Au milieu d’une terre difficile, mais belle dans toutes ces nuances, un vieux pasteur livre ses derniers mots à son fils qu’il ne verra pas grandir. À la manière d’une longue confession ou, si vous préférez, d’une longue confidence, nous sentons le poids de tous ces mots, l’importance de toutes ces histoires racontées…une dernière fois. Nous entrons dans une sorte d’intimité où le moindre souvenir devient lumineux. C’est un livre à la fois apaisant et réconfortant dans le maelstrom universel que nous vivons présentement.
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Eh bien, que puis-je dire à propos de celui-ci ? En bref : je ne comprends pas pourquoi Marilynne Robinson n'a pas encore reçu le prix Nobel de littérature. Si c’est possible pour un écrivain hermétique comme Jon Fosse, pourquoi pas pour elle ? Car cela doit être clair : Robinson n’est pas pour tout le monde. Il y a d'abord l'intensité de ses romans, et certainement de celui-ci : quand on démarre, c'est comme si on était obligé de sauter dans un train déjà assez rapide ; elle suppose que vous êtes juste au courant de l'histoire, et si vous ne l'êtes pas (et presque par définition vous ne l'êtes pas), alors vous devez la reconstituer au fur et à mesure. Ce fut le cas du premier roman du cycle Gilead (juste Gilead), et aussi de ce deuxième: le narrative commence lorsque Jack Boughton, le mouton noir de la famille, revient après 20 ans dans sa maison parentale à Gilead, où seul son père, le vieux révérend Robert Boughton, malade, habite et où sa plus jeune sœur Glory est récemment revenue. Cette intensité est également due aux thèmes de Robinson : ils sont lourds, existentiels, profondément psychologiques. Dans ce cas, il s’agit de culpabilité et de pénitence, de pardon et de grâce, et surtout de damnation prédestinée. Parce que Jack en particulier a beaucoup de choses à expliquer. Et forcément avec Robinson on se retrouve dans l'univers calviniste, autre chose qui ne facilite pas vraiment la lecture. En particulier, les discussions entre Boughton et son voisin John Ames, cet autre ancien ministre que nous connaissons de Gilead 1, nécessitent un certain bagage théologique et philosophique.
Pourquoi alors mon score relativement élevé de 4 étoiles ? Eh bien, pour commencer parce que c'est la meilleure histoire de fils prodigue que j'ai jamais lue : pas la version simple du retour festif, tout pardonné et fini, non, ce retour s'accompagne d'un sédiment de sentiments très variés qui ne cessent de s'approfondir, testé et devenant de plus en plus complexe à mesure que l'histoire progresse. Deuxièmement, parce que le dessin psychologique de Robinson à travers les dialogues, l'introspection et l'observation minimaliste témoigne d'une énorme connaissance de la nature humaine et d'un sentiment empathique pour l'infinie complexité de l'existence humaine. L'interaction entre Jack et Glory en particulier est d'une sensibilité presque insupportable. Et troisièmement, parce que ce livre parle aussi du « chez-soi », la maison parentale, et de ce que cela signifie pour les personnes blessées par la vie, tant dans un sens positif que négatif. Ce thème inclut également la position ambiguë du vieux Boughton, dont la joie sincère du retour de son ou ses enfants suscite certes de la sympathie, mais qui est également repoussant par sa nature patriarcale, l'imposante figure paternelle qui contrôle volontairement et/ou involontairement la vie de ses enfants d'une manière malsaine. Ayant moi-même élevé 4 enfants, je dois concéder que ce fût une lecture assez émouvante aussi dans ce sens.
Assez d'arguments ? Bien sûr! Et je n'ai même pas mentionné le style précis et la composition équilibrée de ce livre. Non, s'il vous plaît Stockholm, elle a 80 ans maintenant, n'attendez plus.
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Un titre que je devais lire depuis longtemps que je me suis décidée à lire actuellement.
