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Critiques de Marilynne Robinson (82)
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Gilead

Gilead, Iowa, 1956



John Ames est un Pasteur écouté et aimé.

Devinant que le temps lui est compté, il tient à rédiger une conversation - ou plutôt est-ce un monologue ?- une réflexion à l'intention de son fils alors âgé de sept ans. Sa pathologie cardiaque, récemment diagnostiquée fait de lui un homme très fragile, habitant l'éphémère, qui avance d'un pas ou d'un jour comme si la vie allait s'achever l'instant d'après.



C'est un homme avant d'être un pasteur, un homme qui doute et se questionne. C'est cet aspect de sa personnalité qui le rend attachant, la religion est présente dans les mots, les phrases mais à seules fins d'expliquer sa vie, ses souvenirs, les événements, pas pour contraindre, convaincre, sermonner... Et, même si sermon il y avait, il serait d'abord dirigé à sa propre intention tant l'humilité l'habite.

C'est un être pétri d'humanité qui sait regarder les petites choses dont la vie lui fait don comme s'il s'agissait de trésors de la nature, des petits gestes, il en tire une certitude de la part lumineuse de chacun, de chaque parcelle du monde.

Il ne cesse de se questionner mais reste persuadé que la rédemption est, que ce n'est pas une vague considération, et c'est ce qui importe dans le monde des hommes.



Son récit épistolaire prend la forme de petits épisodes de son existence destinés à raconter à son petit garçon la solitude qu'il a côtoyée avant de rencontrer sa seconde épouse, la mère de celui-ci ou quelques faits marquants qu'il interprète comme des signes, comme des révélations. C'est le regard sur le temps qui s'écoule, la vieillesse qui éreinté les corps et laisse les esprits vifs.

C'est l'histoire raciale de cette Amérique rurale, l'histoire de l'Abolition de l'esclavage, celle de la Grande Dépression, et en ombre qui finit par se matérialiser celle des Droits Civiques et du racisme qui continue de brûler comme les flammes de l'enfer.

"Qu'as-tu fait de ton talent ?"



Il s'inquiète de laisser une jeune femme et un fils encore dans l'enfance seuls quand il ne sera plus. D'autant qu'il observe, d'un oeil moins clément qu'il ne le voudrait, le retour - dont il ne comprend pas les raisons - du fils de son plus vieil ami, un fils qui est l'incarnation du "fils prodigue", et qui rode souvent chez lui pour tenir compagnie à son propre fils, tenir conversation avec sa jeune épouse, quand ce n'est pas pour le questionner, lui le pasteur, le guide des âmes, sur sa doctrine et en particulier sur le poids et l'irréversibilité de l'engagement mauvais d'une vie. Mais les apparences peuvent être trompeuses et l'écoute et la patience de John Ames ne seront pas vaines...

"Tu ne jugeras point" l'autre de crainte de n'avoir à juger chez lui les défauts que tu sais être tiens, également.





C'est un récit lumineux que ce texte, un questionnement incessant, une prise de conscience de l'essence d'une existence et, pour John Ames,d'un engagement. C'est contempler ce qui fait le legs d'une vie, entre générations, entre regards parfois différents sur les prises de position entre un grand-père, un père et son fils. Certains choisissent l'action pour dire leurs certitudes quand d'autres préfèrent l'éloignement et le recueillement face à l'agitation du monde qui ne peut pas ne pas être.

Habilement, dans un style brillant et cependant facile à lire, l'écrivaine ouvre la porte vers les deux livres suivants rendant le lecteur avide de retrouver ces êtres tourmentés, toujours en quête de pardon ou de compréhension, ces êtres qui ne cessent de remettre en cause choix et paroles, attitude et silences.

Le thème de la religion ne sert ni à persuader, ni à moraliser, il est traité en utilisant toujours la balance entre ce qui est et ce qui semble être, n'obligeant jamais le lecteur à se rallier à un courant de pensées.

Ce qui en fait une lecture pour tous.

Je n'ai que très peu raconté, vous laissant le bonheur de cheminer auprès de John Ames et de sa bienveillance.

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Lila

«Lila savait que cela n'avait pas pu se passer comme dans son souvenir, c'est-à-dire comme si le vent l'emportait, avec des bras autour d'elle pour la rassurer et un chuchotement dans son oreille pour lui rappeler qu'elle n'était pas seule.»

