AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Liliana Lazar (62)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Carpates

Si elle vit depuis près de trente ans en France, Liliana Lazar est à ce point habitée par la forêt de son enfance, en Moldavie roumaine où son père était garde-forestier, que l’on retrouve encore et toujours ce lieu « du sauvage, de l'animalité et de la force païenne » au coeur de ses romans. Elle nous transporte au plus touffu des épicéas de la montagne des Carpates, là où une étrange communauté religieuse vit discrètement au rythme de pratiques mystérieuses.





Nous sommes en 1992, pas si longtemps après la chute de Ceausescu. Deux Français, Boris et Jeanne, lui boxeur professionnel, elle anthropologue sachant parler roumain, se rendent à Rodna, une petite ville des Carpates, pour y recueillir des témoignages utiles à la thèse de la jeune femme. Déjà fragilisée – elle ne lui a pas annoncée qu’elle est enceinte, il lui cache le courrier rejetant sa candidature pour le poste universitaire qu’elle convoite –, l’entente au sein du couple résiste mal au climat déstabilisant qui accompagne leur périple. Après une nuit agitée dans l’atmosphère inquiétante d’une auberge isolée, voilà que leur Peugeot 504 tombe en panne en pleine montagne, sur une route peu fréquentée que la neige de plus en plus abondante est en passe de rendre impraticable.





Aventurés dans la forêt en quête de secours, les deux naufragés rejoignent une étrange communauté, totalement coupée du monde, composée de Lipovènes – vieux-croyants orthodoxes chassés de la Russie tsariste et réfugiés entre Ukraine, Roumanie et Moldavie – et de femmes diversement poussées à les rejoindre par la maltraitance des hommes. Tous vivent en autarcie, sous la houlette matriarcale et résolument misandre d’une certaine mama Otilia. Si, chez Jeanne, l’anthropologue trouve aussitôt de quoi s’accommoder de ce que les conditions météorologiques annoncent comme une longue réclusion, le bouillant Boris n’a qu’une hâte : regagner la civilisation. C’est sans compter les règles de cette microsociété, peu soucieuse de voir divulgué le secret de son existence...





S’inspirant très librement de la géographie de son enfance et d’ingrédients culturels originaux, tout droits venus de profondeurs historiques et religieuses d’un autre âge, la plume de cette auteur qui a si admirablement adopté la langue française excelle à épaissir une atmosphère mystérieuse et inquiétante, tendue autour de l’étrangeté de gens nous imposant bientôt leur oppressant huis clos. Fallait-il pour autant charger la mule jusqu’à l’invraisemblance ? Si l’intrigue en gagne en péripéties mouvementées jusqu’à un final des plus haletants que ne renierait pas le cinéma d’épouvante, l’on pourra sentir poindre le regret que, aussi récréatif et prenant que cela soit, l’ensemble finisse par gêner aux entournures d’un féminisme exacerbé jusqu’à la haine et la folie.





Un excellent roman d’atmosphère donc, pour une lecture pleine d’angoisse et d’étrangeté, mais un grand point d’interrogation quant à la forme outrancière qu’y revêt le féminisme, à la manière par exemple de Sophie Pointurier dans Femme portant un fusil.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          9412
Terre des affranchis

Le prologue du roman Terre des affranchis m’a complètement happé. Slobozia, Roumanie. Il y a un lac, surnommé La Fosse aux Lions, ancien et auquel se rattachent des légendes terribles de batailles perdues, de vieux ossements, de moroï (morts vivants), c’est à donner la chair de poule. Mêmes les jeunes en quêtes d’émotions fortes évitent cet endroit. Puis le premier chapitre parle d’un vieux monastère byzantin qui a vaillamment résisté aux assauts turcs. Les descriptions de ces endroits sont tellement évocatrices. J’étais certain de plonger dans un univers fascinant.



Malheureusement, ce n’était que de la fausse publicité. Le reste du roman ne suit que les aventures d’un jeune détraqué qui commet quelques crimes. Toutefois, à cause du point de vue adopté, c’est comme si on devait comprendre le pauvre Victor parce que son père était brutal et violent avec lui. Et je ne sais pas trop comment interpréter la ferveur religieuse de sa mère et de sa sœur qui l’ont caché à la population superstitieuse. Quand j’ai refermé le livre, je ne savais plus trop quel était le message de l’auteure.



