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Critiques de Marc Bloch (50)
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Apologie pour l'histoire ou métier d'historien

Grand classique l'historiographie.

Un livre que chaque étudiant en Histoire doit avoir lu, au moins une fois.



Bloch est le fondateur du courant qui anime l'histoire depuis de nombreuses années.



Il traite ici de la passion de l'Histoire, des sources.



Accessible
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Apologie pour l'histoire ou métier d'historien



Pour bien saisir l'intérêt de ce livre il faut comprendre le contexte.



Ce livre a été écrit par Marc Bloch, juif, pendant la deuxième grande guerre.



Il a combattu lors de la guerre de 1914-18, puis lors de la Campagne de France en 1940. Avec l'arrivée de Pétain et la loi du Statut des Juifs proclamée en octobre 1940, il a été exclu de la fonction publique, son appartement à Paris a été réquisitionné par l'occupant et sa bibliothèque a été envoyée en Allemagne. Il a réussi à être rétabli dans la fonction publique en 1941 et muté à Montpellier. Le doyen de la faculté de lettres de Montpellier a tout fait pour compliquer la vie de Marc Bloch. Entré dans la Résistance, il a été arrêté par la Gestapo en mars 1944, torturé par Klaus Barbie et fusillé en juin de la même année. Malgré ces difficultés, et sans accès à sa bibliothèque, il a écrit deux livres qui ont été publiés à titre posthume : celui-ci et "Étrange défaite".



N'étant pas historien et si j'ai bien compris, ce livre a bouleversé la historiographie, méthode de travail des historiens. Avant lui, la référence était un livre écrit par Langlois et Seignobos : "Introduction aux études historiques". Marc Bloch a été élève de Seignobos, mais il le critique sur deux aspects : ce qui les historiens ont appelé le "culte des faits" et l'idée que seul le passé doit intéresser l'historien et l'étendue du travail de l'historien.



Marc Bloch décrit dans ce livre les trois points importants dans une démarche de historiographie. D'abord, bien comprendre le contexte : les faits peuvent ne pas avoir la même importance dans des contextes différents. Ensuite, bien situer les faits dans leur ordre chronologique et ne pas les "écraser" comme si tout s'était passé au même moment. Et, finalement, comprendre le tout sans toutefois porter jugement.



Ce paragraphe résume rapidement les idées du livre. C'était une révolution et c'est pour ça qu'il est décrit avec beaucoup d'exemples et reste toujours une référence pour les historiens. J'imagine qu'il y a des livres textes récents qui présentent ça d'une façon bien didactique.



Il y a une vidéo d'une conférence de Johann Chapoutot à PSL (Université Sciences et Lettres), où il explique ces trois points très clairement et simplement avec le nazisme comme exemple : "Johann Chapoutot : Peut-on faire l'histoire du nazisme ? - Conférence PSL" https://www.youtube.com/watch?v=O98BFcvFoAw. Par ailleurs, il utilise ce livre comme référence.



La lecture de ce livre est aisée même si parfois fatigante, mais c'est normal pour un livre qui est, en quelque sorte, novateur pour l'époque.







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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Rédigé en 1940 après la défaite éclair de l’armée française, Marc Bloch, historien, vétéran de 14 qui disparaitra dans la Résistance, analyse les racines de la débâcle : bureaucratie militaire, intérêts bourgeois et pugilats politiques avaient sonné le glas avant le 1er coup de feu.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Un grand classique parmi les ouvrages d'Histoire. Marc Bloch, déjà grand historien, analyse cette "étrange défaite" que vient de subir l'armée française. Immédiatement, l'état major est incriminée puis les politiciens qui n'ont pas su anticiper le conflit que préparer, sans se cacher, l'Allemagne nazie.

De nombreux passages sont intéressants, car Marc Bloch n'hésite pas à dire ouvertement ce qu'il pense. D'autres le sont moins pour nous lecteurs, car, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il s'adresse à ses contemporains, leur laissant un témoignage à vif mais aussi des conseils pour une reconstruction qu'il sait inéluctable.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

J’ai mis beaucoup de temps à lire ce livre. La raison en est certainement le malentendu qui le défini.



On dit de ce témoignage que c’est une analyse à chaud des raisons de la débâcle de 1940. Ça l’est bien mais plutôt à la fin du récit. Le début est plutôt constitué dès pérégrination de Marc Bloch dans sa mission de ravitaillement en essence. Ce n’est pas inintéressant, mais j’avais du mal à m’accrocher aux mouvements erratiques de dépôts d’essences en quartiers généraux, aux anecdotes révélatrices ou anecdotiques.