Petite fille délaissée, abandonnée à elle-même, Lila est enlevée - et sans doute sauvée - par Doll, qui lui semble venir à elle «tel un ange dans le désert». Même si Doll n'a pas de logis, pas d'argent, si elle n'a qu'une existence de nomade à lui offrir, marchant avec une bande d'ouvriers agricoles pour trouver où vendre leurs bras, elles ont une belle relation, très forte. Et Lila a plutôt un bon souvenir de cette vie - avant la Grande Dépression.



Adulte, solitaire et sauvage, Lila rencontre le révérend John Ames, et c'est une belle histoire d'amour, surprenante et singulière, que nous raconte Marilynne Robinson.



J'ai beaucoup aimé la façon pénétrante, profonde et subtile dont elle nous emporte dans la vie intérieure de Lila, dans des vagues de méfiance et de tendresse, de peur et de joie, dans des interrogations métaphysiques aussi.
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Lila

L’enfant exaspérait par ses pleurnicheries alors on l’a mise à la porte de cette maison où des gens dormaient parfois à même le sol.

Mais Lila ne parle pas de cette époque où elle a été enlevée par Doll, pleine de pitié envers cette petite de quatre ou cinq ans, toute rachitique, dont personne ne prenait soin. Enveloppée d’un châle qui l’accompagnera longtemps, Lila fut emmenée sous la pluie jusqu’à la petite maison d’une vieille femme. Si chétive, pleine de poux, elle fut probablement sauvée par l’attention de Doll et ses cuillérées de gruau de maïs données si patiemment pour la maintenir en vie.

Maintenant, Lila est mariée avec le Révérend et habite la petite bourgade de Gelead, dans l’Iowa. Elle ne cesse de se remémorer le passé, son passé, un temps sur lequel le Révérend ne l’a jamais interrogée.



Aucune trame temporelle ne se dessine ici et le lecteur doit se laisser dériver vers différentes phases du passé de Lila qui surgissent, en désordre, au gré de ses pensées.

Elle s’attarde sur la cabane, ce refuge qu’elle a trouvé juste avant de faire la connaissance du Révérend Ames. Fatiguée de marcher, elle s’est arrêtée un jour dans cette petite maison abandonnée, non loin du bourg de Gelead. Elle a éprouvé le besoin de rester un moment au même endroit, avec sa petite valise, son sac de couchage et sa solitude.

Un jour, « toute dégoulinante de pluie, elle était entrée dans son église » alors qu’il baptisait deux bébés et, du discours du Révérend, ses pensées retournent vers Doll qui l’avait ramassée un autre jour de pluie. Avec elle, pendant plusieurs années, elles ont suivi sur les routes une petite troupe et offraient leurs bras dans les fermes, avant le Krach. Une année, elles se sont sédentarisées afin que Lila puisse aller à l’école et apprendre à lire et écrire.



La voix de Doll résonne toujours dans sa tête avec la recommandation de ne jamais faire confiance à personne. Mais l’approche délicate du Révérend, cette attraction qu’elle éprouve vers l’église, cette tranquillité qu’elle ressent, marchant aux côtés du vieil homme si doux, si solide, la retiennent, l’empêchent de repartir sur les routes. Et puis, elle est peut-être lasse de cette vie solitaire.

Dans la Bible, elle recopie une dizaine de fois des passages dont elle veut saisir le sens. Pourraient-ils lui donner des réponses à ses interrogations sur l’existence, à la honte qu’elle éprouve vis-à-vis de certains épisodes de sa vie, au caractère étrange et gênant de certaines pensées qui la traversent ?

Une question l’obnubile et elle ose la poser au Révérend « pourquoi les choses se passent-elles comme elles se passent ? » Celui-ci reconnaît humblement son incapacité à y répondre sur le champ.



Vous aurez compris que ce roman, puisant quelques passages dans la Bible, glisse vers des interrogations théologiques. Même si elle est amenée avec intelligence, sans aucune orientation précise puisque le Révérend hésite lui-même à répondre catégoriquement à ces questions légitimes sur le pouvoir de Dieu, cette approche religieuse peut rebuter certains lecteurs. D’ailleurs, ces passages, sans réelles réponses, peuvent même paraître assez abscons parfois.

