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Critiques de Maggie O’Farrell (933)
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Hamnet

Au nom du fils disparu trop tôt de William Shakespeare.

Ne vous y trompez pas le véritable héros de ce fabuleux roman à la poésie folle n’est pas Shakespeare jamais désigné par son nom dans le livre d’ailleurs. Le projecteur est cette fois braqué sur son fils décédé à 11ans mais surtout sur son étincelante femme Agnès Hathaway. S’inspirant de ce tragique décès (la pièce Hamlet aurait été écrite en son honneur) Maggie O’Farrell imagine un pan de la vie intime de Shakespeare en se polarisant sur l’environnement familial du poète, sur les personnes de l’ombre qui l’ont entouré jusqu’à ses premiers succès au Globe Théâtre de Londres. L’autrice brode de sa laine d’époque filée au rouet un canevas de scènes baroques enchâssées d’effets dramatiques, d’émotions exacerbées, de sensations, d’images et de portraits en clair-obscur nous emportant dans un souffle teinté de magie. Elle restitue à merveille les conditions de vie de l’époque, nous transporte de sa magnifique plume rythmée et addictive. Deux récits alternent : celui des heures précédant la mort d’Hamnet à Stratford et la genèse de la relation entre William et Agnès dans la campagne anglaise. Ce sublime roman sur le deuil parental, la puissance de l’amour maternel, conjugal et fraternel s’ouvre en 1596 sur la recherche vaine par Hamnet d’une aide pour sa sœur jumelle victime des symptômes de la peste quelques heures avant le décès de son frère. En parallèle l’écrivaine nous replonge dans la jeunesse de Shakespeare alors précepteur de latin travaillant pour éponger les dettes de son père un gantier acariâtre et autoritaire. C’est là, en lisière de forêt, qu’il rencontre Agnès « la femme à l’oiseau ». Il tombe amoureux de cette fille étrange et sensible au fluide extraordinaire vivant en synergie avec la nature, fée ou sorcière selon les rumeurs, qui concocte onguents et potions. D’un pincement appuyé sur votre peau elle ressent ce qu’un cœur cache, devine les besoins du corps. Shakespeare l’épouse et de leur union naîtront Susanna et des jumeaux : Judith et Hamnet. Ils s’installent à Stratford et c’est là que survient le drame au moment où Shakespeare s’éloigne avançant vers sa destinée...

Éblouissant.



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L'étrange disparition d'Esme Lennox

" Faites moi oublier

Tout ce que j'ai été

Inventez mon passé

Donnez sens à la nuit"





Iris a reçu un appel de l'asile de Cauldstone et vient voir Esme, la petite soeur de sa grand-mère Kitty. Par curiosité... Pourquoi n'a-t-elle jamais entendu parler d'Esme?

-Ne regardez pas les infirmières, je vous en supplie. Elles vont croire que je vous fais peur et m'enfermer de nouveau.

Je suis ici depuis 61 ans, 5 mois et 4 jours, psalmodie Esme d'une voix claire et saccadée "...





"Inventez le soleil

Et L'Aurore apaisée

Non, je n'ai pas sommeil

Êtes-vous mon amie?"





Kitty a pris une décision grave. Parce que l'asile va fermer ses portes et que le nouveau foyer est pire, la jeune femme va garder Esme, le temps de trouver une autre solution...

- Non, elle n'est pas folle. Un peu déboussolée, à cause de son enfermement, raconte Iris.





-J'avais 16 ans, quand on m'a enfermée ici. Iris ressemble à ma mère... Mais, je lui fais peur!

Elle ne comprend pas que Kitty, (sa grand-mère) ne voulait plus d'une soeur comme moi. Moins conformiste et qui refusait le mariage. Elle était jalouse que son beau Jamie me préfère...

Ma mère et mon père ont préféré se débarrasser de moi...





A l'époque, un homme pouvait faire interner une épouse ou une enfant...indocile!

- Papa, hurle Esme, s'il te plaît ! Ne me laisse pas ici, s'il te plait! Je serais sage, je te le promets.





J'étais une jeune fille de 16 ans, libre et je voulais faire des études, aller à l'Université. Pas me marier et ma propre mère avait honte de moi...

J'étais une adolescente, je suis...





"Il faut que je m'étende

Et que je dorme un peu

Il faudrait que je tente

De nettoyer mes yeux"

J.Louis Aubert, Isolement.
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Hamnet

Pas inspirés par Shakespeare ? Pas intéressés par l'époque à laquelle il a vécu ? Bon , chers amis, pas de panique . Londres en 1596 ( oui , oui ) , William Shakespeare ( lui - même ) , ne vous faites pas de bile , on ne va que vraiment ( très ) peu en parler dans les quelque 400 pages que vous allez...ADORER !!! ( si , si, je vous l'assure ) . Bon , moi , ce roman , je l'ai dans le " viseur " depuis un certain temps mais ....la hauteur de ma PAL ....m'oblige ( voix de la raison ) à attendre les sorties en poche . Par contre , sitôt sur les étals, sitôt entre mes mains . Et une fois plongé dedans , ah mes amis , pas le Graal , non , pas le Nirvana , on n'en demande pas tant mais ,pas loin , franchement, un inoubliable moment de vie . Si vous aimez sentir l'émotion qui pénétre en vous par tous les pores de votre peau , ne vous posez pas de questions.... De la formation d'un couple improbable mais amoureux à la désespérance face à la mort d'un enfant , vous avez tous les ingrédients d'un drame intemporel , un drame qui va vous toucher au plus profond de vous . La lenteur du propos est sublime . Le " couteau " ne cesse de vous triturer les tripes , vous allez en " redemander " tant l'autrice sait user d'une écriture fine et précise . Agnés , la mére , va vous émouvoir et , je le crois , vous perturber à jamais . Et que dire de la relation entre Hamnet et sa soeur ? Si je vous dis que c'est beau, c'est que c'est superbe . Peu importe le contexte , on se sent vraiment " impliqué " , on vit les scènes comme si l'on était présent aux cotés d'Agnés et de son fils .C'est long , dramatiquement long et , paradoxalement , c'est tellement " humain " , précis , qu'on n'a pas envie que cela cesse et , mieux , on s'attend même à un quelconque miracle qui viendrait inverser le terrible cours des choses . Entre réalité et fiction , la marge est étroite. Avec , en plus , une écriture ( traduction ) plus que soignée et même poétique ,on vit

des passages extraordinairement beaux et on côtoie des personnages differents , extraordinaires , parfaitement dépeints , riches , épais . Ma libraire Isabelle m'avait dit le plus grand bien de ce roman , je ne peux que m'incliner une fois de plus devant ses avis de grande qualité. C'est l'une de mes plus belles lectures de cette année . A voir la note décernée par les lectrices et lecteurs de Babelio , les avis semblent unanimes . Je n'ai pas lu les commentaires , je vais le faire , mais , pour moi , aucune hésitation , allez - y . Si je suis parfois hésitant à me livrer et à vous " embarquer " avec moi ....je vous le dis , chères amies , chers amis ...ne passez pas à côté, vous manqueriez un sublime moment de belle , très belle lecture . Allez , je vous en prie, " en route " . Des relations humaines extraordinaires, vraiment....A bientôt.



