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Critiques de Makoto Ooka (9)
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101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Quelques poèmes lus et appréciés mais dans l'ensemble, la culture et les références japonaises nous sont tellement lointaines que l'ensemble reste étrange et inaccessible.
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101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

101 Poèmes du Japon d’aujourd’hui, [Gendaishi no kanshô 101 (Ôoka Makoto hen) 現代詩の鑑賞101 (大岡信編)], avant-propos [et sélection] par Ôoka Makoto, préface de Yagi Chûei, traduit du japonais par Yves-Marie Allioux et Dominique Palmé, Arles, Éditions Philippe Picquier, [1998] 2014, 181 p.







D’AUTRES POÈMES JAPONAIS







Encore une chronique « poésie » ?! Nébal n’est plus Nébal…







Mais c’est une question de curiosité, en fait ; au-delà du constat maintenant bien assuré que la poésie japonaise classique – la plus classique – ne me laissait pas indifférent. Il s’agissait donc d’étendre le champ à des choses plus contemporaines, en contraste – pour retrouver une poésie libre, après plusieurs siècles de formalisme dans le tanka et sans doute aussi dans le haïku ; c’est bien pourquoi je vous avais parlé, il y a quelque temps de cela, de l’anthologie Haiku du XXe siècle : le poème court japonais d’aujourd’hui, compilée par Corinne Atlan et Zéno Bianu, lecture qui avait été plutôt fructueuse.







Seulement voilà : même si, vu de loin, on peut en avoir l’impression, la poésie japonaise, ce ne sont pas que des tanka et des haïkus. Il y a d’autres formes, à moins qu’il ne s’agisse du contraire de formes, et l’anthologie dont je vais vous parler aujourd’hui en témoigne : on y cherchera d’ailleurs en vain tanka et haïkus. En fait, les 101 poèmes ici reproduits sont souvent longs, voire « très » longs (à l’échelle de la poésie) ; mais ils sont aussi très libres – ce ne sont pas des chôka, format vite abandonné après le Man.yôshû, autant dire depuis une éternité.







Mais disons d’abord quelques mots de cette anthologie au plan éditorial. Cela n’a rien d’évident dans ce volume français, où l’information doit être traquée dans l’avant-propos et déduite de l’ours, mais il s’agit de la traduction d’une compilation de 101 poèmes de 55 poètes réalisée par le poète et critique Ôoka Makoto pour le compte des éditions Shinshokan en 1998 ; lesdites éditions ont semble-t-il publié plusieurs anthologies du même ordre, confiées à d’autres anthologistes, et avec cette même condition de livrer 101 poèmes ; mais, dans le cas présent, il s’agit bien de la sélection d’Ôoka Makoto (Ôoka Makoto hen), dont je crois avoir compris qu’elle a ensuite été mise en avant pour la traduction, mais là je ne suis pas sûr de moi. Deux traducteurs se sont associés pour cette version française, Yves-Marie Allioux et Dominique Palmé – mais il ne s’agit pas vraiment d’une collaboration : tous deux traduisent alternativement tel ou tel poème.







Haiku du XXe siècle, comme son nom l’indique, compilait des poèmes allant de Meiji à Shôwa sinon Heisei. 101 Poèmes du Japon d’aujourd’hui a une perspective plus resserrée et contemporaine : ces poèmes datent au plus tôt de l’après-guerre – et même en fait de l’après-après-guerre ; car, dans la poésie japonaise, l’après-guerre a constitué une période particulière, abondante et foncièrement traumatisée par les événements qui venaient de se produire ; la nouvelle poésie compilée par Ôoka Makoto (dont il fait lui-même partie, j’aurai l’occasion d’en citer un bel exemple) vise à dépasser cette douloureuse expérience, pour revenir à une plus grande liberté dans le fond aussi bien que dans la forme. Elle célèbre la fin de l’après-guerre, et se tourne résolument vers l’avenir.







La préface de Yagi Chûei est précieuse pour envisager ces questions de périodisation et d’atmosphère générale, en évoquant au passage, même brièvement, le parcours de quelques poètes majeurs (l’ouvrage est autrement quasi dénué de notes, notices, etc., ce que j’ai un peu regretté). Associée à l’avant-propos de l’anthologiste, cette introduction très riche présente quelques thèmes essentiels de la poésie japonaise contemporaine, notamment dans son rapport aux thèmes classiques, « les fleurs, les oiseaux, le vent et la lune » (kachô fûgetsu), qu’il s’agit de dépasser.







