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Critiques de Matt Wagner (77)
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The Tower Chronicles 4: Geisthawk

Il s'agit du quatrième et dernier tome concluant l'histoire consacrée à Geisthwak, ce qui constitue le premier volume desdites chroniques. Il est paru en 2013, et réalisé par Matt Wagner (scénario), Simon Bisley (dessins), Rodney Ramos (encrage), Ryan Brown (couleurs) et Shane Davis (couverture).



John Tower emmène Alicia Hardwicke voir Rafael Takahashi, son pourvoyeur d'armes non conventionnelles. En voiture, il lui explique la véritable nature des démons de l'Enfer, et leur objectif lorsqu'ils réussissent à s'échapper sur Terre. Quelque part en République de l'Union du Myanmar (Birmanie), Martin Castle (le responsable du Groupe Château) passe en revue les dernières créatures issues de la thérapie génique, tout donnant comme consigne à son assistant Somchai de confier la même mission à Tower et à la Confrérie de la Rose (par des canaux différents) : enquêter dans le manoir Burgesswood, dans le nord du Maine. Il serait le lieu de manifestation démoniaque. Dans le manoir, la progression de Tower et Hardwicke jusqu'au démon Adramelech va constituer une épreuve ardue. Sur place, la rencontre des 2 équipes va prendre un tour inattendu. Ce tome comprend également une scène se déroulant en 1123, en Syrie, apportant une information sur les origines de Martin Castle.



Derrière une couverture pas tout à fait convaincante de Shane Davis (le dessinateur de Superman earth one), le lecteur découvre la fin du premier volume des Chroniques de Tower. Il faut insister sur le principe de premier volume, puisque finalement il n'y a pas de fin à proprement parler, ou même de résolution d'une intrigue. John Tower reste ce dur à cuir, versé dans le savoir occulte, combattant hors pair. La dernière page vient révéler une autre de ses motivations, mais elle reste à l'état de simple idée, aucunement développée, juste une révélation choc et superficielle. Il chaperonne Hardwicke pour sa découverte du démon, lui expliquant les règles qui régissent son existence. Wagner prend soin de montrer que Tower est le plus fort quand il rencontre à nouveau Anton Bel Geddes et Bridgette Mason (les 2 membres de la Confrérie de la Rose). S'il est possible d'admirer Tower pour ses prouesses, il est difficile d'éprouver quelque chose pour lui. Bisley continue de respecter le cahier des charges en dessinant Tower comme un croisement entre un superhéros (avec costume) et un aventurier plus traditionnel (avec équipement réaliste). Le résultat n'est pas entièrement convaincant, avec une sorte de masque porté sous la capuche, un costume moulant comme celui d'un superhéros, une corde portée en permanence autour de l'épaule et en travers du tronc, un pistolet démesuré, un grand couteau (avec une lame ionique), etc. À l'arrivé le lecteur a l'impression de contempler un assemblage hétéroclite qui évoque plus la parodie du fait de la surenchère que le premier degré. Cette impression d'exagération à des fins comiques s'accentue avec la tenue improbable de Bridgette Mason avec string et cuissardes, totalement déconnecté de tout pragmatisme. Pourtant la narration reste premier degré du début à la fin, en contradiction avec ces éléments.



Dans cette quatrième partie, Hardwicke est cantonnée à donner la réplique à John Tower, ni plus ni moins qu'un faire-valoir à la personnalité inexistante. Ses relations avec Tower restent très basiques, presqu'uniquement fonctionnelles. Les quelques autres personnages sont encore moins développés. Le fait que Martin Catle cite Sun Tzu, Charles Baudelaire, Alice Cooper et le livre de l'Ecclésiaste de la Bible Hébraïque ne le rend pas plus consistant pour autant. Du coup le lecteur se rabat sur l'intrigue et l'aventure. La première repose sur une exploration du manoir des Burgesswood, très linéaire, avec plusieurs éléments convenus et une grosse baston à la fin. Autant dire qu'il s'agit d'une quatrième partie des plus déconcertantes puisqu'elle ne propose qu'un cas supplémentaire réglé de main de maître par John Tower. Coté aventures, c'est un peu plus inventif surtout grâce à Simon Bisley. La première page est occupée par un dessin pleine page qui présente une vision d'âme torturée en enfer, par des démons. C'est à la fois sarcastique, mais avec quelques éléments horrifiques. Si le lecteur regarde l'image en coup de vent, il n'y voit qu'une représentation vaguement chrétienne de tortures basiques. S'il prend un peu plus de temps, il découvre que Bisley a pris soin de concocter quelques situations peu ragoûtantes (la cage thoracique d'une femme remplie de têtes de nourrissons pour jouer sur les terreurs de l'enfantement). En fonction du scénario Bisley va se sentir plus ou moins à l'aise, ou la bride sur le cou, pour donner libre cours à son inspiration. Cela va de visuels qui font ressortir l'artificialité du scénario (pourquoi est-ce que Tower et Hardwicke utilisent une corde pour s'introduire dans la demeure ?), à des images plus viscérales (cet oeil sorti de son orbite, mais encore attaché par le nerf optique, cette épée ensanglantée avec une viscosité parfaite du sang, ce vomi verdâtre de démon, etc.). Il va également se sentir plus ou moins impliqué pour les décors (enfin plus dans le premier tiers que par la suite).



À l'issue de la lecture des 4 parties de cette première histoire, le lecteur a découvert un nouveau personnage que les responsables éditoriaux essayent de positionner de manière ostentatoire et artificielle à mi-chemin entre le superhéros (pour son apparence) et l'aventurier pourfendeur d'horreurs surnaturelles répugnantes. Matt Wagner en bon architecte a su structurer son récit pour que toutes les pièces tiennent et forment un tout cohérent. Mais le lecteur ressort avec l'impression que beaucoup de ces pièces ont plus été insérées pour fournir des développements ultérieurs, que pour nourrir le personnage principal. Cette sensation est accentuée par la superficialité des personnages réduits à 2 caractéristiques psychologiques maximum. Il reste un récit vif et dépaysant, avec de beaux monstres. Cet aspect est parfaitement mis en valeur par Simon Bisley qui s'investit pour faire de chaque monstre une horreur sortant de la banalité. Ses dessins sont rendus plus séduisants par l'encrage en douceur de Rodney Ramos. Leurs images intègrent de temps à autre un second degré bienvenu, mais pas forcément voulu par le scénariste.
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The Tower Chronicles: Geisthawk 3

Ce tome est initialement paru en 2013. Il fait suite à Geisthawk 1 et Geisthawk 2 qu'il faut avoir lus avant. L'histoire est écrite par Matt Wagner, dessinée par Simon Bisley, encrée par Rodney Ramos, et mise en couleurs par Ryan Brown. La couverture est de Tim Bradstreet.



John Tower est attendu par des représentants de la Confrérie de la Rose dont le commandant Anton Bel Geddes, et Bridgette Mason, une femme musculeuse et solidement charpentée, peu commode. L'enjeu de leur confrontation réside dans l'artefact récupéré par Tower : la cape d'impunité de Mammacus Spurrina. La scène suivante présente un ancêtre de John Tower : Jean LaTour, alors qu'il officie en tant que pirate aux large de la Côte des Barbaresques, en 1680. Il est question d'un autre artefact : le miroir de Xi An Zhou Li. De retour à l'époque actuelle, John Tower rencontre un succube sur le bateau qui le ramène aux États-Unis. Anton Bel Geddes doit rendre compte au responsable de la Confrérie de la Rose. Tower s'interroge pour savoir s'il lui reste d'une chance d'aboutir à l'objectif qu'il s'est fixé ou si tout ça est vain. Il finit par accepter d'apporter de l'aide à Andrew Daniels, un collègue de Romulus Barnes (le responsable du site Geisthawk). Enfin il va à nouveau requérir l'aide d'Alicia Hardwicke pour une enquête un peu spéciale.



Il s'agit donc du troisième consacré à John Tower, et cette fois-ci Matt Wagner révèle beaucoup de choses sur le personnage et les organisations qui gravitent autour de lui (ou plutôt contre lui). Comme dans les tomes précédents, il va piocher dans les grands romans d'aventure du dix-neuvième siècle pour nourrir son intrigue, en rajoutant un passage par la piraterie, une succube et des monstres sortis des contes et légendes britanniques, ces derniers évoquant fortement des monstres apparaissant déjà dans le premier tome de Mage (The hero discovered, les aventures de Kevin Matchstick, écrites et dessinées par un certain Matt Wagner). John Tower est toujours cet individu ténébreux habité par une forme douce de mélancolie, revêtu d'un habit à mi-chemin entre le superhéros et le costume d'héros de roman d'aventure (mais avec une capuche). Au fil des pages, John Tower ne gagne pas vraiment en personnalité, ni en mystère. Wagner établit une continuité sur plusieurs siècles qui n'a rien de très originale. Par contre les artefacts font preuve de plus d'inventivité. Le chef de la Confrérie de la Rose évoque irrésistiblement celui de la secte des Cigares du pharaon, avec le même air de méchant d'opérette. Les atermoiements d'Alicia Hardwicke manquent de crédibilité : elle se lamente bêtement sur le manque d'intérêt de son boulot, maintenant qu'elle a découvert qu'il existait des êtres surnaturels et que le beau et ténébreux Tower lui manque. Matt Wagner écrit des dialogues entre série B et série Z pour un effet plus comique que dramatique. Ce n'est as en rajoutant une couche de voyage exotique en 1438, au départ de Florence, qu'il améliore la qualité de son récit.



Il faut dire que Bisley se révèle particulièrement peu crédible lors de ces scènes sur des bateaux, en attribuant des postures stéréotypées, sur des embarcations dont il ne maîtrise pas vraiment les détails (= ça fait très kitch tout ça). En fait le style de Bisley ne prend toute sa saveur que lorsque le scénario s'enfonce dans le grotesque, ou l'horreur (soit une bonne moitié du récit). En particulier les 2 artefacts présentent des particularités visuelles qui les rendent singuliers et originaux. Le passage mettant en scène le succube, de la séduction à l'affrontement, est une grande réussite de bout en bout avec une frontière perméable entre sexualité et animalité admirablement bien rendue. L'emphase avec laquelle Bisley dessine le responsable de la Confrérie ajoute encore à sa prestation de méchant de série Z, avec ses gesticulations ridicules. Ses qualités réapparaissent avec les monstres hantant l'immeuble d'Andrew Daniels pour un jeu de massacre très savoureux. Bisley s'amuse ensuite avec une séance de spiritisme animée par une femme roumaine des plus goûtues à la fois pour son aspect plausible, et son second degré.



Troisième tome des aventures de John Tower, Matt Wagner enfile les courtes scènes au détriment de l'immersion du lecteur dans chaque passage. Certaines sont taillées sur mesure pour mettre en valeur les qualités de dessinateur de Simon Bisley. Dans ces cas là, la scène gagne en intensité et se suffit à elle-même. D'autres exigent de Bisley de dessiner des éléments qu'il maîtrise mal, ou des scènes banales ce qui fait chuter l'intérêt du récit. D'un point de vue global, Matt Wagner s'en tient à une histoire d'aventure assez simple dans sa construction, avec un soin particulier apporté à installer des ambiances propices à permettre à Bisley de dessiner ce qu'il sait faire de mieux.
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Sandman Mystery Theater: The Face-and-the-B..



Ce tome fait suite à The Tarantula (épisodes 1 à 4). Il contient les épisodes 5 à 12, soit 2 histoires complètes, parus en 1993/1994. Tous les scénarios sont de Matt Wagner.



Épisodes 5 à 8 "The Face" (illustrations de John Watkiss) - En février 1938, Dian Belmont et 3 copines s'offrent un bon repas dans un restaurant de Chinatown, à New York. Dian y croise Jimmy Shan (Zhang Chai Loa de son nom chinois), un de ses anciens amants, et un chinois pur souche. En sortant du restaurant, elles repèrent un masque accroché à un mat de mobilier urbain. En le décrochant, l'une d'entre elles découvre une tête tranchée en dessous. C'est le premier symptôme d'une guerre des triades en plein Chinatown, sans que la police officielle (celle des blancs) n'y puisse grand-chose.



Guy Davis laisse sa place à John Watkiss pour les illustrations. Ce dernier est tout aussi éloigné des styles traditionnels des comics que son prédécesseur. Il aime bien marier un encrage appuyé, à un encrage plus fin. Il ne souhaite pas rendre les visages particulièrement séduisant ou attirant ; il préfère se concentrer sur une impression globale avec des surfaces noires appuyées pour poser la forme en générale, et quelques traits un peu plus fins pour apporter les éléments complémentaires. À la lecture, cela donne des expressions qui se déchiffrent du premier coup d'oeil, sans ambigüité. Mais si vous aimez détailler les dessins, vous serez surpris par cette technique de composition qui fait coexister des surfaces parfois informes avec des traits structurants plus clairs, tout en restant un peu grossier.



Cela n'empêche pas Watkiss de réussir des compositions marquantes telles que Dodds en train de pratiquer la méditation dans sa chambre, ou la classe de dandy de Jimmy Shan. En fait Watkiss est à l'unisson de la narration : des images brutales et sans concession pour asséner une ambiance et une apparence, avec un fond travaillé tant pour la composante historique que pour la dramatisation. Effectivement ces illustrations permettent au lecteur de pleinement se projeter à cette époque et dans ce quartier. Pour la petite histoire, la mise en couleurs de Dave Hornung a été atténuée car il avait choisi une couleur jaune vif pour la peau des asiatiques qui avait été jugée offensante par certains lecteurs, alors qu'Hornung était dans la droite ligne du parti pris narratif, à savoir un récit de genre s'appyant sur des codes narratifs tels que le péril jaune.



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Épisodes 9 à 12 "The Brute" (illustrations de R.G. Taylor) - À New York dans le quartier portuaire, un marin en train de lutiner une péripatéticienne sur le quai se fait agresser et tuer par un individu de plus de 2 mètres avec une très forte carrure. Arthur Reisling (un organisateur de combats de boxe très prospère) propose à Wesley Dodds de participer au financement d'une expédition scientifique en Antarctique. Ramsey est l'un des boxeurs participants aux combats organisés par l'entreprise de Reisling, il perd plus souvent qu'à son tour. Reisling lui propose de participer à des combats clandestins, plus dangereux mais beaucoup plus rémunérés. Or Ramsey a sa petite Emily (sa fille) à nourrir et à soigner (elle semble souffrir de la tuberculose). Dian Belmont continue à chercher en quoi elle peut contribuer à la société de manière constructive.