Les cinquante dernières pages je les ai cependant lu d’une traite. L’analyse attendue est bien là. Il classe par ordre de responsabilité croissant les différents protagonistes qui ont entraîner pas vraiment la défaite (qui n’est que la consequence ultime) mais l’abandon du combat. A ces yeux les élites d’alors pensaient que la France méritait la défaite, car elle croyait le pays illégitimement souillé par les « menées gauchistes » des dernières décennies et surtout des années trente avec la parenthèse du front populaire. Cette bourgeoisie qui ne supportait plus l’érosion de son pouvoir politique et économique, la perte de ses rentes, et la perte du contrôle (temporaire) du pouvoir. Ce que leur reproche surtout Bloch est leur isolement, leur refus (idéologique) de voir la réalité de la vie des français d’alors, leurs fantasmes de voir des gueux prétendument les menacer alors qu’ils ne réclamaient que leur part de dignité.



Cette dernière partie est terriblement d’actualité. Mais Bloch, en historien avisé, rappelle qu’en histoire les mêmes causes ne mènent pas aux mêmes, car les causes sont aussi contingentées dans le contexte social, économique, politique du moment. Mais une chose est sûr, la situation n’est pas bonne.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Au fond, ce qu’il y a de plus étrange dans cette « Etrange défaite », c’est son titre. On se demande ce qu’elle a d’étrange, tellement elle parait normale d’après l’état des lieux que fait Marc Bloch à chaud, peu après les évènements. Son témoignage est divisé en deux parties, l’une sur l’armée, l’autre sur la société civile, il y décrit tous les dysfonctionnements et les faiblesses qui ont pu mener à la catastrophe de 1940. Les causes sont nombreuses mais on peut les résumer à un principe, l’inadaptation de la France au monde moderne. Le général de Gaulle ne faisait pas un constat très différent en déplorant l’insuffisance de la motorisation des armées. Mais d’ailleurs c’est un livre qu’on peut qualifier de discrètement gaulliste. L’appel à la résistance n’est pas formulé clairement mais il ne laisse pas de doute.

Marc Bloch écrit : « le triomphe des Allemands fut, essentiellement, une victoire intellectuelle », parce qu’ils savaient que la vitesse était l’avenir, et si l’armée et la société française ne l’ont pas compris c’est à cause de ses vieux dirigeants incapables de sortir des ornières d’une expérience désuète. Tout était vieux, vétuste et lent en France. Les autres choses, comme la bureaucratie kafkaïenne, les incohérences, la rétention d’information, le défaitisme, peuvent être classées comme des causes secondes de cette France sclérosée et rhumatisante.

Donc, Marc Bloch, qui était encore animé par une colère palpable quand il écrivait ce témoignage, met essentiellement cette défaite sur le dos d’un conservatisme profond de la société française d’avant-guerre. Il n’oublie pas non plus de tancer le pacifisme des communistes, ni les influences étrangères dans la politique intérieure de la France, ni les fautes du front populaire et de son camp puisqu’il soutenait la gauche républicaine.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Historien de formation, Marc Bloch, engagé volontaire à 54 ans en 1940, porte un regard désenchanté et lucide sur les évènements qu’il vient de vivre en 1939-1940. La drôle de guerre, puis la débâclé le conduit à s’interroger sur les raisons de la défaite. Il y voit non seulement une faillite de l’état major, engoncé dans ses certitudes de 1918, des politiques, sans esprit de suite, et plus globalement du système§me français d’éducation des élites, sans développement de l’esprit de curiosité.



Ce livre m’a interpellé à double titre : d’abord, parce que je venais de lire « un balcon en forêt » de Julien Gracq, sur le « vécu » d’un officier lors de cette courte guerre.



Ensuite, parce que je trouve ce livre toujours d’actualité : sommes-nous incités à plus développer notre curiosité, et notre ouverture tant dans le système scolaire que dans le monde professionnel ? Bien sûr, il y a eu des progrès parfois volontaires -programme Erasmus- que contraints -la mondialisation de l’économie-. Mais il y a encore de vastes progrès à faire : la méconnaissance relative des langues étrangères limite notre information ou bien encore la charge de travail très court terme, quand des entreprises comme Google offre à se employés 10 ou 20% de leur temps pour des travaux sans lien direct.



