Citations de Maud Simonnot (149)
La maison, construite sur une lande entre la mer et la forêt, est encore plus belle que nous l’avions espéré. Une grande bâtisse en bois, deux étages au plafond bas dont les pièces déclinent des camaïeux de gris et de verts. Des tonalités douces, assourdies, reposantes. (page 62)
Il m’a dit ce qu’il sait par expérience. Qu’un surdoué ce n’est pas quelqu’un de plus intelligent mais quelqu’un qui ne peut pas ne pas voir la fausseté du monde sans que ça lui soit insupportable. Qui réinterroge sans cesse le récit collectif, inepte, factice.
Mon existence était une eau qui coule entre les mains. Je désirais dormir, oublier et être oubliée. Ne plus jamais avoir mal, ne plus jamais aimer.
J’aurais dû m’y attendre, je connaissais le discours freudien - « votre expérience amoureuse désastreuse s’explique par une enfance dysfonctionnelle, une psyché insuffisamment consciente d’elle-même... », cette obsession à vouloir dénicher une origine dans le passé, comme si en plus de sa peine il fallait encore chercher en quoi on était responsable de son malheur.
Ce que je ne lui dirai pas, pas tant qu’il sera enfant, c’est combien je peux le comprendre et me retrouver en lui. Moi à qui on reprochait d’être trop exaltée, trop sensible, et d’absorber comme une éponge les émotions, les bruits, les variations de la lumière. Je connais cette démarcation invisible qui sépare toujours des autres. (page 42)
Je comprends enfin cette notion enseignée dans un cours de philosophie : l’aventure, plus qu’une interruption du cours des événements ou un voyage vers un ailleurs inconnu et exaltant, est surtout une disposition à être dans le temps. (page 130)
J’évoque ces mondes flottants qui gravitent en silence, le mouvement à la fois apparent et inimaginable de cette nuit infinie, son architecture secrète, et ces autres morts dont la brillance nous éblouit encore. Il me répond que ce qui le fascine le plus ce ne sont pas les étoiles scintillantes mais le noir entre les lumières. (pages 114-115)
Elle détache lentement ses mots : « Quand on a vécu une véritable histoire d’amour on en est marqué à vie. Cependant je crois qu’il faut que tu acceptes de couper ces derniers liens d’affection qui traînent après les passions déchirées. Il faut être raisonnable, car une chose est sûre : ni le temps passé, ni les amours ne reviennent. »
Il m’a dit ce qu’il sait par expérience. Qu’un surdoué ce n’est pas quelqu’un de plus intelligent mais quelqu’un qui ne peut pas ne pas voir la fausseté du monde sans que ça lui soit insupportable. Qui réinterroge sans cesse le récit collectif, inepte, factice. (page 35)
Je comprends enfin cette notion enseignée dans un cours de philosophie : l’aventure, plus qu’une interruption du cours des événements ou un voyage vers un ailleurs inconnu et exaltant, est surtout une disposition à être dans le temps.
Elle me faisait aussi boire des infusions de lotier corniculé, fragile fleur d’un jaune impérial qui a paraît-il des vertus contre la mélancolie. Ses recettes ancestrales ne stipulaient pas combien de champs de camomille, valériane et millepertuis il aurait fallu pour venir à bout d’une telle asthénie.
Les personnes libres trouvent ce à quoi elles aspirent - c’est leur privilège.
À l’entendre tousser non-stop, à la voir évoluer si difficilement, on se disait que la vieille fumeuse devait être prête à mourir. (page 19)
Si pour les sciences modernes la construction d’Uraniborg a été d’une importance capitale, pour les paysans et les pêcheurs de Ven l’arrivée de l’astronome a signifié le début de vingt années de bagne.
« Transparent », « cristal », « céleste », l’harmonie de ces mots à chaque fois me frappe. On peut concevoir que pour les observateurs de l’Antiquité, les étoiles devaient forcément résider dans un monde parfait et éternel.
Quelles qu’aient été la complexité de Brahe et les brumes recouvrant son halo glorieux, il restera cet homme qui un jour a demandé une île en cadeau pour mener la vie qu’il voulait.
« Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves. »
Partout des buissons irréguliers de genévriers sculptés par le vent et de grosses corolles mauves piquées dans les talus : la lavatère, l’emblème de Ven. (page 87)
C'est son heure préférée, celle où la forêt devenue bleue renaît. Cette heure merveilleuse, suspendue avant l'aube, où tous les chagrins s'effacent, où tous les espoirs semblent permis. L'heure des oiseaux.
la mémoire se conforme à ce que nous croyons nous rappeler, on ne peut pas davantage se fier à nos souvenirs qu'à notre imagination.