ? j'ai oublié, Ar, Ar, nom de Dieu ! Ar-gen-ti-na, ça y est, c'est ça, c'est pourtant qu'un mot, mais il sonnait tellement étranger, à croire qu'il venait d'une autre planète, et donc, on devait chanter d'après la cassette, et on faisait de gros efforts, mais après y'a le Maire qui a débarqué et quand il nous a entendues, il a piqué une crise, et il nous a dit, mais enfin, mesdames, c'est juste cinq petits mots, oui, bon, cinq petites strophes, et puis une petite mélodie, me dites pas que vous n'allez pas y arriver, bah si, monsieur le maire, qu'on lui a répondu, ça fait une heure qu'on fait tout ce qu'on peut, qu'on trime comme des bêtes, franchement, y aurait pas autre chose ? on pourrait lui chanter une jolie ritournelle à ce grand monsieur, lui a dit la mère Horgos, celle-là elle a la langue bien pendue, faut toujours qu'elle la ramène, qu'est-ce que vous diriez, m'sieur le maire, qu'elle lui a dit, si on lui chantait Ma jupe a treize volants, mais il a secoué la tête et il a dit : pas question, c'est celle-là, et pas une autre, cette Arin...,ah, vous voyez, ça vient toujours pas, mais figurez-vous qu'on a fini par y arriver, parce que notre chef de choeur, il a réussi à nous la faire entrer dans la tête, et on a chanté à tue-tête : ne pleure pas pour moi, Armengita, dans l'après-midi, on était fin prêtes, même les retardataires elles étaient au point, et juste quand on allait partir pour la gare, y a un gars de la mairie qui s'est pointé, et nous a dit qu'y avait eu une grosse erreur à la mairie parce que le train, il arrivait pas aujourd'hui mais demain, demain, vous vous rendez compte, et que du coup on avait tout notre temps, ah oui, mais nous on a dit à notre chef de choeur que c'était plutôt une tuile, parce que d'ici demain, tout ce charabia, il nous serait sorti de la tête, (...)
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La route est recouverte de boue à perte d'horizon, l'horizon que camouflent les sombres taches de la forêt, la nuit tout en tombant dissout le solide, absorbe la couleur, fait frémir l'immobile, fige le mobile, la route ressemble à une chaloupe qui se balance avec mystère, échouée dans le marécage du monde. Aucun vol d'oiseaux ne vient déchirer le ciel alourdi, aucun animal ne vient par son cri, par son murmure égratigner le silence qui comme la brume crépusculaire se déverse au-dessus de la terre, seule une biche aux abois lève la tête puis --- comme aspirée par le marécage --- s'affaisse, prête à s'enfuir dans le vide. p 51-52
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…un enfant ressent plus de choses qu’un adulte ne sait de choses, et un enfant sait plus de choses qu’il n’en ressent…..
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"l'odeur du poids démesuré de la vacuité humaine, transportée jusqu'ici par des centaines de milliers de trains, l'odeur écoeurante de millions de volontés stériles, vides de sens, qui, depuis le haut de la passerelle semblait plus épouvantable encore"
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Il existe une relation forte entre les choses proches, une relation faible entre les choses distantes et entre les choses très éloignées, il n'y a plus aucune relation, et là, on touche au divin.
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Il n’aimait personne et personne ne l’aimait, et cela lui convenait parfaitement, le respect était autre chose, cela allait de soi, découlait, hélas, de la bêtise humaine, contre laquelle il était impuissant, non pas qu’il s’en souciât, c’était le cadet de ses soucis, mais lorsqu’il y était confronté, il pouvait en souffrir terriblement……
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Il avait la conviction que, même lorsqu'il le désirait, l'homme était incapable de dire la vérité, aussi la première version d'une histoire racontée n'avait-elle d'autre portée que celle-ci : "Il s'est peut-être passé quelque chose..." Pour connaître précisément l'histoire, il fallait, pensait-il, faire l'effort d'écouter chaque nouvelle version jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'à attendre que la vérité à un moment - comme ça tout d'un coup - se révèle. À ce moment-là, les détails de l'histoire apparaissaient et ainsi - avec un effet rétroactif - il devenait possible de remettre dans l'ordre les éléments de la première version.
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La foi en un dénouement heureux ne reposait sur aucune base solide mais Mme Pflaum était tout simplement incapable de résister aux charmes trompeurs de l'optimisme [...]
