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Critiques de Mark Russell (40)
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Superman: Space Age

Un Superman rétro, dont les illustrations rappellent les vieux dessins animés américains. L'histoire se déroule des années 60 à 80. On y suit Superman de son origine à sa mort. D'ailleurs, sa mort ainsi que celle de l'entièreté de son univers sont annoncées dès le début du comic.



On le suit donc quand il devient journaliste, puis super-héros, quand il épouse Lois Lane ainsi que dans il fonde la Justice League. Toutes ces choses que l'on sait déjà.



Puis il y a ces choses qui divergent du canon habituel. L'arc de Batman, celui de Luther, la dissolution de la Justice League, cet univers que Superman accepte de perdre. Il y a une jolie dissonance entre, d'un côté, les images colorées, lumineuses, réminiscences d'une époque des comics où les gentils, la justice et l'espoir gagnent. Puis de l'autre l'histoire qui devient de plus en plus obscure au fil du récit.



C'est une histoire lumineuse, qui nous amène par surprise au bord de l'abîme, et nous laisse contempler la noirceur juste avant de nous permettre un pas de recul.



(Pour les connoisseurs : On comprend qu'il s'agit de l'histoire de l'un des univers détruits en 1985 avec Crisis On Infinite Earths. On comprend aussi l'impact des décisions étranges que prend ce Superman rétro sur la refondation du multivers suivant.)
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Mental Incal

Club N°53 : BD non sélectionnée

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Une nouvelle plongée dans l'Univers de l'Incal mais sans Jodorowsky aux manettes, on aurait pu craindre un ratage.



C'est finalement une réussite.



Les dessins sont très bons sans tomber dans l'imitation de Moebius.



Quel plaisir de retrouver cet univers culte.



Mörk

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Plaisir de retrouver l'univers de Jodorowsky et Moebius mais moins accroché au nouveau trait, ainsi qu'à une histoire qui file à toute vitesse.



J'avais un souvenirs des Meta-Barons lents et réfléchis et là, on navigue à la vitesse lumière à travers l'intrigue.



Je suppose qu'une suite est à prévoir car on a pas de réel dénouement, à voir donc comment ça évolue…



Greg

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Bon, on va dire que l'univers de Moebius est bien respecté.



Après la série initiale, pour moi, à pris un petit coup de vieux.



Aaricia

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Billionaire Island

Moi aussi je crois que les milliardaires sont responsables du piteux état de la planète. Et j'aime bien, de manière générale, quand ils paient leur dû pour ça. Dans la vraie vie et la fiction.



Mais ici, il n'y a rien à voir. Pas d'histoire, pas de personnage intéressant. Juste du revenge porn sans intérêt. Ça se prétend choquant du début à la fin sans parvenir à présenter quoi que ce soit.
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Not All Robots, tome 1

Obsolescence humaine

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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2021, écrits par Mark Russell, dessinés et encrés par Mike Deodato, avec une mise en couleurs de Lee Loughridge. Il contient les couvertures réalisées par Rahzzah, ainsi que les couvertures variantes de Mike Deodato (*1), Leila Leiz (*1), et une postface du scénariste sur son inspiration, ainsi qu'une de l'artiste sur ses inquiétudes à réaliser un tel type d'histoire.



En 2056, la race humaine a tellement massacré l'environnement qu'elle est reléguée à vivre dans des métropoles mises sous cloches, comme Bulle Atlanta, et les robots ont pris le contrôle des opérations. Ils sont doués d'une forme de conscience. Ils ont remplacé les humains dans tous les métiers, sauf coiffeur. Chaque cellule familiale s'est vu attribuer un robot de forme anthropoïde avec bras, jambes, tronc et tête, mais d'apparence très mécanique. Ce robot va au travail et son salaire sert à faire vivre le ménage et les enfants s'il y en a. Les entreprises qui fabriquent les robots sont en train de finaliser leur recherche sur la conception d'androïdes, des robots avec un corps similaire à celui d'un être humain. Ce soir-là, à l'émission de débat Talkin' Bot, le robot animateur reçoit un autre robot et Megan, une humaine. Le thème du débat : est-ce que l'obsolescence humaine est une bonne chose ? Le robot invité Slice-a-tron expose les faits : le comportement humain est erratique et dicté par des émotions. Les humains sont fainéants et grâce au travail du robot dans chaque foyer, ils peuvent se relaxer, ce qui semble être leur spécialité. Megan oppose le fait que la révolution robotique était sensée libérer les humains, mais que dans la réalité le contrôle de leur vie leur échappe toujours plus. Le robot invité répond que la gestion des affaires humaines par les robots a permis d'améliorer la situation sur tous les plans.



Dans leur salon, autour de la table la famille Walkers s'apprêtent à manger, tout en commentant le débat. Le père Donny commence par rendre grâce à Dieu, puis il remercie Razorball, leur robot, dont le salaire a permis qu'ils aient à manger. La fille adolescente Cora fait remarquer que c'est déjà assez pénible de vivre dans la même maison que ce robot, qu'elle ne va pas en plus le remercier. Le fils adolescent Sven dit qu'il a l'impression que le robot le regarde comme s'il était un robinet qui fuit. La mère Cheryl ajoute qu'il fait peur à rentrer en coup de vent, puis à aller s'enfermer dans son atelier au garage toute la nuit, sans qu'on sache ce qu'il y fait. Elle demande à son mari ce qu'il pense qu'il y fait. Donny coupe court à cette conversation car Razorball rentre du boulot. Il lui demande si sa journée a été bonne : Razorball répond que non, comme d'habitude. La réponse est toujours non. Donny lui demande s'il veut qu'il lui prépare un bain d'huile chaud. Le robot lui demande de le laisser tranquille, que c'est tout ce qu'il veut. Et il va s'enfermer au garage pour se livrer à son occupation solitaire.



Le lecteur qui suit la carrière de Mark Russell situe rapidement la nature du récit : appartenant au genre science-fiction, et évoquant une situation sociale toxique, comme il avait pu le faire dans Billionaire Island (2020) avec Steve Pugh. Le scénariste sait poser les bases de cette société du futur en quelques pages : désastres écologiques, êtres humains obligés de vivre dans des mégapoles mises sous cloche, et omniprésence des robots qui sont devenus 99,99% de la force de travail, les humains dépendant d'eux pour leur subsistance, gîte et couvert. Russell ne s'attarde pas trop sur le principe de fonctionnement de l'intelligence artificielle des robots : pas de lois de la robotique comme chez Isaac Asimov (1920-1992), pas de théorie sur l'intelligence artificielle, juste des êtres mécaniques avec des capacités professionnelles, une logique mathématique, et une forme de conscience d'eux-mêmes, avec un processeur d'empathie à l'amplitude limitée. Cela génère un sentiment de frustration chez les robots qui travaillent pour des humains qui se tournent les pouces, qui sont moins efficients qu'eux, et qui ont laissé la Terre dans un état de délabrement avancé. Il a fallu que ce soient eux, les robots, qui reprennent les choses en main pour préserver ce qui pouvait encore l'être, pour assurer l'intendance permettant aux humains de vivre, en leur assurant leurs besoins primaires. Cela génère un sentiment de ressentiment chez certains humains, en état de dépendance, ne servant plus à rien, dépossédés de leur capacité à décider par eux-mêmes.



Le lecteur ressent pleinement ce malaise partagé, ce ressentiment mutuel non exprimé, la pression du travail qui pèse sur les robots, sans parler des accidents qui peuvent se produire quand un robot blesse ou tue un humain ou plusieurs par inadvertance quand il se produit un bug. La tension monte entre les deux communautés, même s'il reste des individus des deux camps qui croient en une cohabitation pacifique et mutuellement profitable… sauf que certaines usines commencent déjà à produire une version améliorée de robots, avec une allure totalement humaine, et un microprocesseur empathique plus performant. Dans la postface, l'artiste explique que ce récit représentait un défi pour lui pour deux raisons : représenter des robots d'allure mécanique et parvenir à trouver un langage corporel un tant soit peu expressif, mettre en scène une comédie satirique qui est également une critique sociale. Même un dessinateur aussi chevronné que lui a eu besoin des encouragements de son responsable éditorial pour avoir assez confiance en lui. Quand il entame l'ouvrage, le lecteur ne ressent pas du tout cette inquiétude. Il retrouve les dessins proches d'un photoréalisme de Deodato, avec un haut niveau de détails, des trames mécanographiées qui apportent des textures et augmentent le relief, des séparations en case parfois arbitraire, plus pour l'allure générale que pour la narration. Il admire toujours autant son usage des ombrages pour accentuer le relief, dramatiser certains éclairages à bon escient, sans systématisme.



L'artiste a très bien réussi à donner un minimum d'expressivité aux robots, sans aucun trait de visage, simplement avec des postures cohérentes avec les articulations de leur corps. Du coup, ces masses métalliques ne sont pas que des objets, mais sans être humanisées, ce qui est parfaitement en phase avec la forme d'intelligence que leur a attribuée le scénariste. Le contraste est d'autant plus grand avec la nouvelle génération de robot, plutôt des androïdes à l'apparence exactement identique à celle d'un être humain. D'un autre côté, quand le lecteur assiste à un défilé de robots mécaniques, il reçoit avec force la menace constituée par cette foule à la force physique impressionnante, totalement déconnectée de l'humanité. Pour les êtres humains le dessinateur reste dans un registre majoritairement réaliste, même si la diversité des morphologies reste très limitée. De plus, il n'exagère pas le langage corporel : il reste bien dans une comédie dramatique, et il ne passe pas en mode action ou aventure. Comme à son habitude, il épate le lecteur par la consistance de ses décors, et par leur niveau de détails, avec une forme de représentation quasi photographique. La mise en couleurs de Lee Loughridge s'avère assez foncée, ce qui renforce encore l'impression de cases très denses en informations visuelles. Au fur et à mesure, le lecteur peut, s'il le souhaite, ralentir un peu son rythme de lecture pour savourer les cases et les environnements qui y sont décrits et mieux prendre la mesure du niveau de détails pour les bâtiments, les bureaux, le salon des Walters, les salles de réunion, la pelouse du pavillon, etc.



La tension entre humains et robots augmente très progressivement, en allant en se généralisant. Dans un premier temps, le lecteur voit bien que le robot de la famille est la personne qui ramène l'argent par son travail, le gagneur, mais aussi un individu renfermé sur lui-même, coupé des personnes qui dépendent de lui, sans possibilité de reconnaissance de leur part. En outre, l'emploi de chaque robot semble aliénant et sans joie. Le lecteur voit bien le parallèle se dessiner avec un foyer où seul le père travaille, et le reste de la famille dépend de lui sur le plan financier. Dans la postface, Russell explicite clairement que cette situation lui permet ainsi de mettre en scène la masculinité toxique, le titre évoquant le hashtag NotAllMen. Le lecteur peut être un peu surpris car le propos semble de plus grande envergure, et pas forcément focalisé sur ce thème. Pour commencer, il n'est possible d'attribuer un sexe aux robots travailleurs, pas plus mâle que femelle. Ensuite le père de famille prend le parti de leur robot, et ce sont son épouse et ses enfants qui lui manifestent une hostilité feutrée. Enfin, le travail du robot leur permet effectivement de bénéficier d'une vie de loisirs, même si ceux-ci ne sont pas évoqués. Au fil des pages, le lecteur ressent plus un commentaire sur le travail et sur la force de travail. Lors d'un débat, un robot dit clairement que les humains sont moins efficaces, moins résistants, et qu'en plus ils prennent des pauses nocturnes pour dormir : une métaphore implacable sur la mise sur la touche des travailleurs fatigués ou moins productifs, et de la valeur absolue de la productivité. Le récit devient plus dramatique encore quand cette génération de robots mécaniques devient elle-même obsolète, avec l'arrivée des androïdes. Vu sous cet angle, le récit est alors aussi caustique qu'impitoyable, aussi cruel que pénétrant.



L'association de Mark Russell et Mike Deodato junior donne naissance à un récit concis, à la narration visuelle dense et très concrète, faisant exister ce futur proche. L'intrigue réserve des surprises et est intéressante pour elle-même. Les thèmes développés ressortent avec plus d'acuité du fait de l'utilisation très élégante des conventions de la science-fiction pour mieux montrer ces mécanismes sous un jour nouveau et parlant.
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Mental Incal

Mental Incal est un préquel (comme on dit) de l'Incal de Jodorowsky et du regretté Moebius.

On y croise d'autres personnages phares de la saga qu'a suscité le succès de la BD: le méta Baron et Solune entre autres...

Contrairement aux autres BD de cet univers, le scénario n'est pas d'Alessandro Jodorowsky, et cela se ressent un peu, le côté alchimiste est un peu perdu au profit d'une philosophie un peu mystique mais pas aussi Borgesienne et "folle" que celle de l'argentin ! Sinon, on s'y retrouve à peu prêt, l'univers est bien rendu, les références et incursions dans les autres BD fréquentes et bien faites.