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Hamnet

Coup de coeur pour ce roman anglais qui se déroule en grande partie à Straford upon Avon, et même s'il n'est jamais nommé, reprend de façon romancé l'histoire du célèbre auteur de théâtre William Shakespeare et propose une genèse d'une des plus célèbres pièces, Hamlet.



Les relations avec le père, gantier, malhonnête et violent, le mariage d'amour avec une jeune fille issue d'une famille « ennemie », la peste qui a ravagé l'Angleterre, tout ceci est repris pour construire un roman envoutant.



La narration est scindée en deux parties alternées de chapitre en chapitre : l'histoire du couple de William et Agnes, avec la naissance de leurs enfants, jusqu'au décès de l'un d'eux au cours de l'épidémie de peste qui a ravagé l'Angleterre. le déroulement des faits est hypothétique et déduit de ce que l'histoire a laissé d'indices sur la vie de l'écrivain, mais on n'a aucune difficulté pour accepter cette version comme une approche plausible de la vérité.



Les personnages sont profondément romanesques et l'évocation de la propagation de l'épidémie est décrite de façon admirable. On est de plus en immersion dans la vie quotidienne de l'Angleterre rurale du 16è siècle.



Ce roman est comme un bon verre de vin, qui vous réjouit par ses parfums puis vous laisse après dégustation dans un état de douce euphorie, avec le simple regret que le verre soit vide !





Un merveilleux moment de lecture.





Merci à Netgalley et aux éditions Belfond
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Hamnet

Lorsque sa sœur jumelle tombe malade ce jour de 1596, Hamnet, onze ans, cherche désespérément du secours. Sa mère Agnes est partie cueillir des herbes médicinales dans la campagne qui avoisine leur petite ville de Stratford, et son père, comme toujours, est à Londres pour son travail. Tous ignorent encore que la peste bubonique vient de décimer l’équipage d’un navire fraîchement arrivé dans la capitale…





Cette famille a pour patronyme Shakespeare. Dans quatre ans, le père écrira Hamlet. Hamnet, Hamlet : Maggie O’Farrell s’inspire des spéculations qui établissent un lien entre la célèbre pièce de théâtre, et l’enfant mort à onze ans de ce qui aurait pu être la peste. Elle a imaginé son roman dans l’ombre du grand dramaturge, perçu ici sous l’angle du fils, du mari et du père, rôles qui occultent même jusqu’à la seule mention de son prénom. Ce sont donc les proches, ceux dont l’Histoire n’a rien retenu, qui occupent ici le premier plan, au travers de personnages fouillés et crédibles, en tête desquels Agnes.





Cette paysanne illettrée, que son caractère entier et instinctif, associé à ses talents de guérisseuse, marginalise aux yeux de sa belle-famille confortablement établie parmi les notables de sa ville, sentira peu à peu son époux lui échapper, happé par les mystérieuses activités londoniennes qui le tiennent éloigné de son foyer. La mort de son fils, vers laquelle convergent les trois premiers quarts du roman, au rythme d’allers et retours entre passé et présent qui renforcent la perception de la cruelle inéluctabilité du destin, ouvre une dernière partie entièrement consacrée au déchirement de la perte et à l’impossibilité du deuil, thèmes récurrents chez Maggie O’Farrell.





C’est avec intérêt et plaisir que l’on se laisse séduire par cette immersion historique, globalement crédible malgré l’impression donnée d’un cas de peste bizarrement isolé, dans une petite ville par ailleurs curieusement indifférente. Mais, au travers de cette histoire, librement imaginée à partir de quelques faits et personnages réels du XVIe siècle, ce sont finalement des thématiques très universelles et parfaitement contemporaines que Maggie O’Farrell explore avec émotion et poésie : l’amour, la séparation, et surtout, le deuil impossible d’un enfant.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Hamnet

-----♫ - To be or not to be - ♫-----



Mourir, dormir, rêver peut-être ?

Voir chaque nuit les souvenirs

Sortir de l'ombre comme des vampires

Et vous tournoyer dans la tête

Quelle question vitale à poser !



Hamlet Hallyday - 1976 -



----♪----♫----💀----🤔----💀----♫----♪----



Oups - Question - Philosophie -

Sachant que "Hamnet et Hamlet sont en fait le même prénom, parfaitement interchangeables dans les registres de Stratford de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle." William Shakespeare aura t'il prénommé son fils "Hamnet" (1585-1596) suite sa pièce la plus célèbre ou a-t'il joué "Hamlet" [1598-?-1601] après la perte de son fils de 11 ans !? 😰

Johnny s'inspire-expire-respire-inspire-expire-sexprime-



"Il est mort et parti, madame,

Il est mort et parti ;

A sa tête une étendue de gazon vert;

A ses talons une pierre"

Hamlet, acte IV, scène 5



Il est facile de passer à coté de la douleur, de la colère qui peuvent habiter quelqu'un

Surtout si cette personne ne dit jamais rien

Aussitôt Sa main tenant une plume trempée, l'encre, le début d'une crainte

Regarder les mots se déverser du bout de la pointe

♫Arrêtez de tordre vos mains

Je ne crois pas à vos chagrins

Les crocodiles pleurent comme vous

Oh, laissez-moi tordre votre cou♫

Johnny s'inspire-expire-"Ah que" tout t'inspeare- chaqu'expeare-sexprime-



"Je suis mort;

Toi, tu vis;

...puise ton souffle dans la douleur,

Pour raconter mon histoire."

Hamlet, acte V, scène 2



On ne fait pas d'Hamnet sans placer des Je

Tous ces mots, ces non-dits, y'en a trop, on les trie

-----♫ - To be or not to be - ♫-----

-----Or To be c'est être two aussi----

Lui, Hamlet Johnny le déclare, il en sera ainsi !
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Le Portrait de mariage

Décidément, le mariage ne porta pas bonheur aux filles de Cosme 1er de Médicis, maître de Florence pendant la Renaissance. Isabelle fut assassinée par son mari, et si Marie et Lucrèce semblent avoir succombé, l’une à la malaria, l’autre à la tuberculose, la légende colporta une version bien moins naturelle de leur mort, survenue lorsqu’elles n’avaient respectivement que dix-sept et seize ans. L’aînée s’apprêtait alors à épouser Alphonse II, le puissant duc de Ferrare. La plus jeune venait de le faire à sa place. Les rumeurs de leur assassinat ont inspiré deux romans parus presque concomitamment : Marie est au centre de l’intrigue du passionnant Perpective(s) de Laurent Binet, Lucrèce est la tragique héroïne du nouveau livre de Maggie O’Farrell, impatiemment attendu après le succès de Hamnet.