Par ailleurs, même si c’est lié, Yagi Chûei note que cette poésie de « l’après-après-guerre » n’est plus tant une « poésie qui chante » qu’une « poésie qui pense ».  C’est en effet quelque chose de saisissant dans cette compilation – et, à mon sens tout du moins, d’assez périlleux, même s’il en résulte de très belles pièces : ces poèmes, relativement longs donc, ont souvent quelque chose de la communication d’une expérience sur un mode presque didactique, en dépit de la forme poétique jugée par essence hermétique (à tort, selon Ôoka Makoto – qui entendait entre autres montrer, avec cette anthologie, que la poésie contemporaine n’était pas si abstruse, et, peut-être surtout, que la poésie n’était pas l’affaire des seuls poètes affichés et reconnus comme tels). Cela oscille entre la tranche de vie et l’injonction – avec le risque non négligeable de virer parfois à la « leçon », empreinte de « sagesse »… Le genre de trucs qui m’agacent pas mal ! La plupart, heureusement, évitent cet écueil.







Pas tous, cela dit ? C’est qu’il y a peut-être un autre facteur à prendre en compte : l’âge des poètes. Rimbaud n’est peut-être pas tant un modèle qu’un symptôme : les adolescents rimaillent. Quant à le faire avec génie, c’est une autre histoire… Certains poèmes, ici, sentent l’adolescence – mais on peut très bien être à la fois jeune et sentencieux, même si souvent sur un mode hédoniste et détaché ; ces germes de poètes ne nous épargnent donc pas leurs leçons de sagesse et leçons de vie… Ceci étant, l’âge n’y change pas toujours grand-chose – et il y a peut-être quelque chose de rassurant, en même temps, à ce qu’on puisse demeurer un adolescent passé la cinquantaine… « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans » ? Parfois, on voudrait l’être – et trente ans plus tard, alors ?







UNE SÉLECTION DANS LA SÉLECTION







Mais j’arrête d’écrire des (mes) bêtises. Comme toujours dans ce genre de chroniques, je ne peux pas pousser l’analyse plus loin – je n’en ai tout simplement pas les capacités. Mieux vaut citer quelques exemples des poèmes compilés dans cette anthologie – de ceux qui m’ont parlé, en version intégrale ou simplement au travers d’extraits. Avec la précaution habituelle : ce n’est pas ce qu’il y a de meilleur, c’est ce qui m’a plu.







À tout seigneur tout honneur ? L’anthologiste lui-même, Ôoka Makoto (1931-2017), figure dans sa propre anthologie… Mais à bon droit, en fait, car Toucher (1968) est bien un très beau poème – qui a quelque chose de la leçon que je dénigrais à l’instant, mais avec suffisamment de pertinence et d’émotion pour que la pilule passe, et même bien mieux que ça (pp. 107-108, traduction de Dominique Palmé) :







Toucher.



Toucher la sève sur les veines du bois.



Toucher les courbes lointaines de la femme.



Toucher la soif qui loge dans le sable des buildings.



Toucher la gorge d’une musique lascive.



Toucher.



Toucher, serait-ce voir ? Hé l’homme, à ton avis ?







Toucher.



Jus de citron touchant un gosier desséché.



Morne sagesse qui se fige à toucher le gosier d’un démon.



Doigt glacé touchant la zone épaisse d’une femme enfiévrée.



La fleur             cette fleur en train de hurler.



Toucher.







Toucher, serait-ce savoir ? Hé l’homme, à ton avis ?







Par les nuits de jeunesse au début de l’été



Un désir à déchiqueter les étoiles.



Au bord de la fenêtre cette apparition qui s’éternise.



Journal mouillé sur une plage au loin     et qu’au passage



Foulent en douceur des pieds doux.



Ces pieds, les toucher de l’intérieur de l’œil.







Toucher, serait-ce constater qu’on existe ?







Toucher les noms.



Toucher l’absurde écart entre les noms et les choses.



Toucher l’angoisse de toucher.



Et l’excitation qui naît de cette angoisse même.



Toucher l’angoisse de se dire que jamais l’excitation



Ne garantit la justesse de ce que l’on perçoit.







Toucher, serait-ce vérifier la justesse du toucher ?







Cette justesse du toucher que le toucher même



Ne peut garantir, où donc la trouver ?



Le jour où j’ai enfin appris à toucher



J’ai su que je m’éveillais à la vie.







D’ailleurs, s’éveiller, quoi de plus naturel ? Dès que je l’ai su



J’ai fait la culbute hors de la nature.







Toucher.



Inscrit dans le temps tout phénomène est pure fiction.



C’est donc le moment de toucher. De toucher toutes choses.



C’est donc le moment par ce simple geste de tâtonner en quête de justesse



Pour sentir que ce que l’on touche est pure fiction.



Que le fait de toucher l’est plus encore.







Où donc aller ?