On découvre un nouvel univers, celui du Psy, où règnent les Nonnes, sortent de sœurs du Bene Gesserit à la sauce Incal, un peu starbées, détruisant tout sur leur passage au prétexte que la mort, c'est la vie. Ce précepte Orwelien-nihiliste les fait entrer de plein pieds dans la catégorie grandes méchantes de l'univers !

Difool au milieu de tout ça est toujours détective de classe R et représente lui l'idiot ultime, l'humain dans ce qu'il a de pitoyable, alors que Deepo au contraire est bien plus spirituel...

Une lecture intéressante pour les fana de l'Incal, à lire après la saga originelle, évidemment...
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Mental Incal

Préquelle à L'Incal, mais préquelle d'une manière assez spéciale puisque quelques pages à la fin de ce volume font le lien avec l'histoire originale imaginée par Alejandro Jodorowsky et mis en image par Moebius/jean Giraud, en reprenant la scène d'introduction, vue sous un autre angle et en remontant tout les fils narratifs qui ont abouti à ce moment-là. Honnêtement ? je préfère le style Métal Hurlant des années 70/80. Mais ça m'ennuie un peu de sortir la collection pour vérifier. Alors un coup d'oeil vite fait sur les première pages de l'Incal Noir qui sont visibles sur Amazon permet d'assurer l'affirmation.



Le format du bouquin, rapport de proportion des pages, laisse penser qu'on se rapproche du genre comics et c'est assez normal, il me semble avoir lu que Moebius avait délibérément orienté son propre style dans cette direction à la fin du cycle. L'histoire est fouillée, les pages remplies jusqu'à la surcharge, voir l'asphyxie. Un concentré. le contenu est spécial. On passe du sadisme au masochisme puis au terrorisme religieux avec facilité. Surprenant. Pas pour les enfants. Clairement pour adultes.



Un certain plaisir à retrouver les personnages de l'histoire originale. Dans l'univers de l'Incal la seule série que j'ai suivi avec un intérêt certain est celle de la Caste des Méta-barons, surtout à cause du dessin de Juan Gimenez. Aussi quelques questions se sont naturellement posées au sujet de ce personnage en particulier. J'en suis venu à mettre en doute la cohérence et consistance des éléments de scénario. Les éditeurs ont-ils pensé à réaliser une bible de référence pour les auteurs ultérieurs ? Il existe bien Les Mystères de L'Incal mais celui-ci laisse planer un doute sur certaines relations entre les différents intervenants. La filiation de Solune en particulier...



Merci Masse Critique pour m'avoir fourni l'occasion de me rapprocher à nouveau de cet univers. Comme d'habitude, les cadeaux Masse Critique m'amènent à creuser le thème. Là, ça a été l'occasion de reprendre l'intégrale de L'Incal en noir et blanc (disponible chez un bouquiniste allemand comme Kill-tête-de-chien à un tarif très raisonnable) ainsi que la version en couleur (pas donnée mais je ne peux pas grand chose contre ma curiosité).



Apparemment, l'Incal est l'objet d'une adaptation cinématographique qui pourrait sortir cette année (2023).
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Billionaire Island

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle de suite. Il regroupe les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020, écrits par Mark Russell, dessinés et encrés par Steve Pugh, avec une mise en couleurs réalisée par Chris Chuckry. Il commence avec une introduction d'une page de Brian Michael Bendis expliquant que cette histoire a la propriété de prédire un futur proche qui va advenir exactement à l'identique. Elle est suivie par une autre introduction d'un page de Russell, qui explicite son propos sur l'alternative à ce qu'il décrit. Les couvertures ont été réalisés par Pugh et le tome comprend également les couvertures alternatives de Pia Guerra et de Darick Robertson.



Sur la chaîne télé Caviar, le milliardaire Rick Canto, PDG de Aggrocorp Foods, présente l'île pour milliardaires appelée Freedom Unlimited, une île artificielle naviguant dans les eaux internationales, n'accueillant que des milliardaires, et le personnel nécessaire pour assurer tous les services attendus. C'est également un refuge pour milliardaire pour fuir l'agressivité du commun des mortels qui estime qu'ils sont responsables de tous les maux de la Terre. Mais l'accès est contrôlé avec un détecteur de fortune qui affiche la réalité du compte en banque à l''entrée. L'île est défendue et patrouillée par des drones très puissants, et sans aucun impôt. Dans sa chambre luxueuse de son appartement de Floride, Corey Spagnola a été attaché en pyjama sur son lit, par Trent Arrow qui le tient en joue. L'agresseur explique qu'il faisait partie d'une association d'aide humanitaire qui distribuait de la nourriture en Angola, des sacs de maïs dont il a appris par la suite qu'il avait été génétiquement modifié par Aggrocorp, et qu'il contenait un virus de stérilité. Sa famille l'avait accompagné et ils avaient mangé avec les réfugiés du camp angolais, la nourriture qu'ils distribuaient. Sa femme et sa fille avaient fait une crise d'allergie mortelle à ce maïs modifié, risque connu par Aggrocorp, mais passé sous silence. Arrow assassine Spagnola et s'approprie ses papiers d'identité.



Le lendemain, Shelly Bly pénètre dans le bureau de Rick Canto pour l'interviewer. Elle lui demande pour quelle raison il a souhaité racheter Agrrocorp. À la télé, les informations évoquent le décès de Corey Spagnola. Dans le grand bureau paysager, l'assistant robotique de Canto lui fait remarquer qu'il s'agit peut-être d'un assassinat. Shelly a encore une question à lui poser sur un programme d'aide alimentaire en Angola. Comme il doit partir, il lui propose de l'accompagner sur l'Île des Milliardaires. Elle accepte. Une fois sur place, il lui propose de l'attendre dans la pièce d'à côté, pendant qu'il règle un ou deux détails. Elle ouvre la porte et pénètre ans la pièce plongée dans la pénombre. La porte se referme en se verrouillant. À l'intérieur se trouvent déjà quatre prisonniers : Mike le comptable, Flynn le hipster, une jeune cadre supérieure et un jeune homme en costume-cravate. Mike identifie tout de suite Shelly comme étant une journaliste. Il explique qu'il s'est retrouvé enfermé à la suite d'un processus similaire à ce qu'il vient de lui arriver : il a découvert des irrégularités comptables qu'il a évoquées avec Canto et ce dernier lui a demandé d'attendre dans la pièce d'à côté. La jeune cadre supérieure en tailleur déclare que sa situation n'a rien de comparable car elle excellait dans toutes les épreuves professionnelles. La discussion s'interrompt car des employés font passer de la nourriture par une trappe.



C'est le deuxième récit que le scénariste réalise pour l'éditeur Ahoy Comics, après Second Coming (2019) avec Richard Pace. Cette fois-ci, sa verve est dirigée contre les milliardaires du monde entier, en fait surtout les américains. Dans l'introduction, l'auteur explique que son point de départ est le rythme alarmant de la dégradation de l'environnement, et le questionnement sur le comportement des individus les plus riches de la planète qui continuent à accumuler de manière compulsive, sans que leurs milliards ne servent à améliorer la situation. Comme à son habitude, le scénariste raconte avant tout une histoire. Une journaliste se retrouve prisonnière dans une pièce qui est littéralement une cage à hamster, mais pour humains, avec de la sciure au sol, un point de distribution de nourriture, un autre pour l'eau, et même une roue d'exercice. À partir de là, le lecteur est invité à suivre trois fils narratifs : l'évasion de Shelly Bly, la tentative d'assassinat de Rick Canto par Trent Arrow (ayant usurpé l'identité de Corey Spagnola) et Rick Canto gérant les affaires auxquelles il doit faire face. Bien évidemment, le lecteur soutient immédiatement la journaliste, mais il succombe également immédiatement au charme de Rick, Canto. Ce dernier a toujours le sourire. Il trouve une solution politiquement incorrecte à tout immédiatement. Il traite les autres au mieux comme de simples objets, au pire comme des déchets sans valeur. C'est un individu calme, toujours souriant, avec une assurance aussi extraordinaire que la manière dont il maîtrise toutes les situations.



C'est également un vrai plaisir de retrouver Steve Pugh. Tout commence avec cette couverture qui ressemble fort à un hommage aux œuvres de Banksy, dans sa sensibilité anticapitaliste. La couverture de l'épisode 2 utilise des silhouettes icônes pour un commentaire sur la valeur d'un être humain, en dollars bien sûr. Les 4 autres sont des peintures plus classiques, avec un humour tout aussi décapant. L'artiste représente les lieux et les individus en les détourant d'un trait encré fin et précis, pour une apparence réaliste et consistante. Bien évidemment, l'île aux milliardaires est un personnage à part entière et l'horizon d'attente du lecteur comprend le fait de pouvoir l'admirer. Le dessinateur lui en donne pour son argent et comble son horizon d'attente : un dessin en pleine page lors de l'arrivée de Trent Arrow et Ty Leavenworth en drone géant, la zone d'extension de l'île, la demeure luxueuse de Rick Canto avec sa piscine privée et sa zone d'atterrissage pour drone, sans oublier la cage à hamster avec sa roue. Les auteurs surprennent régulièrement le lecteur, par exemple avec cette séquence se déroulant littéralement sur fond vert.



Les personnages sortent également de l'ordinaire, une partie tout du moins. Shelly Bly est une jeune femme bien faite de sa personne et pleine de vitalité, sans que l'artiste n'ait recours à un jeu d'actrice dans le registre de la séduction. Trent Arrow est un homme avec une silhouette parfaite, sans musculature extraordinaire, un héros d'action assez générique. En revanche, les individus inféodés au système capitalisme, quel que soit leur niveau, valent le détour. Outre le sémillant, presque pétulant Rick Canto, le lecteur tombe également sous le charme de la jeune cadre supérieure dans un tailleur impeccable, avec un visage et silhouette avenante (là encore sans la ravaler à l'état d'objet), sous le charme différent du hipster avec sa belle barbe et sa chemise à carreaux (sans oublier les bretelles), le créateur d'applis et son stetson démesuré, les quatre autres propriétaires de Freedom Island, sans oublier son PDG très particulier. Les dessins insufflent de la vie dans chacun de ces personnages, font apparaître leur personnalité et leur caractère, en phase parfaite avec le scénario et intègre les éléments comiques avec élégance. En effet, cette histoire appartient au registre de la satire mordante, sur le plan socio-économique, comme la précédente collaboration entre ces deux auteurs : The Flintstones (2016/2017).



Mark Russel & Steve Pugh raconte une solide histoire, et brossent le portrait d'un capitalisme entretenu par des esclaves consentants. Les milliardaires ont soit bâti leur fortune sur le travail des masses laborieuses, soit en ont tout simplement hérité et la font fructifier. Leur objectif est d'amasser toujours plus de richesse : un processus qui s'auto-alimente, sans rien donner en retour. Mais quand même les emplois générés ? Le lecteur voit bien les employés au service de leurs patrons capricieux, s'impliquant de leur mieux en espérant ainsi décrocher un (petit) bonus. Les auteurs se montrent particulièrement convaincants en montrant des individus (les quatre prisonniers) totalement consentants dans cette forme d'esclavage : ils ne reçoivent que des miettes, ils sont prêts à consacrer toute leur vie pour en recevoir un peu plus (grimper dans les échelons en perpétuant le même système de domination), incapables d'envisager une vie qui ne soit pas ainsi asservie au profit, à la production et à la consommation de richesse. Il y a en a aussi pour les PDG dont finalement le flair pour les affaires repose sur un chien. Tout du long de ces 6 épisodes, les auteurs intègrent des petites piques pénétrantes, aussi bien pour la qualité de l'observation que pour appuyer là où ça fait mal : les prisonniers excités parce qu'ils reçoivent des billets de banque (dont ils ne peuvent rien faire, une sorte de réflexe pavlovien), la mention de Bill Cosby (hypocrite d'un niveau extraordinaire), l'angoisse de l'effondrement d'un système pourtant si inhumain, la forme d'avarice de ces milliardaires, le président des États-Unis, totalement inféodé aux intérêts privés. Au fur et à mesure, le lecteur relève d'autres détails révélateurs. Dans la résistance à la torture de Trent Arrow, il peut voir une métaphore de la résistance du peuple. Il peut aussi reconnaître plusieurs personnalités caricaturées à commencer par Kid Rock (Robert James Ritchie) dans le rôle du président des États-Unis, ou Steven Seagle dans un des propriétaires de l'île.



