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Citations de Marielle Macé (98)


Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer. Peut-être qu'on parle uniquement pour que cela soit respirable, en nous et tout autour.
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L'air que tu respires a un air de cave
Est un air qui a déjà été expiré
qui a été rejeté par des hyènes
Le fumier de cet air personne ne peut plus
le respirer
(Henri Michaux, « Je rame »)
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Or c'est bien pour ça que l'on fait des cabanes : pour prendre soin de ce qui mérite que l'on y tienne, que l'on s'y tienne, et dire ce que l'on a besoin de protéger pour préserver notre amour de la vie.
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L'expérience du roman offre l'occasion d'"être" ses propres possibles, de s'augmenter en une vie plurielle, de tirer en soi-même les fils de l'humain et d'y essayer une forme qui vous devance; mais aussi bien d'éprouver le rétrécissement de ces possibles , de voir tomber derrière soi les orientations vitales comme des feuilles mortes; le cours de la vie est alors la course de chacun devant le resserrement de ses propres voies narratives.
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Considérons donc la lecture comme un exemple de conduite esthétique intégrée, qui se déploie sur un arc existentiel complet. Intégrée, c'est à dire : non isolée des autres moments d'une esthétique de la vie quotidienne, de toutes les autres conduites qui s'y trouvent mises en jeu. (p15)
Au moment où l'on lève les yeux, on essaie en effet des attitudes mentales, on prépare des souvenirs, on répond au livre en nouant dans un va-et-vient exemplaire un nouveau lien avec le monde, ce monde auquel on n'a pas fait que tourner le dos ; c'est la chance de rejouer dans la lecture et après elle l'accès au réel, mais aussi de l'accès à soi-même. (p41)
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L' esoufflement qui découle de nos "si violentes fatigues", la tête dans le guidon, et de ce que cela coûte de s'ajuster à un monde en surchauffe. Un monde où les crises se succèdent, roulent en avalanche sans laisser le temps de reprendre haleine et d'ouvrir franchement la fenêtre au poumons.
– La respiration, en ce sens, ce serait déjà le répit : pause, pousse, on respire on s'offre des brassées de survie.
p. 11.
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Et la porte est étroite. Parce que, vous avez remarqué, le seul fait de dire notre grand besoin d'air, ou de se l'entendre dire, des fois ça nous suffoque; on s'époumone à vouloir respirer, à avoir à le demander, et le rendez-vous de la parole, comme de la pensée, avec l'état intoxiqué du monde suffit parfois à consumer les parlants.
Ici comme ailleurs, se défendre c'est prendre le risque de s'épuiser encore un peu plus?. Or trouver à rendre les coups viendra forcément d'un corps vivant, c'est-à-dire d'un corps enfin respirant, qui cesse de s'abîmer. (C'est peut-être comme ça aussi qu'on pourrait regarder le mouvement des Gilets jaunes : les gens avaient, ont à faire entendre l'évidence de quotidiens asphyxiés, et souvent ils ont perdu beaucoup juste en se défendant contre la situation économique et morale qui leur est faite; ce que beaucoup ont gagné pourtant, c'est un certain goût de l'action solidaire, de l'importance de politiser leurs épuisements, et de la parole vraie, fraternellement échangée - la parole qu'on ne prend pas forcément pour apparaître, mais pour « être vivant et le savoir ».
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Qui étouffe de respirer comme on mourrait de vivre. Comme on vivrait d'une vie chronique. - Chronic living : cette formule est récemment apparue dans les humanités médicales pour désigner les maladies de longue durée, lorsque l'enjeu du soin n'est pas la guérison mais l'aménagement de la vie malade, sa vivabilité, sa vitalité même, c'est-à-dire sa transformation en forme de vie. Mais j'y entends autre chose, quelque chose qui nous est comme soufflé par la langue : que la vie elle-même peut être éprouvée comme « chronique ». Chronic living, c'est le foyer verbal d'un monde où l'on étouffe de respirer, où l'on périt de vie limpide, emprisonné comme dans une apnée. Ce n'est pas un sous-vivre, ce n'est pas une survie, c'est une sorte d'irritation du vivre qui écorche continûment le sujet, l'expose, l'enflamme, mais l'intensifie aussi, à fleur de peau.
L'expérience allergique se comprend comme une révélation, profonde et cruelle, de la sensibilité et de l'être touchable, vivant :
[...] on se laisse aujourd'hui trop facilement histaminiser. Ce ferment de l'allergie, cette force opiniâtre qui, malgré les vaccins sous-cutanés répétés depuis des années, me porte préjudice du printemps à l'automne par son refus du vert (et qui après tout m'en laisse mieux jouir quand il pourrit dans la pluie, puisque les poussières en les pollens ne « lèvent pas), me permet parfois, à défaut d'autres structures, de dire « moi » sans moyen terme, sans aucun doute, avec une épaisseur sans égale. Un moi chien, comme en acier, et à la fois d'une substance proche de la poix; le plus effiloché qui soit, mais le plus résistant et feutré pour amortir tous les frottements. (Andrea Zanzotto, « Prémisses à l'habitation »)
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L’oiseau ne saurait être un thème en poésie. Il pose au poème la question du vivant, des façons qu’a le vivant de sonner et de se faire entendre ; il lui pose la question de la beauté, de la dépense, de la merveille, de ce que la beauté fait au monde et dans le monde ; il lui pose enfin la question de la voix, ou plutôt de « l’articulation d’une voix et d’une pensée », c’est-à-dire du langage, rien de moins.