Ceci dit, Terre des affranchis n’est pas mauvais. Il y a bien du mystère et des personnages intéressants. Toutefois, je m’attendais à tellement plus et, surtout, mieux. Quel dommage de mettre un décor et une atmosphère incroyables au service d’une intrigue (policière ? sociale ?) presque ordinaire. D’ailleurs, celle-ci devenait facilement prévisible au fur et à mesure que j’avançais dans ma lecture. Mais bon, il s’agit d’un premier roman. Liliana Lazar a indéniablement du talent et je me ferai un plaisir de jeter un coup d’œil à ses futures publications.
Commenter  J’apprécie          460
Carpates

Le titre a suffit à me donner envie de découvrir ce roman, ce simple mot : "Carpates" évoquait pour moi la forêt, les mystères, les vieilles légendes, un peuple ancien, des traditions oubliées, des secrets...bref, j'étais alléchée sans même avoir lu le résumé.

J'ai lu ce roman d'une traite malgré ce qu'il s'y passe, et le moins qu'on puisse dire c'est que l'ambiance est lourde, angoissante et la terreur pointe même le bout de son nez par moment.

Jeanne et Boris sont français et ils sont en vacances en Roumanie, parce que Jeanne vient pour rencontrer une femme qui "aurait ressuscitée".

Elle compte faire figurer le récit de cette rencontre dans la thèse qu'elle rédige et qui a pour sujet les rituels de vieux croyants originaires de certains pays de l'Est.

Tout se passe bien jusqu'à une banale panne de voiture, mais là où ça se complique c'est qu'on est en plein hiver, sur une route de montagne très isolée, à des heures de route du dernier village, qu'il neige abondamment et qu'il n'y a pas la moindre voiture qui passe pour leur prêter main forte.

Une gamine sortie de nulle part va les emmener dans son village, caché au coeur de la forêt, où vit une étrange communauté.

L'atmosphère est rapidement oppressante, on sent dès le départ que ces gens vivent d'une manière particulière, qu'ils cachent beaucoup de choses et on n'a qu'une envie, partir de là à toute jambe, malgré leur hospitalité.

On ne sait pas trop si le danger viendra de ces gens, de la forêt et des animaux qui y vivent où si autre chose de plus terrible encore y est caché.

J'ai beaucoup aimé le mélange entre les traditions anciennes, les rituels qui semblent ésotériques, ce qu'on apprend sur la façon dont le pouvoir en place en Roumanie a martyrisé certains peuples, les légendes, et la façon dont cette communauté accueille les deux français.

Un roman palpitant, qui nous immerge dès le début dans une atmosphère véritablement angoissante, et dont on rêve de pouvoir s’échapper au plus vite.
Commenter  J’apprécie          350
Carpates

Le voyage interrompu



D'origine roumaine, Liliana Lazar nous entraîne au cœur des Carpates, sur les pas d'un jeune couple à la recherche d'une «miraculée» dont le témoignage permettrait de conclure une thèse de doctorat. Mais en ce milieu d’automne 1992, il va se perdre dans la montagne et devoir partager le quotidien d'une étrange communauté. Un drame à l'atmosphère envoûtante.



Jeanne a finalement réussi à persuader son compagnon à partir pour les Carpates. L'étudiante a lu l'histoire d'une femme qui serait revenue d'entre les morts et qui appartiendrait aux Lipovènes, un groupe ethnique persécuté par le tsar Pierre le Grand à la fin du XVIIe siècle et qui aurait trouvé refuge en Roumanie. Son témoignage pourrait lui permettre de terminer sa thèse de doctorat et à lui assurer une belle carrière.

Voici donc le couple parti pour un périple de 2000 km jusqu'en Roumanie via l'Autriche et la Hongrie. Au volant de sa Peugeot 504, Boris va vite se rendre compte que le voyage s'annonce bien plus périlleux que prévu. En cet automne 1992, la Roumanie ne dispose en effet que de peu de routes asphaltées. «Les nids-de-poule parsemaient la nationale, risquant à chaque virage de vous tordre les essieux. Quant aux voies secondaires, elles se limitaient à une succession de chemins de terre, que les pluies récentes avaient transformés en torrents de boue.»

Après un voyage éreintant, Jeanne et Boris finissent par trouver une auberge où ils pourront se reposer avant d'entamer leur dernière étape jusqu'à Rodna. Sur les conseils de l'aubergiste, ils décident d'emprunter l'itinéraire passant par le col qui devrait leur faire économiser quelques heures de route. Mais sur les flancs de la montagne enneigée leur Peugeot tombe en panne. Ils n’ont alors d’autre choix que de chercher un refuge dans cet endroit isolé. Fort heureusement, ils vont être recueillis par une communauté discrète qui a décidé de s’installer à l’abri des regards après avoir fui la Russie en 1910. Si Boris va chercher par tous les moyens à quitter cet endroit, Jeanne va essayer de nouer le dialogue, se disant qu’elle tenait là un bon sujet d’études. Il faut dire que les premiers entretiens qu’elle mène avec la colonie ne manquent pas de la surprendre. Ici, les femmes règnent en maître, les hommes sont relégués à l’écart et appelés les boucs. Cette inversion de la domination est du reste l'une des clés de ce livre envoûtant par bien des aspects, terrifiant par d'autres.