Mark Russell & Steve Pugh sont en pleine forme pour une satire très réussie sur le thème de l'effondrement vu par le prisme de la rapacité des milliardaires. L'artiste donne à voir des lieux aussi plausibles qu'originaux, et des personnages attachants, malgré leurs défauts, leur aveuglement. Le scénariste met en scène un aspect du capitalisme ne s'attachant pas à l'obscénité de l'existence de milliardaires, mais au capitalisme, l'accroissement de richesse personnelle étant devenu une fin en soi, plutôt qu'un moyen.
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Billionaire Island

Bien que la fin semble aller très vite avec une solution assez extrême, on ne ressort pas indemne de cette lecture coup de poing. On a envie de partager, de discuter, de mieux relire les échanges, de travailler notre esprit critique... Les thèmes abordés sont très vastes comme le contrôle des naissances, le réchauffement climatique, la pollution, l'immigration, l'économie, le contrôle des opposants... Steve Pugh se fait aussi plaisir graphiquement en faisant de ces êtres sans compassion des personnages grossiers, vulgaires, outranciers... Certains visages ne vous seront pas inconnus comme Harvey Weinstein, Trump, Bush... La réalité inspire aussi beaucoup les créations.
Lien : https://22h05ruedesdames.com..
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Exit Stage Left: The Snagglepuss Chronicles

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, qui ne nécessite pas d'avoir des connaissances préalables sur le personnage principal. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, ainsi que le prologue de 8 pages contenu dans Suicide Squad / Banana Split Special, initialement parus en 2018, écrits par Mark Russell, dessinés par Mike Feehan, encrés par Mark Morales, avec une mise en couleurs réalisée par Paul Mounts. Le prologue a été dessiné et encré par Howard Porter, avec une mise en couleurs réalisée par Steve Buccellato. Les couvertures principales ont été réalisées par Ben Caldwell. Ce tome comprend également les couvertures variantes réalisées par Evan Shaner, Steve Pugh, Dan Panosian, Marguerite Sauvage, Joëlle Jones, Howard Porter. Il se termine avec un glossaire de 2 pages apportant des compléments d'information sur 18 sujets, que ce soit des personnages, ou des faits historiques. Le nom de Snagglepuss a été modifié en France, Alcibiade lui ayant été préféré. Ce personnage de dessin animé Hanna-Barebera est apparu pour la première fois à la télévision en 1959 (avec une fourrure orange). Puis il a eu droit à sa propre série de 32 épisodes à partir de 1961 aux États-Unis.



Prologue - En juin 1953, Snagglepuss (un lion ou puma anthropomorphe à la fourrure rose) répond à des questions devant la Commission de la Chambre sur les activités antiaméricaines, avec des réparties humoristiques. En sortant, il se fait aborder par Augie Doggie, un apprenti écrivain. Snagglepuss évoque ses débuts d'acteur et sa révélation : le monde est en train de brûler, mais les auteurs doivent exprimer leurs vérités. Exit stage left - En juin 1953, un couple finit de dîner dans un restaurant chic, et se rend au théâtre pour la dernière représentation de The heart is a kernel of thieves, une pièce écrite par Snagglepuss. Avant d'entrer dans le théâtre, ce dernier (accompagné par son épouse Lila) répond aux questions d'un journaliste en évoquant les artistes qui l'ont inspiré, groupe connu sous le nom de la Table Ronde de l'Algonquin : Dorothy Parker, Robert Benchley, George S. Kaufman, Edna Ferber, Marc Connelly, Harold Ross, Alexander Woollcott et Harpo Marx. Sur scène, des acteurs grimés comme des animaux anthropomorphes jouent un drame, celui d'un couple et leur garçon adulte. Les spectateurs font un tonnerre d'applaudissements à la pièce, et réclament la présence de l'auteur sur scène.



Snagglepuss et son épouse prennent leur voiture pour rentrer chez eux. Snagglepuss laisse sa femme en bas de chez eux, et lui se rend au bar Stonewall Inn où il retrouve son amant Marion, un acteur de théâtre. À la télévision, passe un extrait de l'entretien de Lillian Hellman, une auteure de théâtre, devant la Commission de la Chambre sur les activités antiaméricaines. Elle refuse donner le nom de ses amis communistes. Snagglepuss demande au barman Tony d'éteindre le poste. Tony évoque la situation des homosexuels à Cuba quand Fulgencio Batista (1901-1973) est arrivé au pouvoir. Le lendemain Snagglepuss déjeune en tête à tête avec Dorothy Parker et ils effectuent le constat de la fin de sa carrière à elle. Elle repart en taxi. Le soir même, l'Amérique apprend que les époux Julius & Ethel Rosenberg ont été condamnés à la peine capitale pour espionnage et trahison. Huckleberry Hound rend visite aux époux Snagglepuss. Ensemble, ils se rendent à une soirée organisée par Peggy Guggenheim (1898-1979). Sur place, Snagglepuss a une discussion à l'écart avec Lilian Hellman.



Pour comprendre comment un projet aussi décalé a pu voir le jour, il faut savoir que l'éditeur DC Comics est la propriété de Warner Bros, et à ce titre, il publie des comics de certains des personnages de dessin animé étant leur propriété. En 2016, DC se lance dans la publication de séries et de miniséries consacrées à des personnages créés par l'entreprise Hanna-Barbera (William Hanna et Joseph Barbera), comme The Flinstones (2016/2017) par Mark Russell & Steve Pugh ou Scooby Apocalypse (2016) par Keith Giffen, JM DeMatteis et Howard Porter, Wacky Raceland (2016) par Ken Pontac & Leonardo Manco. Il s'agit d'histoires à destination d'adolescents, et non ciblées sur un jeune public. En 2017, les responsables éditoriaux remettent le couvert avec des rencontres contre-nature entre des personnages de dessins animés et des superhéros DC, rassemblées dans DC meets Hanna-Barbera étendant ensuite la formule à DC meets Looney Tunes. Néanmoins le lecteur est pris au dépourvu quand il découvre que pour la salve suivante, les responsables éditoriaux n'hésitent pas à faire appel à des vétérans comme Garth Ennis pour Dastardly & Muttley dessiné par Mauricet, et Howard Chaykin pour The Ruff and Reddy Show dessiné par Mac Rey.



Déjà avec les Flinstones, Mark Russell avait fait preuve d'une sensibilité sociologique, transformant une parodie de la vie quotidienne aux États-Unis en une critique pénétrante des dérives du système capitaliste. Avec ce récit, il réalise un roman d'une rare richesse. Sous une forme de bande dessinée, il revisite une époque troublée des États-Unis où le principe de Vie, Liberté et Quête du bonheur (Life, Liberty and the pursuit of Happiness) inscrit dans la Déclaration d'Indépendance en avait pris un coup pour des questions de sûreté de l'état, avec l'instauration de la Commission de la Chambre sur les activités antiaméricaines (House Committe on Unamerican Activities, HUAC) de 1938 à 1975. Snagglepuss incarne à la fois un auteur inquiété pour ses vues dissidentes, indépendamment de toute conviction politique, à la fois en position délicate du fait de son homosexualité. Dans le glossaire, l'auteur indique qu'il s'est inspiré de Tennessee Williams (1911-1983). Pour le personnage de Huckleberry Hound, il s'est inspiré de William Faulkner (1897-1962). Le lecteur savoure les réparties de Snagglepuss, contenant souvent une dimension littéraire, et rappelant parfois aussi la verve mordante d'Oscar Wilde (1854-1900). Les personnages portent donc un regard sur la nature de l'existence, ses joies, mais aussi les conséquences des choix politiques sur les droits inaliénables de la Déclaration d'Indépendance.



L'histoire des États-Unis a donc une forte incidence sur la vie des personnages, et Mark Russell y intègre de nombreuses références. Le lecteur peut voir passer des personnages historiques célèbres comme Dorothy Parker, mais aussi Marilyn Monroe (1926-1962), Joe DiMaggio (1914-1999), Arthur Miller (1915-2005). Il est bien sûr question de politique, avec l'apparition de Fulgencio Batista (1901-1973), Nikita Khrouchtchev (1894-1971), Richard Nixon (1913-1994), et bien sûr Joseph McCarthy (1908-1957). L'auteur choisit les événements qu'il évoque de manière à brosser un portrait du contexte politique pesant sur les citoyens. Il intègre donc des éléments moins universels comme Herman Kahn (1922-1983, théoricien de la guerre froide avec une vue très pragmatiques sur la guerre nucléaire), ou encore l'incroyable bataille d'épi de maïs dans le champ de Roswell Garst (1898-1959), entre ce fermier américain et Nikita Kroutchev.



Au vu de la densité de la narration, il fallait un artiste rigoureux et méticuleux. Howard Porter a fait un travail très savoureux pour le prologue, avec des dessins à l'entrain un peu exagéré, installant une ambiance entre comédie et dessin animé. Cela insuffle une vie intérieure remarquable aux personnages, ainsi qu'une forme d'exagération propre à faire ressortir les émotions avec force. Le lecteur voit tout de suite la différence avec les dessins de Mike Feehan qui s'approchent plus de l'état d'esprit d'une ligne claire. Les formes sont délimitées proprement par un trait de contour fin, régulier et lissé, avec de rares variations d'épaisseur. Il n'y a pas de hachure, pas d'ombre portée des personnages. Par rapport à la stricte ligne claire, le lecteur peut observer quelques traits de texture à l'intérieur des formes (surtout pour les vêtements) et quelques aplats de noir (exclusivement pour les chevelures). La différence essentielle réside dans la mise en couleurs, Paul Mounts enrichissant chaque surface détourée avec des nuances de couleur pour en augmenter le relief, par opposition à des aplats unis. À quelques reprises, la tête d'un personnage ou sa main peut dépasser sur une case adjacente.



Le lecteur projette donc son regard sur des planches avec un degré descriptif élevé, et une forme de représentation un peu épurée facilitant une lecture immédiate de chaque case. La reconstitution historique est de grande qualité, qu'il s'agisse des tenues vestimentaires, de la représentation des personnages connus, des modèles de voiture, ou des accessoires d'ameublement. Ainsi le lecteur éprouve la sensation de pouvoir accompagner chaque personnage où qu'il se trouve : en train de regarder la scène de théâtre, devant la devanture d'un magasin de téléviseurs, dans une chambre d'hôpital pour personnes âgées, sur une jetée, sur un plateau de télévision pour une émission de discussions, dans une chambre d'hôtel avec Marilyn Monroe, dans un bar de rencontre pour homosexuels, ou encore dans une ville artificielle (Doom Town) peuplée de mannequins, servant à étudier les effets d'une explosion atomique, située dans le désert du Yucca dans le Nevada.



Comme pour les autres histoires mettant en scène des personnages de dessin animé Hanna-Barbera, les auteurs ont choisi de les représenter avec des caractéristiques anthropomorphiques pour les faire coexister et interagir avec les êtres humains normaux. Mike Feehan réussit à trouver le point d'équilibre pour conserver les traits animaux des personnages de dessins animés, tout en les rendant aussi expressifs que les êtres humains normaux. Il conserve également quelques particularités de leur race, que ce soit la forme des jambes de Snagglepuss, la forme d'un crâne d'un hippopotame ou d'un cheval, ou dans un cas plus extrême, les huit jambes d'une pieuvre. Grâce à cette approche, les personnages peuvent interagir dans le même plan, appartenant effectivement au même monde, sans apparaître incongrus. L'artiste réussit également à montrer comment les acteurs humains se déguisent en animaux anthropomorphiques, faisant ressortir la distance qui les sépare encore des originaux. Cette mise en scène illustre et fait ressortir de manière éclatante l'objectif pour des acteurs d'incarner des personnages par le biais d'artifices.



Cette notion de jouer un rôle est l'un des thèmes au cœur du récit, l'obligation pour chacun de projeter une image pour paraître en société. En effet, Mark Russell ne fait pas qu'évoquer brillamment une époque, une chasse aux sorcières, un milieu artistique. Il développe également l'importance des arts pour parler de la condition humaine, mettre à nu son absurdité, mais aussi générer de l'empathie, faire exister des situations et des conditions de vie ignorées du grand public, faire apparaître les mécanismes sociologiques qui façonnent les individus et leur vie. Il évoque également la stérilité d'une société dans laquelle il n'y aurait pas d'individus subversifs, radicaux ou indésirables. Dans le même temps, le récit constitue une comédie dramatique poignante. Parmi les différents constats existentiels qu'il effectue, Snagglepuss déclare que : Des fois, nous sommes tellement préoccupés par l'intrigue de la vie, que nous oublions que seuls personnages ont de l'importance. À l'opposé d'un pensum intellectuel et désincarné, cette histoire regorge de vie et se focalise sur celle de plusieurs individus existant en s'accommodant comme ils peuvent de leur nature et des contraintes de leur milieu.