De fait, en dehors des festivités qui soulignèrent de leur exceptionnelle somptuosité le mariage de Lucrèce et d’Alfonso, et aussi du portrait de la jeune épousée par le Bronzino, l’on ne sait pas grand-chose de cette éphémère duchesse de Ferrare. Mariée à treize ans à un homme du double de son âge pour servir d’amples enjeux politiques, elle connaît le sort habituel des filles de familles illustres, élevées dans le seul but d’au plus vite rendre fertile le jeu des alliances de pouvoir. Alors, fallait-il lui consacrer tout un roman ?





Reprenant à son compte la rumeur d’empoisonnement dont Richard Browning s’est fait l’écho en 1842 dans son poème My Last Duchess, Maggie O’Farrell l’imagine en épouse innocente et naïve à peine sortie de l’enfance, sa spontanéité juvénile et ses élans affectifs bientôt douchés par la peur croissante que lui inspire un époux autoritaire et cruel sous le vernis des bonnes manières. Semant le doute dans l’esprit du lecteur quant aux réelles intentions d’Alfonso, l’intrigue se resserre en un huis clos inquiétant, partagé entre l’imposant château d’Este, retranché entre ses douves et ses tours défensives en plein centre de Ferrare, et une austère forteresse isolée en bordure de forêt, à des jours d’inconfortable et malaisé voyage du riant palais florentin qui abrita l’enfance insouciante de Lucrèce.





Hélas, la belle écriture fluide et l’imagination de l’écrivain ont beau fouiller personnages et décors pour parer la narration des reflets chamarrés de la Renaissance italienne, le roman peine à trouver la consistance suffisante pour épargner l’ennui à son lecteur. Non seulement le scénario d'un romanesque presque mièvre accumule les invraisemblances, mais l’ensemble trahit un regard beaucoup trop moderne pour ne pas engendrer une vague mais persistante sensation d’anachronisme. Reste une jolie fantaisie historique, réussie dans la reconstitution de ses décors et de son contexte, mais trop superficielle sur le fond pour convaincre aussi bien que le précédent succès de Maggie O’Farrell.


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L'étrange disparition d'Esme Lennox

On fait la connaissance d’Esme à l’intérieur d’un hôpital psychiatrique. Elle est assise dans la salle commune et essaie d’échapper à ce qui se passe autour d’elle en se concentrant sur un souvenir d’autrefois : deux jeunes filles à un bal, l’une est habillée d’une robe rouge qui ne lui va pas et a perdu ses gants : « c’est là que tout commence ».

D’autres images reviennent par bribes. Il suffit qu’elle se concentre sur sa respiration.

Puis une jeune femme, Iris, entre en scène. Elle tient une boutique de vêtements et vient de recevoir une lettre d’un établissement psychiatrique qui doit fermer ses portes. La lettre concerne une certaine Euphémia Lennox dont Iris n’a jamais entendu parler.

Iris décide de se rendre à l’établissement en question et apprend qu’Euphémia, qui préfère qu’on l’appelle Esme a été internée pour « troubles dépressifs » et qu’elle est ici depuis soixante ans et qu’elle est la sœur de sa grand-mère paternelle. Or personne : sa grand-mère, sa mère, son père ne lui a jamais parlé d’elle.

Le temps presse l’infirmier veut qu’Iris place sa grand-tante dans une maison de retraite avant la fermeture de l’établissement. Elle va passer un moment avec Esme et la trouve plutôt lucide, ce qui la laisse perplexe. Le jour où Iris va chercher Esme pour la conduire à la maison de retraite, elle ne peut se résoudre à l’y laisser car elle est encore plus sordide. Iris ramène Esme dans son appartement qui était jadis la maison de sa grand-mère Kitty et que celle-ci a fait aménager en appartement.

Elle a le week-end pour tenter de trouver une solution, de discuter avec son demi-frère Alex. En entrant dans la maison, Edme reconnaît certaines choses, certaines pièces puisqu’elle y a vécu.

Les souvenirs vont remonter peu à peu, des liens se créer entre Iris et Esme, tandis qu’un troisième personnage entre en scène : la sœur d’Esme, Kitty qui est dans une maison de retraite pour patients souffrant d’Alzheimer.

Lorsqu’Esme est enfant, la famille vit en Inde, dans la bonne société colonialiste. Esme et Kitty, sa grande sœur jouent ensemble et semblent bien s’entendre. Puis un premier drame arrive, alors qu’elle est âgée de quatre ans environ, son petit frère tombe malade et un soir alors que tout le monde est sorti, Esme se lève, inquiète car il a de la fièvre.

Ses parents la trouveront à leur retour, prostrée, elle tient le bébé mort dans ses bras et le serre si fort qu’on a du mal à le lui arracher. La mère s’effondre, son fils est mort. Il sera désormais interdit de parler de cet enfant, or Esme est petite, elle a besoin de parler de son petit frère et on commence à la punir car elle enfreint la loi édictée par sa mère, et ne peut que se réfugier dans la rêverie.





Ce que j’en pense :



Ce roman est une véritable splendeur. L’histoire est magnifique car c’est celle d’Esme qui est le personnage central, enfermée pendant soixante ans dans un asile psychiatrique pour que sa famille ne la voie plus à tel point qu’elle finit par oublier son existence.

Esme est différente depuis l’enfance et cela dérange tout le monde. Elle est plus sensible que les autres, donc elle a besoin de s’exprimer et elle dérange la famille bourgeoise type de l’époque.

A la mort de son petit frère, en interdisant d’en parler, on nie sa souffrance pour protéger sa mère, tuant son innocence, sa spontanéité. Puis la famille décide de rentrer en Ecosse car c’est devenu trop difficile de vivre en Inde après ce drame. Bien sûr, le climat n’est plus le même, l’Ecosse c’est la pluie, les vêtements chauds, les manteaux et c’est aussi l’entrée en scène de la grand-mère maternelle d’Esme, le parfait tableau de la mégère. Elle n’a qu’un seul but : que ses petites-filles trouvent un mari de préférence riche. On les habille en petites filles modèles qu’on exhibe, ce qui plaît beaucoup à Kitty bien sûr, mais qu’Esme juge ennuyeux et stupide.

Elle préfère les livres et voudrait continuer ses études mais cela déclenche un tollé : il est inadmissible qu’une fille travaille, elle doit tenir une maison, broder, recevoir…

L’histoire nous et amenée tout doucement, l’auteure liant les souvenirs qui reviennent à Esme avec les lieux qu’elle découvre : quand elle entre dans l’appartement d’Iris et reconnaît son ancienne maison, puis au bord de la plage où elle demande à Iris de l’emmener, il y a si longtemps qu’elle n’a pas vu la mer. Là aussi vont remonter des instants de la vie d’avant, des moments avec sa sœur qui cherche un mari à tout prix.

