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Citations de Marcel Proust (3661)


On n'aime plus personne dès qu'on aime. P448
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[...] que de bonheurs possibles dont on sacrifie la réalisation à l'impatience d'un plaisir immédiat !
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Les êtres nous sont d'habitude si indifférents que, quand nous avons mis dans l'un d'eux de telles possibilités de souffrance et de joie pour nous, il nous semble appartenir à un autre univers, il s'entoure de poésie, il fait de notre vie comme une étendue émouvante où il sera plus ou moins rapproché de nous.

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Aussi le côté de Méséglise et le côté de Guermantes restent-ils pour moi liés à bien des petits événements de celle de toutes les diverses vies que nous menons parallèlement, qui est la plus pleine de péripéties, la plus riche en épisodes, je veux dire la vie intellectuelle. Sans doute elle progresse en nous insensiblement et les vérités qui en ont changé pour nous le sens et l'aspect, qui nous ont ouvert de nouveaux chemins, nous en préparions depuis longtemps la découverte ; mais c'était sans le savoir ; et elles ne datent pour nous que du jour, de la minute où elles nous sont devenues visibles. Les fleurs qui jouaient alors sur l'herbe, l'eau qui passait au soleil, tout le paysage qui environna leur apparition continue à accompagner leur souvenir de son visage inconscient ou distrait ; et certes quand ils étaient longuement contemplés par cet humble passant, par cet enfant qui rêvait – comme l'est un roi, par un mémorialiste perdu dans la foule –, ce coin de nature, ce bout de jardin n'eussent pu penser que ce serait grâce à lui qu'ils seraient appelés à survivre en leurs particularités les plus éphémères ; et pourtant ce parfum d'aubépine qui butine le long de la haie où les églantiers le remplaceront bientôt, un bruit de pas sans écho sur le gravier d'une allée, une bulle formée contre une plante aquatique par l'eau de la rivière et qui crève aussitôt, mon exaltation les a portés et a réussi à leur faire traverser tant d'années successives, tandis qu'alentour les chemins se sont effacés et que sont morts ceux qui les foulèrent et le souvenir de ceux qui les foulèrent. Parfois ce morceau de paysage amené ainsi jusqu'à aujourd'hui se détache si isolé de tout, qu'il flotte incertain dans ma pensée comme une Délos fleurie, sans que je puisse dire de quel pays, de quel temps – peut-être tout simplement de quel rêve – il vient. Mais c'est surtout comme à des gisements profonds de mon sol mental, comme aux terrains résistants sur lesquels je m’appuie encore, que je dois penser au côté de Méséglise et au côté de Guermantes. C’est parce que je croyais aux choses, aux êtres, tandis que je les parcourais, que les choses, les êtres qu’ils m’ont fait connaître, sont les seuls que je prenne encore au sérieux et qui me donnent encore de la joie. Soit que la foi qui crée soit tarie en moi, soit que la réalité ne se forme que dans la mémoire, les fleurs qu’on me montre aujourd’hui pour la première fois ne me semblent pas de vraies fleurs. Le côté de Méséglise avec ses lilas, ses aubépines, ses bluets, ses coquelicots, ses pommiers, le côté de Guermantes avec sa rivière à têtards, ses nymphéas et ses boutons d’or, ont constitué à tout jamais pour moi la figure des pays où j’aimerais vivre, où j’exige avant tout d’aller à la pêche, se promener en canot, voir des ruines de fortifications gothiques et trouver au milieu des blés, ainsi qu’était Saint-André-des-Champs, une église monumentale, rustique et dorée comme une meule ; et les bluets, les aubépines, les pommiers qu’il m’arrive quand je voyage de rencontrer encore dans les champs, parce qu’ils sont situés à la même profondeur, au niveau de mon passé, sont immédiatement en communication avec mon cœur. Et pourtant, parce qu’il y a quelque chose d’individuel dans les lieux, quand me saisit le désir de revoir le côté de Guermantes, on ne le satisferait pas en me menant au bord d’une rivière où il y aurait d’aussi beaux, de plus beaux nymphéas que dans la Vivonne, pas plus que le soir en rentrant – à l’heure où s’éveillait en moi cette angoisse qui plus tard émigre dans l’amour, et peut devenir à jamais inséparable de lui – je n’aurais souhaité que vînt me dire bonsoir une mère plus belle et plus intelligente que la mienne. Non ; de même que ce qu’il me fallait pour que je pusse m’endormir heureux, avec cette paix sans trouble qu’aucune maîtresse n’a pu me donner depuis puisqu’on doute d’elles encore au moment où on croit en elles, et qu’on ne possède jamais leur cœur comme je recevais dans un baiser celui de ma mère, tout entier, sans la réserve d’une arrière-pensée, sans le reliquat d’une intention qui ne serait pas pour moi – c’est que ce fût elle, c’est qu’elle inclinât vers moi ce visage où il y avait au-dessous de l’œil quelque chose qui était, paraît-il, un défaut, et que j’aimais à l’égal du reste, de même ce que je veux revoir, c’est le côté de Guermantes que j’ai connu, avec la ferme qui est peu éloignée des deux suivantes serrées l’une contre l’autre, à l’entrée de l’allée des chênes ; ce sont ces prairies où, quand le soleil les rend réfléchissantes comme une mare, se dessinent les feuilles des pommiers, c’est ce paysage dont parfois, la nuit dans mes rêves, l’individualité m’étreint avec une puissance presque fantastique et que je ne peux plus retrouver au réveil. Sans doute pour avoir à jamais indissolublement uni en moi des impressions différentes rien que parce qu’ils me les avaient fait éprouver en même temps, le côté de Méséglise ou le côté de Guermantes m’ont exposé, pour l’avenir, à bien des déceptions et même à bien des fautes.