Sur la base d'un projet commercial visant à tirer profit de personnages propriétés intellectuelles d'un grand groupe de divertissement, Mark Russell & Mike Feehan défient les attentes en réalisant une comédie dramatique d'une richesse extraordinaire, tant par la qualité de sa reconstitution historique, par ses personnages uniques et humains, par l'évocation de la force d'expression du théâtre, par la mise à nu des mécanismes de répression et d'oppression d'une société. Une œuvre littéraire aussi touchante qu'ambitieuse.
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Second coming, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2019, écrits par Mark Russell, dessinés par Richard Pace. Pace a également encré et mis en couleurs les pages consacrées à Jésus Christ. Les pages consacrées à Sunstar ont été finalisées par Leonard Kirk et mise en couleurs par Andy Troy. Le tome commence par une première introduction rédigée par Patton Oswalt en janvier 2020 expliquant que Russell a réussi à renouveler les situations avec Jésus et un superhéros, une deuxième rédigée par Mark Russell expliquant pourquoi il a écrit ce comics, et rappelant qu'il a le droit d'avoir son avis personnel sur Jésus et de l'exprimer. Les couvertures ont été réalisées par Amanda Conner, et mises en couleurs par Paul Mounts. Le tome se termine avec 7 pages de croquis pour définir les personnages, annotés par Richard Pace.



Il y a environ deux mille ans, Jésus est dans le royaume de son père et il lit la Bible : comment Dieu se sentait seul et il créa deux humains dont il attendait qu'ils soient ses amis, mais aussi qu'ils l'adorent comme dieu le père tout puissant. En plus, il planta un arbre celui de la connaissance, en plein milieu de leur jardin (d'Éden), en leur donnant l'ordre de ne pas y toucher. Du coup Dieu a puni Adam et Ève non seulement en les chassant du jardin d'Éden, mais en plus en leur ordonnant de devenir parents. Dieu avait conçu les humains avec un cerveau pour créer et inventer des histoires, afin de le divertir, mais ils s'en sont surtout servi pour se voler les uns les autres, et même pour se tuer les uns les autres, dès qu'il y a eu quatre personnes sur Terre. Les Tables de la Loi données à Moïse avaient pour objectif de mettre le holà à ces comportements, mais étrangement ça n'a pas suffi pour changer les esprits, et ça a même donné lieu à d'autres débordements comme la lapidation de personnes transgressant lesdites lois. Jésus demande la permission à son père d'aller voir sur Terre pour essayer d'améliorer la situation, le père s'étant quelque peu désintéressé de sa création. Dix ans après l'annonce de l'ange Gabriel, Jésus se lie d'amitié avec le jeune Shimon dont la mère est prostituée. À 30 ans, Jésus décide de céder son atelier de charpentier à Shimon, pour faire ce qu'il est venu faire sur Terre.



Au temps présent, le superhéros Sunstar pulvérise des robots géants venus cambrioler une banque. Il prend le temps d'aller embrasser la télé-journaliste Sheila Star avec qui il vit. Elle lui rappelle leur rendez-vous l'après-midi même avec la responsable des services sociaux pour l'adoption. Elle réalise l'entretien toute seule, qui se conclut par une réponse négative définitive de la responsable. Sunstar arrive peu après son départ, désolé de ne pas avoir été là, et très déprimé parce qu'il n'a pas réussi à retrouver un avion de ligne qui s'est abîmé dans les flots, incapable de sauver les passagers et l'équipage. Sheila lui pardonne : la responsable était très désagréable. Du haut du Ciel, Dieu a observé l'intervention de Sunstar (Ken) contre les robots et estime que c'est le modèle qu'il faut à son fils pour grandir et devenir un plus réaliste et un peu plus efficace. Il apparaît donc en pleine nuit à Ken et Sheila en train de dormir tranquillement, en leur intimant de ne pas avoir peur et en leur confiant son fils pour qu'il en prenne de la graine.



L'idée de faire revenir le fils de Dieu sur Terre n'est effectivement pas très originale comme l'indique Patton Oswalt (comédien, acteur et écrivain), celle de le confronter à un superhéros un peu plus. Mais voilà, ce récit provient de l'imagination de Mark Russell, excellent scénariste auteur par exemple de Prez (2015) avec Ben Caldwell (une satire d'élection à la présidence), The Flintstones (2016/2017) avec Steve Pugh (une critique sociale décapante avec la famille Pierrafeu), Exit Stage Left: The Snagglepuss Chronicles (2018) avec Mike Feehan (un commentaire tout en sensibilité sur le Maccarthysme et l'homosexualité avec un personnage de dessin animé). Le lecteur a donc toute confiance en lui pour réussir cet exercice périlleux de mettre Jésus en scène au vingt-et-unième siècle, et en plus de lui donner un superhéros comme mentor, un bon niveau de kitsch et de ridicule. Russell attaque bille en tête avec une relecture personnelle de la Genèse, dans un ton franchement sarcastique Dieu étant essentiellement égoïste, pas très futé (penser être un pote et être adoré en même), dépourvu d'empathie (comment croire que Ève ou Adam pourrait résister à la tentation d'un truc sous leur nez, au milieu de leur jardin ?). Jésus incarne un individu capable d'empathie et de commisération, ne portant pas de jugement. Du coup, quand Dieu confie son fils au superhéros Sunstar, le lecteur comprend que l'auteur assimile l'individu qui résout les problèmes par la violence (grâce à son force surhumaine et ses superpouvoirs) à un fils spirituel du dieu de l'Ancien Testament, ce qui fait sens.



Mark Russell continue à s'amuser avec sa vision de la vie de Jésus : Shimon (l'apprenti de Jésus pour son métier) qui construit la croix sur laquelle il est crucifié, les forces de l'ordre qui jettent Jésus en prison juste parce qu'il est différent, les disciples qui n'ont rien compris au message de Jésus et qui ont tout déformé en écrivant les évangiles, les miracles qui font spectacle au point que les bénéficiaires n'écoutent pas ce que dit Jésus, etc. L'interprétation de Mark Russell est sympathique : il donne sa vision des écritures, avec une bonne dose d'humour. Dans le fond cependant, il s'agit d'une exégèse superficielle, mais qui reste plutôt agréable parce que l'auteur évite de s'en prendre à l'Église et à ses prêtres (cible aboutissant souvent à une caricature crasse généralisée). Dans la forme, le tandem Jésus & superhéros fonctionne bien parce qu'effectivement la force ne résout pas grand-chose à moyen ou à long terme. D'un autre côté, Russell enfonce des portes ouvertes (casser la figure à quelqu'un n'a jamais été une solution très sophistiquée) et en plus il en rajoute une couche en montrant que Sunstar est faillible et que dans ces cas-là l'usage de sa super force provoque des conséquences catastrophiques ou mortelles. Du coup, Patton Oswalt a sûrement raison : Mark Russell renouvelle le gag de Jésus et du superhéros, mais sans forcer.



Richard Pace réalise des pages dans un registre descriptif et réaliste. Les auteurs ont donc choisi de bien distinguer les pages consacrées à Jésus de celles consacrées à Sunstar. Lorsqu'ils apparaissent ensemble, le rendu est celui utilisé pour Sunstar, Jésus devenant un invité dans le monde de Sunstar. Les pages de Pace & Kirk évoquent un peu celles de Chris Sprouse par leur aspect ordinaire et leur façon de rendre les superhéros accessibles, humains, presque normaux. Sunstar participe à un groupe de parole de superhéros et le lecteur sourit en voyant les autres participants. Night Justice s'est fait un costume seyant avec un gilet pare-balle, une cape, des protections aux genoux, aux épaules et aux coudes, une cagoule et des lunettes de protection. Le lecteur peut voir qu'il s'agit de matériel de bonne qualité, mais aussi d'un costume trouvable dans le commerce. Il sourit à nouveau en voyant les postures qu'adopte Night Justice, un langage corporel exprimant une forme défaitisme, de complexe à côté de Sunstar qui a des vrais superpouvoirs. Lady Razor a une combinaison juste au corps qui met en avant ses formes rebondies, en décalage avec les superhéroïnes aux mensurations parfaites, et son langage corporel indique qu'elle a du mal à croire que ses collègues manquent autant de jugeotte (et la recherche de Jésus qui a disparu, montre qu'elle a raison). Le roi de la mer n'apparaît que dans la première réunion : son visage montre un état d'esprit exalté, un peu déconnecté de la réalité du monde de la surface. Dans les séquences de Sunstar, Pace et Kirk représente les décors avec détails, ce qui permet au lecteur d'y croire et de s'y projeter.



Richard Pace se retrouve avec la délicate tâche d'évoquer la vie en Palestine, du temps de Jésus, ainsi que le Jardin d'Éden et le Paradis, sans oublier l'accueil des nouveaux arrivants au Ciel. Les 5 premières pages évoquent le travail de Liam Sharp pour la série Testament de Douglas Rushkoff, une sensation satisfaisante de voir un homme d'une cinquantaine d'années, très sûr de lui, considérer tous les autres comme ses subalternes, ni très obéissants, ni très intelligents. Ça se gâte après quand le lecteur se rend compte que Richard Pace n'éprouve pas beaucoup d'intérêt pour essayer de conférer un minimum de plausibilité à la Galilée, qu'il s'agisse de la maison des parents de Jésus, de l'atelier de charpentier, ou du mont Golgotha. Les arrière-plans se retrouvent souvent vides ou avec des représentations peu consistantes, et même les personnages sont plus esquissés que peaufinés. Il ne semble pas y avoir de raison narrative à ce choix : ce n'est pas que Jésus éclipse tout ou qu'il évolue dans une réalité fictive. Il n'y a donc pas à proprement parler de reconstitution historique ou d'enjeu visuellement métaphorique, un choix inexplicable et étrange. Le lecteur continue de tourner les pages : les interactions entre Sunstar et Jésus sont sympathiques, mais sans être confrontationnelles. Le décalage entre l'approche de l'un et celle de l'autre ne se fait dans le registre de l'humour. D'un autre côté, il ne se développe pas non plus un lien d'amitié entre eux. Satan intervient pour tenter le fils de Dieu, mais il ne semble pas très efficace. Jésus découvre le monde moderne et le symbole de la croix, mais il ne se confronte pas à une congrégation, encore moins à un évangéliste avec sa propre église, ce qui semble à la fois des occasions manquées pour le lecteur, à la fois une façon de tomber dans la facilité de critiquer la faillibilité des prêtres.



L'introduction d'Oswald Patton annonce un rapprochement qui fait sens entre superhéros et Jésus, et une approche originale avec des idées neuves. Le lecteur prend vite goût aux dessins pour les séquences de Sunstone, et ne comprend pas pourquoi Richard Pace n'investit pas plus de temps pour réaliser ceux consacrés à Jésus. Il ne lui reste qu'à goûter à l'humour délicat des couvertures réalisées par Amanda Conner. Effectivement, Mark Russell montre en quoi la force utilisée par Sunstar manque d'efficacité pour résoudre les problèmes en profondeur, et en quoi le comportement de Jésus est plus constructif, tout en remodelant le personnage de Jésus en fonction de ses propres convictions, mais sans le trahir. Au final, le récit contient plein de promesses, mais manque de finesse et de sensibilité pour parler de religion.
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Wonder twins, tome 1 : Activate !

Ce tome comprend la première moitié d'une série en complète en 12 épisodes. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2019, écrits par Mark Russell, dessinés et encrés par Stephen Byrne qui a également réalisé la mise en couleurs. Il contient également les couvertures variantes réalisées par Dustin Nguyen, Ramon Villalobos, Dan Mora, Rafael Albuquerque, Stacey Lee, Emanuela Lupacchino, 3 pages d'études graphiques et une postface de 2 pages rédigées par Brian Michael Bendis expliquant la genèse du projet.



Au lycée Morris, l'animatrice de la radio de l'établissement annonce le décès de Toby le hamster du laboratoire de biologie. Il s'agit de Jayna à qui cette mission a été confiée pour essayer de la faire sortir de sa coquille de timide. Elle continue par les informations sur les animations du jour, pendant que dans l'établissement, Flash emmène son plateau repas dans le gymnase, une élève intervient devant la classe pour expliquer les habitudes bizarres de ses ancêtres hollandais (manger des frites avec de la mayonnaise, manger du chocolat au petit déjeuner). C'est ensuite au tour de Zan de venir sur l'estrade pour parler de la société sur Exxor sa planète d'origine : pas de pauvreté, pas de violence, pas de crime, pas de tensions sociales, et une nourriture insipide, comme en Suède. Tous les élèves baillent copieusement, s'ennuyant ferme à une description aussi plate. Il passe ensuite à ce qui se passe pendant les orages : les habitants déchirent leurs vêtements pris d'une frénésie de désir qui les rend fous les amenant à changer de formes et à s'accoupler. Alors qu'il arrive à la partie sur les fluides corporels, il est interrompu par la professeure. Sur le chemin du retour, Jayna explique à Zan qu'elle en a assez qu'on lui rajoute des tâches qui sortent de nulle part, ne lui laissant aucun répit. D'ailleurs, ils se rendent à leur rendez-vous au Hall de Justice.