Cependant, toute la beauté de cette lecture réside dans la relation qui s’instaure entre le vieux pasteur et Lila. Une relation si palpable, pleine de prudence et de douceur, avec la peur du Révérend de voir partir Lila, de constater qu’elle n’est pas heureuse avec lui. Pour Lila, c’est la peur que son mari regrette cette union et, alors qu’elle est enceinte, l’inquiétude que le bébé perçoive son humeur sombre et ses pensées plutôt tristes. Elle découvre la douceur et le réconfort apportés par l’amour du Révérend mais peut-elle légitimement s’y lover ? Saura-t-elle enfin, malgré son parcours chaotique, accorder sa confiance à un être humain ? La bonté du pasteur arrivera-t-elle à concilier chez elle son passé et son présent ?

Pourtant, toute insignifiante que peut paraître la vie de Lila, elle a bien son importance puisque Doll voulait ardemment qu’elle vive et le Révérend n’a qu’un désir, qu’elle reste là, avec lui.



Un peu déstabilisée par le début de cette lecture, j’ai trouvé ensuite qu’elle s’apprivoisait tout doucement. Ce fond de questionnements spirituels lui confère finalement une atmosphère très délicate qui s’apprécie, même si l’on condamne le caractère sectaire de toutes les religions !

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Chez Nous

CHEZ NOUS de MARILYNNE ROBINSON

Glory revient à Gilead dans l’Iowa, voir son père vieilli et affaibli comme la maison. Dès son arrivée, Blake, la gouvernante, en profite pour prendre sa retraite, sachant désormais le révérend en bonnes mains. Rien ne semble avoir changé, le voisin surnommé Trotski, se moque toujours de leurs croyances. Elle se souvient de ses 4 frères et sœurs, de Jack bien sûr qui échappa de peu si souvent à la prison. Glory a 38 ans, a enseigné l’anglais 13 ans, son ex fiancé vient de la quitter et elle se demande ce qu’elle est venue faire à Gilead. La routine s’installe, les jours passent, interminables et puis, un jour, une lettre de Jack dont on ne savait même pas s’il était encore vivant. Il annonce sa visite. Le vieux révérend prévient la fratrie et le vieux pasteur Aymes. Les semaines passent, puis Jack finit par arriver, une cohabitation silencieuse va s’installer, on se souvient de la fille et du bébé mais on ne dit rien et d’ailleurs Jack attend une lettre, d’une femme. Il demande à Glory de le surveiller, la boisson, qui l’a mis dans des situations très inconfortables…

Ce livre fait partie de la série qui comprend Gilead et Jack, on retrouve les mêmes personnages à différentes époques. Jack même absent est au cœur du récit, on suit ses aventures par bribes, par sous entendus, on tente de deviner ce qu’il ne dit pas, ce qu’il ne peut pas dire, ce qu’il regrette mais ne peut changer.

Série admirable, on peut lire Chez Nous, Jack, Gilead dans n’importe quel ordre, l’écriture est précise, exigeante, les thèmes moraux sont au cœur des débats avec l’amour, la foi, et on ne peut que se passionner pour cette famille de l’Iowa.
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Lila

tout à fait d'accord avec Streala

très belle histoire d'une très jeune enfant mal en point,

sauvée par une femme.



Que deviendra sa vie ? L'auteur nous entraîne avec

palpitation et nous explique certains passages de la Bible



un superbe moment,
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Lila

"Pourquoi les choses se passent comme elles se passent ?" Cette question qui la taraude, Lila n'a encore jamais osé la poser à quelqu'un. De toute façon, elle n'espère pas vraiment de réponse, c'est simplement sa façon à elle de prendre du recul et de ne pas se laisser submerger par cet instinct de survie qui la guide depuis son plus jeune âge. Depuis que, délaissée et maltraitée par sa famille, elle a été enlevée par Doll, une vagabonde et a trouvé auprès d'elle ce qui peut ressembler à de la tendresse malgré des conditions de vie très rudes.



Cette question pourtant, elle la pose spontanément au Révérend Ames alors qu'elle vient de trouver refuge dans la petite ville de Gilead de nombreuses années plus tard. Ces deux solitudes qui se rencontrent semblent se reconnaître, reste à les apprivoiser mutuellement. Entre le vieil homme et la jeune femme plus si jeune se tisse alors une relation étonnante, faite d'amour et de crainte, d'espoir et d'incrédulité. Le Révérend a perdu très tôt sa femme et le bébé qu'elle venait de mettre au monde. En épousant Lila, bientôt enceinte, il entrevoit de nouveau le bonheur. Tandis que Lila fait son nid, elle s'interroge sur ce bonheur qui s'offre à elle et qu'elle n'est pas très sûre de mériter après toutes les épreuves qu'elle a traversées.