J'ai été déçue je m attendais à autre chose , c'est peut-être parcequ'en ce moment je n'ai besoin que de lectures légères..
C'est un fait beaucoup de sujet que je qualifierai de sérieux sont l'essentiel de ce livre (religion racisme, histoire)
J'ai trouvé que cette confession était trop longue
Pas beaucoup de rythme dans cette narration
Bref une lecture qui malgré les nombreuses critiques ne resterait pas au fond de ma mémoire
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Gilead fait partie de ces romans dont on perçoit l'exceptionnelle qualité, la subtilité, la délicatesse, l'élégance, sans pour autant déborder d'enthousiasme. Je l'ai abandonné plusieurs mois, sachant que je le reprendrais: ce temps d'attente n'a rien changé, l'érudition est parfaite, les exégèses certainement très pertinentes, mais cette longue, interminable lettre testamentaire d'un vieux père à son jeune fils a fini par me laisser de marbre. Pourtant elle évoque un passé trouble, mêle Histoire et destinées familiales, amour et rancune, pardon et amour, doutes , rédemption. A relire, peut-être.
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Une très belle découverte de ce livre de Marilynne Robinson, tout en "dentelle" et nuances. Un roman intimiste, presqu'un huis clos, au sein de cette famille Américaine des années 50. Glory, 38 ans, rentre chez elle, dans la petite ville de Gilead, Ihowa, après, d'après ce que l'on comprend, une rupture amoureuse. Elle rejoint son père, révérend qui a officié des années durant au sein de l'église de la ville, mais qui désormais, malade et très âgé, atteint la fin de ses jours. Et puis voilà Jack, le fils qui a rompu les liens durant 20 ans. Jack était parti dans des circonstances particulières (je ne raconte pas tout!) et il retrouve son père et sa soeur cadette, Glory, qu'il connait finalement très peu. Frère et soeur vont, au fil des jours, apprendre à se connaître, se dévoiler quelque peu, tout en finesse, autour de ce père qu'il convient de rassurer, d'apaiser, après avoir eu tant de raisons d'être inquiet et angoissé d'avoir un fils silencieux durant 20 ans.
Marilynne Robinson tisse son récit avec lenteur mais sans ennui, la nature des liens et la nature des lieux occupe le récit. Elle pointe ça et là les préoccupations politiques de l'époque, dans une Amérique rurale qui entend sonner au loin les luttes des noirs américains contre la ségrégation raciale. C'est d'ailleurs un point qui oppose père et fils.
Pour ma part, le texte est fabuleux à lire, le niveau de langage très soutenu (merci au traducteur!) fait que le texte est un régal, d'une délicatesse que l'on retrouve dans les relations entre les personnages. Le poids de la religion et de l'éducation religieuse, le "destin" et l'héritage familiale, tout ceci est abordé avec sensibilité et finesse.
J'ai passé un merveilleux moment et je suis reconnaissance à l'auteur pour cela. C'est un très beau moment littéraire.
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(Lu enV.o)
D'Une écriture limpide et puissante,ce roman vous emporte ,vous bouleverse et ne vous laisse pas indemne.
Émue aux larmes par certains passages (ce qui ,pour moi,est assez rare à la lecture d un roman pour vous donner une idée,l avant dernière fois ,c était lors de la mort de la maman de Bambi! )
L histoire de Lila ,petite fille mal aimée et négligée ( peu de détails sur ses parents,sa maison...etc..mais des souvenirs confus de cris,de sejours prolongés a l abri sous une table ou de punitions a l exterieur de la maison dans le froid ...) Lila est enlevée par Doll ,femme d ouvrage occasionnelle de la maison,une femme simple et pauvre dont on ne connaîtra que le prénom..
Doll ,qui a probablement pitié de la petite ou qui est en mal d enfant à choyer,l'enlève,la kidnappe.Pour éviter qu on lui reprenne l enfant et des éventuelles poursuites,commence alors une longue errance rythmée par des travaux saisonniers qu'elle dégote pour survivre .