Au sein du Hall de Justice, Superman est en train d'expliquer à Wonder Woman et Batman pourquoi ils vont accueillir Jayna & Zan, ainsi que la nature de leurs superpouvoirs (se changer en animal pour elle, en eau pour lui). Les 2 autres superhéros ne sont guère impressionnés. Superman leur répond qu'il l'a promis à un ami, le père de Jayna et Zan, comme un service. Les jumeaux arrivent et Superman leur fait faire le tour de l'installation en leur expliquant que la Ligue a pour fonction première d'éviter que tous les superhéros se retrouvent en même temps sur les mêmes interventions, ou qu'un superhéros comme Black Lightning se retrouve à intervenir en pleine mer, alors que son superpouvoir est basé sur l'électricité. Ils arrivent devant le grand moniteur où Hawkman assure la permanence. Il vient de découvrir le cadavre d'un individu en provenance de la cinquième dimension. Superman sait tout de suite qui est derrière ce meurtre : Mr. Mxyzptlk. La Ligue de Justice part pour aller combattre Mr. Mxyzptlk, alors que Jayna et Zan restent devant l'écran géant pour voir comment ça se passe. Ils commencent à dialoguer avec le Super-Ordinateur.



En 1977, le succès des séries télé Wonder Woman (avec Lynda Carter) et L'homme qui valait 3 milliards (avec Lee Majors) incite les producteurs télé à relancer une saison de dessins animés appelée The All-New Super Friends Hour, à destination des enfants. C'est dans cette série qu'apparaissent pour la première fois Jayna & Zan (sans oublier leur singe domestique Gleek). Ces personnages ont durablement marqué une génération d'enfants qui devenus adultes essayent de les réintégrer dans l'univers partagé DC. En 2018, les responsables éditoriaux de DC Comics décident de confier la création d'une ligne de comics destinés à des lecteurs plus jeunes : les Jumeaux Merveilleux font partie de la liste des propriétés intellectuelles à relancer. Le lecteur se réjouit avec Bendis que Mark Russell ait accepté d'être le scénariste de la série. Il est également l'auteur de Prez (2015) avec Ben Caldwell, The Flintstones (2016/2017) avec Steve Pugh, Exit Stage Left: The Snagglepuss Chronicles (2018) avec Mike Feehan, d'excellents comics basés sur des personnages inattendus, comme la Famille Pierrafeu. Du coup, même si l'intention est clairement affichée de s'adresser à un public plus jeune, le lecteur adulte reste curieux, et puis, après tout, les comics de superhéros ça n'a jamais fait très mature a priori.



Effectivement, le type d'histoire et le mode de narration ne s'inscrit pas dans le noir et torturé, ou dans l'ultra-violent et le sadique. Jayna et Zan sont bien sympathiques et constructifs, avec un entrain propre à la jeunesse. Les crises qu'ils affrontent sont bien réelles, et leur déroulement suit le même schéma : les adultes ne s'en sortent pas et les adolescents trouvent une solution ingénieuse, plus souvent basée sur la gentillesse que sur la violence. Le scénariste respecte les conventions du genre, allant jusqu'à faire en sorte que ce soit le singe domestique qui sauve la mise aux 2 adolescents dans l'épisode 3. Les supercriminels ne sont pas vraiment méchants, et pas vraiment compétents non plus d'ailleurs, affublés du titre de Ligue des Irritants, pas de quoi faire peur. La narration visuelle est à l'unisson du déroulement de l'histoire : douce en apparence, sans violence exacerbée ou voyeuriste, sans volonté agressive. Il faut d'ailleurs un peu de temps pour se rendre compte qu'il n'y a finalement pas tant d'affrontements physiques que ça, et qu'ils ne constituent jamais le pivot du récit, sauf pour l'intervention de Gleek. Par contraste avec les habitudes dans les comics mensuels industriels, Stephen Byrne assure toute la partie visuelle de la narration, y compris la mise en couleurs, au lieu de la chaîne de production habituelle. En particulier, il choisit une palette de couleurs assez douces, à l'opposé des teintes criardes souvent associées aux superhéros et parfois aux comics pour enfants.



En découvrant les premières pages, le lecteur constate également que l'artiste s'adresse bien à un jeune public, mais sans pour autant sacrifier la qualité de la narration visuelle. Il détoure les formes d'un trait fin, en particulier les décors, et il les simplifie en éliminant les détails, tout en restant dans un registre descriptif. Par exemple, les rues sont vraiment très propres et la voirie très linéaire. Il en va de même pour les intérieurs où les espaces et les volumétries sont très faciles à lire. Cela ne veut pas dire que les arrière-plans se limitent à 3 traits qui se croisent pour évoquer vaguement un volume. Dans les scènes d'extérieur, le lecteur peut voir les buildings, la différence entre chaussée et trottoir, les enseignes et les vitrines des magasins. Dans les scènes d'intérieur, il peut voir les aménagements et les meubles différents en fonction de l'usage de la pièce, mais aussi de son propriétaire. Pour s'en apercevoir, il suffit de comparer la cuisine minuscule dans laquelle s'entassent les 6 membres de la Ligue des irritants, et l'immense pièce qui accueille le bureau de travail de Lex Luthor.



Stephen Byrne privilégie le caractère humain chez les personnages, avant leurs superpouvoirs. Du coup, même s'ils portent des costumes moulants (et parfois ridicules pour Scrambler avec son œuf sur le plat comme logo au milieu de la poitrine), les personnages sont avant tout représentés dans des postures normales, mettant en avant qu'il s'agit d'êtres humains. Leur langage corporel est expressif, parfois exagéré pour les moments comiques. D'un côté, il y a bien cet aspect tout public, mais de l'autre il n'y a pas d'impression de moyens limités ou d'économie parce que les auteurs ne s'adressent qu'à des enfants. Les lecteurs de tout âge peuvent donc apprécier la narration graphique qui sait montrer des situations et des états d'esprit nuancés. Par exemple Russell s'amuse à faire de Drunkula, un vampire malade alcoolique qui a décidé d'arrêter le sang pour ne pas risquer de boire celui de quelqu'un qui a consommé de l'alcool. Stephen Byrne montre avec justesse son inquiétude à l'idée de se remettre à mordre les cous et de succomber à cette pulsion qui risque d'entraîner une rechute alcoolique.



Dès le premier épisode le lecteur adulte éprouve une surprise, celle causée par les orages générateurs de comportements sexuels chez les habitants de la planète Exxor. Les dessins sont évidemment très chastes, mais le propos est fort inattendu. Tout au long de ces 6 épisodes, Mark Russell développe des thématiques adultes, intelligemment présentées pour comprendre un niveau de lecture pour les jeunes et un pour les adultes. Il en va ainsi de l'addiction à une substance psychotrope comme l'alcool, de la gestion de prisons par des entreprises privées qui profitent de la force de travail bon marché ainsi mise à leur disposition, de la difficulté de l'individu à comprendre la complexité du monde, des inégalités induites par le capitalisme entre les riches qui estiment que tous les autres sont à vendre, et des citoyens ordinaires qui ont la sensation qu'ils doivent être prêts à tout vendre. La complémentarité de l'artiste et du scénariste se constatent dans la manière dont ils savent aborder ces sujets avec élégance et humour. Lorsqu'il est question de harcèlement de rue, le lecteur suit une jeune fille en train de trouver un mode de prévention du cancer des testicules et qui perd le fil de sa pensée suite aux remarques de 2 gros lourds qui auront peut-être besoin de ce traitement préventif dans l'avenir. Russell se montre encore plus ambitieux quand un des membres de la Ligue des Irritants met en œuvre une action illégale pour assurer une égalité de tous les êtres humains sur Terre, action intelligente et efficace. Les auteurs montrent alors que ce récit de superhéros pour jeune public est plus intelligent que 99% de la production de comics de superhéros.



Oui, c'est vrai : une gamme de comics pour jeunes lecteurs placée sous la supervision de Brian Michael Bendis n'est a priori pas très enthousiasmante. S'il dépasse ses a priori et qu'il fait confiance au scénariste, le lecteur découvre une version épatante des Wonder Twins, effectivement accessible à des lecteurs d'une dizaine d'années, mais tout aussi lisible par des lecteurs adultes, avec une narration visuelle impeccable et des idées subversives mises en scène avec élégance et intelligence.
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Wonder Twins, tome 2 : The Fall and Rise of..

Ce tome fait suite à Wonder Twins Vol. 1: Activate! (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant car les 2 forment une saison complète. Il comprend les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2019/2020, écrits par Mark Russell, dessinés, encrés et mis en couleurs par Stephen Byrne, à l'exception de l'épisode 8 dessinés et encrés par Mike Norton, et mis en couleurs par Cris Peter.



Le présentateur Tyler Tate présente les nouvelles du jour : la Justice League organise des visites guidées du Hall de Justice, l'équipe de hockey sur glace des Ice Cubes revient à Washington, Scrambler et Polly Math sont écroués, grâce aux Wonder Twins. Zan est de retour au lycée et il est félicité par ses camarades ce qui lui plaît énormément. Au contraire Jayna est déprimée car elle a aidé à la mise en prison de sa meilleure amie Polly Math, et le père de Polly a été envoyé dans la zone fantôme. Après les classes, Jayna et Zan sont dans l'immense salle de contrôle du Hall de Justice et Superman y entre. Il leur propose d'être les guides pour les visites organisées du Hall. Alors qu'ils entament leur premier tour, Superman et Wonder Woman voient sur l'écran qu'il y a une manifestation violente de joueurs de hockey. Ils n'ont même pas besoin d'intervenir car ils ont un spécialiste pour ça : Repulso, détenu au Fort McNair, dans un bunker hermétique. Il est sorti par deux gardes dans une tenue hermétique, accroché à une grue et placé au-dessus de la foule. Les gens commencent à se trouver mal, à vomir, et ils se dispersent d'eux-mêmes. Puis il est ramené dans sa cellule, où il se retrouve seul comme d'habitude.



Jayna et Zan continuent de faire visiter les pièces du Hall de Justice à un groupe d'une douzaine de personnes, et font la démonstration d'un dispositif augmentant la gravité. Pendant ce temps-là une menace planétaire a été détectée par les satellites de surveillance de la Justice League : un météore se dirige droit sur la terre avec une première estimation de 120 millions de morts causées par l'impact. C'est le moment où le groupe de visiteurs pénètre dans cette pièce et entend l'annonce : anéantissement de la population terrestre dans un délai de 5 heures après l'impact. Superman et Wonder Woman font comprendre aux jumeaux qu'ils doivent mettre fin à la visite guidée, et les touristes repartent très inquiets. Des émeutes apparaissent un peu partout dans la capitale, et il est temps pour Repulso de ressortir de son bunker et d'intervenir pour disperser la foule. Il est temps pour Jayne et Zan d'intervenir, après s'être transformés.



Deuxième moitié de la saison consacrée aux Wonder Twins, réalisée par la même équipe que la première moitié, toujours pour un jeune public. Effectivement les histoires sont simples, sans composante sadique ou ultra-violente, avec des bons sentiments. Jayna et Zan sont au centre des histoires, de vrais héros apportant des solutions constructives là où les adultes ignorent les problèmes, se lançant dans l'aventure plus avec le cœur qu'après réflexion, et animés de bonnes intentions assez pures. Les dessins sont descriptifs et réalistes avec un une simplification significative et une apparence agréable à l'œil, rendue très acidulée par la mise en couleurs. Il règne une ambiance bon enfant dans chaque épisode : le lecteur sent bien que les Wonder Twins ne sont jamais en danger et qu'ils gagneront à la fin. Ils se lancent dans l'aventure et parviennent à ridiculiser quelques ennemis sans difficulté, par exemple en jouant un tour à Lex Luthor et en s'appropriant son vaisseau spatial avec une aisance très enfantine. Le lecteur sourit également en découvrant que l'un des ennemis est une intelligence artificielle datant de 1986, donc complètement dépassée, et que les émeutes sont résolues en déployant un individu dont le superpouvoir est d'émettre des odeurs intenables. Mais les auteurs ne se moquent jamais de leurs personnages, ne les tournent pas en dérision, et l'enjeu majeur est le respect de chacun.



Mark Russell continue sur la lancée des 6 premiers épisodes, à la fois avec la situation des jumeaux, toujours sous la tutelle des membres de la Justice League, et avec la suite de l'histoire des personnages comme Poly Math et Filo Math. Jayna et Zan doivent donc assumer la responsabilité de leurs actes. Ces épisodes contiennent une suite d'aventures très superhéroïques : lutter contre des supercriminels, partir dans l'espace, neutraliser une intelligence artificielle. Les jumeaux croisent et interagissent avec Superman, Batman, Wonder Woman, Hawkman et Green Lantern, mais ne font pas équipe avec eux. La mise en couleurs est soutenue apportant textures et reliefs, avec des couleurs vives en particulier pour le volet du costume des Wonder Twins, avec une utilisation maîtrisée des effets spéciaux. Les dessins sont plein d'entrain, sans être épileptique, avec des moments plus naturalistes lors des scènes en civil. Avec leurs dehors très propres et aérés, les dessins de Stephen Byrne sont très accessibles à de jeunes lecteurs et très attrayants grâce à leurs couleurs et leurs personnages souriants, natures. Il simplifie le contour des décors mais ne les rend pas inconsistants pour autant. Le lecteur peut voir la façade très reconnaissable du Hall de Justice et plusieurs pièces à l'intérieur, de même la façade du lycée, les couloirs, et quelques salles, ainsi que la décoration mise en place pour la soirée avec animations, la cellule de Repulso, l'appartement de Jayna & Zan, le vaisseau de Lex Luthor, la maison des Math. L'artiste apporte un soin de même niveau pour les tenues vestimentaires de sorte que chaque personnage soit habillé en cohérence avec son âge et avec sa position sociale.



