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Citations de Mario Rigoni Stern (234)


En Italie comme en Autriche, les riches ça reste toujours les riches, et, que ce soient les uns ou les autres qui commandent, ça ne change rien pour les pauvres gens. C'est toujours à eux de travailler, d'être soldats et de mourir à la guerre.
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Mais sa vraie passion c'était encore d'être là, parmi ses brebis, au pâturage ; il les reconnaissait une par une à la couleur de la laine, à la façon de bêler même si elles semblaient toutes pareilles ; il savait aussi quel était le caractère de chacune : celle qu'il fallait tenir à l'oeil parce qu'elle avait l'habitude de s'éloigner du troupeau, celle qui était la plus avide d'herbe nouvelle et trempée de rosée et qui était donc sujette au gros ventre, l'agnelle qui voulait toujours téter sa mère alors qu'elle aurait du être sevrée depuis des mois, celle qui mettait le plus de temps à ruminer. Quant au vieux chien noir, il suffisait d'un signe, même pas besoin d'un mot, pour qu'il comprenne sa pensée.
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Maintenant, c'est-à-dire depuis une trentaine d'années, les sept portes du hameau ne s'ouvrent que quand les gens de la ville montent de la plaine pour les vacances. Ils ne sont plus là, les descendants de ceux qui les avaient construites avec les pierres extraites des montagnes et les troncs choisis dans nos bois, qui les avaient réparées en 1920, qui avaient commencé ou achevé ici leur vie, ou qui étaient partis d'ici pour aller travailler au loin, ou à cause de la guerre. On n'allume pas le feu dans les cheminées mais on fait des grillades en plein air en brûlant des saucisses sur les barbecues le week-end. Les jardins sont devenus des parkings. Il n'y a même plus de fontaine car elle empêchait les voitures de manœuvrer. Tout à changé. Ce qui était vivant dans cette maison est très loin, elle est vidée de tout et remplie de silence.
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J'aime le bouleau parce que c'est un arbre gentil, fragile seulement en apparence, comme les femmes. En réalité, il supporte des écarts thermiques de moins 35°C à plus 35°C. Avec son écorce riche en tanin, on obtient cette substance particulière pour le tannage des cuirs, qui donne le célèbre parfum "cuir de Russie" et, toujours avec son écorce, imperméable et isolante, on fait des chaussures,des toits de cabanes et des sols, des blagues à tabac, des stores, des pirogues sans compter que pendant la seconde guerre mondiale, il arrivait que l'on broie l'écorce des jeunes bouleaux en farine pour faire le pain. Le poète Sergueï Essénine disait de lui qu'il était l'arbre-enfant, l'arbre-amour.
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En attendant, l'hiver mangeait aux tas de bois leurs bûches et aux caves leurs réserves. Les journées courtes étaient longues à passer pour ceux qui n'avaient pas de travail.
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Depuis la lisière de la forêt, méfiant comme un animal sauvage qui attend la tombée de la nuit pour sortir à découvert, il regardait son hameau, et le village tout en bas, dans l’échancrure des prés. La fumée odorante du bois se dissipait dans le ciel rose et violet, où les corneilles volaient en groupe et s’appelaient.
(Incipit)
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Ce soir-là il put enfin se coucher dans son lit, avec sa femme auprès de lui et leurs deux enfants les plus jeunes dans leurs berceaux côte à côte. Il ne s’aperçut pas du froid car leurs corps eurent tôt fait de se réchauffer. Le gel avait brodé de fantastiques rideaux sur les vitres, et la lumière de la lune réverbérée par la neige se répandait dans la pièce, pâle et tamisée, faisant scintiller la gelée blanche des murs comme mille étoiles, si bien que l’on se serait cru couché dans un ciel tiède. Plusieurs fois il aima sa femme, puis il s’endormit, une main posée en coupe sur son sein.
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Le dernier jour d'école, c'est à lui que l'institutrice avait fait lire la dernière page du manuel : « [...] Le fascisme œuvre pour que l'Italie devienne toujours plus grande. » Il avait lu de sa voix sonore habituelle, mais après avoir reçu son livret et chanté les hymnes patriotiques, à l'église, pendant la messe en l'honneur de Saint Louis, il pensait que lui, les choses qu'il avait lues, il ne les avait jamais vues. Pourtant, si c'était écrit dans les livres, cela devait être vrai.