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Elle reconnaissait la précieuse valeur de ce genre d’occasion, quand un homme aux possibilités ma foi modestes — comme c’était le cas — promettait résolument de se surpasser. Elle ne prononça aucun mot, n’exigea aucune explication, ne le congédia pas, mais sans l’ombre d’une hésitation ôta langoureusement sa robe sous le feu des regards de plus en plus ardents, de plus en plus prometteurs de l’homme, jeta négligemment au sol ses sous-vêtements, passa sa baby doll, une nuisette jaune orangé finement transparente, le péché mignon du capitaine, et, comme obéissant à un ordre, elle s’installa, avec un sourire gêné, à quatre pattes sur le lit. Pendant ce temps, son « confident, ami, et associé » se débarrassa de son équipement, éteignit la lumière et, sans ôter ses lourdes bottes — et, conformément à son habitude, au cri de : « À l’assaut ! » —, il se jeta sur elle. Et Mme Eszter ne fut pas déçue : en quelques minutes, le capitaine réussit à balayer tous les mauvais souvenirs de la soirée,
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Kasser fit alors remarquer qu'il n'existait rien de plus beau qu'un coucher de soleil sur les montagnes et la mer, le coucher de soleil, ce merveilleux jeu de lumières dans le ciel s'assombrissant, cette somptueuse incarnation de la transition et de la permanence, la sublime tragédie, poursuivit Falke, de toute transition et de toute permanence, un spectacle grandiose, une merveilleuse fresque représentant quelque chose qui n'existait pas mais illustrait à sa façon l'évanescence, la finitude, la disparition, l'extinction, et l'entrée en scène solennelle des couleurs, intervint Kasser, cette époustouflante célébration du rouge, du lilas, du jaune, du brun, du bleu, du blanc, l'aspect démoniaque de ce ciel peint, c'était tout cela, tout cela, et bien d'autres choses encore, reprit Falke, car il fallait aussi évoquer les milliers de frissons que le spectacle évoquait chez celui qui le contemplait, l'émotion intense qui le saisissait immanquablement, un crépuscule, dit Kasser, incarnait la beauté emplie d'espoir des adieux, l'image éblouissante du départ, de l'éloignement, de l'entrée dans l'obscurité, mais aussi la promesse assurée du calme, du repos, et du sommeil imminent, c'était tout cela à la fois, et combien d'autres choses encore, remarqua Falke, oui, combien d'autres choses encore, renchérit Kasser (...) III, 6 Toute la Crète p 111
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Le paradis? L'enfer? Fadaise. Je suis sûr qu'on est complètement à côté de la plaque. Et on aura beau faire fonctionner sans relâche notre cervelle, on approchera pas d'un poil de la vérité.
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Mme Eszter faisait partie de ceux que le printemps et surtout l’été rendaient malades, au sens strict du terme, de ceux pour qui la chaleur accablante, alanguissante, le soleil flamboyant dans le ciel représentaient une calamité qui les clouait au lit avec des migraines effroyables et de fortes hémorragies ; de ceux pour qui, en d’autres termes, le froid n’était pas un Mal insupportable observé sous le rempart des poêles incandescents mais un agent naturel de la vie, de ceux qui renaissaient lorsque le gel s’installait enfin, que le vent polaire arrivait, car l’hiver éclaircissait leurs horizons, tempérait leurs incontrôlables pulsions, remettait de l’ordre dans la masse confuse de leurs pensées dissolues sous les chaleurs estivales (...)
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[...] elle ne pouvait pas perdre Sanyi, lui qui connaissait la nature dominatrice, incohérente, belliqueuse du monde, sans lui elle était vouée à errer aveuglément parmi les mille dangers de la rancoeur, de la compassion assassine, de la colère et de la prodigalité.
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Depuis que l'exploitation avait été démantelée, depuis que les gens avaient fui cet endroit avec le même empressement que celui qui les avait conduits ici, lui - avec quelques familles, le docteur et le directeur d'école, tous ceux qui comme lui ne savaient où aller - n'avaient pas bougé, et chaque jour il surveillait le goût des aliments car il savait que la mort commence par s'introduire dans la soupe, dans la viande, dans chaque bouchée [...].
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"[...] quant à l'émerveillement, à l'émotion, à la permanence des choses, plus personne ne les partageait car ils n'existaient plus, et la souffrance était telle qu'on pouvait se prendre à imaginer qu'ils n'avaient jamais existé."
