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Citations de Maurice Genevoix (374)


Maurice Genevoix
Pitié pour nos soldats qui sont morts! Pitié pour nous vivants qui étions auprès d’eux, pour nous qui nous battrons demain, nous qui mourrons, nous qui souffrirons dans nos chairs mutilées! Pitié pour nous, forçats de guerre qui n’avions pas voulu cela, pour nous tous qui étions des hommes, et qui désespérons de jamais le redevenir.
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Au temps de mon adolescence, la Loire était vive en nageoires, en belles et franches espèces indigènes.
On a laissé se galvauder, s'enverminer ce gentil peuple.
Pollutions, négligences, expériences inconsidérées ?
En tous cas le résultat est là ...
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Pitié pour nos soldats qui sont morts! Pitié pour nous vivants qui étions auprès d'eux, pour qui nous nous battrons demain, nous qui mourrons, nous qui souffrirons dans nos chairs mutilées! Pitié pour nous, forçats de guerre qui n'avions pas voulu cela, pour nous tous qui étions des hommes, et qui désespérons de jamais le redevenir.
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Mais, à mesure que l'âge vient, le train des jours se précipite et chacun d'eux, de leurre en leurre, nous emporte dans un songe agité d'où l'on se réveille, un matin, lucide enfin mais septuagénaire.
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Et je me demandais avec un affreux serrement de cœur, en regardant cette foule harassée, ces reins ployés, ces fronts inclinés vers la terre, lesquels de ces enfants habillés en soldats portaient déjà, ce soir, leur cadavre sur leur dos.
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En mes jeunes années, j’avais lié amitié avec un homme de la forêt, un de ces doux sauvages dont les rouliers se gaussent à l’auberge, parce qu’ils n’ont pas réussi à se déprendre de leur enfance.(…) Ils sont restés pareils à des enfants, préservés des morts silencieuses qui flétrissent le cœur des vivants, fils du printemps encore quand l’hiver neige sur leurs cheveux.
D’autres que j’ai connus aussi, se défendaient par d’humbles moyens, l’innocence, la pauvreté, la bonté. J’en sais un pauvre entre les pauvres, qui cachait jalousement un trésor au fond d’un tiroir. On y lisait : "Ce matin, la première hirondelle. Nous l’avons espérée longtemps." Ou encore : "Sur les trois heures de la nuit, j’ai entendu un vol d’oies sauvages. C’est bien tôt dans la saison. Nous allons souffrir de grands froids." Presque à chaque page, des fleurs séchées, des plumes d’oiseaux, des signets de mémoire qui marquaient quarante années d’une vie.
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J’aurais traversé le siècle sans avoir éludé jamais les épreuves qu’il me réservait, celles qui nous sont à tous communes et les miennes propres, respectivement si dures à chacun. La loi commune, l’adolescence venue, a requis et pétri l’enfant que j’avais été à des fins qui n’étaient pas les siennes. Et cependant, au fond de lui, presque éteinte, toujours vivace, une petite lueur veillait que la bonace eût peut-être éteinte, mais que la tourmente et l’orage ont ranimée inextinguiblement. Pour l’homme que j’ai été, chaque fois qu’il l’a fallu, c’est la mort qui, soulevant le voile, a ramené son cœur et ses yeux vers la vie. C’est son intercession qui m’a rendu au monde intemporel, celui des « longs échos qui de loin se répondent », des « forêts de symboles » familières au pays de Baudelaire, d’Apollinaire et de Nerval.