Cette partie est illustrée par R.G. Taylor dans un style moins marqué que celui de Watkiss, un peu plus proche de celui de Guy Davis, et tout aussi irréconciliable avec le style superhéros. Les composantes d'époque, sont bien respectées, même si elles sont moins détaillées que chez Watkiss. Les formes sont un peu plus esquissées, et les visages moins élaborés. Taylor se rapproche plus de dessins rapides portant la narration avec une vision artistique moins sophistiquée que celle de Watkiss.



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Avec ces 2 histoires, Matt Wagner sublime le genre "pulp" de ces récits pour atteindre un récit riche, accessible, sensible, palpitant, brutal et intelligent. Il respecte les codes des pulps : récit d'époque, enquête sur un meurtre brutal et répugnant, héros portant un masque et disposant d'un gadget technologique (ici les cartouches de gaz de Sandman), descente dans les milieux populeux. Il dépasse les stéréotypes du genre de toutes les manières possibles. L'enquête ne se limite pas à taper sur les suspects et les indics jusqu'à remonter au coupable : il y a une vraie intrigue, avec un mobile plausible à chaque fois et un criminel autant servi par son intelligence que par la force. Il intègre plusieurs caractéristiques de la fin des années 1930 (abâtardissement du jazz noir par les blancs, racisme ordinaire, misère sociale, arrogance des classes favorisées, etc.).



Et puis il y a la relation naissante entre Wesley et Dian qui prend des allures de séduction complexe, fondée sur bien autre chose qu'une simple attirance physique. Il y a le sentiment d'insatisfaction de Dian Belmont qui refuse de se conformer à ce que sa position sociale lui dicte (profiter des sous de papa jusqu'à trouver un mari, puis profiter de ses sous à lui). Il y a les éléments très "pulp" dont le caractère fruste et basique permet à Wagner de montrer l'essence même du sujet qu'il traite. Emily (la fille du boxeur) est rapidement décrite. Ses propos ne ressemblent pas à ceux d'une fille de son âge, ils sont dramatisé exprès pour ajouter un pathos artificiel. Non seulement elle vit dans le dénuement, mais en plus elle souffre d'une maladie incurable pour laquelle le père ne peut même pas acheter les médicaments faute d'argent. Et pour faire bonne mesure, elle devient la victime d'un acte ignoble. Mais par ces artifices, Wagner expose l'horreur de la maltraitance des enfants d'une manière magistrale qui n'autorise pas le voyeurisme malsain. Impossible de rester de marbre devant ces horreurs narratives. Et quand il le faut, Wagner sait aussi user de subtilité. Lorsqu'il intègre le racisme ordinaire de l'époque, les termes méprisants sont présents. Mais c'est finalement Zhang Chai Loa qui aura la remarque la plus terrible quand il fait observer à Dian qu'elle ne l'appelle que Jimmy (surnom américanisé) et jamais de son vrai nom (= racisme ordinaire de l'individu qui ne fait pas le pas en avant pour rencontrer l'autre dans sa différence culturelle). Pour elle, Jimmy ne sera intégré que lorsqu'il aura adopté la culture du pays et abandonné la sienne.



Ces 2 histoires sont la preuve éclatante que la littérature de genre peut être aussi pertinente et profonde que la littérature générale. Le tome suivant s'appelle The vamp (épisodes 13 à 16) ; il a été coécrit par Matt Wagner et Steven Seagal, et illustré par Guy Davis.
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Zorro

Il s'agit du troisième tome consacré à Zorro, écrit par Matt Wagner, après (1) Trail of the fox (épisodes 1 à 8) et (2) Clashing blades (épisodes 9 à 14). Ce tome contient les épisodes 15 à 20, initialement parus en 2009/2010, écrits par Matt Wagner (également qualifié de directeur artistique), dessinés, encrés et mis en couleurs par Francesco Francavilla, avec des couvertures de Matt Wagner. Il n'est pas besoin d'avoir lu les tomes précédents pour apprécier celui-ci.



En 1805, le général Rafael Luis Mancado (gouverneur des colonies de Haute Californie) organise une réception chez lui. Il est craint de tous ses employés pour sa discipline de fer. Il invite ses hôtes à lui parler d'un brigand sévissant dans la région de Los Angeles et se faisant appeler Zorro. En fonction des convives, ce hors-la-loi serait un spectre vengeur, ou un shaman Tongva (peuple amérindien habitant la région), ou encore un noble espagnol trompant son ennui en se livrant à des vols pour l'ivresse de l'interdit. À Los Angeles, Diego de la Vega explique à Lolita Maria Immucalata de la Pulido qu'il doit rompre ses fiançailles avec elle pour éviter de la mettre en danger (elle connaît son identité secrète). Zorro s'attaque à l'exploitation de don Rafael Guillermo de la Vargas, propriétaire terrien régnant sur ses terres comme un tyran. Pendant ce temps là, les autochtones s'interrogent sur les véritables motivations de Zorro, s'il s'agit d'un sauveur, s'ils doivent l'aider ou préparer un soulèvement pour profiter du trouble qu'il sème chez l'occupant espagnol.



La quatrième de couverture vante ce tome comme un hommage à Rashomon d'Akira Kurosawa (1950). Il faut comprendre par là que Matt Wagner utilise le dispositif narratif qui consiste faire raconter la même scène à plusieurs témoins pour faire apparaître les différences, révélatrices de la personnalité et de la culture de chacun. L'éditeur aurait pu tout aussi bien mettre en avant l'hommage à Year one de Frank Miller et David Mazzuchelli, dans la manière où Zorro s'en prend aux nantis (Ils ont prospéré sur la richesse de Gotham / Los Angeles, maintenant ils vont payer).



Après un second tome peu convaincant, Matt Wagner revient au thème principal de son récit : Zorro est le personnage qui servira de modèle à tous les personnages masqués par la suite. Il évoque donc les conventions du genre. Cette version de Zorro dispose d'une épaisseur substantielle qui évite d'aligner les stéréotypes. Le lecteur redécouvre que les clichés des comics des superhéros trouvent leur source dans des actions qui étaient justifiées par un contexte. Ainsi Zorro n'est pas qu'une pale imitation de Robin des Bois. Il possède un sens de la justice qu'il a acquis auprès d'un mentor. Son surnom de renard trouve sa source dans les croyances amérindiennes, en particulier celles de la tribu des Tongva, peuple amérindien qui habitait la région de Los Angeles et ses alentours, en Californie, avant l'arrivée des européens.



Zorro défend les opprimés contre les méchants occupants espagnols. Toutefois Diego de la Vega est lui-même un espagnol. Le témoignage d'individus qui l'ont vu ou plutôt qui en ont entendu parler permet de faire ressortir par contraste que Zorro n'est rien de toues ces images déformées (avec une mention spéciale pour le noble se défonçant à la montée d'adrénaline). Zorro combat bien l'injustice sociale, l'exploitation des travailleurs par une classe dirigeante cherchant à maximiser le profit. Au fil des épisodes, Matt Wagner joue avec cette notion la triturant dans tous les sens. En particulier, Zorro pourrait être réduit à un symbole de liberté venant libérer les masses laborieuses, mais ces mêmes ouvriers n'arrivent pas à décider par eux-mêmes s'ils le voient en meneur politique ou si au contraire les interventions de Zorro ne sont qu'une distraction dont ils doivent profiter pour se révolter et constituer leur propre assemblée politique. À l'évidence les occupants espagnols sont d'affreux capitalistes exploitant une main d'œuvre, mais l'intervention de Zorro dans un ranch agricole ne remet pas en cause ce système capitaliste. Il ne dépose même pas le propriétaire du ranch, il lui intime juste d'instaurer une répartition des gains plus équitable et d'améliorer les conditions de travail. De la même manière, le lecteur ressent que l'occupant espagnol n'est pas le bienvenu sur le sol de la nation américaine, un envahisseur sans légitimité. Mais finalement le peuple légitime n'est autre que la tribu Tongva, soit un peuple indigène qui ne sera pas mieux traité par le gouvernement américain.



Finalement les actions de Zorro et leurs conséquences se prêtent à une interprétation politique des plus étranges et des plus ambigües. Non seulement Zorro ne milite pas pour une révolution qui permettrait au peuple indigène de décider de son sort par lui-même, mais en plus Diego de la Vega est l'un des occupants, blanc (et pas indien), bénéficiant d'une situation sociale des plus confortables puisqu'il n'a pas besoin de travailler pour subvenir à ses besoins. Ne parlons même pas du rôle subalterne de Bernardo, relation qui reproduit à l'identique le schéma colonial espagnol / indien. Matt Wagner joue également sur la relation entre Diego de la Vega et Lolita Maria Immucalata de la Pulido. De la Vega explique pourquoi il ne veut pas donner l'impression de s'attacher à la belle demoiselle et encore moins l'impliquer dans ses activités clandestines. Wagner expose à sa manière l'impossibilité pour un justicier masqué de maintenir une relation amoureuse suivie, du fait du danger pour le conjoint.



C'est avec grand plaisir que le lecteur retrouve les dessins de Francesco Francavilla pour ces 6 épisodes. Ses dessins combinent une apparence spontanée, un peu grossière, avec des combinaisons chromatiques frappantes, et des aplats de noir conférant une densité substantielle aux dessins. Le lecteur ressent donc une immédiateté chargée d'affect à la découverte des images. Derrière cette forme d'évidence et cet impact émotionnel, il découvre que ces dessins de prime abord frustes sont savamment composés pour comprendre un niveau de détails dosés avec habilité en fonction des séquences (de décors détaillés, à des arrières plans vides). Il constate que les couleurs qui peuvent paraître primaires sont en fait choisies avec soin. Pour les scènes nocturnes, le noir et l'ocre dominent, avec des variations de nuances discrètes. À chaque fois que l'action devient la composante principale, la couleur rouge apparaît en fond de case pour rehausser la violence des échanges. Les quelques scènes en journée sont parées de couleurs moins foncées pour rendre compte de la luminosité. Francavilla prévoit avec soin ses placements de caméra pour que le lecteur ait soit une vue générale de la scène, ou qu'il soit placé au cœur de l'action, aux côtés de Zorro. Il se révèle un metteur en scène chevronné, imaginant ses plans en fonction des séquences, sachant rendre palpitante aussi bien une course poursuite à cheval qu'une conversation à table.



Avec ce troisième tome, Matt Wagner retrouve l'inspiration pour montrer en quoi Zorro est le moule à partir duquel tous les justiciers masqués ont été imaginés, ainsi que la rouerie nécessaire pour faire apparaître en quoi un justicier masqué est autant le défenseur des opprimés que de l'ordre établi. Le retour de Francesco Francavilla permet de tirer vers le haut la qualité graphique, avec une apparence intemporelle légèrement surannée, mais avec en fait une grande efficacité de la narration, des plus modernes. Francavilla a depuis réalisé un magnifique hommage aux pulps : The Black Beetle. Matt Wagner a écrit une deuxième saison des aventures de Zorro : Zorro rides again (dessiné par Esteve Polls) et The wrath of Lady Zorro (dessiné par John K. Snyder III).
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Zorro Year One Volume 2

Ce tome fait suite à Zorro 1 (épisodes 1 à 8). Il contient les épisodes 9 à 14 parus en 2009.



Zorro a fait ses premières apparitions dans le tome précédent ; il a en particulier sauvé Mendoza (un prêtre) de l'Alcalcade (le représentant du Roi d'Espagne sur le territoire de la Californie). Zorro recrute Mendoza pour redistribuer les richesses qu'il confisque (ou libère) aux riches oppresseurs, ainsi qu'aux représentants de l'autorité administrative. Plus tard Alejandro de la Vega explique à Diego (son fils) qu'il souhaite réaliser une alliance avec Don Carlos Miguel de la Pulido, un autre propriétaire terrien pour contrer l'influence de Luis Quintero (l'Alcalcade). Alejandro envisage cette alliance sous la forme d'un mariage entre Diego et Lolita Maria Immucalata de la Pulido. Esteban Pasquale (le nouveau second de Luis Quintero est un Don Juan redoutable. Il a également des vues sur la belle Lolita. Ce qui complique un peu la situation, c'est qu'il existe un filon d'or sur les terres des de la Pulido que convoite l'Alcalcade pour des raisons évidentes, mais aussi pour d'autres.



Après avoir fait tenir tant bien que mal le roman d'Isabel Allende en 8 épisodes, Matt Wagner peut maintenant développer de nouvelles aventures pour Zorro. Wagner a conservé la double identité avec Diego de la Vega assez efféminé et totalement superficiel, sauf que bien sûr quand Esteban Pasquale s'approche trop près de la belle, Diego en exagérant sa maladresse rend son rival officieux ridicule. La problématique avec ce genre de dispositif, c'est qu'il a été tellement utilisé depuis (en particulier le maladroit Clark Kent qui contrarie sans faire exprès ceux qui tourne trop près de Lois Lane) que Wagner utilise juste un cliché éculé. Par contre, il est toujours aussi agréable de voir Zorro souriant. On est loin de ces héros masqués torturés qui souffrent chaque fois qu'ils doivent combattre le mal. Ici Zorro redresse les torts, c'est sa mission et c'est sa joie.



Au-delà de Diego de la Vega, les autres personnages ont peu d'épaisseur. Alejandro de la Vega est un homme riche soucieux de combattre l'iniquité du pouvoir en place, mais sans aller jusqu'à remettre en cause le principe du capitalisme, ou la domination des espagnols sur la population autochtone. Hermano (j'ai du mal à ne pas l'appeler Bernardo) n'est là que pour donner la réplique à Diego et lui servir d'équipier pour maintenir sa forme à l'escrime. Même Lolita, la jolie jeune femme, a du mal à exister. Sa mère explique bien pourquoi elle dispose d'autant de libertés et de prérogatives à une époque où la condition féminine était encore bridée, mais malgré tout son seul trait de caractère est son esprit d'indépendance. Luis Quintero n'est motivé que par son appât du gain et il est réduit à une caricature de méchant du début jusqu'à la fin. Esteban Pasquale est un homme à femmes doté d'une grande force qui a l'habitude d'arriver à ses fins par l'intimidation. Il est également un peu soupe-au-lait. Wagner s'est contenté de rassembler plusieurs défauts de caractère pour faire ses méchants, et hop le tour est joué.