La nature hostile et les accidents vont contraindre nos deux rescapés à prolonger leur séjour. C’est alors que va se nouer le drame qui va donner à ce récit sa dimension tragique et séparer le couple.

Liliana Lazar nous fait découvrir ces «vieux-croyants» chassés par Pierre Le Grand et dont une partie a fini en Roumanie dans un roman construit en trois parties à la tension toujours plus croissante. Du voyage d’études, on passe très vite à la nuit mystérieuse, à une sorte de piège qui se referme sur les intrépides voyageurs à un moment où le pays vivait encore dans des conditions proches du Moyen-Âge pour finir sur une âme errante. Mais ne dévoilons pas tout de ce roman qui se lit comme un thriller, rebondissements compris. Le Clézio ne s’est pas trompé en parlant de plume superbe et de science du récit. On ne saurait trop vous conseiller de prendre à votre tour la route des Carpates !

NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          310
Terre des affranchis

Entrer dans l'univers de Liliana Lazar c'est pénétrer dans un monde où le fantastique , la religion, les croyances populaires, l'archaïsme social et la modernité contemporaine forment un tout i .Surprenant, Emouvant, Inquiétant....La très belle écriture de Liliana Lazar cisèle les phrases comme des bijoux .

Slobozia ,en français Terre des affranchis,en Moldavie, petite ville aux confins des Carpates côté Roumanie, vit au rythme de la nature et du communisme .Ceau escu a pris le pouvoir en 1965 . Cette même année meurt noyé (? ) Tudor Luca ancien mineur ,amputé d'une jambe dans un accident et arrivé avec sa famille à Slobozia .ILs vivent dans une maison isolée et ne sont guère aimés dans la ville les étrangers restent des étrangers....Il laisse une veuve et ses deux enfants Eugenia et Victor A la suite de l'assassinat d'une jeune femme Victor va devoir vivre caché il y réussira grâce à la complicité de sa mère Ana et de sa soeur Eugenia .....

je vous laisse le soin de découvrir la suite !

un roman foisonnant , j'ai beaucoup appris sur la vie dans cette région d'Europe ,et si vous vous souvenez que le château du Comte Dracula était situé en Transylvanie dans les Carpates vous pourrez mieux appréhender l'univers de Liliana Lazar A LIRE et A RELIRE



Commenter  J’apprécie          230
Terre des affranchis

Voici un livre étonnant et original dont je vais avoir quelques difficultés à proposer une critique.

Avant tout, c'est l'atmosphère des lieux, empruntes de mystères et de croyances qui m'a enchantée.

Une forêt, un lac, des disparitions inexpliquées, des personnes exclues et incomprises des villageois, une dictature et un brin de résistance : voilà les ingrédients de ce conte.

Le style est limpide, qui permet à Liliana de m'avoir embarquée vers ce huis clos dans le petit village de Slobozia.
Commenter  J’apprécie          200
Enfants du diable

On peut quitter son pays mais le pays ne vous quitte pas.

------------------------------------------------------------------------------------

Il y a des livres plus bouleversants qu’un ouragan. Enfants du diable est de ceux-là. C’est un livre-choc, loin des exercices livresques auxquels se livrent les écrivains à la mode, consacrés par les tops et/ou les marchés. C’est une histoire sans concessions, arrachée aux tripes, à l’imaginaire collectif d’un peuple. Une histoire découpée en petits chapitres, illuminée par l’urgence de l’écriture, comme un devoir de mémoire trop longtemps ajourné.

« Enfants du diable » est une maison hantée par les fantômes de la Roumanie des années 80.



Pendant que l’Occident dansait sur « Heart of glass » de Blondie ou « Cœur de loup » de Philippe Lafontaine, sur le versant oriental du continent, les femmes étaient obligées d’avoir 5 enfants, malgré d’incroyables pénuries, malgré le manque d’assistance et de médicaments, et beaucoup de gosses se retrouvaient à la rue, dans des orphelinats ou, plus rarement, dans des familles d’emprunt.



