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Citations de Linda Lê (328)


englués dans la boue œdipienne
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Ne pas se soucier du « bien écrire » ne signifie pas ne guère se préoccuper de ce qu'implique le fait de préférer un verbe particulier, d'élire tel mot plutôt que tel autre. Cela relève même, dit Amos Oz, d'un choix moral - « Les mots peuvent tuer : nous le savons que trop, mais ils guérissent aussi parfois, dans une certaine mesure. » Il se rappelle avoir souvent été consterné par les mots (« puissant », « formidable », « explosif ») employés pour le lancement de ses romans dans des pays dits civilisés. La dégradation, la corruption du langage, souligne-t-il à la suite de Victor Klemperer, annoncent souvent les pires barbaries : « Partout où des groupes particuliers d'êtres humains sont désignés sous les termes “d'éléments négatifs”, de “parasites” ou “d'étrangers indésirables”, par exemple ils seront traités tôt ou tard comme des sous-hommes. » Au bout du compte la question la plus essentielle que se pose l'homme de mots n'est-elle pas de savoir comment ferrailler contre l'injustice, la violence, le préjugé, en agissant de telle manière qu'il ne peut être accusée de faire des phrases ?

(p. 167-168)
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Quand il faisait trop froid pour errer dans la ville, Ivan passait ses journées à la bibliothèque. Pour faire taire la voix du père, il s'obligeait à lire, relire Flaubert et à apprendre par cœur des pages de Lautréamont, « Je suis fils de l'homme et de la femme, d'après ce qu'on m'a dit, ça m'étonne… Je croyais être davantage ! Au reste, que m'importe d'où je viens ? »
(p. 26)
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Ma résolution de devenir écrivain s'affermit en lisant les grands auteurs – Flaubert, Dostoïevski, Shakespeare – l'un après l'autre. Mais je commençais à ressentir profondément ma différence. Auparavant, j'étais une Vietnamienne qui parlait mal ma langue et avait la tête farcie de culture française. Maintenant, j'étais une étrangère qui aspirait à écrire aussi bien que l'indigène. Il y avait en moi une fêlure que j'essayais de comprendre en me tournant vers les écrivains qui ont trahi leur langue natale : Conrad le Polonais écrivant en anglais, Cioran le Roumain et Beckett l'Irlandais écrivant en français. Chacun, en investissant la langue qu'il a choisie, m'apparaissait à la fois comme un voleur et un donateur.

(p. 41)
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Je dois à Cioran l'orgueil d'être une métèque. J'avais dix-huit ans quand je le vis pour la première fois. Il me donna Les Confessions d'un mangeur d'opium anglais. Mais c'est d'un autre livre de Thomas de Quincey qu'il me parla : La Nonne militaire d'Espagne. Cette histoire échevelée d'une jeune Basque qui s'échappe d'un couvent et parcourt le monde en habit de garçon, trucidant de nombreux personnages sur son parcours, avait de quoi exalter l'imagination de celui qui aimait les héroïnes qui ne sont pas d'ici. À lire Cioran on se figure un misanthrope, qui se défend de toute intrusion, se retranche derrière ses syllogismes pour écarter les importuns. Or, Cioran était l'être le plus accueillant qu'il m'eût été donné de connaître. Il m'avait encouragé à écrire, alors que lui-même comparait le roman à une tragédie au rabais.

(p. 47)
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Notre planète étant, selon la définition de Stevenson, une île tournoyante chargée de vie rapace, plus ruisselante de sang qu'un navire au lendemain d'une mutinerie, Hanokh Levin sonde les pulsions mortifères, descend dans le sous-sol humain où grouille un monde de lâcheté et de bassesse, tire des choses vues un constat sur le non-sens de nos existences, engluées dans de risibles ambitions.

(p. 117)
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Paul Valéry disait que la littérature comporte une infernale combinaison du sacerdoce et du négoce, de l'intime et de la publicité. Quand un de ses livres paraît, l'auteur doit-il nécessairement se transformer en bateleur et caqueter pour se faire une place au milieu de la basse-cour ?

(p. 19)
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Georges Perros habite le même Kamtchatka littéraire que Louis-René des Forêts. Reclus constructeur de radeaux pour suivre les méandres de sa pensée, il a baigné dans le poème de la mer, plantant sa tente loin de Paris.

(p. 37)
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Écrire, disait [Georges Perros], c'est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous.

(p. 37)
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Kriss
On a transformé le meurtre de mon père en fait divers. On a classé l'affaire parmi les crimes de rôdeurs. J'attendais le retour de Stan pour que le fait divers devienne un mythe sanglant. Elle a tué un dieu. Un autre dieu devait la punir.