Doucement, patiemment, sous la plume précise de l'auteure s'esquisse le portrait d'une jeune femme réservée, sauvage, livrée à elle-même mais bien décidée à comprendre le monde qui l'entoure. En l'enlevant, Doll lui a certainement sauvé la vie. En décidant de mettre entre parenthèse leur existence nomade le temps d'une année pour que Lila apprenne à lire, écrire et compter en allant à l'école, elle lui a donné les clés pour avancer.



Ce roman d'apprentissage au féminin est plein de sensibilité malgré le contexte à la fois rude et cruel dans lequel se débat la courageuse Lila. Avec subtilité, l'auteure trace le difficile cheminement des sentiments au bout duquel la jeune femme, d'abord méfiante et incrédule, s'autorisera à être aimée et à aimer en retour.



La construction du roman se joue de la temporalité et explore les pensées de Lila en revenant parfois sur son enfance, son adolescence aux côtés de Doll, les années plus difficiles lorsque cette dernière disparaît, et l'instant présent alors qu'elle s'apprête à devenir mère à son tour. Le questionnement sur ses origines est au cœur de ses réflexions et les réponses qu'elle cherche en recopiant des passages de la bible ne suffisent pas toujours à l'apaiser. Seule la relation avec le Révérend, aussi tendre qu'intellectuelle finira par avoir raison de ses craintes.



Un très beau roman, à la fois âpre et sensuel, plein de pudeur.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Gilead

Très beau rythme, profond dans son questionnement, complexe dans ses réponses, un chemin spirituel d'une grande intensité, texte écrit sous forme d'une lettre à son fils dans ce qui est le plus âpre à partager son inébranlable foi, son amour, son hymne à la vie. A peine terminé, j'ai repris ma lecture, j'y ai trouvé une structure très forte, une approche philosophique et métaphysique, il faut se donner le temps, se noter des passages, se livre est une belle référence, l'idée qu'il suggère est bien belle quelque soit son point de vue sur le Livre. A conserver dans sa bibliothèque.

Lire la critique de MIOP, intéressante.
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Jack

JACK de MARILYNNE ROBINSON

Jack s’inscrivît dans la série écrite pas M. Robinson dont le premier opus est Gilead, cette ville de l’Iowa où vit la famille Ames. C’est une sorte de testament du grand père, presbytérien à son petit fils, testament spirituel qui vaudra le prix Pulitzer à son auteur en 2005. Cette suite met en scène Jack Boughton, mouton noir de la famille, qui a quitté Gilead pour s’installer à Saint Louis dans le Missouri où il va nouer une relation avec Della, jeune femme noire, fille d’un pasteur méthodiste qu’il a rencontré dans un cimetière. Elle est professeur d’anglais au lycée ce qui pour l’époque est une grande réussite dans sa communauté. Jack est conscient de la complexité de leur relation et bien sûr, précédé d’une réputation sulfureuse, c’est lui qui bizarrement se pose le plus de questions sur leur amour alors que Della est prête à braver sa famille et mettre en péril son travail. La ségrégation est omniprésente à Saint Louis et leurs rendez-vous très compliqués à organiser, chaque membre de la famille de Della voulant discuter avec Jack pour le convaincre de renoncer à cette union. Ils veulent se marier, discutent des heures à refaire le monde et trouver la place de Dieu dans leur univers, car la religion, la spiritualité tiennent une place primordiale dans leur vie, bien que leur pratique soit radicalement différente.

J’avais adoré Gilead qui est un de mes Pulitzer préférés et retrouver cette famille issue d’une lignée de pasteurs presbytériens est un vrai bonheur. Une série de livres importante pour qui se pose des questions sur l’évolution de certains états américains sur des sujets comme l’avortement entre autres, sur l’influence toujours omniprésente des sectes protestantes qui accompagnaient les convois de pionniers et qui ont gardé une mainmise énorme sur le midwest en particulier.
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Chez Nous

Glory Boughton est de retour dans la maison familiale à Gilead (Iowa) auprès de son père malade, l'ancien révérend respecté de toute une communauté.



Âgée de 38 ans, la cadette  d'une fratrie de 8 enfants voit arriver Jack, le fils prodigue, le frère au passé douloureux et à  l'humeur inégale. Vingt ans qu'il n'était pas revenu. Vingt ans qu'ils ne s'étaient pas revus ?

Les retrouvailles sont tendues, pudiques, particulières.