… sujets d’un battement incessant entre l’ici et le lointain, le familier et l’inappropriable.

… l’oiseau ou la sauvagerie adorable.
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Mais au meilleur de ces pensées, ou de ces démarches, s'impose la nécessité de faire cas des vies qui effectivement se vivent dans tous ces lieux et qui, en tant que telles, ont quelque chose à dire, à nous dire de ce qu'elles sont et par exemple du monde urbain qui vient, et qui pourrait venir autrement. Mieux que des bords donc, délaissés et activement invisibilisés, des franges qui seraient déjà des preuves, la preuve qu'on pourrait faire autrement puisqu'on fait autrement.
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Le théâtre de la lecture, comme celui du sommeil, est l'une de ces situations d'inaction apparente qui reposent pourtant sur la permanence de l'initiative individuelle, où l'on acquiesce à une certaine passivité - mais une passivité active, vigilante. (p. 53)

Infléchir ses perceptions.
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En 1939, la littérature offre donc une réponse en pleine saison osbcure. Nous voici au point où le lecteur, mû par l'espérance, s'insère à vif dans les formes. Comme si la clôture du récit suffisait à faire l'expérience de ce que c'est qu'un sens, à projeter figuralement sa propre vie. Cette esthétisation , cet espoir fondé formellement, justifie chez Sartre une comparaison musicale, un appel répété à la "mélodie".
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On "vit de" donc, et pour, et par, et à travers, et parmi. On vit prépositionnellement, jamais seul ni simplement de soi-même, mais dans des compositions et à force de liens, bons ou mauvais. Cette structure de dépendances appelle d'ailleurs, en face, une prise de responsabilité, à la fois hospitalité et engagement envers la vie.
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L'élevage d'oiseaux reste une réalité vive des pays miniers, comme une fraternité entre les humbles. Tout comme les jardins ouvrier, qui ouvrent eux aussi une zone de respiration (matérielle, psychique, sociale) dans un rebranchement momentané, latéral, mais sûr, à la vie vivante, au temps qu'il fait et aux saisons. (C'est aussi dans le Nord minier qu'ils sont apparus, grâce à l'abbé Jules-Auguste Lemire. Fils de paysan, prêtre démocrate et figure du Nord industriel, Jules-Auguste le juste était convaincu que le devoir du gouvernement était d'assurer à toute famille la possession d'un lopin de terre cultivable, et c'est avec cette conviction qu'il a fondé le mouvement des jardins ouvriers en 1896). Les jardins ouvriers où l'on reprend haleine et trouve du repos; ces lieux du répit, du calme; ces promesses de dimanches et cette affirmation de ce qui peut venir de liberté, de santé, de bonheur, dans le soin (volé aux formes et au temps du travail) pris à un morceau de terre que l'on aime.
(pp.34-35)
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[...] nous considérons que seul le récit modélise la vie, en donnant sens et structure à une expérience autrement considérée comme pâteuse ; nous croyons à une identité exclusivement "narrative." [...] je veux entrer ici en débat avec ce que trop de philosophies de la littérature tiennent pour une évidence : la temporalisation de la vie par la médiation exclusive du récit, la narrativité de soi ; j'observerai, par exemple, la concurrence entre une "identité narrative" et des "identités stylistiques" à l'intérieur d'un même lecteur, ressources multiples et parfois contradictoires pour la configuration de soi.