Il reste l'intrigue globale qui marie les stratégies vouées à l'échec de l'Alcalcade et ses troupes, avec des scènes d'action très réussies. Pour ces épisodes, Francesco Francavilla a laissé la place à Cezar Razek pour les illustrations. Au départ ses dessins souffrent de plusieurs défauts. Pour commencer, il sujoue les expressions des visages pour des effets comiques qui tombent à plat. Si chaque visage est bien distinct des autres, les expressions exagérées desservent la crédibilité de l'histoire surtout quand il s'agit des 2 méchants qui dégénèrent encore plus en caricatures, mais aussi quand il s'agit de Diego dans son rôle de dilettante. Des expressions plus mesurées auraient permis d'introduire de l'ambigüité dans les caractères des personnages, au lieu de cela ils sont encore plus réduits à des profils archétypaux. Le deuxième défaut de ces illustrations est le manque de texture des objets, des vêtements et des matériaux dans la première moitié du récit. Salvatore Aiala rame comme une bête pour essayer de différencier l'apparence d'un vêtement de celle d'un meuble en bois. Et puis il y a les décors qui peuvent disparaître pendant une page entière, brisant ainsi la sensation d'immersion.



Par contre, Razek réussit de belles images iconiques de Zorro. Les scènes d'action sont claires, lisibles et fluides. La course-poursuite finale est impressionnante. Et heureusement, il sait dessiner un cheval correctement. D'après les indications, il semble aussi qu'il ait bénéficié de l'aide de Francavilla sur quelques planches. Par contre la fiabilité des éléments de décors varie. Autant l'intérieur de la hacienda des de la Pulido est un vrai ravissement, autant la diligence semble schématique et peu crédible.



Cette histoire est donc en demi-teinte avec des personnages peu développés, sauf Diego de la Vega, et des illustrations dont la qualité varie fortement d'un épisode à l'autre. Matt Wagner continue à faire chevaucher Zorro dans Tales of the fox.
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Zorro Year One Volume 1

Zorro est un personnage créé en 1919 dans un roman écrit par Johnston McCulley. Il a donné lieu à de nombreuses interprétations, et pour ma part Zorro aura toujours les traits de Guy Williams dans la série de Walt Disney datant de 1957. Je peux comprendre que les plus jeunes penseront plutôt à Antonio Banderas (1998). En 2005, ce personnage a bénéficié d'un regain de popularité aux États-Unis grâce au roman d'Isabel Allende qui constitue une biographie fictive de 1790 à 1812. Il n'en a pas fallu plus pour donner des idées à Dynamite Entertainment pour lancer une nouvelle série de comics. Ce tome comprend les épisodes 1 à 8 de cette série ayant débuté en 2008, qui suit Diego de la Vega de ses 8/10 ans à ses toutes premières apparitions en tant que Zorro dans la région de Los Angeles.



Donc Matt Wagner entrecoupe des scènes du temps présent dans lesquelles Zorro fait sentir sa présence auprès des militaires maintenant l'autorité, avec des scènes du passé. Le lecteur est ainsi aux premières loges pour découvrir le drame qui a achevé de rapprocher Diego et Bernardo. Il assiste à la découverte des grottes qui se situent à proximité de la hacienda des de la Vega. Il apprend comment le renard est devenu le totem de Diego et il découvre quel est celui de Bernardo. Wagner expose ce qui a incité papa de la Vega à envoyer son fiston en Espagne et ce qu'il a vraiment appris là-bas. Tous les éléments du mythe trouvent leur explication et leur fondation. Le tome se conclut sur un Zorro fièrement campé sur Tornado et faisant la nique à un régiment entier, avant de s'enfuir dans la nuit.



Le tome se termine avec une courte interview d'une page de Matt Wagner. Il y explique qu'il a demandé à réaliser ce comics car pour lui Zorro est le prototype de tous les superhéros à venir dans l'histoire des comics à commencer par Batman, en passant par The Shadow (Lamont Cranston, héros des pulps). Pour Wagner, Zorro intègre déjà tous les éléments spécifiques à ce genre, que ce soit la cape, le masque, la double identité, les capacités hors du commun, la personnalité civile pathétique, etc.



Un élément spécifique de ce héros est vraiment bien rendu : les tactiques de Diego de la Vega. Dès sa création, Zorro est un personnage qui conquiert la victoire grâce à sa ruse (comme un renard) et à sa préparation, en évitant au maximum la confrontation brutale à coups de poing. Wagner montre bien comment l'éducation et le parcours de Diego et de Bernardo leur permettent d'acquérir toutes les connaissances nécessaires pour mystifier les pauvres soldats sans avoir à les battre un à un. Pour tous les autres aspects du mythe, tout est parfaitement en place, même si Wagner a largement édulcoré le roman d'Allende, en supprimant plusieurs passages. Il ne s'agit donc pas d'une adaptation, il s'est simplement inspiré de cette biographie fictive.



Pour l'aspect visuel, l'interview révèle que Francesco Francavilla s'est également porté volontaire pour illustrer ce projet. En fait la page de présentation précise que Matt Wagner sert de directeur artistique (quoi que ce titre ronflant puisse vraiment signifier) et Francavilla d'artiste. 2 pages de sketches incluses en fin de volume permettent de comprendre que Wagner a développé la conception visuelle du personnage et du fonctionnement de son costume. Le style de Francavilla oscille entre un réalisme parfois un peu naïf et des éléments plus esquissés. En tant que lecteur, j'ai parfois eu l'impression qu'il s'adresse à des lecteurs plus jeunes. Par exemple, j'ai du mal à comprendre pourquoi sa représentation de la hacienda des de la Vega ne repose pas sur des références plus solides. J'ai eu l'impression qu'il avait concocté un bâtiment à partir de souvenirs un peu flou, pour un résultat qui donne le sentiment d'un décor en toc qui ne respecte pas quelques règles basiques de l'architecture. À part ce point, cet illustrateur s'en sort plutôt bien : la Californie d'époque sonne juste, son Zorro appartient au monde des ténèbres sans être ridicule, Diego de la Vega est magnifique dans son costume de courtisan et ses attitudes efféminées, la violence fait mal sans tomber dans le voyeurisme, les poses classiques font mouche (Zorro s'élançant au bout d'une corde, apparaissant la nuit, les duels à l'épée sont plein de mouvements et de grâce. Même la touche de shamanisme paraît crédible. Ces illustrations bénéficient d'une mise en couleurs chaude et lumineuse (réalisée par Adriano Lucas) qui rappelle celle réalisée par Richard Isanove pour Wolverine : Origin (sans la texture gaufrée).



Alors pourquoi seulement 4 étoiles ? (1) je n'ai pas été convaincu par la structure du récit qui fait apparaître Zorro dès le début, ce qui casse l'ambiance des scènes du parcours formateur du jeune Diego. (2) Certaines scènes manquent d'épaisseur et il semble bien qu'en se limitant à 8 épisodes dont la moitié mangée par les premières apparitions de Zorro, Wagner n'ait pas disposé d'assez de place pour développer chaque élément (la rencontre avec Jean Lafitte est expédiée en 2 pages, trop vite pour que le lecteur ait le temps de s'y intéresser et de s'y investir) et pour établir une résonnance émotionnelle suffisante avec le lecteur. (3) La mise en page semble parfois un peu tassée quand il faudrait plus de place aux actions hautes en couleurs de Zorro. En fait Matt Wagner a déjà été beaucoup plus à l'aise dans des récits de début de carrière de Batman (Dark moon rising 1, par exemple).



Matt Wagner et Francesco Francavilla continuent de raconter les aventures de Zorro dans le tome 2 Clashing Blades, et dans le tome 3 Tales of the Fox. Matt Wagner s'est également occupé des débuts de Green Hornet dans The Sting of Justice.
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Madame Xanadu, tome 1 : Disenchanted

Pour la première fois un auteur prend le pari de raconter l'histoire de Madame Xanadu, plutôt que de s'en servir comme une simple faire valoir ou un deux ex machina. Les intrigues sont au nombre de 5, s'étalant chacune de 2 épisodes. Tout commence par une incursion lors des derniers jours de Camelot où Madame Xanadu rencontre pour la première fois le Phatom Stranger et emprisonne Merlin (dans un retournement de point de vue digne de Marion Zimmer Bradley dans Les Dames du lac, tome 1). Puis Matt Wagner nous emmène à la cour du Khan juste à temps pour accueillir Marco Polo. Là encore Madame Xanadu a un rôle actif dans la grande Histoire, alors que le Phatom Stranger intervient pour atteindre des objectifs moralement ambigus. La troisième intrigue plonge Madame Xanadu en plein milieu de la révolution française et elle rencontre Marie Antoinette, ainsi que Death (la soeur de Morpheus) et subit un emprisonnement peu agréable du fait des agissements du Phatom Stranger. Puis le récit passe à Londres, à Whitechapel, juste à temps pour que Madame Xanadu et le Phantom Stranger se retrouvent pris dans les agissements de Jack L'Éventreur. La dernière partie se déroule à l'aube de la seconde guerre mondiale avec Giovanni Zatara (le père de Zatanna) et Jim Corrigan.



Les illustrations d'Amy Reedler Hadley sont un véritable enchantement. Elle sait choisir les composantes de chaque situation pour évoquer une atmosphère (la forêt de Camelot, la cours du Khan, la prise de la Bastille...) de manière convaincante. Elle a choisi un style qui simplifie les traits des visages qui colle parfaitement à la véritable nature de Madame Xanadu. Elle réussit à se montrer à la hauteur de presque tous les endroits et périodes de l'histoire évoqués.



Le scénario de Matt Wagner est lui coincé entre 2 parti pris. D'un coté il réussit le pari audacieux de prendre comme personnage principal une créature féminine d'essence magique sans tomber dans les travers des superhéros, ni ceux de la fantasy bas de gamme. Il réussit à donner chair à un personnage qui n'est pas motivé par un sens manichéen du bien et du mal. Il sait rendre la Phantom Stranger vraiment machiavélique, moralement ambigu et vraiment intrigant. Il évoque avec subtilité quelques recoins de l'univers DC (The Demon et The Spectre). D'un autre coté, il semble s'être limité à une histoire qui reste à la surface. C'est criant quand on compare son traitement des crimes de l'éventreur à From Hell ou même à Jack l'éventreur : Affaire classée.



Alors, les origines de Madame Xanadu forme une histoire intéressante, son personnage s'incarne pour posséder une vraie personnalité avec ses bons cotés et ses mauvais. Ses talents de cartomancienne gagnent en épaisseur et prenne une forme logique et divertissante. Son apparence visuelle est à la fois mignonne et parfaitement cohérente avec sa nature. Mais le positionnement de cette série sous l'étiquette Vertigo m'avait fait espérer un récit plus ambitieux. Je retrouverai avec plaisir le personnage de Madame Xanadu dans Madame Xanadu 2: Exodus Noir en espérant que Matt Wagner aura plus d'ambition.
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Grendel vs. The Shadow

Il s'agit d'une histoire complète en 1 seul tome. Celui-ci comprend les 3 épisodes parus mensuellement en 2014, écrits, dessinés et encrés par Matt Wagner (le créateur de Grendel), et mis en couleurs Brennan Wagner. Ce tome a été co-publié par Dark Horse (éditeur de Grendel depuis plusieurs années) et Dynamite (détenteur de la licence du Shadow, également depuis plusieurs années).



En 1931 ou 1932, lors d'une intervention éclair du Shadow sur le port de New York, un objet d'art passé en contrebande tombe à l'eau. Des années plus tard, des marchands peu scrupuleux l'ont récupéré et le vendent à Hunter Rose. Ce vase contient un parchemin que Rose lit à haute voix, et le voilà transporté dans les années 1930.



La prohibition ne se termine que dans quelques mois, et une guerre de successions s'apprête à éclater à New York, entre les 7 plus grandes familles du crime organisé. Hunter Rose y voit une belle occasion pour s'installer. Le Shadow y voit une obligation pour éviter que cette guerre ne dégénère en fusillades ouvertes dans les rues.



Matt Wagner a créé le personnage de Grendel (Hunter Rose) au début des années 1980 ; il apparaît pour la première fois dans Devil by the deed (1984-1986). Il s'agit d'un génie à l'enfance difficile qui voit le monde comme son aire de jeux. Pour combattre l'ennui d'un monde médiocre, il mène une double vie d'écrivain mondain, et de génie du crime organisé. Les récits mettant en scène Hunter Rose ont été réédités dans Grendel Omnibus Volume 1: Hunter Rose, y compris le dernier en date Behold the Devil (2007/2008). Ce même personnage avait déjà bénéficié d'un crossover avec Batman, toujours réalisé par Matt Wagner : Batman/Grendel.



Le Shadow (Lamont Cranston / Kent Allard) est un personnage issu des pulps, créé en 1930 comme hôte radiophonique, puis développé comme personnage dans une série de romans écrits par Walter B. Gibson, à partir de 1939. Il a bénéficié de nombreuses adaptations en comics, dont une réalisée par Howard Chaykin (Blood and Judgement) et une autre série écrite par Andy Helfer dessinée par Bill Sienkiewicz, puis Kyle Baker (Shadow Master series Volume 1 et suivants). Matt Wagner a même écrit The Shadow: Year One (dessins de Wilfredo Torres).



Depuis plusieurs années, Matt Wagner s'était spécialisé dans l'écriture d'histoire pour proto-superhéros : The Shadow donc, mais aussi Green Hornet, et Zorro (voir Tales of the fox). À un premier niveau, Matt Wagner raconte une histoire de gangsters bien troussée, avec l'ascension d'un nouveau chef aussi mystérieux que charismatique, et un redresseur de tort au caractère obsessionnel et aux méthodes définitives.