Toucher l’angoisse de toucher.



Saisir le cœur d’un ongle acéré que l’angoisse fait trembler.



Qu’importe, il faut toucher. Partir du toucher pour tout recommencer.



Sans espoir de rebond



Ceci étant, en fait de « seigneur », j’en ai un autre : mon poème préféré, dans l’ensemble de cette compilation, est très certainement le Chant du matin dans un hôtel à l’ancre (1949), d’Ayukawa Nobuo (1920-1986) ; le voici dans son intégralité (pp. 50-52, traduction d’Yves-Marie Allioux) :







Sous cette pluie battante qui s’était mise à tomber



Tu voulais seulement t’en aller au loin



À la recherche d’un garde-fou contre la mort



Tu voulais t’éloigner de cette ville de tristesse



Et quand j’ai enlacé tes épaules mouillées



La ville dans le vent nauséabond du soir



M’a fait penser à un port



Allumant une à une les lumières des cabines



Dans la nostalgie des âmes innocentes



Une grande ombre noire s’est tapie sur le quai



Abandonner les remords détrempés



Partir au large sur l’océan



Avec toi sur moi comme un sac sur le dos



Je voulais m’en aller naviguer !



Le vague grésillement des fils électriques



Faisait dans mes oreilles ce bourdonnement qui voltige sur la mer







Dans notre aube



Un bateau d’acier rapide en filant



Aurait dû emporter nos deux destins sur les flots bleus



Mais finalement toi et moi



Ne sommes partis nulle part



À travers la fenêtre de ce misérable hôtel



J’ai craché sur la ville au point du jour



Nos paupières lourdes de fatigue



Pendaient alors sur nos yeux comme des murs gris



Elles avaient enfermé sans retour dans le vase de verre



Espoirs et rêves vains les miens comme les tiens



Et le bout de la jetée brisée



Fondait dans l’eau croupie du vase



Seul on ne sait quel manque de sommeil



Stagnait encore comme une infâme odeur d’hôpital



Mais la pluie de la veille



Indéfiniment entre nos cœurs déchirés



Et nos corps brûlants



Sur cette vallée de mélancolie vide ne cessait de tomber







Nous-mêmes notre dieu



L’aurions-nous pour toujours étranglé sur ce lit ?



Toi tu te dis que c’est moi



Moi que c’est toi qui serais responsable



Je mets alors la cravate négligée des crises de foie



Tandis que tu poses sur ton dos rond



Ton petit visage maquillé en vautour



Et quand nous nous attablons pour le petit déjeuner



Devant l’avenir mollet



De ces œufs fendillés



Tu arbores un sourire stupidement mystérieux



Moi je brandis une fourchette haineuse



Avec la tête d’un homme qui a vidé l’assiette grasse



Des adultères bourgeois







Le paysage à la fenêtre



Est prisonnier de son cadre



Ah ! Moi je veux la pluie les rues le soir



Car si la nuit ne vient pas



Comment réussirais-je à bien étreindre



L’immense panorama de cette ville d’ennui ?



Naissance entre deux grandes guerres à l’ouest et à l’est



Échec de l’amour comme de la révolution



Brusque descente aux enfers et voilà cet



Idéologue à la mine renfrognée qui se montre à la fenêtre



La ville est morte



Le vent frais du matin



Met son rasoir froid sur ma gorge qu’un collier a blessée



Et à mes yeux l’ombre humaine debout près des fossés



Apparaît comme un loup aux flancs crevés



Qui n’aura jamais plus à hurler



Si cela faisait sens de parler de « concurrence » entre de beaux poèmes, je pense que le principal rival du précédent serait la Morne Plaine (1985) de Shindô Ryôko (née en 1932) ; en voici la traduction intégrale, par Yves-Marie Allioux (pp. 130-131) :







Plus loin que les champs de sorgho       plus loin que les verts pâturages



Plus loin encore que ces étendues propices aux pavots rouges qui y fleurissent à foison



La steppe d’été



Se poursuivait jusqu’aux limites extrêmes de l’horizon



Après le lever du jour



En une demi-journée à peine un soleil déclinant



Allait se fondre en une teinture de sang imprégnant terre et ciel



Puis c’était au tour de la lune d’illuminer de son pur éclat le moindre recoin de la plaine



Déjà trois jours que ce paysage restait toujours le même



Et chaque jour              à l’horizon se levait un soleil      qui ne tarderait plus à sombrer



Père     me voilà maintenant



Qui vais à ta rencontre, vois-tu ?