Alors, vous pouvez lire ce livre en tant que contribution à l’analyse de la tragédie de 1940. Vous pouvez aussi le parcourir en vous demandant si nous avons vraiment changé. Le constat est intéressant tant sur un plan personnel que collectif.



Il y a des livres qui se relisent pour médite. Celui-ci est un bon exemple.



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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Après les attentats de 2015, j’ai beaucoup entendu parler de ce livre qui résonne avec notre actualité.



La partie principale de ce témoignage écrit en 1940 est le récit d’une débâcle. Ancien combattant de 14, âgé de 53 ans, Marc Bloch a souhaité être mobilisé en 39 et raconte son expérience. La Déposition d’un vaincu raconte sa guerre, le recul devant les allemands, la débandade à Dunkerque, les tentatives de créer un nouveau front en Normandie. Il analyse surtout le fonctionnement de l’armée, toujours en retard d’une stratégie, prête en 14 pour la guerre de 70 et en 39 pour celle de 14 ; victime d’une organisation sclérosée où le 2e bureau s’empresse de mettre les renseignements collectés au coffre plutôt que de les exploiter. Cette « défaite administrative » est renforcée par la bêtise des officiers, plutôt incultes, et d’une organisation inadaptée.

Il complète la narration de son expérience militaire par L’examen de conscience d’un Français qui est une critique de la société incapable de sacrifier des acquis pour la défense de la nation ; d’une presse qui ne pousse pas à la réflexion et à l’éducation ; une mise en cause de l’attitude de la bourgeoisie réactionnaire ou de nos gouvernements de « messieurs chenus ou de jeunes vieillards » incapables de penser hors du cadre, « de comprendre le surprenant ou le nouveau. »



Son engagement ne s’est pas arrêté à sa démobilisation, Bloch est entré dans la Résistance et a été fusillé en 44. Le témoignage est complété par quelques écrits de la clandestinité : Pourquoi je suis républicain est remarquable, rappelle que nous pouvons choisir notre destin et que nous ne sommes pas conditionnés par une communauté, l’éducation ou une race. Là encore, il est très critique avec l’aristocratie qui accable le régime et, par la même, la nation qui l’a choisi ou veut absolument donner un maître au peuple, quitte à le choisir à l’étranger.



Même s’il s’agit d’un témoignage, Bloch apporte sa rigueur scientifique d’historien, cela donne un récit un peu sec, pas toujours facile, mais évite le pathos. Malheureusement, bien des critiques portées sur les travers de la politique de la première partie de XXe siècle sont toujours d’actualité, les risques sont les mêmes et plus d’une fois j’ai cru lire un commentaire sur une situation actuelle. L’histoire est-elle un perpétuel recommencement ou n’a t-on vraiment rien retenu des leçons du passé ?
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

En écoutant un discours du Premier Ministre (E. Philippe ) sur les commémorations du débarquement de la seconde guerre mondiale, j’en suis venu à noter l’étrange défaite sur ma liste de livre à lire. J’y ai découvert un texte vibrant d’humanité, écrit par un homme à l’esprit puissant, doté d’une réflexion et d’un sens critique d’une justesse bluffante.



Ecrit en 1941, ce témoignage tente d’expliquer les raisons de la défaite française face aux armées d’Hitler. Procès verbal d’un patriote, ces pages sont bouleversantes dans leur analyse par l’exactitude de leur raisonnement. En effet March Bloc, par son expérience et les témoignages recueillis à su trouver les causes qui expliquent la défaite de l’armée française, ce qui sera d’ailleurs corroboré par des études historiques ultérieures.



La lecture de ce texte est également intéressante par le prisme qu’elle propose. En effet, je garde peu de souvenirs de livres historiques proposant une étude de cette période de notre pays, certes peu glorieuse mais ô combien importante pour éviter de la revivre.



Le texte est très bien écrit et certains passages invitent même à une réflexion plus profonde. Néanmoins, il convient de garder toute son attention pendant la lecture sous peine de perdre le fil de l’analyse de l’auteur.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Marc Bloch est incontestablement l'un des historiens qui a permis à la matière historique de se renouveler en profondeur , intégrant notamment à celle-ci les paramètres économiques et sociologiques nécessaires à sa compréhension.



