Citations de Louis Aragon (1526)
La noyée, la planche, la mer. Il est seulement alors frappé de la persistance autour d'eux de ces histoires de noyades, il frémit du masque brisé, ce sourire a terre, comme d'un pressentiment. Si tout de même, quand il croit vraiment qu'elle l'aime, elle n'aimait que son amour ?
Un des plus beaux poèmes d'Aragon, si ce n'est de toute la poésie française :
Les lilas et les roses
O mois des floraisons mois des métamorphoses
Mai qui fut sans nuage et Juin poignardé
Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses
Ni ceux que le printemps dans ses plis a gardés
Je n'oublierai jamais l'illusion tragique
Le cortège les cris la foule et le soleil
Les chars chargés d'amour les dons de la Belgique
L'air qui tremble et la route à ce bourdon d'abeilles
Le triomphe imprudent qui prime la querelle
Le sang que préfigure en carmin le baiser
Et ceux qui vont mourir debout dans les tourelles
Entourés de lilas par un peuple grisé
Je n'oublierai jamais les jardins de la France
Semblables aux missels des siècles disparus
Ni le trouble des soirs l'énigme du silence
Les roses tout le long du chemin parcouru
Le démenti des fleurs au vent de la panique
Aux soldats qui passaient sur l'aile de la peur
Aux vélos délirants aux canons ironiques
Au pitoyable accoutrement des faux campeurs
Mais je ne sais pourquoi ce tourbillon d'images
Me ramène toujours au même point d'arrêt
A Sainte-Marthe Un général De noirs ramages
Une villa normande au bord de la forêt
Tout se tait L'ennemi dans l'ombre se repose
On nous a dit ce soir que Paris s'est rendu
Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses
Et ni les deux amours que nous avons perdus
Bouquets du premier jour lilas lilas des Flandres
Douceur de l'ombre dont la mort farde les joues
Et vous bouquets de la retraite roses tendres
Couleur de l'incendie au loin roses d'Anjou
Brocéliande, Louis Aragon
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D'une forêt qui ressemble à s'y méprendre à la mémoire des héros
Rien ne finit jamais comme on voit dans les livres
Une mort un bonheur après quoi tout est dit
Le paladin jamais la belle ne délivre
Et du dernier baiser renaît la tragédie
L'homme a le souffle court et pour peu qu'on le berce
Le dimanche l'endort que c'est déjà lundi
|La vie est une avoine et le vent la traverse
|Sans y trouver jamais un accord résolu
Si l'histoire y poursuit comme les rimes tierces
|L'irréversible amour des jours qui ne sont plus
Tout semble suffisant à l'étrange commère
Pour enchaîner sur le beau temps quand il a plu
Ou quand les amoureux enfin se désaimèrent
Au doigt d'autres enfants pour repasser l'anneau
Que pas un seul moment ne chôment les chimères
Elle transmet sans plus l'alphabet des signaux
Qui dicte à l'avenir une phrase secrète
Comme au ciel sans savoir fait un vol de vanneaux
Un passant dans la rue un second qui l'arrête
Avec le geste appris que la coutume veut
Il touche son chapeau montre sa cigarette
Et le rite accompli s'éloigne avec le feu
Que savent-ils de l'autre Un souffle Une étincelle
L'homme change mais pas la flamme et pas le jeu
La légendaire nuit ces étoiles l'ocellent
Il chantait l'air que tantôt vous fredonnerez
La fugue le reprend du bugle au violoncelle
|Et le monde est pareil à l'ancienne forêt
Cette tapisserie à verdure banales
Où dorment la licorne et le chardonneret
Rien n'y palpite plus des vieilles saturnales
Ni la mare de lune où les lutins dansaient
Inutile aujourd'hui de lire le journal
Vous n'y trouverez pas les mystères français
La fée a fui sans doute au fond de la fontaine
Et la fleur se fana qui chut de son corset
Les velours ont cédé le pas aux tiretaines
Le vin de violette est pour d'autres grisant
Les rêves de chez nous sont mis en quarantaine