Franchissant la Grande Muraille de Chine



Voici que moi qui n’ai vécu que neuf petites années



Cette enceinte fortifiée dont la construction a duré deux mille ans



Je la dépasse aujourd’hui



Les deux mille ans de la Grande Muraille



Mes neuf ans



Et les trente-six ans que tu auras vécu Père



Sont semblables aux mirages







Le maître d’un air sévère avait conclu



« … c’est pourquoi tu dois rentrer tout de suite » et à cet instant



L’enfant assis à côté de moi murmura



« Quelle chance que ce ne soit pas mon père ! »



Et à ces mots               en cet instant



Je ne pus malgré moi m’empêcher d’éclater       en sanglots…







À voir ainsi ces vastes étendues se poursuivre aussi interminables



À me retrouver ainsi enveloppée dans un soleil couchant aussi grand



Que notre         vie



Soit encore plus minuscule        qu’une graine de pavot              c’est ce que je comprenais pour la première fois



Ce ciel et cette terre avaient tout absorbé



Je n’étais pas la seule à avoir pleuré



Les habitants de ce pays eux aussi pleuraient et encore davantage !



Notre vie          au sein de l’éternité



Était aussi éphémère     qu’une seule de nos larmes



Et que sur cette terre si belle les hommes se laissent pourtant emporter par la guerre



Qu’y avait-il de plus vain ?



Peut-être qu’un jour dans le futur           ces pensées



Cette morne plaine        me rendront nostalgique ?



Même après que nous aurons disparu



Chaque jour      le soleil se lèvera          retombera



Père ! Moi je suis en vie !



Jusqu’à ce que devenue une goutte de sang je pénètre profondément la terre



Jusqu’à ce que je me mêle aux flots de la mer



Je vais vivre     je me fais fort de vivre







Allez     transporte donc ma vie



Train à vapeur !            Ferghana de sueur de sang !



Auprès de mon père réduit à si peu



Oui       tout près







Dans un registre qu’on pourrait peut-être qualifier de lyrique, non sans quelque chose de morbide peut-être, j’ai également été séduit par la Nuit (1950) de Nakamura Minoru (né en 1927) ; dans la traduction (intégrale) de Dominique Palmé (p. 85) :







Comme des biches en fuite       est-ce ainsi qu’ont filé les jours suffocants ?



La nuit solitaire m’attendait        au milieu de l’odeur des algues pourrissantes



Au milieu du désir d’un alcool métallique qui bouillonne combien de nuits ont-elles naufragé ainsi ?







Quelque chose se blottissait contre les plis des vagues              semblant lancer un appel sans voix



La mer obscure secouait           les cous évasés et blêmes des femmes



Et les marches discontinues couleur de cinabre…



L’eau frissonnait finement          et il y avait une main bestiale et rude







Nuits naufragées, combien ont-elles cherché de tombes ?



Ont-elles oublié les innombrables yeux tombés de leurs orbites ?



La mer obscure secouait           les cous évasés et blêmes des femmes







Les nuits passeront sans doute comme des empennes de flèches enflammées



Sans doute iront-elles se cacher            cherchant des tombes dans les profondeurs…



Dans les plis des vagues il y avait une grande main bestiale qui enserrait ma nuit solitaire



En contraste, même si sur le mode de la « leçon de vie », je citerais bien, autrement critique, et représentatif d'une certaine poésie du quotidien, du prosaïque, Avancement chez les cadres (1979), de Nakagiri Masao (1919-1983) ; le voici, dans une traduction de Dominique Palmé (p. 41) :







« À tous les coups, ce sera vous le prochain directeur adjoint de notre succursale ! »



En regardant s’il change de tête, vous lui faites du plat,



Et l’homme concerné, la mine soudain hilare,



Remplit votre coupe de saké et dit « allez, buvons un coup ! »







« Le chef de bureau, il ne sait pas bien utiliser les gens… »



« Sa promotion de directeur, c’est râpé, à ce qu’on dit ! »



Partout au Japon, il n’y a que des entreprises,



Alors dans les bars on ne parle que d’avancement et de mutations







Bientôt on se sépare et tout le monde se retrouve seul,



Le vent nocturne du début du printemps caresse toutes les joues au passage,



À mesure que l’ivresse se dissipe la solitude s’installe,



Et on lance des coups de pied dans les paquets de cigarettes vides et dans les cailloux.







Pourtant quand on était enfant on faisait des rêves



Pourtant avant d’entrer dans l’entreprise on possédait aussi un petit idéal.