Chacun avec ses fêlures et ses parts d'ombre apprendra à se (re)connaître, grâce au regard bienveillant et déculpabilisant du père, au seuil de sa mort.



Le rythme un peu déroutant donné au texte épouse cependant parfaitement le quotidien et les retours en arrière de ces trois personnages inoubliables. L'enchaînement des petits détails actuels comme des drames anciens racontent avec justesse l'attachement spirituel de ce vieux révérend aux siens mais aussi au lieu.



La morale et la culture (biblique) contre la fatalité et la nostalgie.

L'amour de son prochain contre les erreurs de choix de vie.



Ce livre intime et rédempteur  très teinté de religion protestante nous parle de famille et s'articule autour de la triple question de l'amour,  du pardon et de la foi.



Même si je l'ai trouvé  longuet, en raison d'un style dense et d'une écriture serrée,  je n'ai pas pu le lâcher, tant les personnages sont merveilleusement humains et touchants d'amour. 



Leur densité, la très belle écriture de Marilynne Robinson, la profondeur de son questionnement rendent ce texte universel et en font une belle leçon d'humilité et de retour sur soi.
Lien : http://justelire.fr/chez-nou..
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Lila

«Seigneur, que ce livre fut ennuyeux ! » dirais-je pour rester dans le ton du roman. Pas une fois je n'ai pu me dire « Ce n'est pas si mal finalement », pour revenir à des considérations plus terre à terre. Jusqu'au bout j'ai lu sans appétence, sans parvenir à m'intéresser à l'histoire de cette pauvre Lila.

Un passé lourd, trop lourd. Une vie de solitaire, de vagabondage jusqu'à la rencontre du révérend qui deviendra son mari. Lila garde les choses en elle avec une peur qui la taraude. Les souvenirs sont obsédants : un couteau mille fois évoqué, une écharpe, un manteau, une cicatrice, des personnages disparus ou partis depuis longtemps. Ces images constituent son univers mental même aujourd'hui sous l'oeil bienveillant du révérend.

Lila attend un enfant. Ce moment est prétexte à d'incessants retours en arrière qui surgissent à chaque étape, souvent les mêmes souvenirs. On suit ses pensées désordonnées, contradictoires, partant dans tous les sens. Ses pensées fluctuent rapidement. On passe d'une époque à l'autre. Dans cet exercice, rares sont les auteurs à emporter sans effort le lecteur avec lui. Ici ce n'est pas le cas. Non qu'il soit difficile de se situer mais le procédé narratif donne l'impression de faire du sur place. On tourne en rond.

Vous l'avez compris je me suis engluée dans les tourments de Lila, lassée de tant de redites et de réflexions faussement profondes ainsi « l'éternité était pleine de toutes sortes d'espaces qu'on ne trouvait pas dans ce monde-ci » ou encore l'avant-dernière phrase « peut-être même osait-il s'imaginer pleurant Lila au paradis, car ne pas la pleurer signifierait qu'il était mort, après tout ». Finalement je n'ai pas tout compris…

Un roman qui n'était définitivement pas pour moi.

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Gilead

un prêtre vieillissant raconte sa vie à son fils de sept ans.

Après quelques chapitres, l'ennui point

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La maison dans la dérive

Un employé des chemins de fer meurt dans un accident mystérieux et tous les passagers du train englouti par les eaux vont hanter l'âme des villageois, au premier chef celle de ses filles. L'une devient missionnaire, l'autre joue à Thelma et Louise sur la corniche, la troisième erre aux abords de la folie.

J'ai beaucoup pensé à "Virgin suicides" en lisant ce livre: personne n'est responsable si certains, certaines en l'occurrence, songent à mourir pour fuir une vie trop complexe et trop fatigante, qui exige des efforts auxquels il paraît si vain et si compliqué de consentir. Tout le monde veut bien faire mais Sylvie la vagabonde fuit le poids de la bienveillance et la responsabilité du foyer. Être morte, c'est être si légère, délestée de tout, et toujours en partance.

Je n'aime pas Virginia Woolf. Je n'aime qu'un roman soit poétique. Mais le talent de Marylinne Robinson a su m'émouvoir pour une courte parenthèse mélancolique.
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Gilead

Entreprendre cette lecture requiert un état d'esprit propice car le thème de l'ouvrage n'est pas d'un accès facile, ni spécialement distrayant. Voici une lecture introspective, immersive, bref une expérience bien plus qu'une lecture récréative. Une agréable découverte qui est donc pleinement inscrite dans la perspective du Challenge ABC Critiques 2014-2015.