Cette pauvre femme portant sur le visage une affreuse cicatrice ,a tout d une vagabonde( fière,elle se défend d être comme "ces va nu pieds":elle ,au moins ,elle tient son rang(qui est parmi les derniers de l échelle sociale de l époque juste devant les clochards ,vagabonds ,simples d esprit et anciens esclaves noirs)elle se lave,elle,et elle rapièce et rafistole ses vêtements et conseille à la petite Lila de marcher sans se retourner ni tourner la tête en traversant un village...
Doll et Lila sont donc sur la route,dorment dehors été comme hiver.Elles rencontreront Duane et sa bande de naufragés de la vie et se joindront à eux ....la seule richesse du groupe étant une charrette tirée par une vieille mule (qui mourra malheureusement...)
S ensuivent quelques années "heureuses",rythmées par les marchés ,le travail aux champs ,veillées autour du feu.
Doll se sédentarise un an afin de permettre à Lila d aller a l école et d apprendre à lire et à écrire ,ce qui lui vaut la désapprobation et le mépris du petit groupe!(ils trouvent prétentieux et inutile d apprendre à lire :pour qui se prend elle?)
La grande dépression des années 20 se profile et bientôt ,le groupe se dissout , n a plus de travail et c est réellement la misère (l atmosphère est proche de celle du roman les raisins de la colère)
Jamais Doll ne révélera a Lila qui sont ses parents et jamais elle ne connaîtra le repos :on en vient à douter:
Était ce un enlèvement? Ou Un sauvetage?
Après la mort de Doll,dérive lente de Lila et puis fuite à travers champs,la nature retrouvée ...( après un bref passage dans une maison close qui semble être le lieu où aboutissent toutes les jeunes filles ,pauvres ,ignorantes et sans famille) Elle arrive par hasard à Gilead, ou de façon inattendue ,le vieux pasteur du village s éprend d elle...mais chut ,je ne raconte pas tout
Ceci est la trame narrative mais au delà ,ce que j ai apprécié c est la manière dont les émotions et les sentiments de Lila sont décrits ,enfant mal aimée et abandonnée ,n arrivant pas a se respecter ni à se laisser aimer ,toujours prête à fuir et à reprendre la route .
Le passage où elle rencontre un adolescent en fuite après une altercation avec son père est magnifique
C est un roman remarquable:la narratrice est Lila adulte ,on passe sans cesse du moment présent (a Gilead,auprès du pasteur)au passé,
mais la forme est naturelle ,fluide ,cela ne sent pas le "fabrique" comme dans de nombreux romans ou l éditeur semble avoir mêlé les chapitres et la chronologie pour faire plus "abouti"?plus littéraire?
Du grand art ,à lire absolument!
je rangerais ce roman sur une étagère à côté de ceux de Toni Morrison.
Un des romans de l'auteur" Gilead "serait un des favoris de Barack Obama
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En 1956, sentant sa fin prochaine, le révérend John Ames rédige à l'attention de son très jeune fils une longue lettre en forme de méditation.
seul héritage que sa pauvreté matérielle l'autorise à transmettre. Ames a lui-même pour père un prêcheur de l'Iowa et pour grand-père un pasteur engagé, durant la guerre civile. clans la lutte pour l'abolition de l'esclavage. En rapportant les tensions dont il fut le témoin entre l'ardent pacifisme de l'un et l'activisme parfois pour le moins belliqueux de l'autre, le révérend Ames tisse, au fil des pages, le motif du lien sacré qui, entre tendresse et inévitables conflits, unit les pères aux fils.