|Mais le bel autrefois habite le présent
Le chèvrefeuille naît du cœur des sépultures
Et l'herbe se souvient au soir des vers luisants
Ma Mémoire est un chant sans appogiatures
Un manège qui tourne avec ses chevaliers
Et le refrain qu'il moud vient du cycle d'Arthur
Les pétales du temps tombent sur les halliers
D'où soudain de ses bois écartant les ramures
Sort le cerf que César orna de son collier
L'hermine s'y promène où la source murmure
Et s'arrête écoutant des reines chuchoter
Aux genoux des géants que leurs grands yeux émurent
Chênes verts souvenirs des belles enchantées
Brocéliande abri célèbre des bouvreuils
C'est toi forêt plus belle qu'est ombre en été
Comme je ne sais où dit Arnaud de Mareuil
Broussaille imaginaire où l'homme s'égara
Et la lumière est rousse où bondit l'écureuil
Brocéliande brune et blonde entre nos bras
Brocéliande bleue où brille le nom celte
Et tracent les sorciers leurs abracadabras
Brocéliande ouvre tes branches et descelle
Tes ténèbres voici dans leurs peaux de mouton
Ceux qui viennent prier pour que les eaux ruissellent
Tous les ans à la fontaine de Bellenton
Louis Aragon, 1942
[Partie extraite de la deuxième édition, 1945
Les gens ne se souviennent plus que des drapeaux, des aigles, du soleil d'Austerlitz, et ils accueillent cet homme presque seul comme la négation de tout ce qui leur est tombé dessus depuis 1814, de cette société débarquée d'exil, de ces chatelains qui ont resurgi de l'ombre et passent avec des chasses à courre, de cet énorme parasitisme à frimas, des sottes revanches et des humiliations à la pelle. Ils ont oublié l'énorme vénalité de l'Empire, les dotations, les bénéfices, les pensions.
Oui, mais ces jours-ci, le Bonaparte de Gros, de Gérard, de David... c'était un homme sur les routes, qui se hâtait vers Paris, avec une poignée de soldats, et brusquement l'enthousiasme d'un peuple.
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous les jours durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
La poésie c’est la création de langage. Créez du langage et vous serez poète, un point c’est tout.
❝ La poésie c’est la création de langage. Créez du langage et vous serez poète, un point c’est tout. ❞
Votre lettre m’a fait tout le plaisir du monde. C’est comme avant de s’endormir. Il faut m’écrire inlassablement. J’ai été comme mort pendant plusieurs jours, je ne pensais à rien. A rien si ce n’est à ce décor où il y avait des pierres, et une eau pure sur les pierres.
pour chanter
à bride abattue à gorge déployée
comme un drapeau
la beauté la seule vertu
qui tende encore ses mains pures (Lever)
Sortira-t-on
Casser cet univers sur le genou ployé
Bois sec dont on ferait des flammes singulières (Lever)
Mon portrait me fixe et dit Songe
sans en mourir au gagne-pain
au travail tout le long du jour
L’habitude
Le pli pris
L’habit gris
Servitude
Une fois par hasard
regarde le soleil en face
Fais crouler les murs les devoirs (Lever)
Je parcours les rues sans penser à mal
Avec l’image du poète et l’ombre du trappeur (Pierre fendre)
Le chemin qui mène à la mer
Me conduit au fond de moi-même
À deux doigts de ma perte (Sans mot dire)
Vie ô paisible automobile
et le joyeux péril de courir au-devant
Je brûlerai du feu des phares (Parti-pris)
Je donne un nom meilleur aux merveilles du jour
J’invente à nouveau le vent tape-joues
Le monde à bas je le bâtis plus beau (Secousse)
Les oiseaux sont des nombres
L’algèbre est dans les arbres (Acrobate)
Jadis, j’admirais sans baisser les paupières, mais le soleil n’est plus un hortensia. (Pur Jeudi)
Grande inutilité, mer moutonnante, je suis ta falaise rongée. (page 96)
Chaque jour ils veulent dormir davantage. Ils sont enivrés de leurs paroles si on les leur rapporte. Partout ils s’endorment. (page 89)