Au fur et à mesure des aventures, la narration visuelle devient spectaculaire, répondant aux attentes du lecteur. Il est assez amusant de voir la réaction des individus dans la foule lorsque la grue descend Repulso vers eux. Batman et Superman en imposent quand ils entrent en action. Les miroirs de la Zone Fantôme sont très réussis. Le lecteur attend bien sûr que les jumeaux utilisent leur pouvoir : Byrne s'amuse à montrer Zan dans différents états liquides, et Jayna se transforme en animal choisi pour leur pertinence au regard de la situation, avec un soupçon là aussi d'amusement, mais sans nuire à une lecture au premier degré. L'artiste est remplacé par un autre le temps d'un épisode, pour qu'il puisse tenir le rythme mensuel. Mike Norton s'applique pour rester dans un registre visuel très proche de celui de Byrne, avec des personnages, un tout petit moins chaleureux, tout en restant dans un registre tout public et très clair.



Le lecteur sait également que les jumeaux vont vivre des aventures qui vont leur demander du courage, pas uniquement d'un point de vue physique. Pour commencer, Jayna se rend compte que son rôle dans l'arrestation de meilleure amie lui pèse. Elle ressent également une pointe de solitude car son frère est moins disponible pour elle, accaparé par sa renommée naissante. Elle bénéficie d'une discussion avec Superman lui-même, remettant en perspective les récompenses de l'altruisme (elles ne sont pas de l'ordre de la reconnaissance d'autrui) et sur les épreuves qui permettent de mieux se connaître. C'est ensuite au tour de Jan de devoir se montrer impliqué pour mener à bien la mission qu'il a accepté, la tâche dont il est responsable pour la soirée organisée au lycée. Le scénariste met en scène ses thèmes avec une légèreté élégante, débarrassée de culpabilité ou de leçon de morale. Ensuite, les jumeaux reconnaissent que la société d'où ils viennent n'était pas si idyllique que ça et comprenait sa part d'ombre, une forme d'héritage des générations passées qui a des répercussions sur leur vie présente, indépendamment de leur valeur personnelle. Enfin, ils doivent répondre de leurs actions devant un groupe d'adultes et expliquer leur point de vue, tout en connaissant à l'avance leur jugement de valeur négatif. En bon auteur, Mark Russell aborde des thèmes délicats, sans les marteler, sans s'exprimer comme si ses lecteurs (même les plus jeunes) étaient dépourvus de neurones. Le lecteur, jeune comme âgé, se laisse donc emporter par ces aventures tout public, ces personnages sympathiques sans être falots, et ces questionnements parlant quel que soit sn âge. Il sourit aux éléments inattendus comme une disquette cinq pouces un quart. Il note les éléments plus sous-entendus comme le fait que les présentateurs télé de Lex News sont tous chauves ou ont le crâne rasé, même les femmes. Il ne regrette qu'une seule chose : le rôle trop restreint de Gleek.



Cette deuxième moitié de la saison s'avère aussi charmante et captivante que la première. La narration visuelle tout public est agréable à voir, sans pour autant être naïve ou présenter une trop faible densité d'informations visuelles. Mark Russell écrit pour un jeune public en le respectant, avec des personnages positifs sans être naïfs, et des thèmes parlant à tout le monde.
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Le retour du Messie, tome 1

Très bonne BD, drôle et intelligente, qui pose les bonnes questions. Ceux qui ont voulu l'interdire n'ont rien compris à ce qu'ils ont lu (si jamais ils ont lu). Je conseille vivement cette BD à tous les esprits ouverts qui souhaitent passer un bon moment.
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Mental Incal

L’Après Avant l’Incal



Après Brandon Thomas et son Kill Tête-de-Chien, c’est au tour de Mark Russell de nous entraîner dans l’univers mystique, psychédélique et tentaculaire d’Alexandro Jodorowsky en tissant un récit déjanté et fascinant prenant place entre Avant l’Incal et l’Incal…



Puissante entité-artefact, l’Incal va à nouveau être convoitée par plusieurs factions dont la Reine Tanatah et les fanatiques Psycho-nonnes qui vont quitter le psycho-monde, semant la mort sur leur passage pour retrouver l’objet sacré et vénéré… Bien malgré lui, John Difool va se retrouver au cœur du maëlstrom en compagnie de Deepo, la mouette à béton bien plus lucide et astucieuse que le détective de classe R, ce qui n’est guère difficile il est vrai… Et, pour ne pas rester en reste, le Méta-Baron et Kill-Tête-de-Chien vont s’inviter dans la danse…



Le dessin efficace de Yanick Paquette nous immerge d’emblée dans un jodoverse convaincant où il fait évoluer les personnages emblématiques de la série-mère avec un plaisir communicatif… Ses décors foisonnants esquissent un vivo-monde et un psycho-monde crédibles et envoûtant alors que son découpage parfois hallucinant et halluciné est entièrement au service l’efficacité narrative…



Mental Incal s’avère être un excellent one-shot qui ravira les amateurs de ce chef d’œuvre du neuvième art n prolongeant le plaisir au-delà des multiples séries dérivées de la série-mère…
Lien : http://sdimag.fr/index.php?r..
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Fantastic Four : L'histoire d'une vie

Après Spider-Man, l'Histoire d'une vie, voilà Fantastic Four, L'histoire d'une vie.

On reprend exactement le même concept, on va suivre un personnage / groupe de personnage de la maison Marvel et les faire vieillir de façon normale. En effet, les lecteurs de comics sont habitués au fait que les personnages ne vieillissent jamais ou très peu, eh bien ici, on va suivre leur début dans les années 60 et aller jusqu'à nos jours en les voyants vieillir comme le commun des mortels.



Si le précédent récit centré sur Spider-Man avait fait sensation pour la plupart des lecteurs, il ne m'avait personnellement pas emballé plus que ça.

Mais trouvant le concept sympathique, je retente la chance avec ce deuxième volume consacré aux FF.



Et que dire ? Quelle bonne surprise !

Si je trouvais que le volume sur Spider-Man était trop chargé en terme d'évènements, ici on va faire le choix de ne s'arrêter que sur un petit nombre, et de plus donné la part belle aux personnages.

En effet, ici on ne va pas suivre un personnage solo, mais une équipe, et la particularité du récit, c'est que dans chaque chapitre, le narrateur sera différent, tantôt Mr Fantastique, tantôt la Chose, etc.

Et cela marche très bien, on pourra ainsi rentrer beaucoup plus aisément dans la psychologie de chacun.



Une très bonne découverte qui me donne envie de découvrir cette formule sur d'autres personnages.
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The Flintstones, tome 2 : Bedrock Bedlam

Ce tome fait suite à The Flinstones 1 (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant, car les 12 épisodes forment une saison complète. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2017, écrits par Mark Russell, dessinés et encrés par Steve Pugh (épisodes 8 à 12). L'épisode 7 a été dessiné par Rick Leonardi et encré par Scott Hanna. Chris Chuckry a réalisé la mise en couleurs de tous les épisodes. Ce recueil contient également les couvertures réalisées par Carlos d'Anda, Cully Hamner, Howard Chaykin, Howard Porter, Steve Pugh, Rob Guillory, Dennis Cowan & Bill Sienkiewicz, Nicola Scott, Jill Thompson, Chris Burnham, Yanick Paquette, Rick Leonardi.



Fred & Wilma Flinstone ont organisé un barbecue avec leurs voisins, Barney Rubble et sa famille. Ils sont interrompus par l'arrivée d'un vaisseau extraterrestre, avec l'un d'entre eux cherchant à leur acheter un océan ou deux. L'extraterrestre Gazzo (en mission d'observation pour sa civilisation) intervient tout de suite pour mettre ces profiteurs à la porte, enfin les faire repartir dans l'espace. Le piquenique est à nouveau interrompu, cette fois-ci par une autre tribu belliqueuse. Le révérend continue de définir le crédo de l'église de Gerald à la va comme je te pousse. Gazoo commence à rédiger son rapport, en ne donnant pas beaucoup d'années à la race humaine avant qu'elle ne s'annihile elle-même. Wilma Flinstone se rend compte qu'aucune galerie ne veut plus acheter ses œuvres d'art. Le révérend invente le concept d'indulgence par hasard. Il se produit un accident à la carrière de George Slate, et ce dernier fait comprendre à Fred Flinstone qu'il ne veut pas perdre de temps à faire dégager le corps de l'ouvrier prisonnier sous un monceau de roches.



Wilma Flinstone prend l'avion avec sa voisine Betty Rubble pour aller voir sa mère à la campagne. À l'école, Pebbles Fllinstone et sa classe bénéficie d'un cours dans une nouvelle matière : l'économie, animé par monsieur Pebblen. Quelques temps après, George Slate licencie les hommes travaillant à la carrière. Wilma achète une nouvelle boule de bowling (un tatou), et jette la précédente à la poubelle, ce qui crée l'émoi parmi les autres fournitures et appareils domestiques, tous des animaux dotés de conscience. George Slate a décidé de devenir un alpha-mâle. Le maire Clod a décidé de consacrer plus de budget aux armements pour faire la guerre au peuple lézard, quitte à diminuer le budget alloué aux hôpitaux pour enfants malades. Wilma Flinstone trouve finalement un emploi en tant que chef décoratrice dans un film.



Le premier tome constituait une satire remarquable de la société de consommation, par le biais de ses travers transposés à l'âge de pierre, en reprenant les personnages du dessin animé Les Pierrafeu. Au contraire de la précédente série qu'il a écrite pour DC Comics (Prez avec Ben Caldwell), Mark Russell a pu mener celle-ci à son terme. Il développe encore de nombreux thèmes, comme celui du chômage, mais aussi de l'insatisfaction consubstantielle de la société de consommation, la propension à l'autodestruction de la race humaine, l'abrutissement devant la télévision, la gentrification, et même la propension à se rendre ridicule quand on est amoureux.



Mark Russell fait preuve de talents de satiriste affutés. Il ne donne pas beaucoup de personnalité à ses protagonistes, préférant se concentrer sur les travers de comportement sociétaux. Au fil des épisodes, il n'y a que Fred Flinstone qui dispose d'une réelle personnalité, souvent surprenante au regard de sa morphologie. À l'opposé du gros dur qui veut tout régler avec ses muscles, il fait preuve de sensibilité et de perspicacité. C'est lui qui insiste pour mettre en œuvre une opération de sauvetage pour l'ouvrir enseveli, mais peut-être pas mort, en indiquant que seule l'entraide peut permettre au plus grand nombre de survivre. C'est encore lui qui fait remarquer que les individus mâles ont 2 fonctions essentielles dans la société : inséminer les femmes et protéger les enfants. L'auteur fait preuve d'une belle dérision vis-à-vis des individus de son sexe, et à nouveau d'un sens pragmatique de la vie en société. En face, le maire Clod prône la guerre contre les autres, une tribu d'individus passant leur temps à se dorer la pilule au soleil (le peuple lézard), c'est dire s'ils sont dangereux. À nouveau Mark Russell tourne ce personnage en dérision de manière très habile, sans juste retour des choses de type action violente, mais en montrant son inefficacité, et en le mettant sur la touche par la moquerie. Non seulement Clod ne réussit pas à faire passer ses choix par la force (il doit composer avec les votes des membres du conseil), mais en plus sa bêtise lui fait prendre la fiction pour la réalité. L'auteur condamne ainsi un gouvernement tourné vers la guerre et imposant ses décisions aux individus pour le compte desquels il est sensé agir, déconnecté de la réalité des quotidiennes des individus.



Le lecteur retrouve cette notion d'entraide dans différents fils narratifs, mise en scène de manière variée. Les animaux utilisés comme des ustensiles (boule de bowling, aspirateur, etc.) trouve également leur force dans l'entraide. George Slade, le propriétaire de l'entreprise d'exploitation des carrières) décide de changer de style de vie pour accéder à une classe supérieure dans la société. Il décide également de se débarrasser de sa tortue qui lui apporte ses objets (comme son verre d'alcool quand il rentre du boulot) car elle est trop lente pour son niveau style de vie. Il finit par se prendre un retour de manivelle lorsqu'il se fait lui aussi lâcher par sa conquête d'un sir, pour un individu plus viril. Le scénariste ne se limite pas à pointer du doigt les travers des comportements égoïstes dans une comédie de situation. Il intègre également une vraie leçon de socio-économie sur la classe dirigeante d'une société et sur la fuite en avant que constitue le consumérisme. Ce n'est pas juste une leçon magistrale, c'est aussi une leçon appliquée.