Matt Wagner maîtrise les conventions du genre et les utilise avec pertinence. Hunter Rose est irrésistible en écrivain séducteur, dont le livre "Gomorrah highway" vient juste de sortir. Grendel est toujours aussi glaçant du fait du dédain avec lequel il transperce ses ennemis avec sa fourche bifide. Il se déplace avec grâce, réalise des cabrioles un peu démonstratives. Le Shadow dispose d'un langage corporel plus raide, et de convictions morales très arrêtées. Il utilise son identité de Lamont Cranston comme Batman utilise celle de Bruce Wayne, uniquement à des fins utilitaires.



Wagner met en branle un jeu de succession pour savoir qui règnera sur le crime organisé à New York, là encore avec un savoir-faire consommé. Le lecteur apprécie de voir les manigances habiles de Grendel, menant la famille Valentin par le bout du nez. Il regarde avec plaisir les actions du Shadow et de son équipe pour essayer de déterminer ce qui se passe dans la pègre. Comme dans "Batman / Grendel", le scénariste met en place 2 couples aux dynamiques différentes. Hunter Rose est tout à son jeu de séduction avec Sofia Valentin, jusqu'à la consommation physique. Lamont Cranston est incapable de montrer son amitié pour Margot Lane qui est entièrement sous son charisme, dans une relation platonique.



Matt Wagner réalise des dessins efficaces qui manient également bien les conventions du genre, qu'il s'agisse de celles de Grendel, de celles du Shadow, ou de celles du polar d'époque. Dès la première page, il y a une case avec les 2 colts du Shadow en train de cracher des balles, et le rire qui courent en bas de la case. Dans la page suivante, Grendel est assis avec élégance sur son fauteuil, dans un bel habit de soirée, avec sa canne à la main.



Matt Wagner a choisi une approche graphique assez complexe. Il recrée avec conviction le New York de cette époque, en insérant des références visuelles, aux bâtiments existants (et en faisant attention à ne pas inclure ceux qui n'ont pas encore été construits). Il inclut juste ce qu'il faut d'accessoires d'époque dans des cases éparses, pour que le lecteur puisse régulièrement constater à quelle époque se déroule l'histoire. Il prête une attention particulière à l'authenticité des costumes (et des toilettes de ces dames). Il varie les lieux d'action, donnant à voir de nombreux endroits. À plusieurs reprises, le regard du lecteur s'attarde sur une case (en particulier un parc magnifique avec des cygnes sur la pièce d'eau).



Wagner représente les scènes de combat, avec un premier degré assumé, mais sans s'attarder sur les blessures. Il donne des postures iconiques au Shadow comme à Grendel. Lorsque que les pistolets du Shadow entre en action, il y a de grosses onomatopées "BANG" autour. Lorsque Grendel utilise sa fourche, il apparaît des onomatopées "SHKKT". Il n'est pas possible de parler de dérision, mais plutôt d'une apparente désinvolture dans le traitement de ces affrontements. Brennan Wagner réalise un travail de mise en couleurs qui installe bien les ambiances de chaque scène, et qui masque habilement l'absence d'arrière-plan, le temps de 3 ou 4 cases.



Au final, le lecteur passe un bon moment à se plonger dans les années 1930, et à voir qui aura la plus longue entre le Shadow et Grendel, chacun avec sa propre motivation, le premier un sens du devoir de redresser les torts, le second une soif inextinguible de divertissement en prouvant que personne ne lui arrive à la cheville. 4 étoiles.



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- À un deuxième niveau, le lecteur prend conscience que Matt Wagner a réalisé un travail aux petits oignons. Il ne s'est pas contenté de recréer les années 1930, et de mettre en scène 2 personnages qu'il connaît bien. La maxime veut que Dieu (ou le Diable, en fonction des versions) se cache dans les détails. Effectivement, le récit est sympathique, mais il flotte une forme de désinvolture qui vient diminuer la force de son impact.



En y regardant de plus près, il saute aux yeux du lecteur que cette désinvolture n'est autre que celle d'Hunter Rose, mais que l'auteur lui a réalisé un travail d'artisanat minutieux et inspiré. Pour commencer, la reconstitution historique est irréprochable, jusque dans les menus détails. Ainsi quand Hunter Rose se met à pérorer sur les qualités littéraires d'Ernest Hemingway, son discours s'avère pertinent. Le fonctionnement des agents du Shadow est conforme aux principes établis de longue date, de Burbank à l'inspecteur Joseph Cardonna. Le caractère de Lamont Cranston correspond aux valeurs en vigueur à l'époque, et à la place des femmes dans la société. Wagner sait faire ressortir la personnalité de Margo Lane, malgré cela.



Pour les amateurs d'Hunter Rose, ce tome constitue également un régal. À l'évidence Matt Wagner maîtrise l'histoire de ce personnage, mais en plus il fait ressortir sa personnalité. Il y a donc les talents d'écrivain de Rose qui reviennent au premier plan (évoquant "My little Chickadee"), son ennui existentiel, sa grâce naturelle, son art de la manipulation, son absence de remords, etc. La fin apporte même une surprise, insérant un lien avec la continuité des personnages.



Du point de vue visuel, il faut également prêter attention pour capter les détails qui font passer cet hommage dans une catégorie supérieure. Cela commence dès la page 3 avec la collection d'objets, dans laquelle se trouvent le rasoir de Sweeney Todd et la canne d'Oscar Wilde. Cela continue avec les gratte-ciels de ce New York des années 1930. Et puis arrive Sofia Valentin, une femme fatale au caractère bien trempée, qui échappe aux stéréotypes pour réellement exister. La demeure de Margo Lane est magnifique, et la suite de Grendel au Waldorf Astoria est splendide.



Sous réserve d'être sensible à ces menus détails, le lecteur se laisse prendre par le charme de cette reconstitution soignée, par le caractère vénéneux d'Hunter Rose, par Lamont Cranston en prototype très convaincant de Bruce Wayne, par le jeu de miroir entre Margo Lane et Sofia Valentin, par les petites touches qui apportent des nuances aux personnages, par la relation très intense entre Sofia Valentin et Hunter Rose.
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Grendel : L'évangile du démon

L'appellation Grendel apparaît dans un poème épique anglais de la fin du premier millénaire. Matt Wagner s'est servi de ce nom pour baptiser un criminel qui sort de l'ordinaire. Cette histoire est la première dans la série des Grendel.



Un jeune garçon surnommé Eddie est un génie très précoce. Il est devenu un maître épéiste à l'âge de 14 ans et c'est à l'occasion d'un tournoi qu'il rencontre une autre escrimeuse de 34 ans dont il tombe amoureux. Leur liaison est brève et se termine par le décès prématuré de la dame. Accablé par l'ennui dans un monde qui ne recèle plus de défi pour lui, il choisit la carrière de tueur à gages pour le frisson, puis il se lance dans le crime organisé à grande échelle en prenant le pouvoir sur la côte ouest des États Unis. Face à ce jeune homme brillant et charmant, il y a une créature surnaturelle difforme baptisée Argent. Cet être mi-homme, mi-loup (ou autre chose) semble être le seul capable de tenir tête physiquement à Eddie. Ce dernier a d'ailleurs changé de nom et se fait appeler Hunter Rose. Pour commettre ses crimes, il s'est créé un costume noir avec une cagoule assortie et il manipule une sorte de lance à double lame. Il connaît également un grand succès en tant qu'écrivain. Suite à un assassinat remarquablement exécuté, il prend en charge Stacy Palumbo la fille du criminel qu'il vient de tuer. Elle développe également une forme d'amitié pour Argent.



Ce tome bénéficie d'une introduction d'Alan Moore qui en loue l'inventivité. Il est paru initialement sous forme de feuilleton de 4 pages en supplément des histoires de "Mage". Matt Wagner a imaginé l'histoire, l'a écrite et dessinée et l'a mise en couleurs et en a fait le lettrage. Les encrages ont été réalisés par Rich Rankin. Dès le départ, Matt Wagner avait choisi de faire de cette histoire un projet atypique. Il avait décidé que le personnage principal serait un criminel de belle allure, et que son opposant (du coté de la loi) serait une créature laide et repoussante. Du fait des contraintes de publication (par groupe de 4 pages de 1984 à 1986), Wagner a décidé d'opter pour une forme particulière : des illustrations imbriquées les unes dans les autres au moyen de figures géométriques, avec des pavés de texte, sans phylactères. Cette forme sortant de l'ordinaire complémente très bien la situation de départ sortant aussi de l'ordinaire. Enfin le narrateur qui raconte les événements est la fille de Stacy Palumbo qui n'a eu accès aux éléments de l'histoire que par les coupures de presse et les journaux intimes d'Hunter Rose.



25 ans plus tard, cette histoire reste toujours aussi prenante (et je l'ai lu à plusieurs reprises). Sur la base de pages de dessins complétées par du texte, Matt Wagner raconte comme si les événements appartenaient au passé, et même à l'histoire, avec un point de vue d'enquêteur, mais pas complètement objectif. Christine Spar interroge le passé pour comprendre qui était sa mère et qu'elles ont été les conséquences de sa vie avec Hunter Rose. La composition de chaque page est élaborée et utilise des axes de symétrie pour opposer les personnages, les diagonales de la page pour figurer un personnage pris en sandwich par les actions de 2 autres. Matt Wagner innove pour le rendu des combats. Dire que 2 adversaires s'opposent dans un combat chorégraphié est souvent un cliché galvaudé, mais ici la lutte finale entre Argent et Grendel est mise en page de manière à faire ressortir le ballet, plutôt que les blessures et les coups. Parmi les autres pages remarquables, il en est une qui est consacré à une série de meurtres des parrains du crime des autres villes du continent nord américain. Matt Wagner regroupe ces différents assassinats dans une roue dont le moyeu n'est autre que le masque de Grendel.



Suite à ce récit, Matt Wagner sera poussé par ses camarades à trouver comment le continuer. La réponse prendra la forme d'une série de 40 épisodes dans lesquels se succéderont une série de Grendel qui renouvelleront à chaque fois ce que représente ce personnage. En plus Matt Wagner saura s'entourer pour chaque incarnation de dessinateurs très talentueux avec des styles très marqués.
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Doctor Mid-Nite

Ce tome comprend les 3 épisodes (48 pages chacun) de la minisérie initialement parue en 1999. Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre qui raconte les origines d'une nouvelle incarnation du Docteur Mid-Nite. Le scénario est de Matt Wagner, et les dessins et couleurs de John K. Snyder III.



À Portsmouth (dans l'état du Washington), Camilla Marlowe attend son dealer au coin de la rue ; elle a besoin d'acheter sa dose de stéroïdes A39 (une drogue de synthèse) qui l'aide à surmonter son allergie à la lumière, des plus incapacitantes. Elle se fait aborder par Pieter Anton Cross (un médecin) qui lui conseille d'arrêter de fumer, manquant de lui faire rater son achat. Il la retrouve chez elle, se présente, énumère les risques inhérents à cette drogue de synthèse. Quelques jours plus tard il l'emmène lors de ses visites à ses malades, qu'il effectue de nuit et qui ressemblent plus à des visites de soutien à des miséreux et des laisser pour compte, qu'à des consultations médicales. Le docteur Cross dispose ainsi de son réseau d'informateurs, et de 2 assistants assez particuliers Nite Lite (un noir très baraqué) et Ice Sickle (un rasta débrouillard). Il propose à Camilla de l'examiner pour trouver une solution réellement médicale à son allergie aggravée. De son côté Camilla décide d'aider le bon docteur en effectuant des travaux de recherche sur le consortium Praeda. En enquêtant sur la disparition d'Atticus Searles (un de ses amis), il finit par attirer trop d'attention et perd la vue dans un accident de la route coûtant la vie à Katherine Blythe.



Le personnage du Doctor Mid-Nite a été créé en 1941 par Charles Reizenstein (scénariste) et Stanley Josephs Aschmeier (dessinateur), il s'agissait alors de Charles McNider, déjà médecin et aveugle (le premier superhéros aveugle). Avec cette minisérie, Matt Wagner a pour mission de ré-imaginer le personnage pour l'intégrer à la continuité DC de l'époque. Il décide de repartir à zéro avec un nouveau personnage, mais en gardant toutes les caractéristiques précédentes (personnage aveugle, hibou de compagnie, bombes fumigènes). Il faut quelques pages pour comprendre où veut en venir Wagner. Mais bien vite les indices convergent : une journaliste débrouillarde pour aider le héros, une connexion avec le peuple grouillant et les pauvres, une équipe de 2 messieurs aux talents particuliers, une belle voiture de collection, une vaste et riche demeure, un laboratoire secret, une fortune sans fond, des ennemis bizarres (Terrible Trio : Fox, Shark et Vulture, d'anciens ennemis de Batman créés en 1958, dont les personnalités animales appartiennent respectivement à la terre, l'eau et l'air) et une touche de surnaturel pour faire bonne mesure.



Matt Wagner utilise les ingrédients des histoires de type "pulp" pour revenir à la source de tous les superhéros, au proto superhéros. Derrière une narration sophistiquée, il ne s'agit ni plus ni moins que de rendre hommage à ce genre, à ces héros des années 1930. Alors que pour ses propres créations (Mage et Grendel), il fait preuve d'ambition et d'inventivité, ici il concocte une intrigue retorse et applique avec respect la recette des pulps, Doctor Mid-Nite tenant plus de Doc Savage que du Shadow. Le lecteur se rend compte que l'intérêt du récit ne réside pas dans les protagonistes (aux personnalités finalement peu développées, aux relations schématiques), ni dans une approche réaliste (le Doctor Mid-Nite dispose de Charlie, un hibou familier qui lui obéit comme s'il le comprenait, les 3 criminels sont particulièrement gratinés avec leurs masques d'animaux), mais plus dans l'exercice de style dans le registre aventures grand spectacle, avec un héros fortuné, téméraire et altruiste. L'intrigue est bien conçue et réserve de nombreuses surprises (dont une attaque de plateforme pétrolière).