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Elle repensa à la journée passée et, le sourire aux lèvres, comprit comment les choses étaient liées ; elle savait que les événements qui s'étaient déroulés n'étaient pas unis par le hasard mais qu'un sens d'une inexprimable beauté les reliait au-dessus du vide. Elle savait également qu'elle n'était pas seule, tout et tout le monde -- son père là-haut, sa mère, son frère, ses soeurs, le docteur, le chat, ces acacias, ce chemin boueux, ce ciel et cette nuit ici-bas --- dépendait d'elle comme elle était suspendue à eux. p 139
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«Maintenant ça suffit, espèces de vieux débiles! Vous croyez, il piqua du nez vers M. Nadaban qui recula d'effroi, que je vais supporter vos inepties encore longtemps? [...] Une calamité! Bah voyons! Le Jugement dernier! Bordel de merde! C'est vous la calamité! C'est vous le Jugement dernier! Vous planez à dix mille lieues, et vous pouvez aller crever, vous et tous les somnambules de votre espèce! Je parie, il secoua M. Nadaban par l'épaule, que vous ne pigez pas un traître mot de ce que je vous dis!!! Car vous, vous ne parlez pas, vous chuchotez, vous vous récriez, vous, dans la rue, vous ne marchez pas, vous vous hâtez fébrilement, vous n'entrez pas quelque part mais vous franchissez le seuil, au lieu d'avoir froid vous tremblez, au lieu d'avoir chaud vous ruisselez de sueur! Ça fait des heures que je n'ai pas entendu un mot normal, vous ne savez que gémir, vous chiez dans vos frocs et vous invoquez le Jugement dernier, tout ça parce qu'un casseur brise une vitre, parce que vos cerveaux sont brumeux, et quand on vous met le nez dans la merde, tout ce que vous savez faire c'est regarder, sentir, puis déclarer : "Sorcellerie!" La vraie sorcellerie, espèce de vieux débris dégénérés, ce serait de vous réveiller un jour et de vous apercevoir que vous n'êtes pas sur la lune mais en Hongrie, qu'en haut c'est le nord, en bas, le sud, que le premier jour de la semaine est lundi, le premier mois de l'année janvier!»
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L’arrivée du train de Keihan, dans lequel voyageait le petit-fils du prince Genji, était prévue moins d’une minute plus tard, mais il demeurait toujours invisible. Personne n’attendait sur le quai de la gare, l’employé des chemins de fer était resté cloîtré dans son local de service, l’œil rivé sur le tableau signalétique électronique du trafic ferroviaire, occupé à noter dans le registre ce qu’il devait noter, le quai était totalement désert, hormis une petite brise qui passait de temps à autre devant le bâtiment de la gare, afin de tout balayer au dernier moment, jusqu’au moindre cheveu ou mégot de cigarette, d’épousseter d’un souffle le pavement du quai, et de faire place nette devant celui qui allait poser le pied sur le pavement de ce quai, il n’y avait donc que cette brise, qui passait de temps à autre, et puis deux distributeurs automatiques de boissons délabrés, installés, ou plutôt abandonnés côte à côte, dont les aguichantes lentilles clignotaient à droite du bâtiment de la gare, pour vous inviter à boire un thé vert, chaud ou glacé, un chocolat, chaud ou glacé, une soupe d’algues chaude ou un miso glacé, l’une des machines clignotait en rouge, indiquant le chaud, l’autre, en bleu, signalait le froid, faites votre choix puis appuyez sur le bouton, disaient les touches du distributeur ; et puis il y avait cette brise, tiède, douce veloutée, pour s’assurer que tout serait vraiment impeccablement propre quand il sortirait.
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De cette ancienne familiarité chaleureuse il ne restait qu’un morne dédale de rues où les visages derrière les fenêtres et les fenêtres elles-mêmes regardaient aveuglément devant eux et où le silence n’était rompu que par les « aboiements hargneux des chiens bagarreurs ».
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[...] il ressentit la même angoisse que là-bas, et fut horrifié de constater que cette angoisse était de toute évidence plus forte que le vide dans lequel il connaissait le calme et le repos, dit-il en élevant la voix, une angoisse qui l'avait saisi lorsqu'il était assis dans la jeep, juste après avoir entendu l'histoire de José Miguel, mais surtout sur le chemin du retour vers Albuquerque, lorsque, alors que le jour commençait à décliner, José Miguel avait raconté que le jeune mâle avait disparu, d'après les traces de l'animal, on avait supposé qu'il s'était enfui vers la frontière portugaise, et il avait eu beau espérer, espérer de tout son coeur, dit-il en contemplant le désert de la Hauptstrasse, que l'histoire de José Miguel s'arrêterait là [...]
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