Le lecteur se rend également compte que Mark Russell développe des intrigues secondaires lentement mais sûrement au fil des épisodes. Il y a l'évolution des tenants de la religion consacrée à Gerald, avec une progression vers une version allégée du monothéisme. Il y a également cette question de savoir si les extraterrestres vont laisser la race humaine se développer ou intervenir pour permettre à une autre espèce d'occuper la position dominante sur la planète Terre. Il fait également en sorte de faire progresser la carrière d'artiste de Wilma et de lui faire rencontrer un artiste dans un autre média avec une réflexion sur l'importance de l'art. Le lecteur apprécie cette satire pourvue d'une fibre réflexive et philosophique adulte. Russell n'oublie pas le comique dans sa satire. Il y a la mise en lumière de comportements idiots et aberrants, mais aussi des gags visuels. Le lecteur sourit franchement en voyant Bamm-Bamm abattre un arbre dans la première page de l'épisode 11, pour le débiter en planches afin de faire un perchoir à oiseau. Il sourit également en voyant Pebbles offrir un disque à son père Fred, sur la pochette duquel se trouve un tyrannosaure et le nom du groupe : T. Rex bien sûr.



Pour l'épisode 7, les traits de contour de Rick Leonardi sont plus gras que ceux de Steve Pugh, mais il reproduit l'apparence des personnages avec fidélité. Le langage corporel est vraiment celui d'adultes, et il sait saisir le geste ou le cadrage qui fait ressortir l'ironie d'un propos ou d'un comportement. Bien sûr, le lecteur peut s'offusquer que Steve Pugh n'ait pas dessiné l'intégralité des 12 épisodes, mais il ne peut pas dire que Rick Leornadi ait réalisé un travail bâclé ou qui dénature le récit. Pour les 5 autres épisodes, le lecteur retrouve avec plaisir les dessins de Steve Pugh, avec des traits de contour plus fins, ce qui lui permet d'intégrer plus d'informations visuelles, sans donner l'impression que les cases soient surchargées pour autant. Il sait toujours aussi bien transposer les inventions récentes à cet âge de pierre, que ce soient les voitures avec d'énormes roues en pierre, ou des avions sous forme de ptérodactyles avec des cabines posées sur leur dos.



Steve Pugh réalise des dessins descriptifs, en prenant soin de représenter les décors avec une bonne régularité et un bon niveau de détails. Le langage corporel et les visages des personnages sont vivants et expressifs. Il arrive à concilier la force physique de Fred Flinstone, avec la sensibilité du personnage, le rendant crédible dans le rôle de l'individu sensé et mesuré. Il s'amuse bien avec les animaux domestiqués en appareils ménagers, leur conférant un langage corporel spécifique et des visages irrésistibles que ce soit la gentillesse confiante de l'aspirateur, la comprenette limitée de Dino, ou l'irascibilité du tatou. Le lecteur se plonge dans une comédie de situation bénéficiant du budget d'un film, avec des décors variés, des acteurs professionnels, et un metteur en scène concevant les séquences dans leur ensemble, plutôt que de se contenter d'alterner des champs et des contrechamps sur les visages des interlocuteurs, pour cacher la misère des décors.



Cette deuxième moitié de saison s'avère aussi savoureuse que la première, aussi perspicace et pénétrante sur le plan de la satire sociale, aussi agréable et riche visuellement.
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The Flintstones, tome 1

Ce tome est le premier d'une nouvelle série consacrée aux Flintstones (les Pierrafeu en VF) dont il suffit de connaître le principe pour l'apprécier. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2016/2017, écrits par Mark Russell, dessinés et encrés par Steve Pugh, avec une mise en couleurs de Chris Chuckry. Les couvertures ont été réalisées par Steve Pugh (épisode 1), Amanda Conner (é2), Ben Caldwell (é3), Dan Panosian (é4), Lee Weeks (é5), Bill Sienkiewicz (é6). Les couvertures variantes ont été réalisées par Ivan Reis, Walter Simonson, Dustin Nguyen, Dan Hipp, Emanuela Lupacchino, Bilquis Evely, Dan Parent, Bengal, Howard Porter.



Dans un musée d'histoire naturelle, 2 personnes contemplent un individu qu'ils ont baptisé Lorenzo, un être humain parfaitement conservé datant de 100.000 ans dans le passé et ayant vécu dans une région appelée Bedrock. Il y a 100.000 ans, Barney Flintstone se présente devant son employeur monsieur Slade, le propriétaire de la carrière. Ce dernier lui demande de s'occuper de 3 hommes de Cro-Magnon dont il souhaite qu'il les emmène s'amuser le soir pour s'assurer qu'ils reviennent travailler le lendemain. Fred Flinstone commence par les emmener à une réunion d'anciens combattants à laquelle il a promis d'assister, puis à un match de boxe, avec son pote Barney Rubbles. Le lendemain, les 3 hommes de Cro-Magnon sont présents pour travailler à la carrière. Pendant ce temps-là, Wilma Flinstone réalise des toiles peintes conceptuelles, à base d'empreintes de main.



Dans les épisodes suivants, Fred Flinstone devient un représentant ambulant (en plus de son travail aux carrières) afin de gagner assez d'argent pour pouvoir s'offrir tous les nouveaux équipements domestiques, pendant que le responsable du culte local essaye de trouver le bon dieu à adorer. Des extraterrestres viennent séjourner à Bedrock. Puis Fred et Wilma se rendent à un séminaire sur le mariage qui constitue une pratique non naturelle. Des élections se tiennent à Bedrock et c'est le candidat le plus viril et le plus agressif qui semble bien parti pour les remporter. Le professeur Sargon prédit la fin imminente de la civilisation alors qu'une comète se dirige vers la Terre.



Les dessins animés des Flinstones ont été diffusés pour la première fois en 1960 aux États-Unis, et en 1963 en France. Il s'agit d'une forme de parodie de la société américaine, dans un âge de pierre de pacotille, où il vaut mieux ne pas être trop regardant sur les dates. En outre cette société a développé des éléments technologiques similaires à ceux des années 1960, mais fonctionnant avec des animaux, en lieu et place de la technologie, que ce soit des aspirateurs, des téléviseurs, ou même des voitures. Mark Russell semblait tout désigné pour s'emparer de cette nouvelle série, après avoir réhabilité le personnage de Prez dans une satire politique intelligente dans Prez avec Ben Caldwell. Cette série sur les Flintstones fait partie d'un groupe de 4 adaptations de dessinés animés lancées en 2016 : Scooby Apocalypse, Wacky Raceland de Ken Pontac & Leonardo Manco, Future Quest de Jeff Parker & Evan Shaner. Le lecteur retrouve donc bien les caractéristiques du dessin animé : l'étrange âge de pierre à Bedrock, les personnages (Wilma & Fred Flinstone et leur fille Pebbles, Betty & Barney Rubbles et leur fils Bam-Bamm, monsieur Slate), la satire sociale.



Chaque épisode s'articule autour d'une intrigue principale, avec des intrigues secondaires plus ou moins développées. Steve Pugh est un artiste de comics ayant régulièrement travaillé pour DC Comics, par exemple dans la série Animal Man avec Jamie Delano, ainsi que pour des éditeurs indépendants, comme Hotwire avec Warren Ellis. Il réalise des dessins de nature réaliste, avec un bon niveau de détails, permettant au lecteur de se plonger dans cette société si particulière, tout en se confrontant à toutes les bizarreries loufoques qui découlent du croisement des objets techniques du vingtième siècle avec les capacités de l'âge de pierre. Il capture bien la ressemblance avec les personnages du dessin animé, tout en leur donnant une apparence un peu plus sérieuse, moins à destination des enfants. Il conserve les tenues vestimentaires du dessin animé : l'espèce de toge en peau de bête pour Fred avec une cravate déchirée sur les bords, la robe vaguement déchirée pour Wilma, la robe en fourrure pour Barney. Il intègre des variations en fonction des séquences et des personnages. Wilma change de robe à l'occasion de l'exposition de ses toiles. Le professeur Sargon porte une veste de costume dont les manches ont été déchirées, pour faire plus âge de pierre, et le prêtre porte une robe de cérémonie décorée avec des os.



Steve Pugh prend également en charge les dinosaures de pacotille. Il en assure la ressemblance dans les formes, sans aucune velléité d'exactitude biologique, ni par l'apparence, ni par les tailles respectives entre les animaux. Le lecteur peut voir un dinosaure à la peau violette qui sert d'animal de compagnie à la famille Flinstone, un mammouth enfant qui sert d'aspirateur à la peau rose, une pieuvre géante qui vit dans leur baignoire (en pierre) et qui sert de lave-vaisselle, et même un tyrannosaure égaré hors de son ère. L'artiste est un bon metteur en scène, réalisant des planches facilement lisibles qu'elles mettent en scène une exposition d'art contemporain, une soirée dans un jacuzzi, un individu se rendant compte de l'envahissement de son espace vital par des appareils ménagers, le lancement d'un satellite dans l'espace, une réunion d'un groupe de réflexion sur le mariage, ou encore le prêtre dévoilant la forme du dieu qu'il propose d'adorer. Le dessinateur exagère un peu les expressions des visages sans aller jusqu'à la caricature, permettant au lecteur de se projeter dans les personnages, sans avoir l'impression d'être une comédie de situation surjouée.



Le lecteur se laisse donc facilement emmener dans ce monde loufoque, à la logique facilement compréhensible, avec des individus très humains et des situations évoquant de près celles du quotidien. Mark Russell sait conserver la dynamique du dessin animé, c’est-à-dire parler de la société actuelle, en jouant sur le décalage de l'âge de pierre. En lisant les commentaires des artistes contemporains face aux œuvres de Wilma Flinstone, il retrouve une forme de posture élitiste chez eux, mais aussi chez Wilma qui souhaite donner une interprétation intellectuelle à ce qui se limite à des empreintes de main sur une toile. Il en va de même quand Fred a l'impression d'accumuler des objets dont il n'a pas besoin dans son domicile. L'effet de décalage est encore plus efficace dans ce cas, tellement le contraste est grand entre cette civilisation idyllique qui repose sur une abondance à portée de main, et cette pléthore de gadgets à l'utilité toute relative, qui ne s'apparente en rien à des objets de première nécessité. Le lecteur perçoit bien que le besoin en lavage de vaisselle ne nécessite pas une pieuvre à 8 tentacules.



Le scénariste intègre donc l'humour spécifique de la série en conservant sa dimension visuelle et sociale. Il écrit également des petites phrases choc qu'il insère dans les dialogues, que ce soit un jeu de mots (un vendeur alpaguant Fred en constatant qu'il l'air de s'intéresser à l'herbe), ou sur un thème (Contemplez le dieu invisible). À chaque épisode, il développe plusieurs thèmes de manière frontale (l'exploitation capitaliste d'individus avec d'autres valeurs, le consumérisme), ou de manière plus insidieuse. Il y a donc cette histoire déité à choisir pour lui vouer un culte. Russell commence doucement avec des animaux improbables, et des fidèles ne demandant pas mieux que de croire, de se livrer à l'adoration, pour se rendre compte peu de temps plus tard qu'ils adorent un animal comme les autres. Il frappe un grand coup quand le prêtre finit pas se dire que le plus simple est encore de proposer aux fidèles d'adorer un dieu invisible. La mise en images souligne la génialité de ce concept : proposer un dieu que l'on ne peut pas voir, ce qui le met à l'abri de toutes les critiques. Toute ressemblance avec la réalité est bien sûr entièrement voulue.



Mark Russel réussit à mettre en scène des questions de société épineuse, en les présentant de manière humoristique, sans pourtant les tourner en dérision, ni perdre en pertinence. L'épisode 5 est consacré à un groupe de parole sur le mariage, celui-ci apparaissant comme contre nature à l'époque de l'âge de pierre, comme une hérésie, une construction sociale artificielle. Le scénariste présente son point de vue de manière très subtile, jouant à nouveau sur l'humour, en renversant la normalité qui n'est plus celle du mariage, de l'échangisme. Il établit ainsi un manifeste de la tolérance, avec une grande force de conviction, faisant ressortir par l'absurde le caractère culturel de cette institution, sans jamais donner l'impression de prêcher. Il évoque plusieurs autres sujets tout aussi polémiques, tels que la manipulation des populations pour déclencher une guerre et spolier le perdant de ses possessions, tout ça au nom de la paix.