Il y a plus d’une place dans la maison du Père. Roger Caillois, peu de jours avant de mourir, comme il lui était demandé « quelle image il aimerait que l’on gardât de son œuvre et de lui », répondait : celle d’un poète, et qui ose dire « je ne parle qu’en mon nom mais comme si chacun, dans mes mots, s’exprimait autant que moi » ; d’un poète qui ose dire : « Je m’adresse à un interlocuteur invisible, de façon telle que chacun peut avoir l’illusion que mes mots ne s’adressent qu’à lui. »
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Un peu plus tôt, un peu plus tard, le moment vient toujours où l'homme mûr réinvente sa vie ; ne serait-ce qu'en s'octroyant la souveraine liberté de choix dont le privent des traditions ou des préjugés de famille, le jugement d'un maître d'école ou le hasard des destinées. Qui ne traîne en secret un cortège de nostalgie, ne s'imagine clown pailleté dans un cirque, guérisseur ou marinier d'eau douce ?
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Couché sur une civière, dans le réduit encombré d’outils et de planches, Sicot a gardé les yeux ouverts.
A la lueur d’une chandelle qui est là, sa face exsangue semblerait morte, n’était ses yeux toujours vivants. Il me voit, me reconnaît, et sans rien dire, pendant que je regarde, il pleure à grosses larmes lentes d’être sûr qu’il va mourir.
« A revoir, Sicot… tu seras ce soir à l’hôpital de Verdun… On y est bien… Il y a des toubibs épatants… »
Les larmes roulent, de ses yeux déjà éteints.
Sous la montée brillante des larmes, ses prunelles ne vivent plus que d’une dernière clarté : la certitude et la tristesse de mourir.
Il fallait bien sortir de cette petite casemate, ne plus voir ce corps étendu, cette force jeune, cette simple bonté, tout cela qui était Sicot, et qui mourait lentement, depuis le claquement grêle d’une balle au bord de l’entonnoir 7.
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Au lieu de suivre le bord de la Loire, j’avais marché à l’opposé du fleuve vers une pinède ou je savais trouver le silence grave, la lumière doucement amortie qui me mettrait quelque apaisement au cœur.
La mousse feutrait le sable du chemin que je suivais. De part et d’autre la foule des pins sylvestres espaçait ses hautes colonnades d’un rose ardent peu à peu mauvissant sur les profondeurs bleues du sous-bois.
Le silence même et sérénité. L’essor brusque d’un ramier dans les cimes, le déboulé d’un garenne or d’un roncier, le saut rebondissant d’un écureuil dans la perspective de l’allée s’intégrait parfaitement à se silence et à sa paix.
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Quarante heures que nous sommes dans un fossé plein d'eau. Le toit de branches, tressé en hâte sur nos têtes et calfeutré de quelques brins de paille, a été transpercé en un instant par l'ondée furieuse. Depuis, c'est un ruissellement continu autour de nous et sur nous (...) A présent, il fait jour. Nous venons de manger des morceaux de viande froide, mouillée, affadie, aussi quelques pommes de terre vertes trouvées dans un champ et qui ont cuit un peu sous les cendres. On nous a annoncé la relève pour ce soir. Moi je ne l'espère plus. Je ne sais plus. Nous sommes là depuis un très long, très long temps. On nous a mis là ; on nous y a oubliés. Personne ne viendra. Personne ne pourra nous remplacer à la lisière de ce bois, dans ce fossé, sous cette pluie. Nous ne verrons plus de maisons avec les claires flambées dans l'âtre, plus de granges bien closes où le foin s'entasse et ne mouille jamais. Nous ne nous déshabilleront plus pour délasser nos corps et les délivrer de cette étreinte glacée. Et d'ailleurs, à quoi bon ? Mes vêtements englués de boue, mes bandes molletières qui broient mes jambes, mes chaussures brûlées et raides, les courroies de mon équipement, est-ce que tout cela maintenant ne fait pas partie de ma souffrance ? Cela colle à moi. L'eau, qui a pénétré jusqu'à ma peau d'abord, coule maintenant dans mes veines. Maintenant je suis une masse boueuse, et prise par l'eau, et qui a froid jusqu'au plus profond d'elle, froid comme la paille qui nous abritait et dont les brins s'agglutinent et pourrissent, froid comme les bois dont chaque feuille ruisselle et tremble, froid comme la terre des champs qui peu à peu se délaye et fond.