Au XIXe siècle, les orphelins de Dickens et Malot s’en tiraient mieux et un tel sujet aurait pu sombrer dans un « archipel du goulag » sans le talent de conteuse de Liliana Lazar et la galerie de personnages auxquels elle a greffé une âme.



Très attendue après le succès de « La terre des affranchis » (éditions Gaïa, 2009), roman de début récompensé par une multitude de prix, Liliana Lazar renoue avec la nature sauvage qu’elle connaît si bien (la couverture nous apprend qu’« elle a grandi dans une forêt du nord de la Roumanie où son père était garde forestier ») et que nous devinons — ici aussi — en harmonie avec l’animalité des hommes.



Fruit du hasard, d’un prêté pour un rendu, une maternité « au temps du choléra » (« choléra » était le surnom de la femme du dictateur Ceausescu) sera le fil conducteur d’une série d’aventures personnelles étonnantes — être mère est un voyage initiatique qui réserve une foule de surprises, surtout en milieu hostile.



Bien documentées, les données historiques de ces années-là vont croiser le fer avec les données fictionnelles pour un récit noir mené tambour battant, un récit où les syncopes et les ellipses sont légion — dans les interférences des perspectives et des trames narratives, les non-dits en disent plus long qu’on peut supposer. Et, comme dans un bon polar, le lecteur remplit les cases vides — l’auteure échange avec lui des regards d’intelligence.



Liliana Lazar écrit directement en français, sa langue d’accueil, mais elle situe ses contes au bout de l’Europe, en son pays d’origine, quelque part à la marge de la civilisation, là où l’instinct et les traditions locales font fi des lois (et parfois même des vies). Grâce à elle, à Liliana, à son microcosme fantasque qui change de méridien, grâce aux mutants du « global village », la littérature — ce bon vieux vampire toujours assoiffé — reçoit du sang neuf, un transplant de culture imprévisible, un coup de main venu d’ailleurs.



Liliana Lazar a donné corps — sensible et attachant — à des destins aux confins de l’humanité, des destins croisés qui relancent sans cesse l’attention du lecteur. Des personnages à l’équilibre fragile qui nous poursuivent longtemps après avoir fermé le livre — comme un chant de sirène, comme un appel de détresse, comme un amour raté de près.



« Enfants du diable » n’est pas que le roman d’une maternité, c’est aussi le roman d’une ère et d’une population marquée au fer, c’est aussi une écriture alerte, au scalpel, qui en fait un « page-turner » et une fable de l’existence. Avec ce deuxième ouvrage, Liliana Lazar continue de nous éblouir en explorant la matière grise et rouge sang des êtres humains.



À l’époque du « génie des Carpates »,

on appelait « enfants du diable », les enfants non désirés, lâchés, abandonnés par leurs géniteurs. Sur cette « terre des hommes », nous arrivons tous comme « enfants de dieu » mais gare aux parents indignes/de nation/d’adoption : ils peuvent à tout moment nous faire basculer dans un univers néfaste, en faisant de nous des « enfants du diable ».

Radu Bata
Lien : https://www.actualitte.com/a..
Commenter  J’apprécie          180
Terre des affranchis

Slobozia, littéralement "Terre des affranchis", petit village retiré de Moldavie, entouré de forêts au milieu desquelles un lac effraie les villageois, la "Fosse aux lions" où règnent les Moroï, les morts vivants, un lieu de légendes. Dans cette région de Roumanie, les esprits, les sorciers, les prêtres, la religion orthodoxe et les saints cohabitent dans les croyances des habitants. De 1970 à 1990, Victor Luca vit caché, après un crime qu'il a commis, sous l'emprise de pulsions qui le dépassent. Durant sa réclusion, il n'a qu'une obsession : obtenir la rédemption et l'absolution des péchés. Après la révolution de décembre 1989 et la mort du tyran, les anciens ennemis du pouvoir sont devenus des héros, les camarades de Ceausescu sont au pouvoir, les opportunistes ont changé de camp ; l'Eglise, après avoir servi l'ancien pouvoir, devient le centre de ralliement et de réconciliation du peuple et Victor, un de ces héros nécessaires à la rédemption du pays.Puis, sur les dernières pages, la lumière se fait. On comprend l'intérêt de cet anti-héros, représentant la Roumanie et sa recherche d'absolution des horreurs du régime communiste mais également la nature humaine profonde, hypocrite et qui ne change jamais complètement.
Commenter  J’apprécie          160
Carpates

Au cours de l'hiver 1992, en Roumanie, un jeune couple tombe en panne de voiture sur une route déserte des Carpathes. C'est Jeanne qui a emmené son compagnon dans cette montagne pour finir en beauté sa thèse sur les rituels mortels des orthodoxes vieux-croyants qui ont fui la Russie. Elle doit retrouver la trace d'une femme ressuscitée dont le témoignage serait précieux pour le rayonnement de son travail.