Pour cette histoire, Matt Wagner collabore avec John K. Snyder avec lequel il avait déjà travaillé pour l'une des phases de Grendel : God and the Devil (inclus dans Orion's reign). Ici, Snyder s'occupe de tout, délimitant les personnages et les principaux éléments à l'encre, complétant chaque image à la peinture pour ajouter lumières et textures. Le lecteur découvre un univers visuel à la forte personnalité. Snyder a pris le parti de faire apparaître à chaque page la trame de la feuille de papier, ou peut-être même de la toile de peinture. Difficile de savoir si cette texture apparente de toile est due à un mode de reprographie techniquement limité, ou s'il s'agit d'un choix esthétique. Dans ce dernier cas, la signification de cette texture apparente n'est pas discernable.



Deuxième particularité marquée des images, Snyder opte souvent pour des couleurs intenses et vives aux subtiles variations. Il reprend avec des moyens plus élaborés les conventions du genre pulp qui comprenaient des couleurs vives et criardes pour intensifier la force des actions d'éclat, la violence des coups échangés. Cet aspect graphique est en parfaite cohérence avec le ton du récit et donne à voir à plusieurs reprises des séquences quasi surréalistes, tel le combat sous-marin à proximité du puits de forage pétrolier, baignant dans une ambiance vert fluo (entièrement justifiée par un élément du scénario).



Snyder aime bien également donner plus de substance à ses dessins en utilisant des compositions de couleurs un peu boueuse, ou éclaboussée apportant un degré de complexité visuelle à chaque case. Mais à bien y regarder, le lecteur constate que ce degré de complexité est régulièrement artificiel et sert à masquer un dessin un peu schématique, sans arrière plan, ou à donner une apparence d'originalité à des poses stéréotypées. À force il se produit une forme de dissonance narrative entre une intrigue bien bâtie sur des références classiques (les pulps) et des images conférant une apparence de modernisme, voire d'avant-gardisme qui attirerait l'attention sur le caractère expérimental du récit.



Matt Wagner imagine une histoire pour remettre au goût du jour un vieux personnage DC, tout en puisant son inspiration aux sources mêmes des superhéros : les pulps. Il raconte une intrigue de forme classique, en intégrant les conventions des pulps, depuis le riche héros altruiste jusqu'au familier entretenant un rapport mystique avec le héros, en passant par les ennemis bizarres. De son côté, les images de Snyder montrent un monde complexe, moderne, avec une ambition artistique qui semble en décalage par rapport au caractère direct de l'histoire.
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The Demon: From the darkness

Ce tome contient une histoire indépendante de toute autre. Il n'est pas besoin de connaître le personnage du Demon pour l'apprécier. Il contient les 4 épisodes de la minisérie de 1987 (écrits et dessinés par Matt Wagner, encrés par Art Nichols), ainsi que l'épisode 22 de la série mensuelle, initialement paru en 1992 (écrit, dessiné et encré par Matt Wagner, avec une mise en couleurs de Bernie Mireault).



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- "From the darkness" (minisérie en 4 épisodes) - De nos jours, quelque part dans des limbes indéterminés, Merlin est maintenu en captivité, allongé, transpercé de pointes acérés. L'histoire est commentée par une voix désincarnée dont l'identité ne sera révélée qu'en cours de récit. À Tintagel (ou du moins les ruines du château correspondant, en Angleterre), Glenda Mark a rattrapé Jason Blood. Elle lui met sous le nez un livre ancien dans lequel un démon est représenté. Il s'agit de Belial et il ressemble fortement à Etrigan, le démon que Merlin a lié à Jason Blood. Glenda voit là un premier indice qui permettrait de découvrir la véritable nature d'Etrigan, et peut être de déterminer comment annuler le sort qui lie Etrigan à Jason Blood. Mais pour y arriver, Brenda et Jason vont avoir besoin de l'aide d'Etrigan, un démon manipulateur. Brenda dispose d'une arme efficace : la pierre philosophale.



Les voies des rééditions sont impénétrables. Quel responsable éditorial a décidé de sortir cette histoire de l'oubli ? Pourquoi celle-là plutôt qu'une autre ? Quoi qu'il en soit, pour tout amateur de Matt Wagner, c'est un grand plaisir que d'avoir accès à cette œuvre mineure et de découvrir son premier travail pour DC Comics, qui plus est sur un personnage de Jack Kirby. Matt Wagner s'est fait connaître avec les aventures de ses propres personnages, en particulier les séries Mage et Grendel, révélant une véritable ambition littéraire, s'exprimant dans le récit de genre.



Lorsque le lecteur plonge dans "From the darkness", il est frappé par 2 aspects de la narration. Le premier concerne les dessins. Matt Wagner fait bien preuve de cette capacité à concevoir et à réaliser des images iconiques, donnant une forme de théâtralité au Demon, le rendant inquiétant à la manière d'un personnage d'opéra. Les différents protagonistes humains présentent des postures adultes, avec des regards en coin calculateurs, dubitatifs, jaugeant leurs interlocuteurs, etc. Malheureusement, Matt Wagner semble peu intéressé par les décors et les arrières plans, se reposant entièrement sur le langage corporel pour porter la narration visuelle. Art Nichols réalise un travail d'encrage satisfaisant (par rapport à d'autres histoires où Wagner s'est encré lui-même), mais il ne fait montre d'aucune velléité pour compléter ou étoffer les dessins de Wagner. D'un côté, Wagner met en scène des personnages vivants, et conçoit des cadrages faisant ressortir l'étrangeté de chaque situation (avec une mention spéciale pour la situation épineuse de Merlin). De l'autre, ces mêmes personnages évoluent dans des décors en carton pâte.



Fidèle à ses principes, Matt Wagner a imaginé une structure narrative innovante, qui se révèle assez déroutante à la lecture. À la surface, le récit est très linéaire, le lecteur voyant au premier degré les actions simples de Jason Blood, de Brenda Mark et du Demon. Wagner n'oublie pas les autres personnages secondaires imaginés par Jack Kirby, Henry Matthews et Randu Singh. Ce dernier dispose de très peu de cases pour exister et il reste une forme de caution exotique (il est indien), sans aucune personnalité. Matthews bénéficie de plus de pages pour exister et Garth Ennis se fera un plaisir de reprendre ce personnage dans l'état dans lequel Wagner l'a laissé, dans la série mensuelle suivante.



Mais, en prenant un peu de recul, le lecteur constate que Matt Wagner ne raconte qu'une partie de l'histoire par le biais des actions de Mark, Blood et du Demon, et des images correspondantes. Une partie significative (plus d'un tiers) de l'intrigue est en fait contenue dans les commentaires de la mystérieuse voix, sans images puisque cette voix accompagne les actions de Mark, Blood et du Demon. Il s'agit d'une forme de narration téméraire dans laquelle le lecteur doit finalement suivre 2 points de vue différents, dont l'un qui reste sous forme de cellules de texte surimposées sur les images. Cette voix omnisciente crée par moment une forme de frustration lorsque le lecteur a trop conscience du fait qu'une partie de l'histoire reste en arrière plan, uniquement sous forme de mots, déconnectée des dessins.



Matt Wagner réalise une histoire qui fat honneur aux bases posées par Jack Kirby, en élargissant un peu l'horizon, et en apportant une valeur ajoutée indéniable. Il opté pour un parti pris narratif très marqué, favorisant le jeu de scène des personnages au détriment des arrières plans, et racontant l'intrigue à 2 niveaux, le deuxième ne s'appuyant que de manière indirecte sur les dessins. D'un côté le lecteur se prête avec plaisir à cette forme de lecture différente ; de l'autre il y a une forme de frustration latente à ne pouvoir contempler que les événements concrets, et pas les éléments plus psychologiques. 3 étoiles.



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- Witch war ("The Demon" 22) - Sybil Haden (une sorcière) invoque Etrigan et le lie à sa volonté. Elle exige de lui qu'il la venge d'Annie Mojo, une sorcière concurrente qui a égorgé son familier (un coq).



Matt Wagner s'offre un petit plaisir sophistiqué, un conte à l'humour noir, raconté en rimes par Etrigan. Par comparaison avec la minisérie, ses dessins sont beaucoup plus maîtrisés et aboutis, et ses compositions de page plus savante et efficace. La narration brille par l'esprit impertinent et irrespectueux d'Etrigan, et l'intelligence limitée de Sybil Haden. Ce récit est un petit bijou d'inventivité et de concision, pour une intrigue divertissante qui reste simple. 5 étoiles.
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Mage - The Hero Discovered, tome 1

Ce tome regroupe les 15 épisodes publiés entre février 1984 et décembre 1986. Il constitue la première partie de la trilogie consacrée au personnage Kevin Matchstick par Matt Wagner.



Kevin Matchstick (le monsieur barbu avec le joli teeshirt sur la couverture) rentre tranquillement chez lui à pied et se cogne à un homme assis par terre sur le trottoir. Il s'excuse, s'assoie près de lui, échange quelques paroles sur le fait que sa vie ne mène à rien et repart. Au coin de la rue, il se précipite pour aider un inconnu, en se jetant sur son agresseur. Ce dernier a la particularité d'avoir la peau grise et une pointe venimeuse au niveau de chaque coude. Après l'avoir assommé, il recueille les dernières paroles de la victime : "Grackleflint". De retour chez, il a la surprise de constater que l'homme assis sur le trottoir est maintenant dans son fauteuil en train de jouer avec un Rubik's cube en lévitation. Kevin Matchstick est confronté à Mirth le World Mage qui sait beaucoup de choses, mais qui joue au chat et à la souris avec Kevin qui a du mal à accepter ce qui lui arrive. Or il n'en a pas fini avec le curieux individu à la peau grise, ni avec ses frères et leur paternel.



En quatrième de couverture, le lecteur tombe sur une déclaration définitive de Kevin Smith (réalisateur de films et de scénario de comics) qui n'hésite pas à proclamer que "Mage" est à placer parmi les 3 meilleurs comics du monde. C'est beaucoup exagérer. En fait pendant la première centaine de pages, le lecteur peut même se demander sous l'influence de quelle substance Smith était quand il a proféré ce jugement. J'aime beaucoup Matt Wagner, mais il est clair qu'il s'agit d'une oeuvre de jeunesse et qu'il apprend à dessiner au fur et à mesure des épisodes. C'est même l'un des aspects les plus déconcertants de ce récit. Les illustrations évoquent plus un comics underground qu'une série traditionnelle. Pour commencer, les rue de New York sont systématiquement vides de tout habitant. Quel que soit le quartier traversé (même le métro) et l'horaire, Kevin Matchstick semble être seul avec les 3 personnages sur la couverture et les méchants. Ensuite, Wagner accomplit le strict minimum en matière de décors : quelques traits pour une bordure de mur, ou une fenêtre, beaucoup de fonds vides avec charge au metteur en couleurs de remplir. C'est d'ailleurs l'une des limites de cette édition que de n'avoir pas repris les couleurs originales, selon toute vraisemblance les originaux ont été détruits ou perdus. Et puis le travail sur les visages semble au début très basique avec une poignée d'expressions à se partager entre les différents individus.



Malgré ces défauts, l'histoire se lit bien et vite, très vite même. Pour cette histoire, Matt Wagner développe sa manière bien à lui de décompresser la narration. Chaque scène d'action a le droit à un grand nombre de pages dont certaines entièrement silencieuses, seuls les dessins sont là pour raconter l'histoire. C'est à partir de ce moment que le charme commence à opérer. Matt Wagner éprouve une grande affection pour les séquences de mouvements et d'affrontements. Il utilise une mise en page d'une grande fluidité et d'une grande lisibilité. C'est un grand plaisir de lecture que de passer d'une case à l'autre, sans que les bulles ne viennent perturber le plaisir de contempler les héros en action. Dès le début, Matt Wagner pense ses séquences comme un metteur en scène souhaitant mettre en avant le mouvement et les impacts par la juxtaposition de cases aux angles de vue choisis. Et au fur et à mesure des pages qui se tournent, le lecteur a le plaisir de voir que les visages deviennent plus variés et plus expressifs, et les expressions corporelles plus justes.



Mais alors qu'en est-il de l'histoire ? Là aussi, de prime abord, il est difficile de comprendre ce qui peut enthousiasmer la critique. Kevin Matchstick comprend vite qu'il dispose d'une force et d'une résistance surnaturelles. Mirth lui explique qu'il doit assumer son rôle dans la lutte éternelle du bien contre le mal. Et Matchstick n'a aucune intention de le faire. Mais il n'a pourtant d'autre choix que de se battre contre les Grackleflints qui essayent de l'éliminer à plusieurs reprises, et contre d'autres monstres exotiques. À ce niveau là, "Mage 1" se lit vite, s'oublie aussi vite, sauf pour un ou deux scènes visuellement accrocheuses. Alors ?



Alors il faut s'interroger sur ce monde vide d'individus, sur cette quête où Matchstick élimine les ennemis les uns après les autres, sans que les enjeux ne soient mirobolants. Et même, le lecteur constate qu'au-delà du plaisir visuel, les hésitations du héros d'assumer son rôle renvoient à une démarche d'apprentissage avec des phases où il est facile de se reconnaître. Ce récit qui cache bien son jeu correspond à la phase finale de l'adolescence pendant laquelle il faut finir par se rendre à l'évidence : il faut regarder la réalité en face. C'est dans la mise en scène des différentes étapes par lesquelles il passe que réside l'intérêt du récit.



La deuxième partie de la trilogie s'appelle The Hero Defined.
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Grendel: Devil's tales

Ce tome regroupe les épisodes 16 à 19 de la série mensuelle parue en 1988 et éditée par Comico. Les 2 premiers épisodes forment une première histoire, et les 2 suivant une autre. Les scénarios et les illustrations sont de Matt Wagner.



Épisodes 16 & 17 - Le capitaine Wiggins est maintenant à la retraite et il a décidé d'écrire des livres dans lesquels Grendel intervient. Il ne s'agit pas vraiment de ses mémoires puisqu'il évoque Hunter Rose qu'il n'a pas connu. Il se sert donc des journaux de Christine Spar. Dans ce premier livre, il narre le parcours de Lewis Polk, un détective de police qui surprend une conversation relative à des pots de vin dans les toilettes du commissariat. Polk n'ayant aucune vie sociale, il file le fonctionnaire qui soudoyé son supérieur, pendant ses heures de repos et pendant ses jours de repos. Sa surveillance lui permet de découvrir que l'argent provient d'une chaîne de courtiers en diamants. Il va mener une enquête très minutieuse et laborieuse pour mettre à jour le fin mot de nombreux pots de vin, d'un testament trafiqué, et d'un projet de contrebande de diamants.



