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Citations de Mahi Binebine (93)


Les rêves aussi sont contagieux...
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La différence de classe, affirmait Yamou, est bien plus souvent défendue par les subalternes que par les maîtres eux-mêmes (P38).
Quand on épouse la terre, ainsi que le fait le palmier, on vit à son rythme : petites attentes, modestes ambitions, menus plaisirs, joies éphémères mais sentiment d'éternité . En revanche, quand on épouse l'air...2 sortes de beauté existent la nature : la brute, qui est celle du palmier, simple, dépourvue d'artifice. Une beauté qui se suffit à elle-même, donc durable. Et puis il y a l'autre, provocante, fragile, contenue toute entière dans sa fugacité. Voilà pourquoi elle ne dure pas longtemps. Les poètes sont des imposteurs...des charlatans de la pire espèce ! Le mensonge du poète est plus insidieux ; il glisse sur les esprits comme un voile, une étoffe d'illusions, soyeuse, ourlée cependant d'une certaine authenticité...
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Mahi Binebine
A quelque chose malheur est bon !.
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La dignité est capitale dans l'art de mendier.
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« On ne peut pas être un peu enceinte, ma chérie ! Soit on l’est, soit on ne l’est pas ! » Après quelques verres d’eau-de-vie, elle se lâchait : « Dieu est beau et Il aime la beauté. C’est pourquoi Il a mobilisé une nuée d’anges pour veiller sur Ses enfants préférés : les créateurs. S’Il lui arrive de les étrangler ou de les nourrir de vaches enragées et de tourments, il est rare qu’Il les tue. Les artistes ont beau cracher au ciel, pester et blasphémer, ils ignorent que ces épreuves-là sont en réalité un cadeau, des outils indispensables à l’élaboration de leur œuvre. Qui peut raconter la faim mieux qu’un indigent, le désespoir mieux qu’un homme au bord du suicide ? Comment parler d’amour si l’on n’a pas ressenti au creux de sa poitrine le feu de la rupture ? Je sais cela pour avoir longtemps avancé en eaux troubles. Pour m’être battu à armes inégales dans un monde d’hommes, fait par et pour les hommes.
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Les musiciens achevèrent mon apprentissage, m’initiant peu à peu aux plaisirs de la nuit et à leurs saveurs. Une cigarette blonde, un fourneau de kif, une cuillère de majoun, une bière mousseuse ou un verre de vodka glacée… des douceurs quotidiennes qu’on appelait « le carburant », et dont on se ravitaillait dès le crépuscule. La troupe au complet s’y adonnait, y compris les danseuses qui mettaient en suspens leur animosité à mon égard, et partageaient en groupe ces moments de détente. Nous y puisions l’énergie et la bonne humeur nécessaires pour affronter une fête nouvelle jusqu’aux lueurs de l’aube.
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En vérité, c’en était un. Celui d’une fête insolite. La plus merveilleuse qu’il m’ait été donné de vivre. Je me sentais légère, envahie par une étrange impression de liberté, légère elle aussi. On dit qu’un oiseau élevé en cage ne survit pas à la liberté. J’étais cet oiseau-là, mais résolue à prouver le contraire. Je voulais rire et danser ; entrer de plain-pied dans un monde gouverné par la beauté, la bienveillance et la couleur. Une orgie de couleurs : un rouge de Fez pour mes lèvres, un noir de jais pour le contour de mes yeux, un bleu azur sur les paupières… Je voulais libérer ma blondeur du henné, laisser pousser mes ongles, je voulais…
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Les mots de Dieu sont malléables. Les hommes en font ce qu’ils veulent. Bouclier, épée ; épée, bouclier, quelle importance ! Dorénavant, tu ne seras plus un amas de chair inerte, un réceptacle de la bestialité, une poubelle du genre humain. Tu vas devoir te prendre en charge. Personne ne le fera à ta place. Gémir c’est renoncer à moitié, c’est accepter la perspective de l’échec. Tu n’es pas défaitiste, n’est-ce pas ? Tu es née artiste. Et jamais, au grand jamais l’artiste ne baisse les bras. Même à genoux, son esprit reste libre, insaisissable.