De l'exercice du souvenir aux illuminations qu'une pratique intègre de la foi peut dérober à la contingence, des défaites de l'esprit à ses incertaines victoires, des enivrements de la chair ou des errements du c?ur aux vertiges du mysticisme. c'est dans une langue aussi émouvante qu'elle est admirablement soutenue et inspirée, que Marilynne Robinson, à travers l'ultime sermon du révérend Aines, élève à l'étrange et merveilleuse grâce de vivre un hymne superbe, ample comme le pays dont il narre, à sa façon, l'histoire, exigeant comme toute quête spirituelle véritable, bouleversant comme une prière.
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Je n'enlèverai certainement pas mes éloges à Marilynne Robinson (voir ma critique de 'Chez nous'), mais j'ai eu un peu plus de difficultés avec ce troisième volet de la série Gilead. Une fois de plus, Robinson change de perspective, maintenant vers Lila, la jeune épouse de révérend John Ames, beaucoup plus âgé. EIld a eu une enfance et un début d'âge adulte assez pauvres et mouvementés, y compris dans un milieu marginal et même dans une maison close. L'atmosphère de ce roman rappelle fortement celle de John Steinbeck, avec des références même explicites à la période de la Dépression et du Dust Bowl (c'est-à-dire les années 1930) si puissamment dessinées dans 'Grapes of Wrath'.
Au cours de ses pérégrinations solitaires et de sa vie de vagabonde, Lila se retrouve par hasard à Gilead, Iowa, et entre inévitablement en contact avec le révérend Ames, qui avait déjà perdu sa femme et son enfant depuis longtemps et semble épuisé par la vie. Ames et Lila semblent être deux extrêmes : lui un intellectuel réfléchi et en difficulté, elle une orpheline grossière et meurtri. Pourtant, une dynamique mouvante se produit entre les deux ; la façon dont les deux interagissent est si prudente, réfléchie et pleine de tact que cela fait presque physiquement mal de suivre. De manière assez inattendue, pour eux deux, ils se marient. Quand même, nous voyons constamment Lila se demander si elle doit ou non passer à autre chose. Même lorsqu'elle tombe enceinte d'Ames, ces doutes demeurent, et ce qui est merveilleux, c'est qu'Ames ne semble en être que trop conscient.
Surtout dans la seconde moitié du livre, Lila continue de réfléchir à son passé mouvementé, aux événements dramatiques qui s'y déroulent et aux personnages principaux de ce passé, en particulier sa mère porteuse Doll. Ce passé continue de la tirer avec persistance, notamment à cause du couteau qu'elle a reçu de Doll, avec lequel ce dernier avait poignardé à mort un homme qui aurait pu être le père de Lila. Le cadre religieux et moral calviniste dans lequel Robinson place ses histoires joue évidemment un rôle important dans tout cela. De ce point de vue, vous pouvez voir Lila comme une sorte de Marie-Madeleine, qui est soigneusement guidée par Ames sur le bon chemin, mais qui a également une boussole morale suffisamment forte pour qu'elle puisse apprécier le caractère unique de ce qui se passe entre eux. Du point de vue de Lila, il existe une menace constante de damnation, voire une attirance vers le mal, contre laquelle elle lutte activement. Et cela nous amène en territoire familier à Robinson.
Encore une fois : ce troisième volet de Gilead joue également à un très haut niveau en termes de littérature, et en termes de contenu, l'esquisse de la rédemption progressive de Lila est particulièrement pertinente sur le plan existentiel. Mais j’ai eu quelques difficultés avec la structure de ce roman : l’accumulation de flashbacks constants et de courants de conscience tourmentés rendent la lecture très difficile. Dans 'Chez nous', il y avait encore des dialogues sublimes entre les protagonistes pour que l'histoire reste supportable, et cela fait bien plus défaut ici, surtout dans la seconde moitié du livre. D'où ma note légèrement inférieure. Mais cela n’enlève rien au fait que Robinson a créé avec Lila un personnage qui, en termes de profondeur psychologique et existentielle, peut rivaliser avec les plus marquantes des tragédies grecques ou shakespeariennes.