Boris, son compagnon, est boxeur professionnel et ne partage absolument pas sa passion pour l'anthropologie et les croyances païennes.



En raison de l'isolement et des conditions météo, ils acceptent de suivre un enfant qui les guide vers une communauté totalement dissimulée dans la montagne.

Livre d'aventure ? Livre d'horreur ?

Le roman de Liliana Lazar utilise ces registres mais va bien au-delà. Elle aborde avec intelligence les mythes et les croyances anciennes qu'elle décline autour de la question du genre et des utopies communautaires.



Le couple en détresse est accueilli dans une colonie dirigée par une femme que tous vénèrent sous le nom de Mama Ottilia.

Cette communauté a été fondée en 1910 par des religieux russes chassés par le tsar et installés en Roumanie . Au cours de la guerre contre la Russie, les femmes ont pris le pouvoir et se sont organisées en matriarcat, prenant ainsi leur revanche contre la pratique du viol comme tactique de guerre prônée par les soldats russes. La misandrie absolue dont elles font preuve au quotidien résulte sans aucun doute des épreuves subies à cette époque.



Liliana Lazar a choisi de donner la parole à une femme qui pose un regard perspicace sur cette communauté qu'elle étudie. Dans ses carnets ( en italique dans le texte), les notes prises par l'anthropologue à destination d'un public de chercheurs, attribuent à ses descriptions un coefficient supérieur. Savoir d'où elle parle c'est un gage donné à la validité d'un discours qui se trouve de fait authentifié.

Cette microsociété matriarcale quitte le domaine de la fiction pour devenir un régime d'organisation vraisemblable.



Si elle étudie cette société " où les femmes urinent debout, les hommes doivent pisser assis", Jeanne qui est enceinte, est rapidement associée à la vie quotidienne.

Elle va alors réaliser à quel point ce "patriarcat inversé" mène la vie dure aux hommes qui sont appelés les boucs, sont confinés dans des tâches subalternes et emasculés lorsqu'ils ne servent plus à la reproduction. Les bébés mâles sont élevés en tant que filles jusqu'à l'adolescence ( jusqu'à ce qu'ils sentent), de manière à réguler toute propension à l'agressivité.

Boris, qui a été blessé alors qu'il tentait de s'enfuir, est exilé dans une cabane et utilisé pour féconder les femmes du village.



Le discours féministe prend place dans un dispositif romanesque superbement rythmé sans jamais l'alourdir. Comme Wendy Delorme, elle interroge les constructions de genre.

"Je suis femme. Et je ne l'ai pas choisi. Cela s'est imposé à moi comme une évidence. Étant femme, je n'ai pas hérité des attributs du pouvoir. Je n'ai pas reçu cette force physique qui permet à Boris de s'imposer sans avoir à manier les mots. Cette assurance qui fait que l'on a préféré donner MON poste à l'université à un HOMME moins compétent que moi. J'en suis là à cause de cet a priori que tant de femmes subissent. Là où eux sont des mâles, des durs, des costauds, des bonshommes, la femme se résigne à n'être- selon leurs mots- qu'un sexe faible, une fragile, une greluche, une poule, une petasse tantôt connasse, tantôt salope, une femelle et rien d'autre. Je n'ai pas choisi d'entrer dans ce rapport, mais je l'ai intégré. En un sens je l'ai accepté. Il n'y pas de domination sans une forme de consentement de la part des dominés. "



Dans ce décor de forêts opaques, autour d’une nature sauvage qui accueille ours et sorcières, le roman déploie une atmosphère toute particulière, mélange de mysticisme et de traditions. Alors que la littérature contemporaine commence à dépeindre des sociétés matriarcales par le biais de la dystopie, l'autrice utilise le passé historique de son pays d'origine pour composer sa tribu de femmes.
Commenter  J’apprécie          153
Terre des affranchis

Les faits se déroulent en Roumanie, à Slobozia ce qui signifie, en français, terre des affranchis. Ce village est entouré de bois et, s’y trouve également un lac, lieu maudit pour les habitants et surnommé la Fosse aux Lions, anciennement La Fosse aux Turcs ; à l’époque de l’occupation turque, maints soldats turcs s’y sont noyés.

En ce qui concerne la période couverte par ce roman, les faits débutent un an avant l’ère du Président Ceausescu jusqu’après son exécution.