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Reste, pour finir, à se demander comment Cioran lisait les livres. S'il s'agissait de romans, il lisait "comme une concierge", en s'identifiant aux personnages et à la narration. S'il s'agissait d'essais, il s'intéressait seulement aux citations. Il pensait en outre, comme Foscolo, Jules Renard, Pessoa et enfin tous les grands, que, plus encore qu'un sacrilège, c'était une erreur de disséquer la beauté d'un livre quand il faut la sentir et la goûter. Et il jugeait qu'on n'avait jamais vraiment lu une oeuvre rant qu'on ne l'avait pas relue. p 31
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L'endroit avait été rendu célèbre par les partisans. Même les Allemands n'osaient y aller. C'est nous qu'on y envoya. Le starosta du village nous prévint qu'il devait nous répartir entre les familles afin que la charge ne fût pas trop lourde pour la population.. L'isba où l'on m'accepta était vaste et propre. Des gens, jeunes et simples, y habitaient. Je préparai ma couche dans un coin, sous la fenêtre. Tout le temps que je restai dans cette cabane, je le passai étendu sur un peu de paille. Toujours là, allongé des heures et des heures, à regarder le plafond. Dans l'après-midi, il n'y avait dans l'isba qu'une fillette et un nouveau-né. La fillette s'asseyait près du berceau. Le berceau était suspendu au plafond par des cordes et se balançait comme une barque, chaque fois que le bébé bougeait. La fillette s'installait à côté avec son rouet à pédale et filait du chanvre. Toute l'après-midi, les yeux fixés au plafond ; le bruit du rouet me remplissait tout entier comme celui d'une cascade énorme.
Quelque fois, j'observais la fillette. Le soleil de mars se glissait entre les rideaux ; le chanvre devenait de l'or et la roue étincelait de mille lueurs. De temps en temps, le bébé pleurait. Alors, la petite poussait doucement le berceau et chantait. J'écoutais sans jamais dire un mot. Certaines après-midi, de petites amies venaient lui rendre visite. Elles apportaient leurs rouets et filaient, elles aussi, parlant entre elles d'une voix douce, tout bas, comme si elles avaient craint de me déranger. C'était un murmure harmonieux et le bruissement des rouets rendait leurs voix plus douces encore. C'est ce qui m'a guéri. Elles chantaient aussi. Leurs vieilles chansons de toujours : Stienka Rasin, Natalka Poltawka et les anciennes danses populaires.
Des heures et des heures, je regardais le plafond et écoutais…..
Le bébé dormant dans son berceau de bois qui se balançait légèrement, suspendu au plafond. Le soleil entrant par la fenêtre et le chanvre qui devenait de l'or. Le rouet qui renvoyait mille lueurs, faisant un bruit de cascade. Et la voix de la fillette, chaude et douce, au milieu de ce bruissement...
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- C'est une bande de fous. On n'a pas encore enterré les soldats qui sont morts à la Grande Guerre, et ils pensent déjà à en faire une autre.
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- Mes batteries ne se trompaient jamais.
- Regardez, monsieur, observez bien. À la guerre, tout le monde se trompe. Même les Autrichiens. Sur les tranchées italiennes, on trouve des morceaux d'obus italiens, sur les tranchées autrichiennes des morceaux d'obus autrichiens, sur les tranchées anglaises des morceaux d'obus anglais. (...) Pour savoir comment les choses se sont passées, les commandants devraient venir apprendre chez les récupérateurs et non pas lire les histoires dans les livres !
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Cette affinité (entre Leopardi et Cioran), rien ne l'illustre mieux que cette petite anecdote : conversant un beau jour dans les rues de Paris avec Michel Orcel, écrivain et spécialiste de Leopardi, Cioran, avec son goût du paradoxe et son ironie souriante, déclara, tout à trac : "Leopardi m'a plagié !" p 80
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"C'est le printemps, et non l'automne la saison pour mourir"
Extrait de l'entretien avec Paolo Rumiz paru dans "La Repubblica" du 24 septembre 2006 :
« Aujourd’hui il y a trop de bruit, nous sommes en train de perdre le sens des mots, leur force thérapeutique. Pourtant l’homme a besoin des mots, c’est pour cela qu’il cherche à en garder la trace. Primo Levi a survécu à Auschwitz en récitant la Divine comédie. Conserver le verbe au plus profond de lui-même l’a empêché de devenir un numéro ; le secret de la parole fait la différence entre les vivants et les morts. En Russie, dans ma Russie, les gens vont réciter des textes sur la tombe des poètes. Je l’ai vu faire sur la tombe de Sergueï Essénine. Une babouchka m’a donné un bouquet de violettes et je me suis approché. Il y avait quelqu’un qui déclamait la Lettre à ma mère, et les passants s’arrêtaient, ils pleuraient. J’ai demandé si quelqu’un connaissait le passage sur Tania et l’hiver dans Eugène Onéguine. Il s’est alors produit quelque chose d’extraordinaire : un homme s’est mis à chanter cet air avec une fabuleuse voix de baryton. »
Chez Rigoni Stern, la parole dite vient avant, bien avant la parole écrite. Elle a un rythme thérapeutique, elle épouse la façon dont l’homme se déplace, animal nomade prisonnier de la modernité.