(Ce qui me fait aussitôt penser à la tragique pub de l’INSEEC : « Entrez rêveur, sortez manager. » Pauvres de nous…)







Je vais m’en tenir là pour les poèmes cités dans leur intégralité, mais d’autres ont pu me toucher, sinon sur la durée, du moins au travers d’extraits saisissants. J’en citerais bien deux exemples, et tout d’abord les deux dernières strophes de Moines (1958), de Yoshioka Minoru (1919-1990), dans une traduction de Dominique Palmé (pp. 33-34) :







[…]



8



Quatre moines



L’un a mis au monde mille bâtards dans un champ d’arbres morts



L’un a fait mourir mille bâtards dans une mer sans sel et sans lune



L’un, posant sur les plateaux d’une balance où s’entrelacent vignes et serpents



Les pieds des mille morts et les yeux des mille vivants, s’étonne de voir qu’ils pèsent le même poids



Celui qui est mort, de nouveau malade



Tousse de l’autre côté du mur de pierres







9



Quatre moines



Quittent la citadelle des cuirasses rigides



N’ayant rien moissonné de leur vie,



Dans un lieu plus élevé que le monde



Ils se pendent et ricanent de concert



Voilà pourquoi



Les os des quatre moines, aussi épais que les arbres d’hiver,



Resteront morts jusqu’au jour où la corde cassera







Et un dernier exemple, avec un extrait de S’il descend vers un monde sans précédent… (1968), de Yoshimoto Takaaki (1924-2012), dans la traduction d’Yves-Marie Allioux (p. 73) :







Entouré de mystères ce qui file



Au tréfonds de lui-même ce sont ces rêves que sans doute il ne pourra réaliser



Ses passions sans fondement auxquelles sa faim aspire



Un amour sur le point d’être effacé



Et lui qui a connu la honte de ce qui s’écrit sur la page blanche



Lui s’embarquera vers le futur







ENTRE DEUX EAUX







Le bilan est – comme toujours ? – un peu mitigé. Les poèmes que je viens de citer, en intégralité ou en extrait, m’ont touché, d’une manière ou d’une autre ; d’autres également l’ont fait, qui n’ont pas intégré cette sélection dans la sélection, parce qu’il y manquait peut-être un tout petit quelque chose, ou plus probablement parce que je craignais que l’exhaustivité ne finisse par donner un catalogue absurde. Nombreux, à côté, sont les poèmes qui m’ont laissé parfaitement froid – parce que trop leçons de vie, ou trop « surréalistes », mais sur un mode un peu automatique, régulièrement puéril à mes yeux et mes oreilles (surtout quand les allusions phalliques, notamment, étaient de la partie).







Mais j’ai apprécié cette lecture – pour la beauté de certains poèmes, la puissance de quelques autres, la pertinence enfin d’un certain nombre. Et aussi parce que cette anthologie témoigne de la variété de la poésie ja
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Citadelle de lumière

Il y a quelques mois, à travers mon billet sur l’anthologie de poésie japonaise, « Poèmes de tous les jours » établie par Makoto Ooka, combien il avait contribué à réintroduire la poésie dans le quotidien des Japonais à travers la publication d’un poème chaque jour dans le grand journal Asahi Shimbun, et ce avec une belle persévérance, pendant plus de vingt ans.

Makoto Ooka, décédé en 2017, a eu la modestie de ne pas s’inclure dans ce recueil où il aurait eu toute sa place, tellement il a lui-même marqué la poésie japonaise de l’après seconde guerre mondiale, de par sa propre production.



C’est ce que montre sa remarquable anthologie personnelle, Citadelle de lumière, publiée par les éditions Picquier au début des années 2000. Je ne reviendrai pas dans cette critique sur les superbes poèmes exposés, j’ai eu l’occasion d’en citer de nombreux extraits par ailleurs.

Disons qu’ils marient avec un extraordinaire bonheur un élégant classicisme avec une vision plus moderne, contribuant largement à redonner une attractivité nouvelle au genre. Surtout, ils sont empreints d’un grand humanisme né du traumatisme de la guerre et de la bombe, et d’une ouverture culturelle sur le monde.



Ooka raconte en préface (en 2001) que la capitulation du Japon, vécu comme un drame par nombre de ses compatriotes, a plutôt été un heureux révélateur pour lui, un point de départ. « Dans mon histoire personnelle, cette défaite représente un tournant essentiel, en ce sens que s’ouvrirent alors de nouveau, vers le monde occidental, des trouées qui durant de nombreuses années étaient restées presque entièrement bouchées. Pour l’adolescent que j’étais, et qui se croyait voué à une mort certaine au front vers l’âge de vingt ans, l’arrêt des hostilités fut donc vécu comme un événement primordial, on ne peut plus heureux. »



Il rappelle une nouvelle fois l’histoire de la poésie japonaise, distinguant d’une part le waka, à la fois terme générique et qui correspond à la forme historique fixée dès le 8ème siècle, remplacé au 20ème siècle par le poème court tanka, et d’autre part le haikai apparut au 16ème siècle et devenu haïku, forme très brève résultant d’un raccourcissement du waka.