Pendant la période de Ceausescu, les rites religieux étaient à peine tolérés, les livres saints et plus généralement tous ceux qui avaient traits à la religion ont été brûlés. Dans le village de Slobozia, le pope charge Victor de recopier les livres défendus dans des cahiers qui seront donnés, en secret, aux villageois pratiquants.

Ce roman est une période de la vie de Victor, Victor qui vit caché de tous, recherché pour un meurtre qu’il a commis. Le prêtre pense que Victor, en faisant ce travail de copiste, pourrait obtenir la rédemption du Seigneur et sauver son âme.

Cette période est retracée fidèlement, l’auteure, Liliana Lazar, est née en 1972, en Moldavie roumaine et vit actuellement à Gap, aux pieds des Alpes françaises.

Commenter  J’apprécie          151
Terre des affranchis

Slobozia, littéralement "Terre des affranchis", petit village retiré de Moldavie, entouré de forêts au milieu desquelles les ondes d'un lac maudit font trembler les villageois, la "Fosse aux lions"où règnent les Moroï, les morts vivants, un lieu de légendes, sous l'ère Ceausescu. Dans cette région de Roumanie, les esprits, les sorciers,les prêtres, la religion orthodoxe et les saints cohabitent dans les croyances des habitants. De 1970 à 1990, Victor vit caché, après un crime qu'il a commis, sous l'emprise de pulsions qui le dépassent. Durant sa réclusion, il n'a qu'une obsession : obtenir la rédemption et l'absolution des péchés. Après la révolution de décembre 1989 et la mort du tyran, les anciens ennemis du pouvoir sont devenus des héros, les camarades de Ceausescu sont au pouvoir, les opportunistes ont changé de camp ; l'Eglise, après avoir servi l'ancien pouvoir, devient le centre de ralliement et de réconciliation du peuple et Victor, un de ces héros nécessaires à la rédemption du pays.
Commenter  J’apprécie          120
Carpates

Le récit déroutant a pour cadre dans la Roumanie des années 1992 une communauté, une «  colonie » des Vieux-Croyants dans les Carpates et la confrontation d'un couple de jeunes Français à ce microcosme archaïque. le lecteur entre dans un monde très mystérieux qui peut le rebuter..,

Jeanne chercheuse en anthropologie est fascinée par cette micro-société régentée par les femmes, elle pense y trouver le matériau qui abondera sa thèse et s'intéresse beaucoup, sans discernement, aux rituels funéraires.

Son compagnon Boris est beaucoup plus méfiant . Déjà, il a accepté d'accompagner Jeanne sur la trace de la femme ressuscitée avec réticences. D'ailleurs, Zanov l'aubergiste qui les loge

est une personnage louche et la voiture des Français tombe en panne

sur la route de montagne enneigée. Ce ne sont pas des signes positifs mais Jeanne persiste ..
Commenter  J’apprécie          100
Carpates

Jeanne et Boris, un jeune couple d’Aix-en-Provence partent en vacances en Roumanie. C’est surtout l’occasion pour Jeanne de compléter son étude sur les rituels mortels chez les vieux croyants dans les Carpates orientales, sujet de son doctorat. Pour se rendre à Rodna, lieu où une femme serait ressuscitée, le couple doit emprunter le passage des cols. C’est une route de montagne dangereuse mais conseillée par Zanov, le patron de l’auberge où ils font une halte en pleine nuit.

Jeanne, fille de colonel, plutôt intellectuelle est une personne empathique et curieuse. Parlant roumain, elle s’intéresse aux autres mais toujours dans l’optique d’enrichir l’objet de son étude. Boris, un ancien boxeur marqué par le suicide de son père, est plutôt pragmatique et méfiant. Très amoureux de Jeanne, il la suit et la protège.

Nous sommes en 1992, trois ans après la révolution roumaine qui aboutit à la fin du régime communiste et du couple Ceausescu. Le couple de français arrive en pleine montagne, dans une forêt où rôdent les ours et les âmes des disparus. Mouna, le vent des Carpates, souffle comme une présence mortifère. Liliana Lazar aime particulièrement ces ambiances de forêt touffue. Ce sont des lieux empreints d’animalité et de croyances païennes. On y trouve ici un grand duc, hôte de l’âme d’un homme tué par un ours.

En pleine ascension de la route des cols, la voiture du jeune couple tombe en panne. Jeanne et Boris sont contraints de suivre un jeune enfant jusqu’au village d’une communauté dirigée par Mama Otilia. Cette colonie fondée en 1910 par des religieux russes chassés par le tsar puis par des femmes, elles-même la proie des soldats russes, prône une structure patriarcale inversée. En tout cas, la femme porteuse de vie est précieuse contrairement aux mâles, simples boucs reproducteurs.