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Jack un loser, un peu alcoolique, vaguement voleur, carrément malchanceux. La vie et les gens lui marchent régulièrement sur les pieds. Un jour il a rencontré Della, une professeure d'anglais dont il tombe amoureux. Pourtant, les choses ne deviennent pas plus facile car il est blanc, elle est noire et nous sommes dans le Missouri de la ségrégation. En plus, il est presbytérien et elle baptiste, ça complique encore tout. Mais, ils sont bien décidés à persévérer et se fréquenter malgré toutes les galères qui continuent de pleuvoir sur Jack.
Je suis mitigée sur ce roman. La plume est belle, l'intention louable mais nom didju qu'est-ce qu'ils causent! Des pages entières de dialogue où je ne savais plus trop qui que quoi. En plus, ce titre fourmille de références bibliques et poétiques (big up au traducteur) montrant l'érudition de l'autrice sans pour autant rendre la lecture fluide. Un roman couci-couça qui pourrait néanmoins trouver son public.
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Contrairement à d'autres livres et d'autres auteurs, Chez nous et son auteure Marilynne Robinson, se lisent lentement, à l'instar de la vie qui s'écoule pour ses protagonistes. J'ai donc partagé ce temps qui ne file pas, ces pauses indispensables afin de poser un regard lucide, et aimable sur ce qui a été accompli ou pas. Avec ses trois personnages principaux (Glory, la fille et la soeur, qui a semble-t-il renoncé à toute vie professionnelle et sentimentale, le père, pasteur, patriarche, dégoulinant de compassion et de pardons, mais on lui pardonne, et Jack, le frère, le fils, exclu, rebelle, raté, névrosé), Robinson nous emmène et nous laisse surtout dans une bourgade états-unienne des années 50's, improbable mais sans doute bien réelle. On égrène les heures, les longues heures de la journée comme une neuvaine pour expier des fautes qu'on a jamais commises. A un tel point, que parfois, souvent même, je ne savais plus à quels moment de la journée l'action ne se déroulait pas. Car il n'y a pas d'action au sens où on peut l'entendre. Non. Ces trois là se retrouvent, s'aiment, mais ont bien du mal à l'exprimer, tout le temps en train de s'excuser ou de demander pardon, mènent leur train train quotidien, préparer un déjeuner ou un dîner, réparer une vieille guimbarde, lire la Bible, se lever, se coucher, s'asseoir. Et nonobstant. Nonobstant, l'auteure nous prend par la main et un peu la tête, pour nous amener sur un chemin proche de la méditation. Il s'agit d'une lecture très particulière, parfois agaçante (le pardon, le péché... pour qui n'est pas chrétien cela peut être irritant), parfois redondante (la compassion obligée). Chaque lecteur mettra son filtre, moi j'ai mis celui qui m'est propre (je le tais) mais il me semble que la religion presbytérienne dont il est beaucoup question dans ce roman n'a pas beaucoup aidé à la construction dans l'épanouissement ni de Glory ni de Jack. Néanmoins, je ne regrette pas du tout cette lecture.
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Il ne s'agit pas d'un roman, mais plutôt d'un long prêche. Le révérend Ames, dont la santé défaille, écrit une sorte de journal de ses mémoires mais également en temps réel, pour son jeune fils, qu'il a eu avec sa seconde épouse, bien plus jeune que lui. Préoccupations quotidiennes, imminence de la fin, mais aussi souvenirs d'enfance, de jeunesse en tant que pasteur, puis inquiétude quant au fils d'un ami, le jeune Boughton... Tout se mélange, mais de façon agréable, dans un texte qui relève plus du texte d'ambiance que du roman "romanesque".
Néanmoins, le style est léché, il est donc difficile de lâcher le livre, dont on ressort comme nettoyé, poli, ravi par la belle langue et la profondeur des réflexions du révérend.