Avec ces épisodes, Matt Wagner brise plusieurs habitudes. Pour commencer il illustre lui-même l'histoire alors qu'il avait jusqu'ici fait appel à d'autres. Ensuite, Grendel n'est qu'un personnage très secondaire dans le récit, bien qu'il occupe les pensées de beaucoup de monde. Enfin il effectue un retour en arrière en évoquant le premier Grendel (Hunter Rose). Mais à la lecture ce qui frappe le plus, c'est le parti pris radical de la mise en page. Mis à part la demi douzaine de pages consacrées à Wiggins, toutes les autres contiennent 25 cases chacune. Il n'y a aucun phylactère, juste de très courts textes sous chaque case. Ce découpage minutieux induit une densité narrative exceptionnelle. Il exige aussi des textes ramassés et concis. En s'imposant cette mise en pages inhabituelle, Wagner se contraint à ne représenter que l'essentiel dans chaque case, il faut que chaque trait soit signifiant, à cette taille il n'y a pas de place pour le superflu. Le résultat est palpitant. Wagner met un nombre d'éléments impressionnant dans chaque case, sans qu'elles en deviennent illisibles. Lors d'une planque dans une gare, en 1 case il y a 2 rangées de casiers de consignes, un haut plafond donnant l'idée du volume du hall, la personne qui vient déposer l'argent et Polk en planque.



Ce récit ne se limite à un simple exercice de style réussi, l'intrigue est passionnante. Polk mène une enquête complexe dans le monde des marchands de pierres précieuses. Le lecteur découvre en même temps que lui ce qui se trame réellement. Wagner n'écrit ni un thriller, ni un polar hardboiled, ni une enquête procédurale. Le personnage de Polk a finalement peu de personnalité. Ce qui intéresse Wagner, c'est de montrer l'impact de l'existence de Grendel dans le monde du crime organisé. Il a donc imaginé un coup d'envergure que Polk découvre petit à petit, en recueillant des témoignages et des indiscrétions lors de conversations. Chaque dialogue est intéressant car la petitesse et la multiplicité des cases donnent un rythme soutenu à ces échanges de paroles, dans une ambiance de confidentialité. Au final, Grendel ne sert pas de deus ex machina pratique pour dénouer artificiellement l'intrigue. Ses actions impactent les plans des criminels, mais sans résoudre les conflits préexistants. Matt Wagner se servira à nouveau de cette mise en page avec de nombreuses cases (mais sans la systématiser) dans la première rencontre entre Grendel et Batman dans Batman/Grendel. 5 étoiles.



Épisodes 18 & 19 - Le premier livre ayant eu du succès, le capitaine Wiggins décide d'en écrire un deuxième sur un moment clef du combat entre Grendel et Argent. L'histoire est racontée du point de vue de Tony Nuncio, un indic qui vit du produit de la vente de ses informations. Dans les toilettes d'un rade, il a surpris une conversation indiquant où et quand Grendel commettrait un meurtre commandité, et sur qui. Nuncio a bien conscience de la dangerosité de cette information. Il décide de renoncer aux profits liés à la vente du tuyau et de donner ces informations à la police. Il finit par être pris au sérieux et par être interrogé par Argent lui-même qui compte bien mettre le grappin sur Grendel en profitant de cette aubaine.



Cette fois-ci, Matt Wagner a choisi une mise en page qui repose sur une moyenne de cinq cases verticales par page. À la lecture j'ai été moins convaincu par ce choix. Bizarrement, Wagner a du mal à trouver comment utiliser ce cadrage au mieux. Chaque case ne comporte que peu d'informations et utilise mal sa hauteur. En fait, Wagner a plutôt travaillé sur une narration à 2 niveaux : en haut de chaque case, se trouvent de courtes annotations de Wiggins, en bas, le flux de pensées de Nuncio. Mais souvent, les annotations ne font que répéter ce qui se trouve dans la case, sans rien amener à la narration. Wagner profite de ce dispositif pour changer de style et essayer de dessiner au croisement de Will Eisner et de Jules Feiffer. Malgré la grande admiration que j'ai pour Wagner qui va toujours de l'avant, le résultat ne m'a pas convaincu. Il n'a pas la maîtrise sans pareille d'Eisner pour faire naître une forme ou une texture en un trait de crayon et sa mise en page n'a pas l'élégance et la légèreté de celle d'Eisner. Il n'arrive pas non plus à capturer le cynisme et l'ironie mordante des dessins de Feiffer.



Le scénario est à la fois un peu plus convenu (le pauvre indic qui est manipulé) et plus proche du mythe de Grendel. Wagner compose une structure qui maintient le suspense de bout en bout et ici Nuncio a plus de personnalité que Polk. Par contre, il faut avoir lu Devil by the Deed pour apprécier les machinations d'Hunter Rose et leurs conséquences sur Stacy Palumbo. 4 étoiles.



VOUS ÊTES ICI. - L'ordre de lecture des histoires de Grendel est rendu assez compliqué par le nombre d'éditeurs ayant publié l'oeuvre de Matt Wagner et les ravages du temps sur les planches originales qui ont en partie rendu impossible leur réédition. La liste qui suit est incomplète mais elle reprend les histoires de la série publiée par Comico. (1) Devil by the Deed, (2) Devil's Legacy, (3) The Devil Inside, (4) God and the Devil, (5) Devil's Reign, (6) War Child, (7) Devil Quest.
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Grendel: Devil's quest

Ce tome regroupe 7 chapitres de 8 pages formant une histoire complète, écrite et peinte par Matt Wagner, initialement parue en fin de plusieurs épisodes des Grendel Tales. Elle met en scène le cyborg Grendel-Prime.



L'histoire se déroule en 2707. Après la quatrième guerre mondiale, Orion Assante avait réussi à réunir toutes les nations sous sa direction dictatoriale. Dans War Child, sa veuve découvrait qu'il avait pris soin d'assurer l'hégémonie de sa lignée, en confiant la sécurité de son fils à un homme transformé en cyborg, uniquement connu sous le nom de Grendel-Prime. Alors que la présente histoire commence, la troisième génération d'Assante est sur le trône, le nouveau Khan s'appelle Jupiter Irving Assante et il n'est pas de taille face aux risques de dissolution de l'unité politique mondiale. Pour regagner la faveur de l'opinion politique, il a assigné une quête à Grendel-Prime, dont la nature n'est révélée qu'à la fin. Parmi les individus cherchant à infléchir les actions du cyborg se trouvent un marchand de plaisirs qui dépêche un mercenaire appelé Hitchcock Blue, et 2 assassins sadiques connues sous le nom des jumelles Session.



Au fur et à mesure des tomes de la série Grendel (à commencer par Devil by the deed), Matt Wagner avait construit l'évolution du concept Grendel en le projetant de plus en plus loin dans le futur avec des enjeux de plus en plus importants jusqu'à devenir mondiaux. Avec cette histoire, il prend une autre direction, il revient à un récit plus ramassé, il réutilise le même personnage de Grendel-Prime. Mais il n'a pas abandonné ses ambitions narratives.



La structure du récit adapte celle d'une comptine enfantine baptisée "Cherry stones" (en particulier la phrase "Tinker, tailor, soldier, sailor, rich man, poor man, beggar man, thief, doctor, lawyer, Indian chief"). Matt Wagner déroule un récit d'aventure, avec une narration adulte supposant que le lecteur établisse par lui-même quelques liens sous-entendus. La violence occupe une place importante et elle comprend des actes de torture.



Chaque chapitre prend comme centre d'intérêt un personnage différent (l'homme riche dans le premier, l'homme pauvre dans le second, une forme de docteur dans le troisième, etc.). Certains personnages se retrouvent dans le chapitre suivant, ou un autre plus loin. Grendel-Prime est le personnage central de 2 des chapitres. Le lecteur plonge donc dans un récit savamment structuré dont les actions de plusieurs factions finissent par donner un tableau complet d'une situation compliquée. Malgré sa relative brièveté, ce récit propose le dénouement d'une situation politique complexe au travers des stratégies et des agents du changement les mettant en action. L'architecture élaborée du récit exclut toute forme de narration décompressée.



Chaque chapitre est remarquable aussi pour sa composition graphique. Matt Wagner s'est toujours servi de cette série pour s'aventurer vers des natures d'illustrations éloignées de l'ordinaire des comics. Dans la plupart des cas, il a demandé à un illustrateur à chaque fois différent de mettre chaque histoire en images (à l'exception du premier tome et de Devil Tales illustrés par lui-même). Ici, il teste ses limites en termes d'utilisation des couleurs pour porter le plus possible d'éléments du récit. De ce fait chaque chapitre dispose de sa composition chromatique propre. Ainsi dans le premier, les couleurs sont vives, éclatantes et chaudes juxtaposant des tons jaune, rouge, bleu clair et vert, pour un résultat lumineux et exubérant reflétant le goût discutable de l'homme riche. Le deuxième chapitre est habillé par des tons marron, gris, noir et ocre pour la nuit et le décor minier. Le troisième chapitre bénéficie de couleurs sombres, bleu et vert, évoquant la luminescence des écrans d'ordinateurs. La mise en page innove pour mettre en mouvement les actions, elle diffère de page en page pour faire corps avec chaque scène. Chaque individu bénéficie d'une morphologie spécifique, ainsi que d'un code vestimentaire qui lui est propre.



Avec ce récit, Matt Wagner démontre que sa soif d'innovation ne l'a pas abandonné. Il propose un récit ramassé et dense qui prolonge à nouveau l'existence de Grendel dans une nouvelle situation. Il utilise une narration structurée sur plusieurs personnages qui donnent autant de points de vue de la situation. Il reste fidèle à son genre de prédilection qui est l'aventure, tout en insérant des idées sur les conséquences de l'exercice du pouvoir, sur le cycle infini de la violence, mais aussi sur les territoires qu'il reste à conquérir pour une science toute puissante. "Devil quest" n'est pas une coda banale et facile, elle s'inscrit bien dans la démarche artistique exigeante de Matt Wagner.
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Grendel: Warchild

Ce tome fait suite à Devil's Reign (qu'il est indispensable d'avoir lu avant) et il regroupe les 10 épisodes de la minisérie du même nom, initialement éditée par Dark Horse en 1992.



Cela fait 10 ans qu'Orion Assante (premier Grendel Khan) est décédé de vieillesse. Il avait réussi à sauver la race humaine de l'extinction, à unifier les nations du monde entier en s'installant comme dictateur à vie. Jupiter Assante (le fils d'Orion et de Laurel Kennedy (l'épouse légitime d'Orion) a été enlevé par un homme tout de noir vêtu avec un masque de Grendel. Les personnes qu'ils vont croiser l'appelleront le Paladin, ou Grendel Prime. Il emmène Jupiter à bord d'un sidecar futuriste vers une destination inconnue. Laurel Kennedy dépêche commando sur commando pour retrouver leur trace et récupérer son fils dont la destinée est de succéder à son père à la tête des nations de la planète. Mais les soldats se font décimer. Pendant ce temps là, elle assure la régence avec beaucoup de mal, grâce à Abner Heath, son conseiller, et elle séquestre Crystal, sa fille issue d'un précédent mariage.



Dans le tome précédent, Matt Wagner avait atteint un niveau d'ambition remarquable pour son histoire. Il avait transformé le récit du méchant qui veut devenir le maître du monde en une intrigue complexe, à plusieurs voix, dans un futur post apocalyptique dénué de naïveté, pour un suspense politique magistral. À partir de là, il était évident qu'il ne pourrait pas faire plus sophistiqué en terme d'intrigue ou de narration ; il avait atteint le summum des transformations successives de Grendel. Donc il redescend d'un cran en s'attachant à la question de la pérennité de ce qu'a bâti Orion Assante, au travers de la question des modalités de sa succession.



La moitié du récit est consacrée à la fuite en avant de Grendel Prime au travers des nations ravagées pour mettre Jupiter à l'abri des manipulations de sa mère. Cette partie est l'occasion pour Matt Wagner de renouer avec l'esprit d'aventure primaire des romans pour adolescents du dix neuvième siècle. Il y a de tout : course poursuite épique à bord du sidecar, duel au sabre laser, désert radioactif, sorcellerie, zombies, crocodiles, pirates, ruines radioactives, gorille en furie, et bien sûr des vampires (avec le retour de Pellon Cross). Ces passages sont très faciles à lire, immédiatement gratifiants pour le lecteur (plaisir primaire du frisson et de l'affrontement). Les dessins sont réalisés par Patrick McEown qui a un style simple, clair avec juste ce qu'il faut de détails pour ne pas tomber dans l'illustration fonctionnelle et tout venante. L'encrage est assuré par Matt Wagner, avec l'aide de Monty Sheldon pour un résultat peu remarquable. Par contre l'inventivité de Matt Wagner permet de chaque fois renouveler les mécanismes des confrontations successives, d'apporter plusieurs surprises et de ramener des personnages (Pellon Cross) et des éléments récurrents de la série. Cette succession de scènes dépasse donc le simple catalogue pour procurer un plaisir simple de grandes aventures dans des territoires inconnus et dangereux.



L'autre partie du récit s'attache aux mécanismes de la succession du Grendel Khan, au développement des valeurs de cette nation mondiale encore fragile, au développement de la légende d'Orion Assante. Matt Wagner renoue avec la tragédie grecque en apportant quelques touches montrant le destin s'emparant des individus tels que Laurel Kennedy, Jupiter Assante, Crystal Kennedy, et d'autres encore. À nouveau, Wagner évite le simplisme et le manichéisme pour décrire les balbutiements de ce qui peut devenir une dynastie ou non au gré des choix plus ou moins heureux des uns et des autres, des manipulations et trahisons dans les coulisses du pouvoir et de la force de caractère des individus. Encore une fois il tisse une tapisserie d'envergure qui incorpore habilement des éléments essentiels du tome précédent. Le final est éblouissant d'astuce et d'émotion.



Alors, oui ce tome est moins dense que les 2 précédents et il repose pour la moitié sur un plaisir de lecture lié aux aventures de Grendel Prime et Jupiter Assante. Mais l'autre moitié est toujours aussi ambitieuse et elle ne sacrifie rien à la sophistication du monde créé par Matt Wagner.



