Mathias Malzieu

Le problème, c’est que je donne plus que ce que j’ai. Je suis le plus con des dragons. Celui qui crache des étincelles et se crame les ailes avec. P 14

Etre malade, c'est se sentir comme un enfant et un veillard en même temps

Ma seule possibilité de résister, c'est d'écrire. L'urgence fait pousser des graines de livres en moi. Je les arrose toutes et m'applique à penser que je vais trouver mon haricot magique pour crever le plafond de l'hôpital.

Pleine lune, les nuages trempent dedans comme d'incroyables tartines bleutées. On dirait des morceaux d'océan coagulés dans le ciel.

La sirène était exactement l'inverse d'un thon, mais tout aussi encombrante.

Quand il était petit, Gaspard rechignait à sortir de son lit, de peur d'oublier ses rêves. Sylvia lui racontait alors qu'un camion invisible passait chaque matin récupérer les rêves oubliés. Il les recyclait pour entretenir une base de données accessible à n'importe quel être humain, à n'importe quel moment de la journée. Il suffisait d'utiliser son imagination.

Cette nuit, je vais grimper à la lune, m'installer dans le croissant comme dans un hamac et je n'aurai absolument pas besoin de dormir pour rêver.

À soixante ans passés, ma mère a eu une crise de poésie. Elle s’est mise à écrire des petits textes, des histoires cachées en elle depuis trop longtemps.

Pendant ce temps, les globules rouges continuent de déserter mon sang comme des supporters de foot le stade après une défaite de leur équipe. Tête basse et mauvaise foi mélancolique quant à l'arbitrage de rigueur! (p56)

Il paraît que les anges ne mangent que des oeufs à la neige et seulement le blanc, sinon ils jaunissent.

Quand je danse, c'est comme si je mettais ton rire au micro-ondes. Il est prêt en quelques secondes. Je suis plus raide qu'un très vieux Pinocchio et tu es plus souple qu'une princesse en pâte à crêpes.

Oh, qu'est ce que je donnerais pour te serrer dans mes bras et embrasser ton front, arracher la nuit, te brancher sur mon dos. Je t'emmènerai loin, je te soufflerai partout sur la peau, tu le sentiras, tu te sentiras exactement comme avant.

J'ai replacé ma vieille horloge dans la boîte. Je l'offrirai à celle qui est devenue une grande chanteuse. Cette fois je ne lui donnerai pas seulement la clé, mais le cœur en entier, dans l'espoir qu'elle ait à nouveau envie de bricoler l'amour avec moi.

Comment on va faire maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi? Qu'est-ce que ça veut dire la vie sans toi? Qu'est-ce qui se passe pour toi là? Du rien? Du vide? de la nuit, des choses de ciel, du réconfort?

L’angoisse tisse une toile d’araignée dans ma gorge, ma voix est prise au piège. J’aimerais me montrer fort, mais je craque de toutes parts. Allez, mon vieux tambour, il faut tenir le coup ! Je tente de relancer la mécanique de mon coeur, mais rien n’y fait, je m’enfonce dans les brumes noirâtres de mon enfance. Comme à l’école, la peur reprend le contrôle.

Je suis comme un diabétique qui rêve de nager dans un océan de crème chantilly. J'aime tellement la joie que je ne peux m'empêcher d'en fabriquer, même si c'est mauvais pour ma santé. Parce que je finis toujours par me coincer entre la réalité et les souvenirs. Là où les rêveries explosent comme des bulles de savon. Je vais penser à un petit-déjeuner normal à Montpellier, sans vol de poussins ni écureuils domestiques. Juste toi et l'odeur du pain grillé. Et là, je suis cuit pour plusieurs heures d'affilée. Je vais rester coincé dans le souvenir. Ça me fera un peu de joie en plus et un chagrin de boule de pétanque dans le gorge.

Lorsque j'avais perdu ma mère, il m'avait fallu l'aide d'un géant de 4 mètres 50 pour commencer a aller mieux. Je suis un sous-doué du deuil. La peau a l'intérieur de mon cerveau est constellée de bleus qui ne s'effacent jamais. Je suis un homme-grenier. Je garde tout. Si on plantait une caméra au cœur de ma mémoire, on pourrait reconstituer ma vie, comme dans un studio de cinéma. De la joie sauvage a la colère noire en passant par la fréquence d'un battement de cils, tout est intact.
Ce que je croyais être le monde s’était écroulé au début de l'année. Le choc se répercutait encore et encore. Le manque et la sensation d'injustice explosaient mes boussoles. J'avais l'impression de rétrécir, de devenir transparent. Depuis, je ne savais plus ni ce que je voulais, ni ce que je valais.
Jusqu’à ce que je frôle la fille qui disparait quand on l'embrasse.

- [...] Le comble de la séduction, c'est de lui donner l'illusion que tu n'es pas en train d'essayer de la séduire.

Contrôle d'identité, s'il vous plaît. Veuillez sortir les étoiles de vos poches, de vos cheveux, de vos yeux. Tout ce qui brille, vous le déposez dans le sac en plastique : vos sourires, vos souvenirs, vous n'en aurez plus besoin là où vous allez maintenant.

Quand je panique la mécanique de mon cœur déraille au point que je me prends pour une locomotive à vapeur dont les roues décollent dans les virages. Je voyage sur les rails de ma propre peur.