L'historien a fourni dans l'Etrange défaite l'analyse la plus aboutie des causes de la Chute de 1940 (lire également Blum et de Gaulle). Il dresse la liste des responsables de la débâcle : la bourgeoisie au pouvoir incapable de mobiliser les masses, les syndicats , la gérontocratie militaire , la bureaucratie , la presse , l'enseignement suranné, le Traité de Versailles ; bref , tout y est.



Enfin, Bloch en appelle dans cet ouvrage à la "vertu" du citoyen républicain ; lui qui avait la République chevillée au corps - martyr de la Résistance - , fut fusillé par la Gestapo en criant " Vive la France".



La lecture de ce livre est donc conseillée à quiconque veut saisir les tenants et les aboutissants de la débâcle , en comprendre les causes profondes, exprimées avec toute la rigueur d'un historien brillant.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Pour comprendre les raisons de la seconde guerre mondiale, je crois que cette lecture est tout à fait utile. Ce n'est pas réjouissant, mais très instructif.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Rarement un témoignage aussi précis nous est livré à l'intérieur même d'un conflit. L'historien Marc Bloch, qui aurait pu rester chez lui au vu de son âge, s'engage en tant qu'officier, en l'occurrence pour faire la guerre de 39-40, mais également pour la suivre avec un oeil d'entomologiste.

Ses annotations font mal. Pêle-mêle sont rapportées une coopération médiocre avec les Anglais (on peut difficilement en douter…), la faillite des élites militaires, enfermées dans un conservatisme stérile quand elles ne sont pas finalement satisfaites de voir tomber la troisième république, mais aussi une certaine complicité de la bourgeoisie française, complicité qui se transformera bien vite en collaboration avec l'ennemi.

La plus importante cause, selon Marc Bloch, de la défaite éclair reste cependant une bureaucratie aussi tenace que paralysante. Personne ne savait où se prenaient les décisions et l'empilement échevelé des organigrammes et des structures interdisait toute cohérence d'ensemble.



De ce terrible écheveau, Marc Bloch en constitue d'ailleurs un rouage bien malgré lui et c'est avec un empressement de scrutateur qu'il nous livre une anecdote aussi révélatrice qu'imparable sur la densité organisationnelle qui immobilise l'armée française : au cours de sa mission, il est en effet amené à rencontrer son homologue luxembourgeois, un francophile acharné désireux de voir la Wehrmacht mordre la poussière. Celui-ci déclare à Bloch la chose suivante ; soit l'armée française se sent capable d'aller inquiéter les Allemands chez eux, auquel cas les importants stocks d'essence luxembourgeois seront remplis à disposition des Français, soit au contraire, les armées françaises privilégient un recul tactique, quitte à laisse pénétrer un peu la Wehrmacht en France. Dans ce cas, les stocks luxembourgeois, colossaux, seront intégralement vidés pour ne pas tomber aux mains des « boches ».

La décision est d'importance, aussi Marc Bloch, ne se sentant pas le pouvoir d'apporter lui-même une réponse, fera remonter illico la problématique au plus haut niveau.

Quatre ans plus tard, le rapport de Marc Bloch est retrouvé, parfaitement archivé et muni d'un nombre incalculable de visas, sans qu'aucun des signataires n'ait apporté une quelconque réponse. Au final, les Allemands, qui passeront par le Luxembourg, se serviront allègrement des stocks de carburant au grand désespoir de l'officier luxembourgeois qui, attendant une réponse française, n'avait pas eu le temps de vider ses cuves….



Un livre injustement méconnu, peut-être parce qu'il appuie sur des plaies qu'on se refuse encore à connaître, et qui pose très justement une question forte : comment une armée telle que celle opposée par la France aux Allemands en 1940 a pu se déliter en si peu de temps, pour en arriver à constituer une sorte de déroute record, inexplicable et encore inégalée...
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

« Les anciens tableaux, qu’on veut faire entrer de force dans de nouveaux cadres font toujours un mauvais effet » la mise en garde de Tocqueville est à prendre au sérieux mais les 170 pages de « L’étrange défaite » de Marc Bloch, résonnent aujourd’hui et font raisonner :



1/ Le besoin de controverses à condition qu’elles permettent - de juger que de comprendre :« Que chacun dise franchement ce qu’il a a dire ; la vérité naîtra de ces sincérités convergentes »/« Le malheur de la patrie commence quand la légitimité de ces heurts n’est pas comprise »



2/ La capacité de rapidement apprendre de ses erreurs en les assumant pour mieux les dépasser : « Après tout, se tromper au départ, il est peu de grands capitaines qui ne s’y soient laissé quelquefois entraîner ; la tragédie commence quand les chefs ne savent pas réparer ».