Au retour de la plage, aussi, alors qu’elle partage un moment en écoutant de la musique, Esme se souvient qu’elle jouait très bien du piano et comme elle a l’impression de déranger Iris, elle se concentre à nouveau pour faire remonter des moments d’autrefois.

Maggie O’Farrell entretient suspens et rebondissements en dévoilant peu à peu les souffrances endurées par Esme : le viol et ses conséquences (il faut lire le livre !!). En fait, à l’époque, on enfermait à l’asile les personnes qui ne respectaient pas les règles de la bienséance, il fallait peu de choses, alors quand une jeune femme sensible subit des traumatismes violents au lieu de l’écouter on l’enferme. L’auteure nous décrit de façon très percutante le monde de la psychiatrie de l’époque.

Maggie O’Farrell a bien étudié la personnalité de chacun de ses personnages , leur lâcheté, leurs bassesses, leurs méchancetés, comment une famille arrive à détruire une enfant au nom des valeurs de la bonne société, lui interdisant d’extérioriser sa peine, lui prenant tout ce qu’elle a, jusqu’à la dépouiller de sa propre identité, et pour finir l’oubliant durant plus de soixante ans dans un asile.

Et en racontant les deux époques en parallèle, elle permet de les comparer, et met en lumière le côté libéré des contraintes et des tabous de la génération actuelle par les personnages d’Iris et Alex, qui sont décomplexés et bien plus ouverts. On voit toute l’évolution de la société sur près d’un siècle.

Maggie O’FARRELL ne sombre jamais dans le pathos, elle reste toujours dans la sobriété et c’est ce qui fait de livre, inspiré de faits réels, un vrai bijou.

Une auteure qui a vraiment émergé il y a une dizaine d'années et qu'il faut continuer à suivre de près.

Note : 9,25/10


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Le Portrait de mariage

Je suis ravie. Récemment, quelques lectures m'ont laissée désappointée : mon ressenti était de loin beaucoup moins positif que celui de la plupart des lecteurs.

Ici, cela a été l'inverse. Même si la note sur Babelio est bonne, je me souviens avoir lu quelques critiques qui, sans être très négatives, étaient cependant assez mitigées. J'avais donc remis encore et encore cette lecture, je ne regrette pas d'avoir franchi le pas.



Ce roman se passe en Italie, dans la deuxième moitié du XVIème siècle et nous conte sur une quinzaine d'années, la vie d'une femme. 15 ans seulement, car elle disparaitra avant d'avoir atteint ses 16 ans. C'est une époque où être femme, même dans des familles riches, influentes, n'est pas un sort enviable. Une femme est considérée comme une marchandise, de luxe certes, mais une marchandise qui servira par son mariage à nouer des alliances, à établir de nouvelles relations. Et l'on demandera de plus à cette marchandise d'être fertile, pour permettre à son époux de transmettre son titre et ses richesses à un fils.

Qu'importe qu'elle soit très jeune; qu'importe qu'elle doive quitter ses parents sa famille, sa terre natale, tout ce qu'elle connait pour vivre avec un homme qu'elle n'avait quasiment jamais vu. Ses suppliques à son père, à sa mère seront vaines. Elle sera mariée.



Même si ce livre n'atteint pas l'intensité dramatique de Hamnet, j'y ai retrouvé tout ce que j'aime chez Maggie O'Farell, à la fois dans la peinture de cette jeune femme, de ses désirs, de ses sentiments, de son affolement quand elle devine que son mari veut la tuer, et dans son écriture que j'aime toujours autant.

Lucrèce est une jeune femme sensible, à l'âme d'artiste, elle aime dessiner et peindre et y montre du talent. Elle est encore naïve et veut croire au bonheur possible. Son nouveau mari se montre tendre et attentionné, même s'il la tient à l'écart et ne lui confie rien de ce qui se passe à la cour et dans sa famille, même s'il s'entoure de personnages inquiétants, même si parfois des cris résonnent la nuit, même si des rumeurs circulent. Elle devra vite déchanter, d'autant plus que son ventre reste désespérément plat.



Les autres personnages du roman sont en retrait, l'autrice a vraiment mis l'accent sur ce personnage de femme, qu'elle m'a fait aimer et j'ai craint pour elle, tout au long du livre puisque celui-ci s'ouvre sur ses dernières heures, au coté de son mari isolée dans une forteresse sinistre et que le récit de sa vie alterne avec celui de ces quelques heures oppressantes.



Quant à l'écriture de l'autrice, je l'ai trouvé toujours aussi apte à transmettre à la fois les émotions, les somptuosités de la nature et des décors, la richesse de la vie en Italie à cette époque, les sentiments que provoquent l'art, et notamment la peinture, pour la regarder ou la réaliser. Une écriture à la fois précise dans le choix des mots et poétique par ce qu'ils expriment.



Une autrice dont j'ai lu la majorité des livres et qui a encore réussi à me séduire.







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Le Portrait de mariage

« Elle pourrait mourir. Ce constat se présente à elle comme une mouette sortie de la tempête et Lucrèce l'examine, prostrée, à travers le voile remuant de la maladie. Elle pourrait. Elle le reconnaît ; l'accepte. Car elle a atteint un lieu où tous ses désirs se réduisent à souhaiter la fin de ce tourment, de ce martyre physique. Souhaiter la fin, seulement. »



Eh bien moi aussi j'ai souhaité la fin rapide de cette pauvre Lucrèce, même si je n'ai rien de personnel contre elle. Car dès le début je me suis ennuyée fermement à la lecture des descriptions interminables des états d'âme de cette jeune fille et de son environnement. Certes il est bien triste d'épouser à 13 ans un homme de plus de dix ans son aîné pour des raisons d'intérêt financier et d'État (mais n'est-ce pas ce qui arrive à de nombreuses princesses ?).



De plus Lucrèce de Médicis n'a pas vécu longtemps puisqu'elle est morte à seulement seize ans, après trois brèves années de mariage avec le duc de Ferrare, Alfonso del Este. Ce qui fait peu de matière historique à se mettre sous la dent pour l'auteure, qui a compensé en romançant abondamment la courte vie et la mort de la duchesse de Ferrare, et surtout, ce qui est plus gênant à mes yeux, en transformant le peu que l'on en savait.



Reste le style remarquable de Maggie O'Farell, qui nous fait d'autant plus regretter que le fond ne soit pas à la hauteur de la forme.
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Hamnet

Hamnet est un livre dont les pages se situent à la lisière des forêts.

Nous sommes en Angleterre, un jour d'été de 1596, un enfant de onze ans qui s'appelle Hamnet cherche du secours pour sa soeur jumelle Judith qui est malade. Mais personne n'est là, ni dans la maison, ni dans le voisinage ; sa mère est partie ramasser des plantes médicinales dont elle a le secret, elle qui sait guérir les autres, dans l'inquiétude de cette Angleterre ravagée par la peste...