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Dans un instinct de survie, j’étais parvenue à effacer de ma mémoire les souvenirs sales et encombrants. Ceux qui m’empoisonnaient la vie et la rendaient insoutenable. Mais les ombres sournoises sont tenaces. Elles reviennent encore et encore me hanter la nuit, quand je baisse la garde. Elles inondent de chagrin mes yeux et mon cœur, puis se mettent à danser dans mes rêves, me renvoyant aux ténèbres des murs maudits. Je me vois alors sur un tapis mouvant. Toujours le même. Non pas celui que je croise dans les nuages quand je suis dans ma bulle, celui qu’empruntent les voyageurs des contes lointains. Non, ce tapis-là est fait de fibres vivantes. Je les sens grouiller sous ma peau. Ce sont des cafards qui m’emmènent vers le caniveau.
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Aïda et Sonia étaient des pestes. Elles sont nées pestes. Et elles mourront sans doute de la même façon qu’elles ont vécu. Petites, leur méchanceté se limitait à des bousculades, à des injures hérissées de blasphèmes, et parfois ça dégénérait en bastonnades quand Mamyta s’absentait de la ville. Cela arrivait souvent, car la diva était réclamée aux quatre coins du royaume. Les jumelles en profitaient pour me chercher des noises. Je les voyais venir de loin et m’évertuais à les ignorer. Je me refusais d’entrer dans leur jeu car j’en connaissais la pénible issue. Mais leurs provocations ne s’arrêtaient pas, les insinuations se précisaient, s’aiguisaient en mots crus et blessants, s’enfiellaient jusqu’à devenir insupportables.
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L’éloquence des conteurs me fascinait. Je retrouverais plus tard leurs frères chez les poètes anonymes que Mamyta chantait, et dont, jour après jour, elle m’inculquait le sens, la profondeur et les trésors infinis qu’ils recelaient.
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Une information capitale, monnayable à prix d’or, qu’il pouvait divulguer, ou bien taire, c’est selon en quittant les appartements de Sidi sous les regards anxieux des gradés, soit le caïd Moha, souriait en opinant du chef, signifiant qu’on pouvait aborder le roi sans risquer sa peau ou à tout le moins son emploi, soit il levait son index retroussé en queue de scorpion, auquel cas il était fort recommandé à ces messieurs de remballer au plus vite leur paperasse et de remettre au lendemain l’urgence de leur visite. Conscients de leurs propres vulnérabilité et des redoutables atouts du valet, les gradé rivalisaient de gentillesse à son égard, le voyait ostensiblement, affectant à qui mieux mieux des familiarités dont il n’était pas dupe. Tous étaient bien entendu prêt accordé de larges faveurs, pourvu que le caïd Moha daignât lever le petit doigt si besoin !
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oilà, j’ai commencé par vous dépeindre le meilleur du panier de crabe où j’ai eu à passer une partie substantielle de mon existence. De même que la proximité du pouvoir engendre des monstres, il lui arrive aussi d’enfanter des êtres supérieurs que, dans un autre temps, on aurait qualifiés de Saints. En dehors du musicien Saher et de l’irremplaçable docteur Moura, l’entourage de Sidi comptait une nuée d’individus sans foi ni loi, des créatures d’une intégrité et d’une humanité contestable (…). Cependant pour une question de survie, je devins à mon tour opportuniste. Plus de scrupules à exploiter les impairs de mes confrères pour briller. Et l’offre était conséquente tant ils rivalisaient de sottises (…)Que de fois j’ai voulu me payer le nain féroce qui jouissait les faveurs du souverain… ce reste de pâte noire dont la jalousie mesquine, la malveillance, la mauvaise foi absolue faisait de lui l’élément le plus détestable du groupe. Une peste qui crache son venin partout. Un fagot d’épines qui terrorisait l’Assemblée entière et qu’un simple souffle aurait envoyé au tapis. Pour être honnête, et j’en ai honte, si je nourrissais à son égard une haine cordiale, il m’arrivait aussi de le trouver drôle et même hilarant quand, avec ses crochets de vipère, il s’acharner à dépecer un individu désarmé, penaud, riant jaune. Difficile de se défendre contre la dérision quand on a le public contre soi.