Stan
Pardonnez à votre frère sa faiblesse humaine.

(p. 75)
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V[étéran]2
Opération Niagara, qu'ils disaient. Une cascade de bombes sur la fleur de lotus, et la victoire est à nous.

V3
Fleur de lotus, mon œil ! Plutôt un droséra en plein merdier. Et nous largués là-dedans comme des mouches. Engluées. Gobées. Broyées.

V1, fredonnant
Que sont les soldats devenus ?
Ils sont en terre descendus.

(p. 12)
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On est ainsi fait qu'une habitude, qui vous mine mais vous procure la fausse sécurité d'un ancrage, vous est plus précieuse qu'une évidence qui vous met face à face avec vous-même. On vit dans le piège qu'on a disposé pour se défendre contre une réalité crue sauvage et redoutable, sans s'apercevoir qu'on s'est enfermé avec les démons, les siens -qu'on a engraissés-, et ceux des proches -qu'on a réveillés.
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S'échauffer ,se mettre dans tous ses états, monter sur ses grands chevaux ,prendre la mouche :la langue française use de quelques expressions imagées pour désigner comment le coléreux pèche par absence de flegme, comment il risque de se ridiculiser en grinçant des dents, en écumant, en suffocant ,en étant cramoisi, en ayant les yeux exorbités, en pestant, en fulminant, en vociférant, en hurlant des injures en éructant des blasphèmes .
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Dans la colère entrent des sentiments si complexes, surtout quand celui qui se trouve sous son emprise sait la travestir de différentes façons, à l'image du sage dont Michaux, dans « Poteaux d'angle », dit qu'il transforme sa colère de telle manière que personne ne la reconnaît. Mais lui, ajoute Michaux, « étant sage, la reconnaît… parfois ».

(p. 95)
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La révolution ne va pas sans explosion de colère – Rage Against the Machine. Valéry mettait un grand soin à distinguer la rage de la colère. Parlant de Degas, il loue la colère qui peut être savamment réglée, tandis que la rage est discordante, grossière.
[...]
La seconde demande à être irriguée par tout ce qui peut contribuer à lui donner de l'ampleur, elle s'adresse à Dieu, à toute entité supérieure, elle est souvent la manifestation d'une négativité chargée d'électricité, transformée en démonstration de force, elle est ce qui meut les révoltés, les indignés, les oubliés, les indigents, quand l'atonie n'a pas fait d'eux des résignés, elle est aussi ce qui stimule les redresseurs de torts, quand l'espoir ne les a pas totalement quittés : ils sont les successeurs des haïdoucs, ces brigands séditieux, ces guérilleros en guerre contre les puissants, que les livres de Panaït Istrati ont magnifiés, rappelant qu'ils étaient des vengeurs animés par la colère plutôt que par la haine.

(p. 47-49)
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Des justiciers de l'injustice

Si le nom de haïduc ne signifie sans doute plus grand-chose aujourd'hui, il existe peut-être encore des justiciers de l'injustice qui, entre pragmatisme et romantisme, entre realpolitik et rêverie autour de la lutte finale, non seulement se posent comme défenseurs des plus faibles, mais revendiquent la place de l'indompté dans un monde suspecté de vouloir anesthésier toute velléité de rébellion.
(p. 50)
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La colère serait-elle ce démon à deux faces, qui détruit et ravit ? Elle peut être aussi une planche de salut. Noire, froide, clastique… la colère sous toutes ses formes renvoie l'homme à ce qu'il y a de plus abyssal en lui. Ou de plus irréductible. Au bout du compte, peut-être que la colère, loin de perdre celui qui ne peut la museler, le sauve, le protège, l'aide à résister aux séductions de la sagesse dans ce qu'elle peut avoir de lénifiant, elle demande qu'on ait recours à elle, comme à un moyen de survie. « J'en appelle à ton dégoût de tout et de tous, ta perpétuelle colère contre toute chose », écrivait Verlaine à Rimbaud.

(p. 122-123)
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Dans « Le Silence des autres », film documentaire d'Almuneda Carracedo et Robert Bahar, une victime franquiste confie que, sous la torture, elle réussit à résister aux coups qui lui étaient portés parce qu'elle était en colère et elle était en colère parce qu'elle était à un être humain.

(l'une des deux épigraphes)
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Tu avais trouvé refuge auprès de ceux qui ne pouvaient plus se réfugier que dans leur imaginaire délirant, et tu avais changé de continent, partant pour celui o^ù la Raison n'a pas cours.
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Tu me faisais penser à la phrase de ce poète russe exilée en France dans les année 1920, morte suicidée après son retour dans son pays natal : la vie est une gare, je vais bientôt partir, je ne dirai pas où.
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