Judith et Hamnet se ressemblent comme deux gouttes d'eau. L'existence de l'un fait écho à celle de l'autre. La joie de l'un est capable de ruisseler sur le visage de l'autre... Aujourd'hui elle est malade et c'est lui qui va prendre sa fièvre...

Cette scène grave, poignante d'un jour d'été de 1596, ouvre ce très beau roman qui m'a totalement envouté. C'est ma première incursion dans l'univers de son auteure Maggie O'Farrell.

Cet envoûtement tient à plusieurs choses... Il y a tout d'abord la force de la narration qui alterne d'un chapitre à l'autre entre le présent de cette journée d'été et le passé.

Le passé, parlons-en. Il nous fait entrer dans une famille de Stratford où le père, gantier parfois peu honnête dans ses transactions, règne dans le cercle familial par ses sautes d'humeur d'une rare violence. Ce passé explique aussi la genèse fragile, saisissante d'un couple qui va s'unir d'amour à l'aune de cette famille peu accueillante. Les scènes quotidiennes de l'Angleterre rurale du XVIème sont peintes avec une grande justesse. Et alors, c'est l'occasion pour moi de vous évoquer ce magnifique personnage d'Agnes, la mère, son chemin qui semble venir tout droit de la canopée d'une forêt. Les pages qui évoquent ses origines d'enfant sauvageonne sentent l'humus, la fleur d'églantier, elles sont imprégnées du bruit des abeilles.

Ce personnage d'Agnes m'a ému. Elle est totalement d'un autre monde. Elle a toujours sur elle dans les poches de ses vêtements des racines encore pleines de terre, des glands, des tritons, parfois une colombe blessée... Elle voit des choses que personne d'autre ne voit, elle possède la faculté de lire dans l'âme des gens. C'est comme un don. Elle préfère appeler cela des intuitions.

Les pages qui évoquent l'endroit d'où elle vient relève presque d'un conte gothique.

Ce jeune homme qu'elle s'apprête à aimer, ce précepteur de latin qui a su poser sur elle ce beau regard aimant, a-t-elle deviné en lui pinçant avec ses deux doigts la peau de son bras qu'il deviendrait un jour célèbre sur la scène théâtrale londonienne, puis de manière universelle ? Qu'il se perdrait parfois en chemin ? A-t-elle deviné l'ivresse de l'amour, les joies, les rires des enfants qui viendraient s'agripper à leurs gestes fragiles, les douleurs, les chagrins qui viendraient plus tard ?

Ce livre, baigné d'étrangeté, est d'une beauté folle, onirique, habitée par les sortilèges, où les prophéties parfois font peur.

Et puis, à un moment donné, il y a ce récit dans le récit qui explique comment cette pestilence se serait introduite en Angleterre, cette fable est tout simplement fabuleuse...

Bon, d'un saut de puce, me voilà revenu vers le propos du récit, mais les chemins sont multiples...

L'écriture oscille avec grâce et enchantement dans un clair-obscur qui met en beauté les paysages tant extérieurs qu'intérieurs. Quand je dis intérieurs, c'est bien sûr l'âme des personnages. Oui, tout n'est qu'ombre et lumière, comme l'image de cette rivière où poussent de magnifiques iris d'eau, au milieu d'une eau sombre et boueuse. Comme la douceur de la neige, froide et aveuglante... Comme l'amour d'Agnes et de celui qui n'est jamais nommé ici...

J'ai du mal à ne pas vous parler encore de cette femme, Agnes. Plus tard, dans son rôle de mère, elle emportera l'émotion du texte dans la mort qui approche un enfant et où elle ne reçoit plus aucun signe, dans ses mains devenues impuissantes à guérir, dans ses larmes, dans l'absence de son mari qui n'est plus à ses côtés, au côté de ses enfants ; s'absenter de la troupe de théâtre dont il s'occupe n'est pas possible dans le moment, écrit-il. Pourquoi cet homme s'est perdu en chemin ? Pourquoi est-il devenu rebelle ? Pourquoi cette fuite ?

Sans jamais le nommer, ici le père d'Hamnet entrera plus tard dans la postérité, à jamais. On devine alors aisément ô combien le destin douloureux de son enfant et le chagrin qui s'ensuivit, lui donna l'inspiration pour écrire l'une de ses plus belles tragédies théâtrales...

Le livre de Maggie O'Farrell est une approche romanesque pour dire cette genèse...

Et puis, en chemin, acceptez de vous perdre dans les nombreuses digressions que procure ce texte. La droite qui relie deux points est souvent le parcours le plus triste.
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Hamnet

Le 11 août 1596, Hamnet, onze ans, mort de la "pestilence", est enterré au cimetière de Stratford-upon-Avon. Il laisse sur Terre, inconsolables, sa soeur jumelle Judith, sa soeur aînée Susanna, sa mère Agnes et son père, qui n'est jamais nommé mais dont on sait qu'il n'est autre que William Shakespeare.

Depuis 14 ans, Agnes et son mari forment un couple improbable. Lui, instruit, rêveur, fils d'un gantier aisé et violent, ne sachant que faire de sa vie, est tombé fou amoureux, à 18 ans, d'Agnes, fille de la campagne, illettrée mais savante des choses de la Nature et de l'âme humaine, un peu guérisseuse, un peu voyante, avec ce que cela comporte de don et de malédiction.

Le roman alterne les chapitres consacrés au drame de la mort d'Hamnet et de son enterrement, et ceux des jours heureux, relatant la rencontre d'Agnes et William, la naissance de leur amour, leur vie commune, plus tard mise à l'épreuve lorsque le futur Barde immortel s'installe à Londres pour bâtir sa carrière. La seconde partie, plus linéaire, décrit la vie ou la survie des personnages après ce deuil innommable, et leur résilience en dépit de tout.

L'auteure le précise, ce roman est une fiction, extrapolée à partir des bribes d'informations glanées dans les registres paroissiaux ou les rares documents officiels de l'époque. Une histoire fictive, donc, mais totalement crédible. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ce texte n'est pas une biographie romancée de la vie de Shakespeare, ou alors en contrepoint. le personnage principal n'est pas Hamnet non plus, c'est Agnes, instinctive, lumineuse, entière, amoureuse, mère-louve jusqu'au bout des griffes, qui tuerait la Mort pour ne pas qu'elle emporte ses enfants. le portrait sublime d'une femme, mais aussi des autres femmes qui occupent les devants de la scène de ce roman : mère, fille, soeur, grand-mère,...

Avec "Hamnet", je découvre la plume de Maggie O'Farrell, et je l'ai trouvée d'une beauté à couper le souffle. Elle a un don pour nous immerger dans le quotidien de l'époque, avec force détails et descriptions mais sans être didactique ou rébarbative, juste captivante. Elle décrit les sentiments de chacun avec une justesse et une finesse impressionnantes, et surtout, elle distille au fil des pages une émotion, des émotions, c'est poignant, bouleversant à vous mettre les larmes au bord des yeux.