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Tout paraissait normal, mais rien ne l’était pour votre serviteur. Moi, Mohammed ben Mohammed, écume de la lie et du moisi de Marrakech que rien ne prédestinait à côtoyer les élus, moi, le rescapé des troisièmes sous-sols de l’humaine condition, j’étais là en cette soirée de juillet derrière mon maître moribond, ruminant la terrible sentence du médecin : « Plus que deux ou trois jours et nous serons tous orphelins ! »
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Tout paraissait normal mais rien ne l'est quand le lion est à genoux, quand ses griffes, réduites à des débris de bois inutiles, ne font plus trembler personne, quand le feu mourant de son regard inspire davantage la piitié que la terreur, un regard atone tourné vers l'obscurité intérieure d'un corps défait, rompu, où les rugissements d'antan ne sont plus que l'écho timide d'une vie brûlée par les deux bouts, lourde d'excès en tout genre: regrets amers, défaites inavouées, demi-victoires retentissantes, joies extrêmes, peines profondes, renoncements, remords; une vie en tumulte où de concert, anges et démons arpentent des sentiers tortueux, hérissés d'épines, animés par les redoutables lois de la faucheuse.
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Une masure qui flambe à Sidi Moumen n’est pas la fin du monde. On la reconstruit dans la journée et les gens se mobilisent pour offrir à la victime nattes, couvertures, vêtements et quelques ustensiles de cuisine. Et la vie reprend ainsi son cours normal.
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La télévision couleur restant inaccessible pour la majorité des sujets de Sa Majesté, on disposait d’un film en plastique coloré qu’on appliquait à l’écran : trois bandes horizontales, bleu azur pour la partie supérieure, évoquant poétiquement le ciel, un jaune pâle au centre, enfin un vert gazon pour la partie inférieure. En résumé, nous avions droit à des étincelles d’images sous un plastique multicolore, souvent rayé et sale. Aussi, en raison de la surdité de mon père, nous mettions le volume si haut que nous étions contraints de voir la même chaîne que nos voisins pour ne pas faire désordre. Et malgré cela, nous nous réunissions tous les soirs, petits et grands, autour de cette lucarne magique, ouverte sans vergogne sur les curiosités du monde.
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Peut-être aurions-nous dû en faire autant et nous entraîner pour l'avenir : apprendre à devenir invisible, à se fondre dans une foule, à raser les murs, à éviter de fixer les gens, à n'adresser la parole à personne, à enterrer son amour-propre, à fermer son coeur aux vexations et aux brimades, à jeter son couteau à cran d'arrêt dans une bouche d'égout, apprendre à s'effacer, à n'être personne : une ombre noyée dans la masse, un chien couchant, un simple ver de terre, voire un cafard. Oui, apprendre à être un cafard.
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Ce n'est pas pour panser les plaies du passé que je reviens aujourd'hui réveiller ta mémoire, le temps l'a déjà fait. Non, si je veux te conter ton histoire, c'est peut-être, et seulement, pour trouver un sans à la mienne.
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... il se sentait parfaitement à l'aise en marchand pieds nus dans le chaume : la semelle de ses plantes, en bon cuir naturel, n'avait rien à envier à celles des babouches d'un pacha ; bien des fois, il avait écrasé des scorpions avec son seul orteil. Et, les yeux brillants de fierté mâle, il exhiba son orteil démesuré, comme s'il s'agissait d'un vrai phallus.
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