3/ Le travail intellectuel tourné vers le neuf & l’action : danger du « culte du beau papier »/« Ils aimaient à jouer sur les mots et peut être, ayant perdu l’habitude de regarder en face leur pensée, se laissaient-ils eux mêmes prendre dans les filets de leurs propres équivoques »



4/ ceteris paribus et sans confondre des contextes bien différents, Bloch délivre d’une écriture serpentante et implacable un procès verbal saisissant qui interpelle par ses fulgurances et ses permanences.



Lire et/ou relire Marc Bloch est de salubrité publique.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Une "étrange défaite" pour une "drôle de guerre", ou lorsqu'un historien devenu acteur s'attribue le rôle d'un témoin. Un historien analyse une guerre pour en comprendre les causes et les acteurs. Ici, c'est la pertinence des analyses qui frappe, alors que le chercheur n'a pas accès aux archives, il restitue les responsabilités individuelles et collectives, institutionnelles comme personnelles.

Je connaissais en partie l'oeuvre scientifiques de Marc Bloch, et quelle émotion de découvrir ici le portrait d'un homme dans toutes sa richesse, avec ses contradictions et ses valeurs, lui l'universitaire qui se change en combattant, le juif non pratiquant amoureux de la France et de sa culture, le professeur qui pense à la jeunesse. En 1942, au milieu des horreurs de la guerre, il est capable d'optimisme, de réfléchir en profondeur à une réforme de l'éducation et de la constitution.

Et tout ça, sans haine, sans appel à la violence, alors que lui-même combat dans l'ombre pour la France. Il le dit, il est prêt à sacrifier sa vie, et il le fera, ce qui rend ses analyses encore plus forte.

Un texte fort, car ce grand historien est un grand homme.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Lire un historien reste un peu surprenant quand on est habitué aux belles structures narratives des romanciers. On ne peut pas dire que Marc Bloch possédait leur habileté d'écriture, sa construction est évidemment bien organisée, mais il avait une fâcheuse manie à construire ses phrases comme des poupées russes, comme une succession d'imbrications. Du coup, on peut perdre facilement le fil de son discours.


Mais l'intérêt du livre n'est pas là. Marc Bloch, éminent historien spécialiste du Moyen-Âge, s'est retrouvé pris dans la tourmente de la défaite française face à l'Allemagne nazie. Entré en résistance, il a rédigé ce court texte durant l'été 1940 pour tenter de comprendre les raisons de la défaillance française. Et cette réflexion à chaud est absolument merveilleuse de lucidité. Bien que sa description des méandres de l'organisation militaire soit un peu rébarbative et que par instant il n'échappe pas à la dérive de vouloir refaire l'histoire, on ne peut qu'être ému, au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture, par le sentiment d'amour que vouait Bloch pour la France, ce patriotisme qui nous paraît aujourd'hui un peu dépassé (est-ce un bien ou un mal?), et ce, malgré les répressions qu'il a pu subir de la part du régime de Vichy.


Ce témoignage a pris d'ailleurs une valeur toute particulière puisque son auteur sera fusillé par la Gestapo, le 16 juin 1944, quelques mois seulement avant la libération de la France par les Alliés.


Un témoignage essentiel pour ceux qui veulent comprendre les événements du printemps 1940.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Le portrait de Marc Bloch dans l'avant-propos de Georges Altman en impose : professeur d'université, combattant des deux guerres, résistant, fusillé...Inutile de dire qu'on entame la lecture avec le désir d'aimer respectueusement ce témoignage.



Et en effet, on est tout d'abord saisi par la lucide autopsie à laquelle se livre Bloch, sur les causes de l' "Etrange défaite" de 1940. Chargé du commandement du parc d'essence de l'armée, il assiste à la déroute française, dont la cause directe fut l'incapacité du commandement qui n'a pas su penser cette guerre. La victoire allemande fut avant tout, intellectuelle.

Les Allemands ont fait une "guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse" tandis que les Français faisaient une "guerre de la veille ou de l'avant-veille", "le métronome des états-majors" ne cessant pas de "battre plusieurs mesures en retard". Cet état-major, miné par la bureaucratie, vicié par la consanguinité de l'Ecole de Guerre, nourri au culte de l'intrigue et du secret.