Quant à sa propre contribution, Ooka prétend s’inscrire dans une poésie libre (jiyû-shi) qui s’affranchit du carcan formel de ces genres traditionnels et permet davantage d’innovations de langage. Il aime notamment faire coexister des concepts qui a priori s’opposent. Il introduit dans la poésie contemporaine les préoccupations sociales et environnementales qui interrogent la société de son temps, notamment la jeunesse. Il a puisé à la fois dans les influences occidentales, notamment des surréalistes, et la tradition japonaise du bouddhisme zen ou les chansons populaires du Moyen-Age.



Ooka écrivait encore des mots qui résonnent en 2022 avec une acuité toute particulière et comme une terrible mise en garde. « En l’occurrence, je reviens une fois encore au pouvoir ambivalent de la science : les deux bombardements atomiques ont prouvé qu’elle était capable de provoquer d’effroyables désastres, mais elle peut en même temps se targuer de garantir à la plus grande part de l’humanité progrès et bien-être. Comparons notre planète à un énorme navire sur lequel nous sommes tous embarqués : ce navire, dangereusement balloté par les houles de tous les dangers, et recélant en sa coque des foyers de violences et d’intrigues incessantes, poursuit tant bien que mal sa traversée. Pour le moment, il n’est pas encore menacé de sombrer, mais ses flancs sont fissurés de partout. Et le pressentiment d’un naufrage éventuel est partagé par tous ceux qui, dans le monde, sont réceptifs aux signaux de leurs antennes intuitives. » Et de conclure que le poète a dans ce contexte une véritable mission, un message humaniste universel à transmettre : « Dans cette époque qui est la nôtre, les poètes sont toujours aussi nombreux. En effet, composer des poèmes, c’est témoigner qu’on est pleinement vivant. Tel est avant tout le message que la poésie, en ces temps troublés, lance à l’intention du lecteur inconnu. Tel est également, pour ma part, le « testament » que je voudrais adresser au lecteur. « Testament », car n’oublions point ─ comme je l’écris dans un des poèmes de ce recueil ─ que « les cataclysmes surviennent comme l’éclair ».



Une voix marquante et précieuse, qui s’exprime dans ce recueil absolument magnifique comportant des poèmes de tons et de formes variés. A découvrir d’urgence, si vous parvenez à le trouver.

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Dans l'océan du silence

Dans l’océan du silence on ressent l’invisible présence des mystères essentiels - l’imminente pourriture, l’évanescence des airs de bien-être, et surtout le sentiment que tout cela nous dépasse

«La mort de tous les êtres

a beau à vive allure dévaler le courant

la rivière du temps jusqu’à son terme ultime

est faite d’un flot de mots qui dépasse l’homme»

Rien de pesant là-dedans, beaucoup d’élégance et de finesse au contraire. Makoto Ôoka sait aussi bien nous faire percevoir «l’écho radieux du chaos» que l’émerveillement devant la si troublante «couleur de la vie». À la poésie des profondeurs se mêlent les sourires suscités par des choses familières:

«Un chaton

Perché sur une soucoupe



Quelle débauche de poils

chez tous ceux qui vivent nus!»

Légèreté et profondeur, tout se mêle, de même que dans cet univers poétique tout semble relié:

«Toutes ces heures qui vivent et meurent la vie brève que vivent les fleurs

Ont-elles un lien avec nous?

La femme dans un rire a serré contre elle un poisson scintillant

Bras qui s’embrasent d’un éclaboussement de gouttelettes



Bientôt le ciel viendra s’emplir

à ses cuisses

L’ombre des fleurs au-dedans nous imprègne

Entre les arbres déjà des mots nagent en secret»



Il y a une densité et une profondeur dans l’écriture de Makoto Ôoka, une grâce aussi, quelque chose de vibrant qui a une force, un charme fous, qui me rappelle la phrase de Bachelard: «le poème réanime en nous des profondeurs». Réanimation renforcée par les dessins de Claude Garanjoud.
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Haiku d'enfants

Ce livre que j’avais oublié m’avait pourtant été offert il y a plus de dix ans par une amie Babeliote aujourd’hui disparue des radars.



Quel oubli stupide.



Issu d’un concours organisé par Japan airline en 1990, voici un recueil de haïku d’enfants – le plus jeune a sept ans -, du monde entier – vingt-sept pays et dix-neuf langues - et Illustré par les auteurs.

Il est d’une fraîcheur insensée qui m’avait totalement échappée en feuilletant l’ouvrage, comme ça, plusieurs fois, par curiosité.