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Plus que tout j'aimais sa philosophie, je m'étais donné à elle pour toujours. Elle me rendait impatient d'arriver à l'âge ou j'entrerais au collège dans la classe appelée Philosophie. Mais je ne voulais pas qu'on y fît autre chose que vivre uniquement par la pensée de Bergotte, et si l'on m'avait dit que les métaphysiciens auxquels je m'attacherais alors ne lui ressembleraient en rien, j'aurais ressenti le désespoir d'un amoureux qui veut aimer pour la vie et à qui on parle des autres maîtresses qu'il aura plus tard.
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Mes efforts inquiets et mécontents étaient eux-mêmes une marque d'amour, d'amour sans plaisir mais profond. Aussi quand tout d'un coup je trouvais de telles phrases dans l’œuvre d'un autre, c'est-à-dire sans plus avoir de scrupules, de sévérité, sans avoir à me tourmenter, je me laissais enfin aller avec délices au goût que j'avais pour elles, comme un cuisinier qui pour une fois ou il n'a pas à faire la cuisine trouve enfin le temps d'être gourmand. Un jour ayant rencontré dans un livre de Bergotte, à propos d'une vieille servante, une plaisanterie que le magnifique et solennel language de l'écrivain rendait encore plus ironique mais qui était la même que j'avais souvent faite à ma grand-mère en parlant de Françoise...
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"Mais, monsieur Bloch, quel temps fait-il donc, est-ce qu'il a plu? Je n'y comprends rien, le baromètre était excellent." Il n'en avait tiré que cette réponse: "Monsieur, je ne puis absolument vous dire s'il a plu. Je vis si résolument en dehors des contingences physiques que mes sens ne prennent pas la peine de me les notifier.
--- Mais, mon pauvre fils, il est idiot ton ami, m'avait dit mon père quand Bloch fut parti. Comment! il ne peut même pas me dire le temps qu'il fait! Mais il n'y a rien de plus intéressant! C'est un imbécile."
Puis Bloch avait déplu à ma grand-mère parce que, après le déjeuner comme elle disait qu'elle était un peu souffrante, il avait étouffé un sanglot et essuyé des larmes.
"Comment veux-tu que ce soit sincère, me dit-elle, puisqu'il ne me connaît pas; ou bien alors il est fou."
Et enfin il avait mécontenté tout le monde parce que, étant venu déjeuner une heure et demie en retard et couvert de boue, au lieu de s'excuser, il avait dit :
"Je ne me laisse jamais influencer par les perturbations de l'atmosphère ni par les divisions conventionnelles du temps. Je réhabiliterais volontiers l'usage de la pipe d'opium et du kriss malais, mais j'ignore celui de ses instruments infiniment plus pernicieux et d'ailleurs platement bourgeois, la montre et le parapluie.
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Et peut-être cette non participation (du moins apparente) de l'âme d'un être à la vertu qui agit par lui, a aussi en dehors de sa valeur esthétique une réalité sinon psychologique, au moins, comme on dit, physiognomonique. Quand, plus tard, j'ai eu l'occasion de rencontrer, au cours de ma vie, dans des couvents par exemple, des incarnations vraiment saintes de la charité active, elles avaient généralement un air allègre, positif, indifférent et brusque de chirurgien pressé, ce visage où ne se lit aucune commisération, aucun attendrissement devant la souffrance humaine, aucune crainte de la heurter, et qui est le visage sans douceur, le visage antipathique et sublime de la vraie bonté.
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Celui qui eût refusé d'en goûter en disant : " J'ai fini, je n'ai plus faim " se serait immédiatement ravalé au rang de ces goujats qui, même dans le présent qu'un artiste leur fait d'une de ses œuvres, regardent au poids et à la matière alors que n'y valent que l'attention et la signature. Même en laisser une seule goutte dans le plat eût témoigné de la même impolitesse que se lever avant la fin du morceau au nez du compositeur.
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En réalité, elle ne se résignait jamais à rien acheter dont on ne pût tirer un profit intellectuel, et surtout celui que nous procurent les belles choses en nous apprenant à chercher notre plaisir ailleurs que dans les satisfactions du bien-être et de la vanité.
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Chopin