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Une noue est un fossé herbeux en pente douce, aménagé ou naturel (l’ancien bras mort d’une rivière par
exemple), qui recueille les eaux, permet d’en maîtriser le ruissellement ou l’évaporation, de reconstituer les
nappes souterraines et de ménager les terres. C’est un abri végétal qui limite la pollution, et s’est mis à protéger
des inondations les villages
Les noues


Les noues, les noës comme autant d’arches, arches d’eaux vives et de pratiques, où conserver non pas des choses
mais des forces, où faire monter des inquiétudes, des pensées, des combats.
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Nouons-nous ; cette formule emporte, entraîne, elle a la justesse du poème, infaillible. On y reçoit le « nous » comme une sorte d’appel : oui, faisons-le, nouons-nous ! Le pronom y devient une modalité du verbe, que l’on conjugue de beaucoup de manières : nous-ons, accomplissons des « nous », nouons encore, imaginons d’autres façons d’être à plusieurs, de se lier, de se toucher, peut-être juste de se frôler... On y entend que dans le mot « nous » quelque chose (mais quoi au juste ?) se noue, doit se nouer et pourra donc aussi bien se dénouer ; on se dit que « nous » est une affaire de liens, d’attachements, de mêlements, d’interdépendance et d’arrachements, et de démêlements et de dénouements - plutôt que d’appartenance ou d’identification.
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[Une stylistique de l'existence] ne traite pas forcément de vies éclatantes, triomphantes, d'apparences prisées ou de corps élégants; elle dit que toute vie s'engage dans des formes, toutes sortes de formes, que l'on ne peut pas préjuger de leur sens, et qu'il faut donc s'y rendre vraiment attentif, sans savoir d'emblée ce qui s'y joue ni ce qu'elles voudront dire. Une stylistique de l'existence prend en charge [...] la question foncièrement ouverte, requérante, et toujours réengagée, du "comment" de la vie.
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Donner du style à son existence, qu'est ce dire ? Ce n'est pas le monopole des artistes, des esthètes ou des vies héroïques, mais le propre de l'humain : non parce qu'il faudrait recouvrir ses comportements d'un vernis d'élégance, mais parce que l'on engage en toute pratique les formes mêmes de la vie. L'expérience ordinaire et extraordinaire de la littérature prend ainsi sa place dans l'aventure des individus, où chacun peut se réapproprier son rapport à soi-même, à son langage, à ses possibles : car les styles littéraires se proposent dans la lecture comme de véritables formes de vie, engageant des conduites, des démarches, des puissances de façonnement et des valeurs existentielles.
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On en rêve plus que jamais, on s'en parle, parce qu'une atmosphère assez irrespirable est en train de devenir notre milieu ordinaire. Tout le monde le sait, le sent : on manque d'oxygène, de santé, de paix, on manque de liens vrais, de justice et de joies.
p. 10- 11.
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