Marc Bloch donne de multiples exemples de notre incapacité à anticiper la vitesse d'exécution ennemie, les Allemands apparaissant "là où ils n'auraient pas dû être". "Ils croyaient à l'action et à l'imprévu. Nous avions donné notre foi à l'immobilité et au déjà fait". De plus, nous n'avions pas assez de chars, d'avions ou de tracteurs car nous les avions engloutis dans le béton d'une ligne Maginot tronquée, persuadés d'être arrivés à un moment de "l'histoire stratégique où la cuirasse dépasse en puissance le canon", croyant que l'ennemi ne se déplacerait que de jour, que les chars n'avaient pas de valeur offensive, que le bombardement terrestre était plus efficace que celui effectué par des avions...

Le constat est tellement accablant qu'on se dit qu'il faudrait déterrer l'état-major français de l'époque pour le fusiller dans le dos !



Ce qui rend le témoignage de Bloch formidable, c'est qu'il intervient quasiment en temps réel, puisqu'écrit en 1940, dans le feu de l'action.



Et pourtant, j'ai trouvé ce récit ennuyeux au possible. Bloch décrit certaines manoeuvres logistiques de manière très circonstanciées et dans un style si châtié, qu'au bout d'un moment j'ai eu l'impression de tourner en rond, tout en culpabilisant par rapport à la mémoire de l'auteur.

J'ai donc, aux deux-tiers du livre, adopté la stratégie de l'état-major : battre en retraite.



Livre estimable, parcouru d'analyses remarquables, mais réservé aux amoureux du détail ou aux spécialistes des dépôts d'essence.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Un livre cité par Jorge Semprun est toujours source de culture. Marc Bloch, intellectuel et universitaire brillant, historien (agrégé d’histoire à 22 ans !) d’origine juive, arrêté pour faits de résistance et fusillé par la gestapo en 1944, laisse ici un témoignage unique sur la défaite de l’armée française en 1940. Ce livre est un rescapé, le manuscrit a été trouvé dans une de ses planques après son arrestation. Posthume donc. Il analyse avec acuité les failles de l’armée française qui combattait comme en 14. Les vieux militaires n’avaient pas évolué (ils ne croyaient ni dans les chars ni dans l’aviation). Les ordres étaient ralentis par une hiérarchie implacable et incontournable, où chacun défendait son égo avant les hommes de troupe. Page 128, il écrit : « les sentiments mutuels de deux officiers gravissant ensemble les degrés de la hiérarchie : lieutenant, amis ; capitaines, camarades : commandants, collègues : colonels, rivaux ; généraux, ennemis ». Cela résume dramatiquement bien la situation d’alors : des incohérences, une rétention d'information, du défaitisme, ont provoqué une incapacité de commandement militaire et politique, une absence de vision tactique et stratégique, tout cela à cause de rivalité humaine dans l’état major.Il met aussi en cause la bourgeoisie, comme l’avait fait Léon Blum dans son livre : A l’échelle humaine, qui ne s’était pas remise du succès du front populaire en 36.

Clairvoyant, sincère et juste. Patriote actif, il fut réduit au silence par les balles allemandes et peut-être une dénonciation bien française…

Paix à lui.




Lien : https://www.babelio.com/conf..
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Ce procès-verbal de l’an 40, la défaite militaire de 1940 est due à une débâcle intellectuelle et administrative , on parle de faillite. Multilplication des échelons et des grades, fragmentation du haut commandement et rivalité des services. Carence intellectuelle lié au dogme de la guerre defensive. Ils restaient dominés par le souvenir de la guerre précédentes.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

Livre indispensable pour comprendre la défaite française en 1940.

L'analyse de Marc Bloch est d'autant plus impressionnante qu'il a vécu au coeur de ses événements et qu'il a écrit son livre avec très peu de recul et, en tout cas, pas le recul des années.
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L'étrange défaite - Témoignage écrit en 1940

En ces temps de cérémonie en l'honneur de nos soldats morts en Afganistan, il est nécessaire de lire - ou relire - un grand texte écrit "dans la rage" en juillet 1940 par Marc Bloch, historien du moyen-âge, fondateur, avec Fernand Braudel, de l'école des Annales.