Grendel Prime apparaît également dans la deuxième rencontre avec Batman (dans Batman/Grendel, scénario et illustrations de Matt Wagner) et dans une aventure (104 ans après les événements de "War child") qui sert de coda à l'expansion de Grendel à travers les siècles à venir (Devil Quest, scénario et illustrations de Matt Wagner). À partir de là, Matt Wagner a également permis à d'autres scénaristes et dessinateurs de s'approprier sa créature dans le monde de Jupiter Assante sous le titre générique de "Grendel Tales", à commencer par Four Devils, One Hell. Enfin pour ceux qui ont du mal à s'y retrouver dans l'ordre des différentes histoires, Matt Wagner a concocté une chronologie publiée sous la forme de Grendel Cycle.
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Grendel: Devil's reign

Ce tome regroupe les derniers épisodes de la série initialement publiée par Comico en 1989 et 1990 (épisodes 34 à 40).



Il vaut mieux avoir lu God and the Devil avant pour comprendre les enjeux du récit. En 2350, les États-Unis sont réduits à plusieurs cités états indépendantes. Et l'un des derniers pouvoirs unificateurs vient de tomber, l'Église n'est plus qu'un mauvais souvenir. Rapidement, Orion Assante s'impose comme l'homme de la situation pour l'ensemble des grosses entreprises du territoire. Grâce à l'entregent de Sherri Caniff (sa compagne), il est nommé à la tête de l'exécutif. Orion Assante a l'étoffe d'un chef d'état et il a un programme politique clair : assurer la pérennité de la race humaine. Dans ce futur post-apocalyptique, la civilisation est dans une situation fragile. Il subsiste de nombreux pays dont certains mettent en œuvre un politique expansionniste agressive, voire ouvertement belliciste (le Japon par exemple). Orion Assante doit donc réussir à réunifier les différentes factions existant sur le sol du continent nord-américain, éviter une escalade des conflits (en particulier neutraliser les 2 puissances disposant de l'arme nucléaire), construire un régime pérenne, et à terme conquérir le monde pour assurer la reconstruction de la civilisation humaine. Ah, oui, il y a aussi la question des vampires sur le sol nord-américain qui représente également une menace pour la race humaine.



Dans le tome précédent, Matt Wagner avait déjà de grandes ambitions pour son récit, mais les différentes composantes avaient du mal à s'amalgamer harmonieusement. Ici, le résultat est époustouflant. Matt Wagner a encore augmenté ses ambitions en décrivant ni plus, ni moins que l'ascension au pouvoir et le règne d'un chef d'état exceptionnel dans un contexte géopolitique complexe à l'échelle planétaire. Première victoire : Wagner décrit un monde au bord du gouffre sans simplisme et sans perdre son lecteur. Il utilise pour ça une narration très sophistiquée.



Chacun des 7 épisodes se décompose en 2 parties. La première suit les manœuvres politiques et militaires d'Orion Assante, ainsi que sa vie privée, par le bais de cases de texte entremêlée dans des cases de bandes dessinées traditionnelles, avec quelques inserts de télévision. Cela donne une narration très dense qui rend compte de la stratégie d'Assante et de ses conseillers, de ses relations personnelles avec son entourage, et de son impact sur le peuple et sur l'opinion mondiale. Wagner réemploie l'outil que sont les émissions télévisuelles conçu par Frank Miller pour The Dark Knight Returns avec plus maîtrise et de retenue. Les deuxièmes parties sont rendues dans une forme plus traditionnelle (dessins + phylactères) et elles sont consacrées au développement de la tribu des vampires qui se sont installés à Las Vegas. Les 2 récits se côtoient pour parfois s'entremêler et se répondent en opposant la stratégie de leurs deux chefs (Orion Assante et Pellon Cross).



Finalement, Matt Wagner décrit l'ascension complexe d'Orion Assante qui s'achève par son règne sur l'humanité unifiée à l'échelle de la population mondiale. Assante utilise tous les coups tordus possibles (désinformation, diviser pour mieux régner, opérations militaires secrètes, népotisme, déstabilisation des régimes politiques en place, extermination, etc.) pour arriver à ses fins. Tous les moyens sont bons pour assurer la survie de l'humanité. Assante demeure une figure noble du début jusqu'à la fin malgré les bassesses auxquelles il a recours. Les individus autour de lui disposent chacun de leur propre personnalité, protègent leurs propres intérêts, agissent pour leurs propres motivations. Chaque composante s'insère harmonieusement dans le récit global pour former une tapisserie complexe, facile à saisir et d'une richesse étourdissante.



Cette partie du développement de Grendel est illustrée par Tim Sale. Matt Wagner l'utilise à contre-emploi (par opposition à The Long Halloween). Il faut donc un peu de temps à Sale pour trouver ses marques et mettre en avant ses atouts autres que la composition de grandes cases. Dès le début, il joue le jeu des petites cases en assurant un juste dosage des éléments représentés (pas trop pour ne pas rendre illisible les cases). Ce n'est qu'au bout de 2 épisodes qu'il affine les visages pour retrouver son sens de la nuance et de l'expression juste. À partir de là, il facilite grandement l'empathie du lecteur pour les personnages. Il est plus à l'aise pour la représentation de la tribu des vampires qui sévit dans l'ombre de la cité du jeu. Le scénario exige moins de cases par page, l'apparence des vampires peut être exagérée pour rendre compte de leur aspect monstrueux, et les scènes de morsure se stabilisent harmonieusement entre l'horreur et le grotesque. Tim Sale dispose donc du talent nécessaire pour mettre en images cette histoire dense et protéiforme. Toutefois, je vous déconseille d'acheter ce tome si vous n'y cherchez que les magnifiques compositions en grandes cases de ses travaux ultérieurs avec Jeph Loeb.



En plus de ce récit d'une richesse incroyable sur l'ascension au pouvoir d'Orion Assante, Matt Wagner continue de développer sa thématique sur ce que représente Grendel d'une manière aussi imaginative qu'adroite. Il oppose 2 modes d'incarnation de Grendel, et il sort de la dichotomie du bien et du mal pour parachever l'assimilation de Grendel à l'échelle de la planète. Ce thème constitue également une réflexion subtile sur la nature et l'utilisation qu'il est possible pour chacun de nous de faire de cette force primaire.



VOUS ÊTES ICI. - L'ordre de lecture des histoires de Grendel est rendu assez compliqué par le nombre d'éditeurs ayant publié l'oeuvre de Matt Wagner et les ravages du temps sur les planches originales qui ont en partie rendu impossible leur réédition. La liste qui suit est incomplète mais elle reprend les histoires de la série publiée par Comico. (1) Devil by the Deed, (2) Devil's Legacy, (3) The Devil Inside, (4) God and the Devil, (5) Devil's Reign, (6) War Child, (7) Devil Quest.
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Grendel: God and the Devil

Ce tome regroupe les épisodes 0 à 10 de la série publiée par Dark Horse en 2003, ce qui correspond à la réédition des épisodes 23 à 33 de la série originale publiée en 1988 et 1989 par Comico.



L'action se déroule en 2530 dans ce qu'il reste des États-Unis. Les multinationales ont rendu le gouvernement obsolète. Elles gèrent donc l'intérêt public en fonction de leurs intérêts commerciaux. La police a également opéré sa mutation pour devenir une entreprise privée chargée de maintenir l'ordre public. Sa fonction la met à part des autres entreprises. Enfin, en ces temps du grand capital, l'église catholique a prospéré au-delà de ce que l'on connaît pour devenir un pouvoir incontournable capable de lever d'immenses sommes d'argent lors des quêtes des cérémonies. Ce dernier point constitue une épine dans le pied des multinationales qui se sont légalement engagées à verser une somme égale à celle des quêtes. La popularité du pape Innocent XLII étant à son apogée, les entreprises trouvent l'addition salée. Alors que la Pâque approche, apparaît un nouveau Grendel en guenilles dont la maîtrise technologique lui permet de saboter cérémonie religieuse sur cérémonie religieuse, et de pirater le réseau de diffusion télévisé pour diffuser ses propres spots en lieu et place de ceux de l'église. Dans ce futur, la religion catholique a remplacé le mot "diable" par le mot "Grendel" dans ses textes sacrés. Le pape Innocent XLII fait construire une tour d'une dimension impressionnante pour marquer l'esprit des fidèles, mais il semble bien qu'une partie de l'argent des quêtes sert à financer un autre projet. Pellon Cross (le chef de Confederacy Of Police, C.O.P. en abrégé) est engagé par Innocent XLII pour découvrir l'identité de Grendel. Il y a également Orion Assante (un industriel humaniste) qui souhaite encadrer le pouvoir sans cesse grandissant de l'église.



Avec ce tome, Matt Wagner construit un récit à la mesure de ses ambitions. Il quitte le format d'une histoire qui suit un personnage principal contre un antagoniste clairement identifié, pour se lancer dans un roman d'envergure où la société est un personnage à part entière que le lecteur perçoit à travers plusieurs points de vue (Innocent XLII, Pellon Cross, Grendel, Orion Assante, etc.). Vu le nombre important de pages (300), il n'est pas possible de réduire ce tome à une seule thématique. La première qui se dégage est une charge appuyée contre l'église en tant qu'institution. Wagner se fait plaisir en caricaturant tous les travers et toutes les dérives possibles au sein d'une institution religieuse. À première vue, la charge peut apparaître trop appuyée donc simpliste parce qu'unilatérale et basée sur des personnages exagérés (il faut voir la responsable de l'inquisition se flageller pour y croire). Mais Wagner prend également soin de rappeler que chacune des dérives qu'il insère dans son récit a existé dans l'histoire de la papauté. Cette charge prend une autre dimension du fait de sa juxtaposition avec le parcours civique d'Assante et de Grendel qui s'opposent chacun à leur manière à cette institution (le premier contre son pouvoir temporel de fait, et l'autre contre son pouvoir spirituel). Wagner revient sur la séparation de l'église et de l'état (de manière un peu superficielle et assez facile), mais aussi sur les valeurs de la religion opposées à l'individualisme de manière moins manichéenne.



Comme c'était son intention dès le départ, il a à nouveau fait appel à une équipe d'illustrateurs différente pour cette nouvelle histoire et cette nouvelle itération de Grendel. Le premier épisode est dessiné par Tim Sale (l'illustrateur de The Long Halloween) pour l'épisode zéro. Cet épisode explique comment le nom de Grendel a été associé aux produits psychotropes. Il faisait à l'origine partie d'une série de 4 épisodes expliquant les événements survenus entre The Devil Inside et ce tome. Malheureusement les planches originales des 3 autres épisodes ont été perdues et il ne reste que celui de Tim Sale. Il est égal à lui-même avec sa fabuleuse capacité à créer un visage expressif en 3 coups de crayon, avec sa préférence pour les grandes cases mettant en valeur l'espace, etc. Un régal visuel. Les 10 épisodes suivants sont dessinés par John K. Snyder III, encré par Jay Geldhof et Bernie Mireault. Ils utilisent un style très comics dans lequel le lecteur peut détecter des influences allant de Jack Kirby à Bill Sienkiewicz. En fait cette équipe présente les mêmes particularités que le scénariste. Ils ont construit un style adulte avec l'utilisation de codes graphiques qui ne font pas "joli", et qui flirtent parfois avec l'abstraction (les cercles inscrits les uns dans les autres à la place d'un oeil pour montrer l'état de défonce lié l'usage de drogue, les visages proches d'un smiley pour les présentateurs télé, etc.). Et puis parfois, le lecteur a l'impression de replonger dans un comics de superhéros avec échanges d'horions de base.



Avec ce tome, Matt Wagner confirme qu'il joue dans la cour des auteurs à part entière. Son récit aborde des thèmes complexes sous une apparente dichotomie simpliste, avec quelques relents de superhéros pas toujours bienvenus (le thème du bien contre le mal reste une pierre angulaire de ce récit). Il subsiste quelques scènes d'actions magistrales (le vol de l'uranium, toutes les apparitions de Grendel), dans un récit complexe qui embrasse plusieurs points de vue (avec quelques idées pas complètement abouties telles que la comparaison avec le monde animal). L'équipe d'illustrateurs se positionne sur un graphisme sophistiqué qui retombe parfois dans la facilité de la production de masse des superhéros. Peut-on commencer à lire Grendel par ce tome ? Pourquoi pas, mais la dimension de l'évolution de Grendel sera perdue. Quelle forme prendra Grendel dans Devil's Reign ? Il s'agit de la suite directe de ce tome dans laquelle le lecteur retrouve Orion Assante et Pellon Cross.



VOUS ÊTES ICI. - L'ordre de lecture des histoires de Grendel est rendu assez compliqué par le nombre d'éditeurs ayant publié l'oeuvre de Matt Wagner et les ravages du temps sur les planches originales qui ont en partie rendu impossible leur réédition. La liste qui suit est incomplète mais elle reprend les histoires de la série publiée par Comico. (1) Devil by the Deed, (2) Devil's Legacy, (3) The Devil Inside, (4) God and the Devil, (5) Devil's Reign, (6) War Child, (7) Devil Quest.
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Grende: Devil inside

Ce tome fait suite à Devil's Legacy ; il comprend les épisodes 13 à 15 de la série éditée par Comico.



Suite aux événements décrits dans Devil's Legacy, Brian Li Sung est devenu le dépositaire des carnets du journal intime d'Hunter Rose et de Christine Spar (la deuxième Grendel). Li Sung exerçait le métier de régisseur pour le compte de la troupe de kabuki de Tujiro XIV. Sa vie est devenue des plus ternes, en l'absence de Spar : il a décidé d'abandonner San Francisco et de rester à New York et l'histoire débute en plein hiver. Il a trouvé un emploi de régisseur pour le compte d'une troupe de petite envergure dans des locaux minables. Tous les jours, son métier le met face à des gens qui lui exposent leurs problèmes sans ménagement pour qu'il les résolve. Sa journée commence par les récriminations du gardien qui ne cache pas son racisme envers tout ce qui n'est pas blanc à commencer par les asiatiques (comme Li Sung). Il doit faire face à l'exigence d'un acteur qui veut disposer de sa propre loge pour ne pas avoir à partager la même pièce que 2 homosexuelles. Et ces dernières se plaignent du caractère homophobe de cet acteur. Et puis la costumière aimerait bien disposer d'un espace plus grand. Et puis Brian Li Sung n'a pu s'offrir qu'une chambre minable. Et les rues de New York regorgent de passants aux propos agressifs. Et pour couronner le tout, le capitaine Wiggins qui avait enquêté sur la réapparition de Grendel dans le tome précédent a décidé de poursuivre ses investigations en harcelant Brian pour retrouver les fameux carnets. La pression devient insupportable. La goutte d'eau prend la forme d'un masque de kabuki dans les accessoires du théâtre.