Marilynne Robinson se cache derrière un pasteur, John Ames, qui, sur la fin de sa vie rédige une très longue lettre à son très jeune fils. Le thème peut paraître pour le moins morbide, il est pourtant investi d'une vitalité rare tant le propos est diversifié. Il ne s'agit pas d'une autobiographie mais d'une collection de souvenirs et de réflexions. Leur désordre apparent et une fâcheuse tendance à la digression écornent toutefois l’effet attendu.



Les anecdotes permettent d'évoquer de nombreux épisodes historiques vécus au sein d'une petite communauté : celle de Gilead. Le témoignage est sensé avoir été rédigé au milieu des années 1950 et l'intéressé évoque son passé. La figure du père y est relativement peu importante contrairement à ce qui annoncé sur la quatrième de couverture. Une quête entreprise dans l'enfance permet de mettre en avant une figure qui va hanter tout l'ouvrage : celui du grand-père paternel, un pasteur ayant atteint un rare degré d'illumination après avoir été une sorte de prêtre-soldat pendant la Guerre de Sécession. D’autres épisodes sont également évoqués mais ils tiennent moins de place : la Grande Guerre, la grippe espagnole, la Grande dépression.



En elle-même la destinée de John Ames ne peut que susciter l’attention. Il est impossible de quitter ce personnage. Le caractère religieux de l'ensemble n'est à aucun moment une gêne, malgré son omniprésence. Encore faut-il reconnaître la grande diversité qui est utilisée ici (citations bibliques, arguments d’autorité, événements quotidiens, réflexions personnelles, citations d'ouvrages divers et variés et notamment antireligieux…). Il s'agit là d'un propos de tolérance, d'une volonté d'écrire sans chercher à convaincre.



Les efforts ne peuvent qu'atteindre à un heureux résultat : une remise en question fructueuse. Le destin de John Ames Boughton, l'un des personnages, est également une motivation supplémentaire pour aller au terme de cette lecture.



Le style de l'auteure nous tient également en haleine. Il rend plus facile la méditation qui suit nécessairement la lecture de ce livre. Il est d'ailleurs bien difficile de le rattacher à un genre quelconque tant celui-ci est particulier. Assurément il s'agit d'une belle découverte.
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Lila

A la fin des années quarante, Lila, une vagabonde, arrive à Gilead, petite ville de l’Iowa. Elle trouve refuge dans une cabane abandonnée à la lisière de la ville. A bout de solitude, elle s’aventure dans Gilead et entre dans l’église où le pasteur John Ames, un vieil homme au visage doux et sérieux, baptise deux enfants. Lila, la farouche, se laisse apprivoiser par le pasteur et peu à peu lui accorde sa confiance jusqu’à lui demander de l’épouser, par défi, car le passé de Lila, ses longues années de vagabondage avec Doll, celle qui l’a sauvée de la mort en l’arrachant à des parents négligents, son séjour dans une maison close, la solitude et sa méfiance viscérale pour tout être humain, l’ont emmurée dans un silence habité par la culpabilité. Grâce à la délicatesse du pasteur, sa patience et son humanité, elle parviendra peu à peu à regagner le monde des vivants.

Marilynne Robinson réussit à nous plonger dans l’esprit même de Lila, ses introspections et ses réflexions sur le monde. A travers ses yeux se dévoile un monde hostile aux plus démunis, un monde sans espoir et sans avenir, où la tendresse d’un vieil homme habité par la parole de Dieu vient apporter un peu de lumière.

Ce volume est le dernier de la trilogie commencée avec Gilead, prix Pulitzer, véritable hymne à l'existence humaine et sa beauté tragique.
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Chez Nous

Voilà un livre assez difficile à définir. Tout d'abord parce qu'il contient fort peu d'action, ensuite parce qu'il est totalement rempli de références religieuse et pourtant il n'est absolument pas ennuyeux, bien au contraire. On se laisse assez vite emporté par cette atmosphère de souvenirs, de réflexions sur la famille, et surtout sur ce que l'on avait imaginé de notre vie et finalement ce qu'elle est réellement devenue.

Nous sommes dans la maison familiale des Boughton, où Glory, une des filles est rentrée s'occuper de son père mourant. Et pour cause, elle est la seule des enfants à ne pas être mariée, donc en quelque sorte c'est son devoir. Il faut dire que le patriarche est l'ancien révérend de cette petite ville de l'Iowa, et que l'éducation de la famille est basée sur les Saintes Ecritures.

