Citations de Maurice G. Dantec (283)
Il y avait des camps de concentration par ici. Déguisés en cités de transit et autres grands ensembles HLM (dont les initiales signifiaient réellement Horizontaux Logements Mortels, selon la nomenclature secrète des ministères aliens).
Je vais vous dire à quoi sert un bureaucrate, à l'ère de la communication instantanée, à l'âge de la vitesse-lumière. Il sert à bloquer l'information.
Feu rapide, consume-moi, voici la flamme secrète
Sauve-moi des chambres à gaz et des exterminateurs de bébés
Feu rapide, montre-moi comment brûler
Sans que jamais la vie ne s'éteigne
Sans que jamais le Mal ne m'atteigne.
L’apparition des meurtriers en série est en effet inséparable de la naissance de la civilisation des « loisirs ». Et ce, pour une raison bien simple : il faut du temps pour tuer. Et surtout il ne faut rien avoir de mieux à faire.
Deux demi-vérités ne font pas une vérité.
Il était en pleine ascension psychotique. Une expérience à côté de laquelle le plus mauvais des bad trips à l'acide ressemble à une fantaisie disneyenne.
Son petit tailleur gris perle, strict et anodin, quoique élégant. Ce sourire infernal qui devait bien atteindre les mille degrés centigrades. Je me suis demandé qu'elle était la force qui me retenait de lui sauter dessus dans la seconde. Sans doute une strate de morale résiduelle, ou pire encore, de timidité, me suis-je dit avec un sourire involontaire.
Compliqués, hein les arcanes de la bureaucratie française ? Ai-je laissé tomber, sarcastique. Ça a permis à un bon millier de gosses hémophiles de vivre une expérience médicale tout à fait passionnante dernièrement.
Le lien entre la littérature noire et la métaphysique réside dans le fait que l'expérience humaine jugée primordiale par l'une et l'autre est la place de la mort dans la vie.
Robin cook.
Peut-être qu'à tuer on gagne en sainteté. C'est peut-être un moyen de découvrir le mystère de Dieu.
James Crumley in Un pour marquer la cadence.
Il faut bien comprendre que les « véritables » scientifiques sont avant tout des êtres doués d'imagination. C'est-à-dire capables de faire « rupture » avec l'ordre informationnel qui les entoure. Il faut de l'imagination pour entrevoir les structures cachées qui sous-tendent l'univers, au-delà de ce que nous donnent à voir nos sens et nos instruments.
Quel que soit le truc que vous inventiez, il vaut mieux se faire une raison quand on est un scientifique: il y a toujours, quelque part, un militaire prêt à transformer votre zinzin en machine de destruction massive.
Donne un cheval à celui qui dit la vérité, rappelle un proverbe afghan, il en aura besoin pour s'enfuir.
... vous découvrez que votre meilleur ami, ou un de vos proches parents, a une liaison extraconjugale, on dit une maîtresse. (...) si vous essayez de voir ce que ce fait générique recouvre comme multitude de petits faits humains, autrement plus signifiants, alors vous finissez par être effaré par ce que cela combine de trahisons et de mensonges quotidiens, de calculs, de mesures de sécurité, de peurs, d'hypocrisie, de dégoût de soi-même parfois, ou alors de froide manipulation. Le listing est presque sans fin car chaque détail s'articule à son tour sur un ensemble de micro-comportements, et ainsi de suite.
Un problème prévu est un problème en moins.
Le motel se composait d'une quinzaine de bungalows en stuc, sûrement dessinés par un de ces architectes postmodernes néo-mussoliniens qui contaminaient l'Italie voisine. Ça mélangeait le faux Pompéi, la Renaissance italienne revue par des futuristes de bazar, et l'esthétique noire et froide des années quatre-vingt, le tout ayant le côté douillet d'une salle de réunion du Soviet Suprême. C'était tout juste habitable.
Il y a deux manières de combattre la liberté de pensée : sa suppression pure et simple et le droit donné aux abrutis de la recouvrir de leurs bavardages.
Vivre était donc une expérience incroyable, où le plus beau jour de votre existence pouvait s'avérer le dernier, où coucher avec la mort vous garantissait de voir le matin suivant, et où quelques règles d'or s'imposaient avec constance: ne jamais marcher dans le sens du vent, ne jamais tourner le dos à une fenêtre, ne jamais dormir deux fois de suite au même endroit, rester toujours dans l'axe du soleil, n'avoir confiance en rien ni en personne, suspendre son souffle avec la perfection du mort vivant à l'instant de libérer le métal salvateur. Quelques variables pouvaient à l'occasion s'y glisser, la position du soleil dans le ciel, le temps qu'il faisait, et à qui on avait affaire.
"Je suis un écrivain rock’n'roll. Je pense que l’homme a commencé à communiquer par le chant et que dieu a créé l’univers en branchant une Gibson sur un Marshall en mettant volume 11."
Tout livre est une machine, c'est-à-dire un être vivant. Tout livre est un codex cérébral, un long virus qui s'imprime durablement dans la mémoire neurologique, c'est-à-dire dans le corps humain tout entier. Juger la qualité d'un roman sur le strict plan de son "harmonie interne", sur la qualité intrinsèque de sa phrase, de son style, ou de son récit consiste à ne pas prendre en compte ce pour quoi toute littérature, me semble-t-il, est produite : pour détruire. Pour corrompre. Pour dissoudre. Pour transgresser. Pour contaminer. Tout roman est une machine de guerre. Une machine de guerre nomade, mentale et biochimique, que chaque auteur détruit avec la suivante.