Une magnifique découverte, un de ces rares romans dont on voudrait qu'il continue même après la dernière ligne. Souvenez-vous de Hamnet.



En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.

#MaggieOFarrell #NetGalleyFrance
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Assez de bleu dans le ciel

Merci à Babelio et aux éditions Belfond d'avoir fleuri ma boîte aux lettres grâce à l'envoi de ce livre « Assez de bleu dans le ciel » de Maggie O'Farrell….



Ce jour là, les premiers soleils de printemps commençaient à briller et à me réchauffer….

Le gazon verdissait.



Fleur n'était pas bien vaillante, cette lecture a donc été un véritable défi pour me redresser et reprendre pieds…



Alors, je l'ai reçu comme un bouquet….J'ai commencé par l'observer, son titre faisant contraste avec sa couverture avec ses strates vertes, comme des sillons qui creusent la mémoire d'une vie.



Envers et contre tout, j'ai commencé à rentrer dans la géo….graphie familiale, psychologique de cette histoire bien singulière….à la construction vertigineuse… à géo…métrie variable car c'est bien de cela qu'il s'agit….la structure de ce roman en fait une oeuvre remarquable et déroutante.



Une galerie de personnages sur trois générations et plusieurs pays s'égrainent au cours des chapitres.



Et puis, au centre en Irlande, il y a ce couple improbable, Daniel linguiste, un homme empathique, charmeur mais pourtant tourmenté, tourmentant, cherchant à se mettre en règle avec son passé et Claudette, star de cinéma, personnage solaire, perché, recluse, qui a fuit son présent pour vivre en paix. Quels contrastes !



Puis l'auteur, tire un fil tendu entre ces deux êtres qui s'aiment…. sèment…. Elle nous emmène au fil des pages…dans une spirale infernale du temps qui passe avec son paradis perdu, ses premières déceptions, comme une fin d'enfance brutale et soudaine. Nous ne savons pas si nous tombons d'une falaise ou plongeons dans un lac froid et obscur. Rencontres, apparitions, disparitions dans la vie de ces deux protagonistes qui saisissent leurs importances et conséquences que bien après coup.



Rien ne va plus, leur vie se froisse et se déchire. Et puis il y a la mort qui devance l'appel avant terme, comme une embuscade et l'éveil est pourtant là à chaque séquence de leur vie, comme une renaissance.



Je suis passée par bien des émotions…. j'ai avancé comme une équilibriste qui manque de vaciller à chaque page…. un challenge que d'être sur ce fil tendu !



J'ai aimé le cri qui se dégage de ce livre, l'intensité, la finesse des personnages, la profondeur de son écriture qui gratifie aussi le lecteur en le surprenant, l'emportant…



Maggie O'Farrell….une romancière à grand spectacle….



Je sais qu'il faut des jours, des nuits pour panser des plaies, je sais maintenant que ce ciel si pesant et si lourd est plus léger…

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Hamnet

Agnes est tombée enceinte et Will l'a épousée. Sa belle-mère le déplore qui n'apprécie guère cet elfe, cette ensorceleuse, cet esprit de la forêt qui va, enceinte de leurs jumeaux après une première fille, pousser son mari à aller travailler à Londres. Une décision lourde de conséquences. Onze ans plus tard Will, une fois de plus loin de chez lui, arrive trop tard auprès d'Hamnet son fils adoré qui vient de succomber de la peste. Ce qu’il ne peut se pardonner. Ce qu’Agnes ne peut lui pardonner.



Maggie O'Farrell avec ce sujet sur la famille de William Shakespeare (qu'elle ne nomme jamais) s'est lancée sur un terrain propice à l'interprétation et à l'invention — peu d'informations nous étant parvenues de la vie de Shakespeare et des siens. Ce qui en soi n'est pas forcément gênant. A cela près que l'auteure semble avoir compensé ce manque de faits avérés par les descriptions minutieuses (des faits et gestes de ses personnages et de la faune et de la flore peuplant la campagne anglaise) qui je dois dire m'ont lassée par leur abondance et par leur ton pseudo poétique. Reste quelques moments forts de l'expression des émotions qui traversent Agnes. L'expression d'une douleur capable de faire naître chez son mari un chef-d'oeuvre tel qu'Hamlet.
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I am, I am, I am

Ce roman est composé de courts récits, pas vraiment des nouvelles, qui ont des liens entre eux et mélange des évènement autobiographiques et d’autres qui le sont moins.



Ils sont rédigés organe par organe du corps humain et à chaque fois, l’auteure propose une illustration et une date. Exemple : le cou 1990 dans laquelle elle a été agressée mais s’en est tirée alors qu’une autre jeune femme y a laissé sa peau.



Dans poumons, elle raconte une expérience où elle a failli mourir noyée pour suivre les autres, elle avait sauté dans la mer d’un mur de 15 m, dans le noir.



C’est aussi un avion qui chute brutalement alors qu’elle se rend à Hong Kong pour y travailler, dans une période où la Grande Bretagne est en récession…



Celle que je préfère est « Ventre » 2003, où elle raconte la manière dont l’obstétricien l’a traitée durant sa grossesse et son accouchement, lui refusant une césarienne alors qu’elle a une encéphalite étant enfant qui lui a laissé des séquelles neurologiques rendant les choses impossibles sur le plan musculaire ! elle se fait traiter d’hystérique et il ne veut même pas récupérer son dossier médical de l’époque.



« Si vous étiez venue me voir en fauteuil roulant, j’aurais peut-être accepté de vous faire accoucher par césarienne. »



Bien-sûr, les choses se passeront mal et elle s’en sortira de justesse. L’auteur en profite pour parler de l’état lamentable du système de santé britannique où les femmes ont une chance sur 6900 de mourir en donnant naissance à leur enfant (1/ 19 800 en Pologne, 1/45 200 en Biélorussie).



« Mourir en couches semble être un danger totalement daté, une menace extrêmement lointaine entre les murs des hôpitaux des pays développés. Mais une enquête récente à classé le Royaume-Uni 30e sur 179 pays en matière de taux de mortalité maternelle. »



Elle aborde aussi les fausses-couches et la culpabilité qui en résulte, les problèmes de l’allaitement pas toujours aussi aisé qu’on peut le penser, mais aussi des thèmes universels : l’amour, l’infidélité qui se traduit par une nécessité de vérifier si l’on a été ou non contaminé par le virus de SIDA.



Elle frôle la mort plusieurs fois, que ce soit elle ou des membres de son entourage, comme sa fille qui présente une allergie alors qu’elle contrôle toujours tout : les aliments, les produits ménagers, la poussière etc.