Cette histoire est la moins aimée par les fans qui n'ont vu en Brian Li Sung que la dernière étape de la dégénérescence de Grendel et une pâle copie de l'original. Pour moi, c'est une histoire très forte sur l'ultramoderne solitude et une phase essentielle dans la croissance de Grendel et de la série. Matt Wagner reprend à nouveau le dispositif de journal intime inséré dans le récit pour donner au lecteur un accès direct aux pensées du personnage principal (que l'on peut difficilement qualifier de héros). On suit donc pas à pas l'éloignement de Brian Li Sung d'une vision normale de la société vers une psychose très particulière. Ce glissement de la perception s'accompagne d'étranges inscriptions dans le journal intime de Brian Li Sung. Matt Wagner effectue un travail remarquable de plongée dans les mécanismes psychiques de cet individu qui est en proie à l'agressivité de la vie quotidienne dans une grande métropole. Il pousse également à son terme logique le principe de la personnalité de Grendel reprises par des individus successifs. Hunter Rose était un génie sans équivalent. Christine Spar lui était lointainement rattachée et elle disposait d'une force de caractère peu commune. Brian Li Sung a connu Spar, mais c'est un individu normal. Il est obligé de coudre lui-même le motif des 2 yeux blancs sur son masque. La fourche de Grendel a été brisée, il doit se trouver des armes de substitutions qui se révèlent dérisoires. Et son principal ennemi est un masque. Matt Wagner pousse jusqu'au bout la logique de passation de l'identité de Grendel. La suite sera forcément et fortement différente.



À nouvelle histoire, nouvel artiste : Bernie Mireault, un dessinateur canadien. Tout au long de la série Grendel, Matt Wagner a choisi des illustrateurs avec un style fortement marqué et de préférence éloigné des graphismes habituels des comics. Bernie Mireault a la particularité d'introduire une touche naïve dans ses dessins. Par exemple, le masque de kabuki est dessiné avec une grimace représentée de manière enfantine. Mais à bien regarder la mise en page, le lecteur réalise que l'apparent dépouillement des dessins met en valeur une mise en page aussi simple qu'élaborée. Les pages contiennent le plus souvent 5 cases avec des dispositions assez variables qui laissent la place aux extraits de journal intime de manière naturelle. La naïveté du style donne une force incomparable aux représentations graphiques de la tourmente psychique à laquelle Brian Li Sung est en proie (des traits courbes rouges). Les êtres humains portent tous sur eux les stigmates de leur esprit étriqué et de leur mesquinerie. Le masque bricolé de Grendel prend une apparence dérisoire et risible. La différence de classe sociale entre Brian et Regina saute aux yeux, sans besoin de texte explicatif. La froideur du capitaine Wiggins impressionne le lecteur. Et la dernière séquence d'action réduite à sa plus simple expression en devient terrible d'inéluctabilité.



Cette courte histoire met un terme à cette succession de Grendel de manière magistrale et elle constitue un constat terrifiant et réaliste de l'oppression exercée par un environnement urbain dont il n'y a aucune échappatoire.



VOUS ÊTES ICI. - L'ordre de lecture des histoires de Grendel est rendu assez compliqué par le nombre d'éditeurs ayant publié l'aeuvre de Matt Wagner et les ravages du temps sur les planches originales qui ont en partie rendu impossible leur réédition. La liste qui suit est incomplète mais elle reprend les histoires de la série publiée par Comico. (1) Devil by the Deed, (2) Devil's Legacy, (3) The Devil Inside, (4) God and the Devil, (5) Devil's Reign, (6) War Child, (7) Devil Quest.
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Grendel: Devil's legacy

Dans l'ordre de parution, cette histoire est la deuxième dans la série des Grendel. Ce tome regroupe les numéros 1 à 12 de la série mensuelle ayant débutée en 1986.



Christine Spar a fini par écrire son livre sur son grand père adoptif : Hunter Rose. Ce livre s'intitule "Devil by the deed" et correspond au récit du premier tome de la série. Elle a décroché une chronique hebdomadaire dans un grand quotidien national et son passage à la télé lui a permis d'acquérir une certaine notoriété. Elle a perdu son mari dans des circonstances qui ne seront pas évoquées et elle est la maman d'un charmant bambin d'une petite dizaine d'années. Regina, sa meilleure amie, les invite à assister à une représentation de Kabuki dont l'interprète principal est Tujiro XIV. Le lendemain de cette soirée, elle découvre que son fils a disparu, que la police est limitée dans ses capacités de recherche et qu'elle ne peut pas rester sans rien faire. Elle se lance donc elle-même dans la recherche d'éléments susceptibles de lui fournir un indice tangible en épluchant les archives de son journal dans la rubrique disparition d'enfants. L'enquête l'emmène à San Francisco à la poursuite de la troupe de Kabuki. Avant de partir, elle a pris soin de se munir d'outils qui lui permettront d'effectuer subrepticement des interventions en marge de la légalité : la fourche et le masque de Grendel. Sur place, elle utilise Brian Li Sung le régisseur pour infiltrer la troupe.



À l'issue de Devil by the Deed, l'éditeur Comico (aujourd'hui disparu) propose à Matt Wagner de publier une série mensuelle mettant en scène ce personnage. Problème : il est mort à la fin dudit tome. Solution : Matt Wagner a déjà décidé que Grendel serait une série consacrée au concept émotionnel lié à cette appellation. Il sait déjà que cette série mensuelle ne suivra pas un personnage, mais différentes manifestations de Grendel. Et il a également déjà décidé qu'il ne dessinerait pas la suite, mais qu'il confierait les illustrations à autant de dessinateurs différents qu'il y aurait d'incarnations.



Comme l'indique le titre, cette histoire met en évidence le legs d'Hunter Rose. Christine Spar est la fille de Stacy Palumbo, la fille adoptive d'Hunter Rose. Elle a hérité de sa mère les carnets qui constituent le journal intime d'Hunter Rose. Lorsque son fils disparaît, la violence psychologique propre à Grendel fait irruption dans sa vie. Matt Wagner reprend le dispositif de journal intime et Christine Spar écrit dans des carnets au fur et à mesure qu'elle découvre l'horreur qu'elle côtoie. Ce dispositif narratif permet au lecteur de plonger dans la psyché du personnage principal et de comprendre son point de vue de première main. Deuxième particularité du récit, Matt Wagner a choisi de projeter cette histoire dans un futur proche (qui ne fait pas totalement obsolète même en le lisant maintenant en 2010, plus de 20 ans après la parution initiale de ces épisodes). Troisième particularité, le récit refuse de se conformer aux clichés des superhéros. Malgré le costume de Grendel qui peut évoquer un croisement inattendu entre celui de Spiderman version noire et celui de Batman, le personnage de Grendel reste un gymnaste avec des capacités réalistes, sans superpouvoir. Quatrième particularité, Matt Wagner a choisi une construction ambitieuse qui ne se limite pas à une simple enquête. Sa construction évoque celle des Watchmen (en moins sophistiquée) où plusieurs thèmes s'entremêlent pour un résultat plus riche.



Et puis il y a le cas des frères Pander, les illustrateurs. La volonté de Matt Wagner de s'élever au dessus des comics de superhéros ordinaires se ressent aussi dans leur parti pris graphique très affirmé. Les Pander mélangent un style cartoon, à des influences de type expressionnistes tirant pendant une ou deux cases vers l'abstraction, avec une forte influence de la mode vestimentaire des années 1980. Le résultat est assez baroque avec plusieurs influences à fort caractère qui se marient pour une narration aussi fluide qu'originale. Sous leurs crayons, Christine Spar est une personne animée par une rare énergie et traversée d'émotions complexes. Chaque individu possède une identité visuelle forte grâce à un choix vestimentaire différencié. Les scènes d'action débordent des cases pour exploser sous les yeux du lecteur avec toute l'exagération d'un dessin animé. Les 2 monstres qui apparaissent au fil du récit ont une allure répugnante et repoussante à souhait. Et les décors futuristes prennent une vie propre à la fois séduisante par le coté ludique des gadgets inventés, et à la fois aliénante par une ou deux inventions technologiques paranoïaques (l'oeil du Capitaine de police Wiggins). Enfin, Wagner et les Pander prennent le pari de réussir un épisode sans texte (le 9) dans lequel Grendel joue au chat et à la souris avec Dominic Riley, sa proie condamnée à l'avance : une leçon d'art séquentiel, très malsain.



VOUS ÊTES ICI. - L'ordre de lecture des histoires de Grendel est rendu assez compliqué par le nombre d'éditeurs ayant publié l'aeuvre de Matt Wagner et les ravages du temps sur les planches originales qui ont rendu impossible leur réédition. La liste qui suit est incomplète mais elle reprend les histoires de la série publiée par Comico. (1) Devil by the Deed, (2) Devil's Legacy, (3) The Devil Inside, (4) God and the Devil, (5) Devil's Reign, (6) War Child, (7) Devil Quest.
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Grendel: Devil by the deed

L'appellation Grendel apparaît dans un poème épique anglais de la fin du premier millénaire. Matt Wagner s'est servi de ce nom pour baptiser un criminel qui sort de l'ordinaire. Cette histoire est la première dans la série des Grendel.



Un jeune garçon surnommé Eddie est un génie très précoce. Il est devenu un maître épéiste à l'âge de 14 ans et c'est à l'occasion d'un tournoi qu'il rencontre une autre escrimeuse de 34 ans dont il tombe amoureux. Leur liaison est brève et se termine par le décès prématuré de la dame. Accablé par l'ennui dans un monde qui ne recèle plus de défi pour lui, il choisit la carrière de tueur à gages pour le frisson, puis il se lance dans le crime organisé à grande échelle en prenant le pouvoir sur la côte ouest des États Unis. Face à ce jeune homme brillant et charmant, il y a une créature surnaturelle difforme baptisée Argent. Cet être mi-homme, mi-loup (ou autre chose) semble être le seul capable de tenir tête physiquement à Eddie. Ce dernier a d'ailleurs changé de nom et se fait appeler Hunter Rose. Pour commettre ses crimes, il s'est créé un costume noir avec une cagoule assortie et il manipule une sorte de lance à double lame. Il connaît également un grand succès en tant qu'écrivain. Suite à un assassinat remarquablement exécuté, il prend en charge Stacy Palumbo la fille du criminel qu'il vient de tuer. Elle développe également une forme d'amitié pour Argent.



Ce tome bénéficie d'une introduction d'Alan Moore qui en loue l'inventivité. Il est paru initialement sous forme de feuilleton de 4 pages en supplément des histoires de "Mage". Matt Wagner a imaginé l'histoire, l'a écrite et dessinée et l'a mise en couleurs et en a fait le lettrage. Les encrages ont été réalisés par Rich Rankin. Dès le départ, Matt Wagner avait choisi de faire de cette histoire un projet atypique. Il avait décidé que le personnage principal serait un criminel de belle allure, et que son opposant (du coté de la loi) serait une créature laide et repoussante. Du fait des contraintes de publication (par groupe de 4 pages de 1984 à 1986), Wagner a décidé d'opter pour une forme particulière : des illustrations imbriquées les unes dans les autres au moyen de figures géométriques, avec des pavés de texte, sans phylactères. Cette forme sortant de l'ordinaire complémente très bien la situation de départ sortant aussi de l'ordinaire. Enfin le narrateur qui raconte les événements est la fille de Stacy Palumbo qui n'a eu accès aux éléments de l'histoire que par les coupures de presse et les journaux intimes d'Hunter Rose.



25 ans plus tard, cette histoire reste toujours aussi prenante (et je l'ai lu à plusieurs reprises). Sur la base de pages de dessins complétées par du texte, Matt Wagner raconte comme si les événements appartenaient au passé, et même à l'histoire, avec un point de vue d'enquêteur, mais pas complètement objectif. Christine Spar interroge le passé pour comprendre qui était sa mère et qu'elles ont été les conséquences de sa vie avec Hunter Rose. La composition de chaque page est élaborée et utilise des axes de symétrie pour opposer les personnages, les diagonales de la page pour figurer un personnage pris en sandwich par les actions de 2 autres. Matt Wagner innove pour le rendu des combats. Dire que 2 adversaires s'opposent dans un combat chorégraphié est souvent un cliché galvaudé, mais ici la lutte finale entre Argent et Grendel est mise en page de manière à faire ressortir le ballet, plutôt que les blessures et les coups. Parmi les autres pages remarquables, il en est une qui est consacré à une série de meurtres des parrains du crime des autres villes du continent nord américain. Matt Wagner regroupe ces différents assassinats dans une roue dont le moyeu n'est autre que le masque de Grendel.



Suite à ce récit, Matt Wagner sera poussé par ses camarades à trouver comment le continuer. La réponse prendra la forme d'une série de 40 épisodes dans lesquels se succèderont une série de Grendel qui renouvelleront à chaque fois ce que représente ce personnage. En plus Matt Wagner saura s'entourer pour chaque incarnation de dessinateurs très talentueux avec des styles très marqués.



VOUS ÊTES ICI. - L'ordre de lecture des histoires de Grendel est rendu assez compliqué par le nombre d'éditeurs ayant publié l'aeuvre de Matt Wagner et les ravages du temps sur les planches originales qui ont rendu impossible leur réédition. La liste qui suit est incomplète mais elle reprend les histoires de la série publiée par Comico. (1) Devil by the Deed, (2) Devil's Legacy, (3) The Devil Inside, (4) God and the Devil, (5) Devil's Reign, (6) War Child, (7) Devil Quest.
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