Chopin, mer de soupirs, de larmes, de sanglots
Qu’un vol de papillons sans se poser traverse

Jouant sur la tristesse ou dansant sur les flots.
Rêve, aime, souffre, crie, apaise, charme ou berce,
Toujours tu fais courir entre chaque douleur

L’oubli vertigineux et doux de ton caprice
Comme les papillons volent de fleur en fleur ;

De ton chagrin alors ta joie est la complice :

L’ardeur du tourbillon accroît la soif des pleurs.
De la lune et des eaux pâle et doux camarade,

Prince du désespoir ou grand seigneur trahi,

Tu t’exaltes encore, plus beau d’être pâli,

Du soleil inondant ta chambre de malade

Qui pleure à lui sourire et souffre de le voir…

Sourire du regret et larmes de l’Espoir !
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Alors il se rappela que, le matin même, pendant qu'il était à la messe, [...] il avait prié : "Mon Dieu ! mon Dieu ! faites-moi la grâce de l'aimer toujours." [...]
Maintenant, dans une de ces heures toutes physiques où l'âme s'efface en nous derrière l'estomac qui digère, la peau qui jouit d'une ablution récente et d'un linge fin, la bouche qui fume, l’œil qui se repaît d'épaules nues et de lumières, il répétait plus mollement sa prière, doutant d'un miracle qui viendrait déranger la loi physiologique de son inconstance aussi impossible à rompre que les lois physiques de la pesanteur ou de la mort.

(extrait de "La fin de la jalousie")
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Malgré ma répulsion pour les huîtres, après que j'eus songé (me disiez-vous encore) à leurs voyages dans la mer que leur goût évoquerait maintenant pour moi, elle me sont devenues, surtout quand j'étais loin de la mer, un suggestif régal. Ainsi les aptitudes physiques, plaisir de contact, gourmandise, plaisir des sens, reviennent se greffer là où notre goût du beau a pris racine.

(extrait de "Avant la nuit")
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Une discussion sur les anarchistes fut plus grave. Mais Mme Fremer, comme s'inclinant avec résignation devant la fatalité d'une loi naturelle, dit lentement : " A quoi bon tout cela ? Il y aura toujours des riches et des pauvres." Et tous ces gens dont le plus pauvre avait au moins cent mille livres de rente, frappés de cette vérité, délivrés de leurs scrupules, vidèrent avec une allégresse cordiale leur dernière coupe de vin de Champagne.

(extrait de "Un dîner en ville")
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Ses yeux pétillaient de bêtise. Sa figure souriante était noble, sa mimique excessive et insignifiante. Elle avait, par confiance en Dieu, une même agitation optimiste la veille d'une garden party ou d'une révolution, avec des gestes rapides qui semblaient conjurer le radicalisme ou le mauvais temps.

(extrait de "Un dîner en ville")
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Mais au temps où il y brillait, de quelle douce gaieté remplissait -il tous les convives par l’imprévu de ses interruptions, et les trouvailles de ses réflexions ! Il fallait l’entendre soutenir que Flaubert avait pour lui tant d’estime, qu’il lui avait fait un jour la lecture de Bouvard et Pécuchet .
La princesse, agacée de tant d’invraisemblance, proteste un peu vivement. Le confident de Gustave Flaubert insiste, redouble d’assurance.
«Vous confondez !
— Non, je suis sûr ; et voyant qu’on a l’air de sourire, il fait cette concession : Ah ! c’est vrai, princesse, je me trompe un peu. Je confondais. Il m’a lu Bouvard, cela, j’en suis sûr. Mais vous avez raison, il ne m’a pas lu Pécuchet .»
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On désire être compris parce qu’on désire être aimé, et on désire être aimé parce qu’on aime.
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Alors, moins éclatante sans doute que celle qui m’avait fait apercevoir que l’œuvre d’art était le seul moyen de retrouver le Temps perdu, une nouvelle lumière se fit en moi. Et je compris que tous ces matériaux de l’œuvre littéraire, c’était ma vie passée ; je compris qu’ils étaient venus à moi, dans les plaisirs frivoles, dans la paresse, dans la tendresse, dans la douleur emmagasinée par moi, sans que je devinasse plus leur destination.
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Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l'impatience d'un plaisir immédiat !
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On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi-même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses
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