Voici - entre autre - ce qu'écrit cet intellectuel, engagé volontaire en 1940 - il a 54 ans et est père de 6 enfants, il participera ensuite, après sa démobilisation, au réseau "Combat" dans la Résistance et sera à ce titre fusillé par les Allemands en 1944 - sur les politiciens de la période de 1938 :



Prisonniers de dogmes qu'ils savaient périmés, de programmes qu'ils avaient renoncé à réaliser, les grands partis unissent, fallacieusement, des hommes qui, sur les grands problèmes du moment (...), s'étaient formés les opinions les plus opposées. Ils en séparaient d'autres qui pensaient exactement de même. »



Cela ne vous dit rien ?



Cette analyse à chaud des causes de la débâcle de 1940, publiée en 1946, écrite par un homme lucide et habitué à la recherche des faits, qui a donné sa vie pour la Patrie, reste d'une actualité brûlante aujourd'hui sur les tendances de l'âme française. De la lecture de tels témoignages, on peut transposer des règles de vie pour mieux comprendre le désenchantement politique actuel....Finalement - hélas - rien ne change.



Mais revenons à l'Etrange défaite.



Marc Bloch décrit d'abord son expérience personnelle de l'extraordinaire chaos de l'offensive allemande du 10 mai 1940. Il en avance plusieurs explications. Voici un florilège de citations :



- Depuis le début du 20° siècle, la notion de distance a radicalement changé de valeur. Les Allemands ont fait une guerre d'aujourd'hui, sous le signe de la vitesse. Nous avons en somme renouvelé les combats, familiers à notre histoire coloniale, de la sagaie contre les fusils. Mais c'est nous, cette fois, qui jouions les primitifs.



- Cette guerre fut le fait de perpétuelles surprises : les Allemands ne jouaient pas le jeu, n'étant jamais là où on les attendait. Ils croyaient en l'action et à l'imprévu. Nous avions donné notre foi à l'immobilisme et au déjà fait.



- La doctrine, couramment répandue par les doctrinaires, nous affirmait arrivés à un de ces moments de l'histoire stratégique où la cuirasse dépasse en puissance le canon (allusion à l'investissement dément dans la Ligne Maginot).



Quelques semaines de combats meurtriers et brouillons suffirent pour mettre ainsi en lumière l'insuffisance du haut commandement, de l'organisation, de l'armement et des blindés (considérés comme une arme lourde à mouvoir et réservée à la défense), de liaisons entre les forces françaises entre elles et le corps expéditionnaire britannique, la faiblesse du renseignement, la pléthore du nombre de ses organismes et la rivalité entre eux, la crise d'autorité et l'incapacité à sanctionner les manquements, la manie paperassière du temps de paix perpétuée en temps de guerre, les chevauchements, les strates multiples, le sectionnement des responsabilités.



Dans la troisième partie intitulée Examen de conscience d'un Français, ce sont les responsabilités morales de la classe militaire et politique qui sont mises sous revue :



- la folie de l'exode, la rapidité à déclarer les villes de plus de 20 000 habitants "ouvertes", la non défense des ponts, l'impréparation des troupes pendant la "drôle de guerre", le manque de connaissances global de l'encadrement : "une paresse du savoir qui entraîne une funeste complaisance envers soi-même."



En particulier est fustigée toute la littérature du renoncement mettant en garde contre les dangers de la machine et du progrès, le manque de culture des "élites", leur absence de curiosité technique et politique - nourri d'une Presse orientée, comme d'effort pour comprendre le peuple par horreur des masses et du Front Populaire.



- une remarque, en passant, sur le régime d'assemblée défunt : "c'est un problème de savoir si une chambre, faite pour sanctionner et contrôler, peut gouverner." Le régime parlementaire, les assemblées pléthoriques, les politiciens en prennent pour leur grade : "les partis servaient simplement de tremplin aux habiles, qui se chassaient l'un l'autre du pinacle".



Un grand texte, donc, court et nerveux, écrit avec talent d'une traite, avec quelques fulgurances d'espoir dans une issue proche et que son auteur clairvoyant, fusillé au cul d'un camion allemand, ne verra pas mais qui lui survivra.
Lien : http://www.bigmammy.fr
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Gardiens des cités perdues : le grand brasier !

Vers le milieu du tome, Sophie est désignée comme :

La fille qui a été enlevée
Une sauveuse
Une criminelle

9 questions
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Thème : Gardiens des cités perdues, tome 3 : Le grand brasier de Shannon MessengerCréer un quiz sur cet auteur

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