Ainsi, contrairement à Boris, homme fort et tatoué, Jeanne, enceinte, est une hôte de choix. La jeune femme apprécie cet environnement chaleureux et elle y voit surtout une opportunité d’enrichir ses recherches universitaires.

Boris, plus lucide, se méfie de cette hospitalité emprisonnante.

Liliana Lazar construit un récit passionnant dans cette atmosphère qu’elle maîtrise depuis son premier roman. Pétrie de l’environnement de son enfance, elle crée son décor autour d’une nature sauvage, territoire des ours et des sorcières et du passé historique de son pays.

Elle maintient ici une tension, un suspense qui rend ce roman très addictif . Jusqu’au dénouement, l’auteur nous surprend et nous tient en haleine.

Au-delà d’une lecture passionnante, c’est aussi une réflexion sur la place des hommes et des femmes dans une société et sur la vie au plus près de la nature.
Lien : https://surlaroutedejostein...
Commenter  J’apprécie          100
Terre des affranchis

Victor Luca et sa famille vivent dans le petit village de Slobozia, au fin fond de la Roumanie. Victor est fasciné par un lac que les villageois appellent « La fosse aux lions », en référence au prophète Daniel. Le jour où Victor tue sauvagement son père maltraitant dans le lac, commence un long parcours meurtrier. Il se terre durant de longues années chez sa mère et sa sœur, les villageois le croyant mort. Itinéraire d’une rédemption vers une libération sur cette Terre des affranchis…



J’ai lu ce livre dans le cadre du prix Cezam 2010 et ce fut un véritable coup de cœur. A plusieurs reprises, l’ouvrage se révèle très instructif. Dès le départ, on apprend que « Slobozia », le nom du village où se déroule l’histoire, signifie : « libérer, délivrer, affranchir ». « Terre des affranchis » raconte effectivement l’histoire d’une rédemption, d’une libération du poids des fautes, des péchés. On apprend également sur l’histoire de la Roumanie, de la dictature de Ceausescu jusqu’à la démocratie, sur l’histoire de Slobozia, avec son lieu légendaire et redouté : « la fosse aux lions », qui cristallise les miracles pour Victor. Lieu qui vient en aide dans les moments difficiles, lieu qui est le témoin des pires atrocités.



Ce livre cultive le mystère : le lecteur s’interroge jusqu’au bout sur la destinée de Victor : va-t-il être démasqué par le policier infatigable, Simion Pop, qui officie pendant plus de 20 années. On ne peut rester insensible au personnage de Victor malgré son côté effrayant et repoussant : il est mû de pulsions incontrôlables, mais en même temps essaie à tout prix de se racheter : c’est ainsi que pendant de nombreuses années, il va recopier sur des cahiers des textes religieux pour un prêtre dissident. La foi est très présente dans ce livre : elle est bien incarnée par l’image de l’ermite Daniel, dont on apprend qu’il se réfugie à Slobozia pour expier des fautes lourdes. Il constitue un peu l’alter ego de Victor. Dans le village, les croyances et les superstitions sont tenaces : on croit ainsi beaucoup aux moroï, les « morts vivants ». Les fêtes religieuses ponctuent la vie quotidienne et l’église est bien fréquentée.



Un mot sur l’auteur : « Liliana Lazar est née en 1972 en Moldavie roumaine. Elle a passé l’essentiel de son enfance dans la grande forêt qui borde la village de Slobozia, où son père était garde forestier. Elle arrive en France en 1996. Elle vit à Gap, aux pieds des Alpes. Liliana Lazar écrit en français » (informations sur la quatrième de couverture). Il s’agit ici de son premier roman.



Il est difficile de classer ce livre dans un genre : tour à tour, il arbore le visage d’un roman, d’un policier, d’un roman fantastique, parfois presque d’un conte…



Peut-on racheter ses fautes, le temps peut-il permettre d’effacer les péchés et d’être pardonné, à ses yeux et à ceux des autres ? Telle est l’interrogation centrale de « Terre des affranchis ». Un beau livre, mais aussi un livre difficile, qui explore l’univers des pulsions meurtrières et de la religion, au cœur des forêts moldaves.
Commenter  J’apprécie          100
Terre des affranchis

Tout commence comme un polar : une forêt, un lac envoûtant et inquiétant, un cadavre.