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Critique de Augustin Trapenard pour le Magazine Littéraire
S'il s'est écoulé près d'un quart de siècle entre La Maison de Noé, son premier roman, et Gilead, couronné en 2005 par le prestigieux prix Pulitzer, Marilynne Robinson ne s'est pas fait longtemps prier, cette fois, pour revenir à ses vieux démons. On retrouve dans Chez nous la même géographie imaginaire que dans son précédent roman : cette petite ville de Gilead, toujours aussi paumée au fin fond de l'Iowa, admirable miniature d'une Amérique idéelle, aussi pieuse qu'immobile. C'est dans ce décor suranné, au beau milieu des années 1950, que le révérend John Ames écrivait une lettre vibrante à son fils de 7 ans, mémoires de trois générations de pasteurs et d'un siècle d'histoire américaine, comme un testament spirituel à mi-chemin entre la chronique, le psaume et le sermon. C'est là qu'il était troublé par le retour inopiné d'une brebis galeuse, le fils de son ami Boughton, son bon à rien de filleul et satané Doppelgänger. Et c'est donc à quelques maisonnées de chez lui, au même moment, que se trame Chez nous, somptueuse variation sur la parabole de l'enfant prodigue suivant le triple point de vue du vieux révérend Boughton, de son fils Jack et de sa fille Glory.
Car il s'agit bien de retours au bercail. Celui de la vertueuse Glory, la plus jeune des huit enfants, une bonne âme de presque 40 ans qui fait mine d'oublier ses rêves évanouis et se mure dans une vie de renoncement, entre la cuisine et la chambre d'un père vieillissant : « Il fallait bien qu'elle fût quelque part, comme tous les autres humains sur terre. » Et celui de Jack, son « étrange » frère, qui débarque tel un fantôme après vingt années de silence, traînant comme un boulet sa triste réputation de voleur, d'alcoolique et de vagabond. Dans Chez nous, ceux-là mêmes qui se sont ouverts au monde extérieur se retrouvent donc pris au piège d'un Éden régressif où règne un patriarche au seuil de la mort. Deux égarés, dont on perçoit d'emblée l'amère déception, deux étrangers dans leur propre maison : « Puis venait l'heure du retour au pays natal, où les mêmes vieux saules balayaient les mêmes pelouses mal entretenues, où la même vieille prairie poussait et fleurissait là où la négligence le permettait. Ils étaient chez eux. Quel endroit plus généreux pouvait-on trouver sur terre, et pourquoi cela leur semblait-il à tous être un exil ? »
La permanence et la complexité du lien humain, voilà ce qu'explore Marilynne Robinson depuis son premier roman. Dans Chez nous, plus que jamais, on se renifle, on s'apprivoise, on apprend à s'aimer malgré tous les ratés. Fascinantes scènes domestiques où surgissent de nulle part un dialogue, une confession, voire un geste d'affection ! Dans le jardin ou dans la cuisine, au hasard d'un désherbage ou d'une partie de Monopoly, on partage tout à coup un semblant de complicité. Et le processus de réconciliation ne semble pouvoir s'opérer que par un retour systématique aux valeurs d'autrefois. Ainsi du vieux révérend qui tricote les souvenirs et ne jure que par le passé, comme en témoignent son éternelle nostalgie d'un Gilead bucolique ou son refus catégorique de voir un signe du changement dans les tensions raciales qui marquent le début des droits civiques aux États-Unis. Ainsi de Jack, cette brebis égarée qui revient à ses fondamentaux et cherche dans les Saintes Écritures s'il est encore possible de trouver le salut : Peut-on seulement être touché par la grâce quand, aux yeux de tous et depuis toujours, on incarne la disgrâce ? Pour Marilynne Robinson, tout l'enjeu de ce huis clos résolument inactuel est de récréer, ne serait-ce qu'un instant, ce sentiment d'appartenance à une communauté.