Alors bien sûr les règles strictes de composition de ces courts poèmes, évoluant entre poésie et méditation ne sont pas suivies à la lettre – je crois que c’est cela qui m’avait fait repousser la lecture – mais l’esprit y est bien.

Trois vers : un court, un long et un court et surtout cette âme qui s’y loge et qui fait deviner, plus qu’elle n’impose. Là est le mystère du haïku.



Finalement, j’ai été souvent époustouflé par le lien unissant l’extrême jeunesse des auteurs et leur talent de suggérer un sentiment ou une émotion ou plus simplement une scène.

J’ai même été estomaqué en réalisant que de si jeunes enfants pouvaient ressentir le mystère, le beau, l’harmonie, la puissance de la nature, des émotions autres que les simples joie et tristesse.



En réalité, chargé d’apriori, je ne connais pas les enfants. J’ai oublié quelle était la fraîcheur de mes propres enfants, aujourd’hui adultes et parents. J’ai oublié quel était mon esprit lorsque j’avais dix ans. C’est triste…



Mais j’ai un secret espoir : Mes petits-enfants sont encore un peu jeunes, il va falloir que je patiente. Mais sous peu je tâcherai de les entrainer avec moi dans ce monde merveilleux du haïku et, peut-être, armé de plus de sagesse, saurai-je sentir cette innocence poétique qui m’a échappé.



Merci mon amie de m’avoir offert ce livre. Tu vois, lui aussi a dû patienter avant de se révéler à moi.

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Poèmes de tous les jours

Vous imaginez si le Point ou Valeurs actuelles, au lieu de Unes racoleuses voire carrément nauséabondes, nous proposait dans chaque numéro un poème... Rêve insensé de pauvre utopiste complètement à l'Ouest? - c'est beaucoup moins vendeur! Au Japon pourtant les journaux, y compris Nihon Keizai, le quotidien des milieux d'affaires, publient chaque semaine une demi-page de poésie. De 1979 à 2007, le quotidien Asahi, le deuxième journal le plus lu dans le monde avec son tirage de 7 à 8 millions d'exemplaires, publiait même chaque jour en première page un poème choisi et commenté par le poète et critique Makoto Ôoka.

Le recueil «Poèmes de tous les jours» nous en propose une sélection et ça donne une assez belle anthologie (même si ce n'est pas non plus la plus top des tops).

C'est parfois très fort, je ne peux par exemple que saluer bien bas Saitô Mokichi, parce que ça, je n'aurais jamais cru que la projection-identification à une bestiole aussi peu glamour à mes yeux qu'une araignée d'eau fonctionnerait aussi bien :

«Araignée d'eau qui monte dans le courant

Tes forces sont si faibles pourtant»

(Saitô Mokichi 1882-1953)

Ces «poèmes de tous les jours» arrachent souvent à la banalité du quotidien un étonnement, quelque chose qui vibre, parfois en saisissant une émotion passagère, comme dans cette belle évocation du réveil, du rêve enfui qui se fait pourtant encore sentir:

«Le vent du printemps disperse les fleurs de mon rêve

Éveillé mon coeur en tremble encore»

(Le moine Saigyô 1118-1190)

Toujours aussi fleur bleue, j'ai trouvé ça émouvant de voir si joliment exprimée en deux petits vers la grooosse plénitude du sentiment amoureux:

«Après notre rencontre, quand je vois mon coeur,

Je m'aperçois qu'autrefois je ne pensais à rien.»

(Gonchûnagon Atsutada 906-943)

Mais bien sûr, le thème de l'impermanence domine avec notamment l'importance de la place donnée aux saisons:

«La brume du soir se noue au fond de mon coeur

Et l'automne comme moi s'avance vers l'hiver.»

(Shikishi Naishinnô morte en 1201)



Une petite déception quand même. Comme j'avais adoré les poèmes d'Ôoka Makoto, j'attendais plus de ses présentations qui restent je trouve trop souvent un peu superficielles, anecdotiques: des indications du type «ce haïkaï repose peut-être sur l'observation d'une scène réelle», on ne peut pas dire que ça enrichisse la lecture d'une façon inouïe - Bon, en même temps, c'est vrai que s'il en fait une chaque jour, ça ne peut pas être très approfondi. L'introduction, plus travaillée, m'a davantage intéressée. J'ai bien aimé l'expression «les passionnés de silence» qui vient qualifier l'amateur de haïku où «ce qui est suggéré l'emporte de loin sur ce qui est exprimé».

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Poèmes de tous les jours

Une anthologie chronologique du haut Moyen-âge à nos jours.

Une explication de chaque poème avec une transcription phonétique de la version japonaise.