Ce qui frappe, dans ce livre, c’est la manière dont l’individu réagit aux situations qui mettent la vie en péril, les leçons qu’il en tire et ses capacités de résilience.



J’ai beaucoup aimé ce livre, original, où j’ai retrouvé le style si caractéristique de Maggie O’Farrell qui m’a tant plu dans « L’étrange disparition d’Esme Lennox » que j’ai adoré ou plus récemment « Assez de bleu dans le ciel ».



Le titre est inspiré d’un texte de Sylvia Plath : « La cloche de détresse » : « I took a deep breath and listened to the old brag of my heart. I am, I am, I am. » Ce qui donne en français : « J’ai respiré profondément et j’ai écouté le vieux battement de mon cœur. Je suis, Je suis, Je suis. »



Je remercie vivement NetGalley est les éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce livre en avant-première.



#IamIamIam #NetGalleyFrance
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Le Portrait de mariage

J'enrage à nouveau !

Cette fois ce n'est pas lié à Sorj Chalandon mais à Maggie O'Farrell …

Après le splendide Hamnet qui m'avait enchanté, je n'ai pas trouvé ce portrait de mariage à la hauteur, je m'y suis un peu ennuyée ! J'ai trainé cette lecture pendant une interminable semaine, alors que j'avais prévu 4 jours pour respecter mon planning de lecture serré, étant donné ma sévère boulimie pathologique devant le présentoir de ma médiathèque préférée…

Damned !

Une fois le livre refermé chaque soir, les personnages ne venaient pas me faire un petit brin de causette dans la journée, me questionner, Comment penses-tu que tout cela va finir ? Tu m'aimes ? Tu ne m'oublies pas ? Non, rien, même pas un petit coucou, … le vide, personne, et le soir, en prenant le livre sur ma table de chevet, bon ben j'en étais où déjà…

La dernière partie et la fin sauvent l'ensemble, m'ont à peu près réconciliée avec le tout, mais que je suis loiiiiinnnn de mon coup de coeur pour Hamnet. J'en suis presque à me dire qu'il faudrait que je rejette un oeil à Hamnet pour si voir si c'était aussi bien que dans mon souvenir.

Je n'ai pas trouvé le style spécialement fluide, les tournures de phrases m'ont parfois semblé alambiquées, comme souffrant d'un problème de traduction, en particulier dans la première partie du livre se déroulant dans le palais de Florence pendant l'enfance de Lucrèce.

Je suis sévère sans doute, la barre était trop haute…

Pourtant sur le papier, que le programme était alléchant, doré, croustillant à souhait : l'histoire de la très jeune Lucrèce de Cosme de Médicis mariée à treize ans en 1558 à Alfonso II, pour devenir Duchesse de Ferrare.

Cette très jeune fille va immédiatement sentir sur ses frêles épaules la responsabilité de porter au plus vite le futur héritier mâle du duché. La cour s'empressera de l'accuser d'infertilité et le médecin la soumettra aux régimes et idées les plus farfelues pour qu'enfin l'enfant paraisse… Trahison, manigances et cruauté sont au rendez-vous mais aussi la peinture, la campagne italienne, la vie de la duchesse et de ses dames de compagnie.

J'ai apprécié la note de l'autrice qui nous explique en fin d'ouvrage en quoi son roman diffère de la réalité et pourquoi elle a modifié certains événements.

Un roman qui pourra plaire à ceux qui ont envie de découvrir la vie dans les palais sous la Renaissance italienne et surtout n'auront pas eu un énorme coup de coeur pour Hamnet. Hamnet que je vous encourage plutôt à lire si vous souhaitez découvrir cette autrice…







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Assez de bleu dans le ciel

C’est le souvenir de La disparition d’Esmé Lennox , lecture captivante , qui est à l’origine de ce choix. Et ça part très bien. L’Irlande, un personnage énigmatique, une ambiance particulière, le premier chapitre est très accrocheur.

C’est après que ça se gâte.

L’histoire est intéressante, et les aperçus des portraits des personnages incitent à aller plus loin.



Alors une fois de plus : pourquoi morceler le propos et mélanger les époques ? Pour masquer la banalité qu’une chronologie ordinaire révèlerait? Est-ce la crainte que le lecteur s’ennuie?



A mon avis, cette construction mobilise des ressources de mémoire et de concentration qui nuisent à la symbiose entre le lecteur et le fond de l’intrigue. Et des éléments qui sont fondamentaux pour comprendre l’évolution risquent d’être omis dans la trame reconstituée au cours de la lecture. Certes les redites viennent compenser les conséquences de ce désordre , mais c’est de l’énergie inutilement utilisée. Et il est sans doute préférable de parcourir l’ensemble d’une traite (ou au moins en ne morcelant pas la lecture, au risque de devoir tout reprendre au début) pour compenser l’apparent chaos du récit.



C’est comme un puzzle dont on vous distribue une par une les pièces, sans aucun indice sur la vue d’ensemble. C’est tendance et ça m’agace. Même si je comprends bien que c’est un miroir qui reflète l’ambiguïté des sentiments de Daniel.



Dommage car encore une fois, c’est une intrigue riche, l’histoire d’un amour perdu, l’histoire d’un homme hanté par ses choix passés, mal au présent, incapable de se reconnstruire sur les ruines de son amour de jeunesse, rongé par la culpabilité. Les portraits des nombreux personnages qui gravitent autour de lui à travers les époques et les lieux sont également riches et complexes, et bien analysés.



L’écriture est tout à fait remarquable, (ce qui contrebalance mon mouvement d’humeur contre la construction).





C’est au total malgré tout un roman que j’ai aimé, et que je n’hésiterai pas à conseiller et une auteure que je continuerai à suivre.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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I am, I am, I am

Il existe des personnes qui ont de la chance de survivre face à tout ce qu’elles ont connu.

Maggie O’Farrell est de celles-là.



Je la connaissais à travers deux romans, « L’étrange disparition d’Esme Lennox » et « Assez de bleu dans le ciel », et déjà, je l’appréciais. J’aimais son humanité, son empathie, sa façon de raconter, vive et alerte.



Mais maintenant, elle fait partie de mes intimes.

Car je viens de lire son autobiographie présentée de manière originale : chaque chapitre fait référence à un moment de sa vie où elle a frôlé la mort, que ce soit lors d’une rencontre avec un homme pas net du tout qui cherche à lui mettre la courroie de son appareil photo autour du cou, ou lorsqu’elle a failli se noyer, ou encore en avion, lorsque celui-ci a amorcé une descente en piqué, mais surtout à 8 ans, lorsqu’elle a souffert d’une encéphalite qui l’a laissée handicapée pendant un an et avec des séquelles à vie, et j’en passe ! Son premier accouchement a été presqu’une catastrophe, suite à cela.

Malgré tout, malgré la souffrance, le sang, l’angoisse, les tremblements incontrôlés, la diarrhée, les vomissements, et encore une multitude de symptômes plus délirants les uns que les autres, malgré cela, malgré la mort, même, sl’humour demeure, la vie gagne. La volonté, la ténacité, la force au-delà du commun animent cette femme.