A priori le lecteur se dit que cette série va juste se contenter de débiter des histoires convenues avec son lot de gags plus ou moins drôles, pour profiter de la notoriété du dessin animé. Il a la bonne surprise de découvrir des dessins très professionnels, avec un bon niveau descriptif, et une capacité impressionnante à intégrer tous les éléments narratifs, qu'ils relèvent de l'intrigue, des personnages, de l'humour absurde, ou encore de la comédie de situation. Loin de se contenter de débiter des aventures au kilomètre, le scénariste utilise la série pour réaliser une critique sociale drôle et intelligente, sans méchanceté ou amertume.
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Mental Incal

(LX971) - Sans bien connaître l'original Incal, j'ai bien apprécié cette lecture dont le style est clairement du côté des comics mais en restant fidèle à l'esprit général et aux personnages de la célèbre série BD. Les dessins comme le rythme du récit sont très dynamiques et hauts en couleur. Certaines scènes violentes sont plutôt réservées à un public lycéen, voire adulte. Une réussite mais plutôt non pour la sélection du Prix BDz'îles.

(SCO971) Malgré toute ma bonne volonté , je n'ai pas pu aller au bout de cet album. Trop compliqué, violent, gore ... Vous l'aurez compris, pour moi c'est non pour le Prix.

(MAB971) Beaucoup de mal à entrer dans cet album. Non pour le prix.
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Prez, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 6, ainsi que la Sneak Peek, initialement parus en 2015, écrits par Mark Russel, dessinés par Ben Caldwell, encrés par Mark Morales, mis en couleurs par Jeremy Lawson.



L'histoire se déroule en 2036, aux États-Unis. 2 candidats sont en lice pour la Maison Blanche. Malgré les différentes promesses électorales faites aux industriels financeurs de campagne des différents états, ils n'arrivent pas à être départagés. Les lois ont un peu évolué. En particulier l'âge pour être président a été abaissé à 18 ans, et il est maintenant possible de voter par Twitter. Dans le même temps, une vidéo d'une jeune femme (Elizabeth Ross, surnommée Beth) est passée au stade viral sur internet. On la voit s'apprêtant à nettoyer une grille de cuisson dans un établissement de restauration rapide, et ses cheveux se prendre dans le broyeur du siphon d'évier. Contre toute attente, c'est elle qui est élue présidente, du simple fait de sa popularité dématérialisée.



Malgré la mort de son père (terrassé par la grippe féline, faute d'avoir pu se payer des soins par manque d'argent), Beth Ross accepte. Elle doit éviter de se faire embobiner par les intérêts d'industriels bien intentionnés (dépités de ne pas rentrer dans les sommes qu'ils ont investies auprès des candidats évincés), de se faire tirer dessus. Elle doit également composer son gouvernement et commencer à agir. Parmi les premières crises à affronter, se trouve une crise sanitaire : juguler l'épidémie du virus de la grippe féline, trouver un traitement et le rendre disponible et accessible à tous les citoyens.



Contre toute attente, DC Comics (dont Vertigo est une émanation) décide de publier cette série de politique fiction avec le logo DC, malgré son caractère adulte. Cela avait déjà été le cas pour les premières apparitions de Prez (alors un certain Prez Rickard, créé en 1973 par Joe Simon & Jerry Grandenetti) dont les aventures ont bénéficié d'une réédition en recueil : [[1401263178 Prez: The first teen president]]. Le postulat de départ reste identique : un jeune adulte (18 ou 19 ans) accède à la présidence des États-Unis. Cette fois-ci, il s'agit d'une jeune femme (blanche quand même), avec des épisodes écrits par Mark Russell, satiriste mordant, auteur de God is disappointed in you, dessiné par Shannon Wheeler.



Le point de départ s'avère très ludique : enfin une personne nouvelle en politique va pouvoir dépoussiérer des pratiques qui semblent l'apanage de professionnels déconnectés du peuple qu'ils sont censés représenter. Qui plus est, Beth Ross est adulte (au sens légal du terme), mais n'a pas encore 20 ans, c’est-à-dire qu'elle est encore habitée par un idéalisme, pas encore la proie du cynisme qui vient avec les années. Pour autant, en soi, ce n'est pas un gage suffisant pour aboutir à un récit de politique fiction intelligent et débarrassé de démagogie réductrice, du type tous les politiciens sont pourris. Les auteurs mettent bien en scène des politiciens et des barons de l'industrie, mais pas de la même manière. Ces derniers sont représentés sont forme d'individus portant costard et cravate, mais avec une icône à la place du visage. Les auteurs indiquent ainsi qu'il s'agit d'incarnation d'une branche industrielle ou d'un lobby, plus que d'une personne. L'industrie de l'élevage porcin a droit à une tête de cochon, celle des laboratoires pharmaceutiques à une tête de chien tenant une seringue dans sa gueule, celle de l'armement à une bombe, celle du tabac à une tête d'ours, etc.



Les hommes politiques sont représentés comme de véritables individus, avec un vrai visage. Mark Russell les dépeint comme des personnes intégrées dans un système qu'ils ne maîtrisent pas, et dont ils sont plutôt les jouets. Par exemple, dans le cadre de la campagne politique pour l'élection, le sénateur Jay Thorn doit accepter de se soumettre à un vidéocast réalisé par 2 adolescents, sa responsable de campagne lui indiquant qu'ils disposent de 500.000 suiveurs. Il se retrouve à essayer de parler enjeux politiques et sociaux, dans le salon d'un des parents d'un des vidéocasteurs, alors que les 2 tapent son postérieur avec des raquettes de ping-pong pour faire de l'audience. L'autre candidat est dépeint comme maîtrisant toutes les ficelles du système et les utilisant pour générer des profits, dans une démarche capitaliste des plus franches.



C'est dans ce contexte que Beth Ross est élue à la présidence, alors qu'elle ne doit rien à personne. Ben Caldwell la représente comme une personne saine de corps et d'esprit, sans exagération de ses attributs sexuels. Elle sourit régulièrement de manière naturelle, sans volonté de séduction artificielle. Elle arbore différentes tenues au cours de ces 6 épisodes, sans adopter de formalisme particulier, sans provocation vestimentaire non plus. D'une manière générale, tous les personnages ont une apparence normale, légèrement simplifiée, avec de temps à autre une expression faciale un peu appuyée pour mieux rendre compte de son état d'esprit ou pour un effet comique.



L'artiste a la lourde responsabilité de concevoir un environnement d'anticipation (à 20 ans dans le futur) tout en restant visuellement cohérent. Les vêtements correspondent à une mode vaguement améliorée, sauf pour les costumes cravate qui restent identique à l'état actuel. Il y a quelques gadgets technologiques légèrement améliorés par rapport à 2016. Quelques éléments appartiennent plus au registre de la science-fiction : les drones distributeurs de tacos, un robot ours d'aide en fin de vie, les robots de défense et de sécurité et un avion.



Ben Caldwell réalise des dessins au dosage très particulier. Il sait construire une prise de vue, pour éviter l'accumulation de têtes en train de parler, par le biais de changement d'angle, l'élargissement du cadre, du déplacement des personnages et de leurs activités. Il faut en sorte que la narration conserve un premier degré suffisant pour raconter l'histoire, sans que les autres éléments narratifs ne prennent le dessus. Il se sert de l'infographie pour intégrer des écrans d'information, ou des bandeaux défilants en bas des écrans. Le lecteur attentif peut ainsi repérer que l'un des personnages possède un exemple de God is disappointed in you, qu'un bandeau défilant évoque la sortie du film Aquaman IV, qu'un autre diffuse une information relative à Burnside (un quartier de Gotham), etc. En fonction de son envie, le lecteur peut donc s'amuser à déchiffrer ces messages (certains étant à l'envers, car vus à travers les écrans) ou les ignorer (sans perdre d'information essentielle pour la compréhension de l'intrigue).



Mark Russell fait entièrement confiance au dessinateur pour intégrer les éléments comiques de type visuel, sans les souligner par les dialogues ou une cellule de texte. Il peut s'agir d'un élément visuel évident, comme un robot de défense se parant d'une perruque blonde pour montrer l'éveil de sa personnalité. Il peut s'agir d'un affrontement physique entre 2 pandas au premier plan, pour montrer que tout est transformé en spectacle, sur la base d'un critère mignon déconnecté de tout sens. Il peut également s'agir d'une blague récurrente, comme les coiffures improbables et ambitieuses d'Amber, la présentatrice d'une émission mêlant débats et divertissement (plus le deuxième que le premier). Ben Caldwell intègre également les résultats des sondages en instantané sur la popularité des 2 intervenants en fonction de ce qu'ils racontent, pour illustrer des pratiques de divertissement déconnectées des enjeux bien réels.



Mark Russell concocte une narration intelligente et sophistiquée qui ne joue pas sur le divertissement facile et basique, flattant les bas instincts du lecteur ou de la populace. Il raconte son histoire au premier degré, avec cette jeune femme qui a la tête sur les épaules, peu d'illusion, mais une forme de naïveté découlant de son manque d'expérience. Il y a donc une progression narrative logique, commençant par établir les circonstances de son élection et ce qui l'a rendue possible (à commencer par les votes par tweet). Il y a ensuite sa prise de fonction et les tâches auxquelles elle s'attèle. Ainsi construite sur des fondations solides, l'histoire peut développer d'autres thèmes. Le scénariste se tient à l'écart de la facilité qui consiste à décrire les politiciens comme étant tous pourris. Ils les montrent comme des individus participant d'un système dont ils sont autant les acteurs que les victimes (à commencer par ce pauvre chasseur de votes, obligés de se soumettre à la fessée par raquette de ping-pong).



Mark Russell s'attaque plutôt au système. Il peut effectuer des constats basiques : comment supporter que la populace soit prête à donner de l'argent pour le prochain chihuahua de Paris Hilton, plutôt que pour aider à financer le traitement hospitalier d'un malade (par le biais d'une appli appelée Sickstarter) ? Le nom de Sickstarter (construit à partir de celui de Kickstarter, un site de financement participatif bien réel) est aussi démoralisant que plein d'espoir. Il est démoralisant parce qu'il souligne que la santé n'est pas toujours traitée comme un droit, et peut être réservée aux plus riches. Il est également porteur d'optimisme parce qu'il évoque la possibilité d'une aide participative pour chaque citoyen.



Le scénariste montre les effets de la dérégulation, par le biais de l'aménagement d'une loi sur l'implantation des abattoirs au profit de l'industrie porcine. Il se livre à un décorticage aussi savant que drôle sur la valeur en actions d'un laboratoire pharmaceutique qui augmente d'autant plus qu'il promet un produit efficace qui ne sort jamais. Il décrit la méthode de Fred Wayne qui a bâti un empire en concevant un algorithme d'écriture automatique. Des ordinateurs écrivent tous les textes possibles et imaginables, des êtres humains les lisant par la suite pour en extraire tout ce qui est intelligible (produisant ainsi l'ensemble des textes pouvant être écrits par l'humanité).



Mark Russell s'attaque également aux jeux de téléréalité prêt à tout pour l'audience, à commencer par l'humiliation et l'automutilation des candidats (une séquence terrifiante tellement elle est proche de l'existant). Il raille le principe qui veut que pour être plus en sécurité, il vaut mieux acheter plus d'armes. Il se moque des comportements débiles au nom de la liberté, par exemple au travers d'une association de défense des virus, au motif de protéger toutes les formes de vie. Il tire à boulet rouge sur l'hypocrisie du capitalisme. Il s'en prend à l'externalisation des prestations pour que l'entreprise garde les mains propres (il s'agit ici de l'externalisation de la torture pendant les interrogatoires, dans un centre de détention de supposés terroristes). Il a une dent contre les sociétés de service qui pressurisent leurs employés en décomptant leur temps de travail à la seconde près (le lecteur reconnaît immédiatement une société de vente en ligne imposant des cadences délirantes au personnel qui prépare les colis, dont le nom commence par ama et finit par zone). Il en profite au passage pour pointer du doigt l'exigence d'instantanéité du consommateur crétin et impatient comme un gamin.



Arrivé en fin de volume, le lecteur se rend compte qu'il a le sourire aux lèvres depuis le premier épisode, qu'il s'est pris d'intérêt pour les changements mis en œuvre par Beth Ross, qu'il apprécie son bon sens pas partagé par tout le monde). La narration bénéficie de dessins agréables à regarder, intégrant de nombreux éléments sans paraître surchargés. Le fond du récit constitue une charge contre le capitalisme et la manière dont le système social le perpétue et promeut ses valeurs de manière insidieuse, jusqu'à les rendre naturelles et faire croire qu'il n'existe pas d'alternatives au système de valeurs qui en découle. Les créateurs savent utiliser des composantes sociales à bon escient (comme les hacktivistes ou les nouvelles technologies, sans tomber dans la démagogie).
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Billionaire Island

Imaginez une ile flottante naviguant dans les eaux internationales. Tout y est permis et dans les plus grands excès sauf de passer en dessous de la barre du million sous peine d'être expulsé au grand large ! 



Quand on a du flouze on peut !!!

Billionaire Island est un satyre sur le monde des ultra-riches !

Une lecture coup de poing mais non sans humour des dérives de l'humanité.
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