« Quand j’allais parler aux jeunes lycéens, je leur disais : “Pourquoi vous sentez-vous perdus sans téléphone ni ordinateur ? Réfléchissez une seconde : Homère n’a pas écrit, il était aveugle, et il s’est contenté de chanter. Le Christ a écrit sur le sable des mots qui ont été effacés par la mer et le vent. Dante a travaillé avec une plume d’oie. Michel-Ange ne maniait pas un marteau-piqueur mais un scalpel. Brunelleschi n’était que maçon. Et regardez ce qu’ils ont créé. L’homme est capable de faire des choses énormes avec très peu de moyens.” »
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Parfois, quand le jour de la paye était loin derrière, ils demandaient une fiasque de vin à crédit et Mario, comme le lui avait appris son grand-père, le leur accordait sans rien noter, car les pauvres ne trichent pas.
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Je ne restais pas longtemps dans la tanière à présent. J'étais tout le temps dans les tranchées, sur le talus descendant jusqu'au fleuve, avec des grenades et mon mousqueton. Un tas d'images me passaient par la tête, je revoyais des moments indéfinis du passé et le souvenir de ces heures-là m'est demeuré cher. Il y avait la guerre, cette guerre au milieu de laquelle je me trouvais, mais je ne vivais pas la guerre, je vivais intensément les choses à quoi je rêvais, dont je me souvenais, qui devenaient plus réelles que la guerre. Le fleuve était gelé, les étoiles glacées, la neige, du verre, la mort attendait sur le fleuve, mais j'avais en moi une chaleur qui faisait fondre tout ça.
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- Hier il y avait le discours du Duce pour la déclaration de guerre à l'Abyssinie et ils ont fait du boucan jusqu'à tard.
- Ça aussi, un jour ou l'autre, ça devait arriver, observa le père de Giacomo. Quand on allume un feu on ne sait pas toujours comment l'éteindre. En plus, une guerre ça ne coûte pas que de l'argent : il suffit de regarder ici dans nos montagnes, où on trouve encore des morts.
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Je suis curieux de voir comment ça finira, les sous et le copinage rendent la justice aveugle.
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Le plus beau nid, et le plus extraordinaire, j'ai eu la chance de le trouver l'autre jour, après que le fort vent qui a précédé l'orage l'eut fait tomber du sapin le plus haut. C'étaient les chardonnerets qui l'avaient construit et ils avaient entremêlé des myosotis aux brins d'herbe : la plus experte des fleuristes eut été incapable d'une telle réussite. L'intérieur était tapissé de douce laine d'agneau que le couple avait recueillie sur les buissons après le passage d'un troupeau.
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C'est comme ça que ça s'est passé. A y réfléchir, maintenant, je ne trouve pas que la chose ait été étrange, mais naturelle, de ce naturel qui a dû autrefois exister entre les hommes. La première surprise passée, tous mes gestes ont été naturels; je n'éprouvais aucune crainte, ne sentais aucun désir de me défendre ou d'attaquer. C'était tellement simple. Et les Russes étaient comme moi, je le sentais. Dans cette isba venait de se créer entre les soldats russes, les femmes, les enfants et moi, une harmonie qui n'avait rien d'un armistice. C'était quelque chose qui allait au delà du respect que les animaux de la forêt ont les uns pour les autres. Pour une fois les circonstances avaient amené des hommes à savoir rester des hommes. Qui sait où se trouvent à présent ces hommes, ces femmes, ces enfants. J'espère que la guerre les a tous épargnés. Tant que nous vivrons, nous nous souviendrons, tous tant que nous étions, de notre façon de nous comporter. Surtout les enfants. Si cela s'est produit une fois, ça peut se reproduire. Je veux dire que cela peut se reproduire pour d'innombrables autres hommes et devenir une habitude, une façon de vivre.
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