Un bon moyen de connaitre des auteurs importants avec des éclaircissements simples...Une bonne porte d'entrée pour le monde des lettres nipponnes.
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Poèmes de tous les jours

Encore une superbe publication des éditions Picquier poche! Ôoka Makoto, lui-même poète, a eu l'idée de réunir dans ce recueil cent poèmes parmi ceux qu'il transmet chaque matin depuis 1979 dans un journal japonais, Oriori no uta : poèmes au jour le jour.



La richesse de ce livre vient essentiellement de trois choses: les textes sont aussi bien du Moyen-Age que de l'époque contemporaine, il y a certes des haïkus mais d'autres formes poétiques également donc un ensemble très varié, et sur chaque double page, à gauche, un paragraphe résume brièvement la vie du poète choisi et surtout nous livre un commentaire fort intéressant sur le poème retranscrit sur la page de droite.



Ce qui peut surprendre, c'est le fait que souvent le poème est un distique, mais dans la préface, on nous explique que pour suivre l'ordre des mots du poème original, la traduction a dû ne pas respecter fidèlement la métrique japonaise.



Peu importe, les poèmes choisis, si courts soient-ils, sont intenses, vibrants, émouvants. Ils rythment , légers et profonds , les saisons de nos coeurs.



" Sereine clarté du soleil printanier une alouette

monte au ciel

Et mon coeur solitaire s'abîme dans ses pensées"....



Ôtomo no Yakamochi ( 718? -785)



Ou ce vers fulgurant:



" Nuit noire soudain derrière ce feu dehors"



Matsumoto Takashi ( 1906-1956)



Et je trouve très puissante la parole d' Ôoka Makato, lorsqu'il conclut, dans sa préface:" La poésie, dont la raison d'être est de retrouver la source même des mots, n'a pas de plus forte raison de ressusciter qu'aux époques les plus troubles". Lisons, relisons les poètes! Ils nous raniment, nous emportent...

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Poèmes de tous les jours

Makoto Ôoka, disparu en 2017, est un des plus grands poètes japonais de ces dernières décennies. Il est bien connu des japonais pour avoir remis dans leur quotidien la poésie, en présentant chaque jour un poème, ancien ou moderne, accompagné de son petit commentaire, en première page du plus lu des journaux nippons, l'Asahi Shimbun. Cette initiative a duré des décennies, et a fait des émules dans la presse, puisque j'ai pu vérifier aujourd'hui encore que le Mainichi, autre grand titre, propose chaque jour un haiku en langue anglaise, écrit par un non-japonais !



L'anthologie parue aux éditions Philippe Picquier est proposée et commentée par Ôoka lui-même, et comporte quelques-uns de ces poèmes. C'est une belle synthèse de ce qui s'est fait de mieux à travers les siècles en matière de poésie au pays du soleil levant. Dans sa passionnante préface, Ôoka nous rappelle que cette tradition écrite est longue d'au moins 1 300 ans, avec un premier recueil fondateur, le Manyôshû (« Recueil des dix mille feuilles »). Véritable bible de 4 500 poèmes, il est bien connu de tous les écoliers japonais, et jouit d'éditions et rééditions multiples. du Xème au XVè siècle, plus d'une vingtaine de recueils poétiques ont été commandés par la maison impériale, donnant corps à la forme traditionnelle du poème japonais, le waka. Cette forme longue a été peu à peu raccourcie et s'est démocratisée en donnant naissance au tanka, véritable poème de la vie quotidienne, de circonstance, qui a conquis le coeur des japonais, encore aujourd'hui, et davantage que son évolution encore plus minimaliste que constitue le haïku. C'est donc cette forme courte du tanka qui est mise à l'honneur dans ce recueil. Cela permet de découvrir à travers les siècles des poètes inconnus de nous qui sommes abreuvés par ce phénomène du haïku, très en vogue en occident, et qu'Ôoka restitue dans une assez faible proportion, encensant surtout Masaoka Shiki, qui l'a modernisé. Très agréable dans sa conception, la traduction française du court poème est présentée en page de droite, quand la page de gauche sert au commentaire d'Ôoka, souvent utile pour comprendre le contexte, parfois il faut l'avouer plus dispensable. En-dessous figure la version japonaise du poème (enfin caractères latins, romaji), ce que je trouve toujours appréciable pour des raisons esthétiques et pédagogiques.



Sur le contenu des poèmes eux-mêmes, je ne peux que vous inviter à explorer les nombreuses citations déposées par ailleurs ici pour vous faire une idée. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié, tout en regrettant de ne pas trouver de poèmes d'Ôoka lui-même…ce qui m'a donné envie de réparer la chose à travers une anthologie constituée par l'auteur de ses propres poèmes, Citadelle de lumière.

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