Mais très vite , Jack, le "vilain petit canard" de la fratrie revient lui aussi à la maison, après une vie de troubles, d'échecs et de mauvaises actions. Se joue alors une discussion entre ces trois personnages, qui se reprochent tous quelques choses, qui se connaissent fort peu et qui pourtant on tellement besoin les des autres.

Pour moi une très belle lecture qui nous fait nous poser de sacrées questions sur la famille, et la place qu'on y occupe. Une belle histoire dans laquelle on se laisse emportée et surtout pas ennuyeuse. A lire!
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La maison dans la dérive

Un livre merveilleusement écrit, d'une poésie incroyable qui vous transporte entre rêve et réalité avec l'histoire de ces deux sœurs orphelines prises en charge par des personnes de bonne volonté mais qui n'étaient pas les plus capables. Ce livre traite de la différence, de la marginalité, de la solitude, de la façon dont on peut trouver sa place dans la société. A travers l'histoire de Lucile, de Ruth, de Sylvie leur tante, c'est une vie "à côté" que nous décrit Marilynne Robinson. Si c'est un roman plein de symboles, aux lectures et aux références multiples, il n'est pas forcément nécessaire d'en avoir toutes les clés pour pouvoir en apprécier et en ressentir toute la beauté. "My name is Ruth", ce sont les premiers mots du roman qui donnent le ton de l'ensemble, on est dans l'énumération des faits, c'est une histoire qui se développe dans la narration et non dans l'intereaction avec le lecteur. Dans cette sorte de huis-clos parfois oppressant, une petite lumière de poésie finit toujours par apparaître pour transcender le moment. Les personnages sont bouleversants, particulièrement Ruth et Lucile qui représentent les deux côtés en opposition du récit. Lucile ne désire qu'une chose, être comme les autres, rentrer dans le moule et elle finira par joindre la "normalité" avec l'aide d'une voisine. Ruth quant à elle devient le double de Sylvie, cette tante fantasque et marginale, inadaptée et incapable de s'adapter aux codes de la société. Il y a beaucoup d'amour et de tendresse dans ce livre mais aussi beaucoup de désespoir et de mélancolie. C'est un récit magnifique qui met particulièrement en valeur la beauté des mots et des choses du quotien. Ce livre m'a rappelé l'univers des livres de Carson Mc Cullers avec ses personnages brisés par la vie. Un très beau récit et un auteur à découvrir.

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Jack



Jack est un personnage assez énigmatique, ancien alcoolique. Il lutte encore avec ses démons. Il habite tantôt à l'hôtel, tantôt dans la rue, selon l’argent qu’il a en poche.

Il courtise Della durant des rendez-vous ou au cours de rencontres qu’il provoque notamment en lui rendant des livres qu’elle lui a prêtés. Seulement Della est une femme de couleur alors que Jack est blanc. On est dans le sud des Etats-Unis après la deuxième guerre mondiale. Même leurs balades sont très mal vues. La famille de Della est également très hostile à leur relation.

Le roman regroupe leurs conversations sur les livres, leur vision de la vie, de la religion. Le thème de la religion est très prononcé. Ils sont tous les deux enfants de pasteur. Il y a une sorte de jeu de séduction également, de l’humour, beaucoup de tendresse, de retenu et de l’amour.

En dehors de leur rencontre, c’est Jack qu’on suit. Jack qui tente de trouver et garder du travail, de se mettre en sécurité. Jack est un personnage touchant, intriguant qui s’ancre durant la lecture tant on l’accompagne dans ses pensées, ses remises en question.

C’est une lecture très dense, qui demande de l’attention mais cela pour capter toute la beauté des tournures et des dialogues. Il y a quelque chose d'envoûtant grâce aux réflexions spirituelles et littéraires.

C’est une lecture qui se mérite, une lecture prenante et non celle de celles qui sont haletantes, qu’on dévore. Mais une lecture qui vous captive par la finesse du style, la beauté des personnages, l'atmosphère qui s'apparente à un recueillement.

Une très belle rencontre avec la plume de l’autrice.

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Gilead

Jolie berceuse douce et mélancolique.

Belle sérénité qui est celle d'un vieil homme qui se prépare à mourir en écrivant une longue lettre à son très jeune fils.

Tableau de personnages attachants et ode à la vie simple.

Quelques considérations sur la grâce et la rédemption (le vieil homme est un pasteur).