Mais lorsqu’arrive le dernier chapitre et que là, là, elle parle de sa fille, sa toute petite fille atteinte d’eczéma très dangereux, c’est l’émotion qui me noie.

Je me dis que cette femme a connu et connait encore, connaitra toujours des problèmes colossaux, mais que rien ne pourra l’empêcher de transcender sa souffrance et d’écrire.

Quel pouvoir a-t-elle donc pour survivre à cette agonie mentale ?



Tout ceci, elle n’en a jamais parlé dans ses romans, sauf à un tout petit moment.

L’écriture de son autobiographie lui a permis de lâcher un peu la soupape, et de proclamer que la vie est tellement proche de la mort, oui, mais qu’elle explose en chaque être et qu’il faut l’accueillir avec reconnaissance, malgré la douleur, malgré le chagrin, malgré les difficultés.

Formidable leçon !

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Hamnet

« Il est mort et parti, madame,

Il est mort et parti ;

À sa tête une étendue de gazon vert ;

À ses talons une pierre. »

Hamlet, acte IV, scène 5



Je ne connaissais pas Maggie O’Farrell. Je l’ai découverte en lisant la très tentante critique du roman « L’étrange disparition d’Esme Lennox » par Cascasimir. Ma libraire ne l’ayant pas en rayon, elle m’a proposé son tout dernier roman, « Hamnet ». J’ai bien essayé de résister, mais comme elle est vraiment très convaincante, je suis repartie avec.

*

« Hamnet » est une œuvre fictive, mais Maggie O’Farrell a remarquablement imaginé à travers les écrits qui nous restent de William Shakespeare et en particulier « Hamlet », l’histoire de sa famille et le décès de son fils unique à l’âge de onze ans.

Dans ce roman, le père de Hamnet restera sans nom, relégué à un rang de second rôle, laissant la parole à sa femme Agnès, à une époque où les femmes étaient si peu considérées.

C’est donc un magnifique portrait de femme, impressionnant de force et de réalisme que nous relate l’auteure.



On ne connaitra William Shakespeare que par le regard qu’elle porte sur lui.

Un regard pénétrant.

Un regard intuitif.

Agnès lit en lui comme dans un livre ouvert, il apparaît comme un homme bon, mais secret et mystérieux.

*

Eté 1596, Stratford, Angleterre

Seuls dans la maison, les adultes vacant à leurs occupations, Hamlet et Judith, sa sœur jumelle, jouent, jusqu’à ce que la fillette fatiguée et fiévreuse délaisse ses jeux pour rentrer s’allonger.

Très vite, son état s’aggrave.

Hamlet se blottit contre elle.

« Il forme un crochet avec son petit doigt, le glisse sous le petit doigt de sa sœur. Une larme solitaire tombe de son œil, atterrit sur le drap, puis roule en dessous, sur le jonc. »

*

Agnès veille son enfant inerte.

Agnès rêve éveillée.

Elle rembobine le temps comme une pelote de laine et repense à tous ces moments de bonheur simple. Amour, partage, bienveillance.

« Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu’ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu’ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons. »



Agnès tremble.

Elle se sent totalement démunie face à cette ennemie puissante et impitoyable.

« Le silence enfle ; il s’étire, les enveloppe tous les deux ; il possède maintenant une silhouette, une forme, des tentacules qui s’agitent, comme les fils d’une toile d’araignée détruite. »

*

Le fond historique est très intéressant. Maggie O’Farrell restitue incroyablement bien les mœurs, la condition des femmes et les mentalités de l’époque élisabéthaine, restituant l’atmosphère rurale insalubre, la promiscuité, par des descriptions minutieuses telles que l’on s’y croirait.

*

Au-delà du récit et du contexte historique, il y a également des qualités littéraires indéniables dans ce livre.

La magnifique écriture de Maggie O’Farrell, précise, sensible et acérée, excelle à décrire les ambiances, à disséquer les émotions et la psychologie de chaque personnage, à raconter dans les moindres détails le destin du jeune Hamnet et la souffrance de sa mère.



L’auteure aborde des thèmes forts : l’amour, le chagrin à la perte d’un enfant. Elle le fait avec beaucoup de force en imposant un rythme lent au récit. Une polyphonie d’émotions contradictoires et douloureuses m’a submergée.



C’est la première fois que je ressens autant cette impression d’oppression, d’étouffement, de souffrance partagée, d’un écoulement très lent du temps qui ne laisse que peu d’espoir à un dénouement heureux.

Comme si l’auteure freinait le temps pour que la mort trop impatiente choisisse une autre victime.

*

Maggie O’Farrell signe un roman remarquable dans lequel le récit et le style de l’auteure sont en parfaite harmonie.

Une lecture qui me laissera un souvenir poignant.

« Souviens-toi de moi. »



Mes yeux se sont embués de larmes.

Oui, je me souviendrai de cette magnifique histoire et de cette auteure. Un très gros coup de coeur !

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L'étrange disparition d'Esme Lennox

Si vous pensiez avoir fait le tour des romans traitant de secrets de famille, je vous encourage à revoir votre jugement.



Le mystère qui entoure Esme Lennox, vieille femme qui a passé plus de soixante ans dans un asile d'aliénés, n'est pas un petit mystère à deux balles ; dense, compact, glaçant, il semble déterminé à garder tous ses secrets.



Indes anglaises, dans l'entre-deux-guerres.

Deux jeunes soeurs, Kathleen et Euphemia grandissent heureuses.



Édimbourg, à la même période.

A l'adolescence, les caractères des fillettes rapatriées dans cette bonne vieille Europe se développent, mettant en lumière des tempéraments différents. Si la première se fond volontiers dans le moule mondain de la petite fille modèle et se prépare placidement à la "chasse au mari", la seconde, fantasque et volontaire, s'ennuie à périr aux bals et aux thés et contraste par son attitude avec les attentes d'une société guindée.



Édimbourg, de nos jours.

Iris, jeune femme sans attaches sentimentales et indépendante, gère une friperie. Masquant ses failles sous une apparence décomplexée et décontractée, elle se trouve du jour au lendemain confrontée à des responsabilités qui la dépassent en la personne de sa grand-tante, Esme Lennox, dont elle n'a jamais soupçonné l'existence.



Je n'en dis pas plus, j'ai volontairement lancé un hameçon, à chacun de voir s'il veut mordre. En ce qui me concerne, je n'ai aucun regret de m'être jetée à l'eau. Une fois la construction un peu éparpillée du roman apprivoisée, j'ai pleinement apprécié ce voyage au coeur des secrets d'une famille pas si bien-comme-il-faut que cela. Une fois commencée, difficile de lâcher cette fiction, récit d'une vie volée, et peuplée de personnages très attachants.





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