Mais Slobozia est un village perdu de Moldavie roumaine, chrétien orthodoxe, pétri de croyances païennes et soumis à la dictature communiste de Ceausescu, puis à la difficile démocratie - pouvoir corrompu lié à la puissance de l'Eglise. Et c'est sur ce mélange que s'appuie l'histoire de Victor qui ne voulait pas faire de mal.. Dieu, le Diable, l'immoralité, la repentance, la rédemption, le sacrifice, la lâcheté, l'opportunisme, le pardon, la vérité... la nature et la société humaine...

Au final, c'est de la sauvagerie sombre, écrit lumineusement. J'ai beaucoup aimé la construction de l'histoire et cette plongée en eaux troubles qui en fait plus une fable ésotérique et culturelle qu'un polar.
Commenter  J’apprécie          91
Terre des affranchis

Je n'ai pas du tout accroché à ce roman qui frôle allègrement le fantastique.

L'auteure étant roumaine, on peut donc admirer son écriture. Cela étant, j'ai lu ce livre sans avoir remarqué qu'il avait été écrit directement en français et je n'ai pas aimé l'écriture...

Par ailleurs cette histoire de village perdu au fond de la forêt et au bord d'un lac maléfique et vorace m'a laissée de marbre..
Commenter  J’apprécie          90
Terre des affranchis

Un roman qui vaut d'abord pour son atmosphère, son cadre, à tel point qu'on peut douter de l'époque où se passe le récit, quand le Moyen-Âge et ses superstitions païennes entre en collusion avec la police politique d'un état communiste, et avec la volonté d'enrichissement d'une société devenue capitaliste.

Oui, le récit nous plonge dans un lieu hors du temps, sans téléphone, sans voiture même. "Plonge", au sens strict, quand un des personnages principaux est un lac qui semble avoir des pouvoirs mystérieux, choisissant ceux qu'il accepte et ceux qu'il avale. On croise donc un sorcier, un ermite, des revenants... Et, paradoxalement, des scènes de torture dans une prison politique, des politiciens ambitieux et véreux. Ce décalage créé donc des situations intéressantes et donne une atmosphère particulière, oppressante, puisqu'il semble n'y avoir pas de soleil dans cette forêt, pas d'espoir possible.

Cependant, dans ce cadre, j'ai trouvé que le récit n'était pas à la hauteur, trop simple, à cause de personnage assez monolithique. Les femmes n'apportent rien, elles sont justes des proies sexuelles. La soeur de Victor qui lui sacrifie toute sa vie ne semble être là que pour le nourrir et lui coudre ses vêtements, on n'a pas accès à ses pensées. Quant à Victor, d'abord enfant battu qui cherche à échapper à son père-bourreau, il se réduit bien vite à un prédateur sexuel, aux motifs classiques finalement, le pervers dans les bois. Dommage, sa personnalité n'est donc pas assez creusée selon moi.
Commenter  J’apprécie          80
Terre des affranchis

La Terre des Affranchis contée par Liliana Lazar est un petit village de Moldavie roumaine, Slobozia, ployant sous le secrets et légendes les plus sombres , à l'époque de Ceauçescu. Un lac, la fosse aux Turcs – rebaptisé la fosse aux Lions – un lieu des plus mystiques, des meurtres inexpliqués et inquiétants, un pouvoir menteur et répressif, souvent faible face aux forces naturelles de Slobozia.

Les hommes de Liliana Lazar sont attachants, cruels, sensibles, torturés par leur époque et leur environnement, ils sont humains ; et ces quelques 200 pages en leur étrange compagnie ne vous laisseront pas indifférents.

Commenter  J’apprécie          80
Terre des affranchis

Si vous aimez les contes, ceux qui laissent la place aux légendes locales, si vous aimez la nature et son emprise sur l'Homme, si vous aimez découvrir quelques traits de l'Histoire d'un pays, si la religion et la politique et leurs emprises respectives vous questionnent, alors il faut lire ce livre.

Et il vous faudra certainement le relire tant chaque mot du texte a son importance dans le récit des événements.



Un style poétique et qui va vous envoûter - les personnages tout autant ! - vous empêchera de quitter ce roman avant son dénouement.



Une peu de la Roumanie à découvrir...
Commenter  J’apprécie          60
Enfants du diable

Après le remarquable « Terres des affranchis », Liliana Lazar nous plonge dans l’horrible réalité de la Roumanie d’avant 1989 avec ses orphelinats. Un récit percutant pour des personnages à la fois attachants et troublants, pour une histoire forte et qui dénonce des travers d’un pays.
Commenter  J’apprécie          60




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Liliana Lazar (295)Voir plus


{* *}