Je me suis procuré les 2 autres livres de cette trilogie : "Chez nous" et "Lila"

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Chez Nous

C'est un livre que j'ai beaucoup aimé. Il faut au départ s'habituer au style car l'auteur passe facilement de l'évocation de souvenirs ou de pensées au récit de l'histoire actuelle.

Mais cette difficulté s'estompe facilement et le lecteur se laisse emporter par cette histoire très touchante.

Dans cette famille de presbytériens où règnent la compréhension, l'amour et le pardon, les différents membres de la famille ont du mal à communiquer.

Jack, le fils rebelle, n'a jamais pu s'intégrer dans cette famille. Adolescent, il a enchaîné les bêtises afin d'attirer l'attention sur lui. Après de nombreux méfaits, il a quitté sa famille.

Quand, désespéré, il revient à la maison familiale, il y trouve sa jeune soeur, Glory, qui elle aussi vient de vivre une histoire amoureuse difficile et est revenue vivre auprès de son père souffrant.

Pourtant bien accueuilli, il va se heurter au jugement de son père et du voisin, tous deux révérends.

Ces rencontres sont l'occasion de subtiles conversations sur la prédestination, la grâce divine, l'âme, le destin, la souffrance, la rédemption. Le lecteur conçoit alors toute la difficulté de la réinsertion, d'une part à cause du jugement et de la méfiance des autres mais aussi et surtout à cause de la notion de culpabilité de Jack.

Cela donne un magnifique livre sur l'importance de la famille, avec tous ces petits riens qui réunissent (une virée en voiture, un bol de fraises, un bon repas avec une recette ancestrale) mais aussi tout l'amour, la présence et le soutien d'une fratrie. Le lien humain entre Glory et jack est très fort. Glory veut absolument aider ce frère désespéré. Elle ne voit en lui que sa bonne âme. Les dialogues sont difficiles mais on ressent tous les échanges de regard, de sourire, de larmes aussi.
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Jack

Encore une fois, ce fut une lecture chargée. J'ai écrit plus tôt que Marilynne Robinson ne rend pas la tâche facile à ses lecteurs : ses thèmes (essentiellement le bien et le mal chez les humains, et la façon dont nous faisons façe à ces deux en tant qu'individus) sont particulièrement lourdes, et son style d'écriture méticuleux et supérieur exige une constante concentration.



Dans ce quatrième volet de la série Gilead, elle reste en territoire familier : tout comme dans le deuxième volet (« Home »), l’accent est à nouveau mis sur Jack, le mouton noir de la famille Boughton. Et en soi, nous n'apprenons pas grand-chose de nouveau : nous savions déjà que Jack est un ivrogne et un voleur, qui n'est que trop conscient de sa «méchanceté», et nous connaissions sa relation problématique avec la femme noire Della Miles. Mais dans cette tome, Robinson creuse beaucoup plus profondément cette âme «condamnée». Cela fait presque mal d'être confronté à l'inquiétude constante de Jack, à son insécurité permanente et à son sentiment d'infériorité écœurant. Robinson montre comment les personnes en marge de la société évaluent continuellement la façon dont elles sont perçues de travers par les autres (qui sont dans une meilleure position) et à quel point elles sont impuissantes à se sortir du marais. La particularité de Jack est qu'il a développé sa propre philosophie de vie à partir de cette situation, à savoir causer le moins de mal possible. En vain bien sûr.



Et puis il y a la romance entre Jack et Della, une romance dont on ne peut pas vraiment comprendre les fondements, mais qui se développe de manière si délicate et si touchante qu'il faut être captivé par elle. Cela ne ressemble à rien de plus qu’une autre histoire de Roméo et Juliette, condamnés comme le sont les deux protagonistes par leur milieu et par les lois en vigueur (y compris un regard assez confrontant sur la rigidité morale de la communauté noire). Ce qui m'a le plus frappé dans les dialogues entre Jack et Della, c'est la fréquence à laquelle ils parlent de lumière et d'obscurité, métaphore peut-être très évidente ici, mais qui résume bien le dilemme de ce couple. En fin de compte, dans cette tome, Robinson aborde la question de savoir si Jack peut être sauvé par Della, ou – en d'autres termes – si quelqu'un qui est damné peut être sauvé par l'amour, une question qui était auparavant centrale pour Dostoïevski (en particulier dans Crime et Châtiment). En effet, Robinson rivalise avec les plus grands et elle se tient debout. Cela en dit assez.
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