Et c'est donc Glory, en discrète matriarche, qui maintient l'équilibre du foyer par ses repas copieux, sa constance et son regard empli d'empathie. D'un bout à l'autre du roman, elle est celle qui fait le lien. Celle qui préserve toute forme d'intimité autant par gêne que par crainte de brusquer l'autre. Celle qui « retient sa langue vingt fois par jour » et ne confie que rarement des bribes de son passé : une carrière avortée, un fiancé dont elle a compris trop tard qu'il était déjà marié. Celle, enfin, qui incarne la retenue et l'humilité, sans doute trop pudique pour prendre en charge l'ensemble de la narration, mais capable d'observer les courants d'émotion, de fouiller les recoins de l'âme, de déchiffrer tout autour d'elle les silences gênés et les soupirs à peine déguisés. Quel crime a bien pu précipiter le départ de son frère, vingt ans auparavant ? Qu'a-t-il donc fait pendant toutes ces années ? Et à qui sont destinées ces lettres d'amour qui lui reviennent presque toujours avec la mention « Retour à l'expéditeur » ? Dans ce roman du secret, entre tout ce que l'on garde pour soi et les questions que l'on ne pose pas, les personnages - comme le lecteur - doivent se prêter au jeu de l'interprétation.
Toute la beauté du texte réside en effet dans les silences et les non-dits. Dans ces visages figés où l'on devine tour à tour la honte, le malaise ou quelque rugissement intérieur. Souvent les larmes coulent, sans même qu'un mot soit prononcé, pour dire la détresse, la révolte ou le dilemme (central, ici) de celui qui voudrait pardonner mais n'y parvient jamais. La distance ou le rapprochement n'est parfois signifié que par la façon dont on nomme l'autre : un « Monsieur » de politesse quand on pourrait dire « papa », un malicieux « Miss Couettes » au lieu de l'abstraction théologique qu'est le prénom Glory. Et si l'on trouve dans Chez nous quelques règlements de comptes, ils se font à la messe, hors champ, par le détour d'un ou deux sermons où « le vrai texte, c'était Jack ». C'est bien le drame de l'incommunicabilité que distille la romancière américaine à coups d'euphémismes, de litotes et de périphrases. Mais, dans ce roman où tout est contenu, gare au retour du refoulé.
De la paix intérieure et l'absolue confiance en l'homme qui régnaient dans Gilead, on est passé à l'angoisse fiévreuse et au doute permanent quant à la possibilité d'une quelconque rédemption. Cette tension palpable va monter crescendo et ne sera désamorcée que par instants aussi fugaces que bouleversants. Une pointe d'humour ou d'autodérision. Un bref éclat de rire entre un père et son fils. Une virée à trois où l'on partage un bol de fraises à bord de la vieille DeSoto que Jack a ressuscitée. Marilynne Robinson excelle à magnifier ces moments éphémères, extases minuscules où l'événement le plus trivial prend soudain des allures de miracle. Et c'est pour ces instants de grâce qu'il faut lire Chez nous. La pureté de ses phrases lumineuses lorgne alors du côté d'Emerson ou de Thoreau, car, au-delà de l'enfant prodigue, nous dit-elle à demi-mot, c'est l'âme de l'Amérique qu'il s'agit de préserver. Une Amérique idyllique, de nature et de spiritualité. Une Amérique originelle qui seule peut sauver l'humain (trop humain) et vers laquelle, roman après roman, elle ne cesse de retourner.
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Que je me suis ennuyé ! Lecture assommante, qui a traîné en longueur car je n'arrêtais pas de m'endormir. Mais je suis allé au bout ! L'histoire n'avance pas, les héros sont à baffer. Et ces références non stop à la bible et à Shakespeare, c'est juste insupportable. Je n'ai pas lu les deux précédents romans de cette trilogie (celui-ci est le troisième) et je ne vais certainement pas le faire. Lecture à éviter sauf si vous voulez un roman assommant pour vous aider à dormir.
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