Maurice Genevoix, Ceux de 14, sous Verdun, ch. V
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Chaque jour était comme une naissance. Persistante, ma tristesse devenait consentement. Autant la mort de ma mère avait rué mes douze ans vers la détresse et la révolte, autant celle de mon père s’intégrait à un ordre du monde qui m’intégrait moi-même à la coulée du temps, à la réalité d’un univers qui tout ensemble dissolvait mon être et l’augmentait inépuisablement. Pas une aube, pas une heure du jour qui ne me fussent révélation, ferveur. Aujourd’hui, je pense que la guerre avait passé par là, sa cruauté, ses aberrations, sa bêtise. Les Vernelles me réconciliaient, me rendaient à une liberté où il m’était donné de me connaître dans ma vérité la plus vraie, et ainsi à ma vocation.
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Il y a ainsi des moments qui marquent la trame de nos jours d'un signet ineffaçable, d'ailleurs inexplicablement.
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je les ai trop regardés vivre. Je sais que celui-ci est un lâche, et celui-ci une brute, et celui-ci un ivrogne. je sais que le soir de Sommaisne, Douce a volé une gorgée d'eau à son ami agonisant ; que Faou a giflé une vieille femme parcequ'elle lui refusait des oeufs ; que Chaffard, sur le champ de bataille d'Arrancy, a brisé à coups de crosse le crâne d'un blessé allemand... J'ai trop regardé les lueurs troubles de leurs yeux, les tares de leur visage, tous leurs gestes de pauvres hommes. je les ai regardés faire la guerre, et j'ai cru que je les voyais, peut-être que je les connaissais.
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On sera bien , l'après-midi, à laisser descendre le soir sur la paix des jardins sauvages. L'air sent la pêche. Le ciel vert est un lac limpide où des ramures balancent leurs palmes, où nagent les martinets dans un lointain vertigineux.
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Aucun d'eux n'osera plus parler : on a touché au plus profond, au plus secret d'eux-mêmes. Cela palpite en chacun d'eux. Et chacun, même ce soir, huit jours avant l'assaut qui menace, est le maître ombrageux de son cœur.
Leurs pensées... Qui se vantera de jamais les connaître ? Je sais que nous nous ressemblons tous. Je sais aussi que j'ai voulu être près d'eux, et qu'ils me sentissent près d'eux : à cause de cela, parfois, j'ai cru que leurs yeux se livraient. Leurs pensées... Est-ce que je sais ? Ce qui m'a ému dans leurs yeux, n'était-ce pas un reflet de moi-même ? ... Eux et moi, chacun de nous et tous les autres. Et pour moi seul, ce monde caché de souvenirs et d'espoirs, ce monde prodigieux qui mourra si je meurs. Et pour chacun d'eux tous, un autre monde, que je ne connaîtrai jamais. Visage des souvenirs, murmures des voix qu'on est seul à entendre, tiédeur des rêves, formes légères d'espoirs glissant parmi les souvenirs... Ils me ressemblent, leurs yeux me l'ont dit quelquefois : mais rien de plus, dans l'échange furtif d'un regard ; rien qu'une lueur émouvante, entre deux infinis de silence et de nuit.


Les Eparges, Février 1915.
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Lorsque ma main a saisi mon bidon, mon pouce s'est enfoncé, bizarrement dans un trou. J'ai regardé, regardé ce trou : il avait des bords affreusement déchiquetés ; il béait comme une plaie ouverte, comme une de ces blessures profondes par où s'en vont le sang et la vie... Je n'ai pas songé à l'éclat d'obus qui avait frappé là, qui aurait dû me déchirer le flanc. Je m'étais affalé sur le dos, les épaules pesantes, les bras inertes ; autour de moi des balles griffaient l'herbe, s'enfonçaient comme des coups de couteau dans la terre molle du talus ; et je savais bien qu'une de ces balles pouvait me tuer ; et pourtant je ne bougeais pas... Etre tué... mourir...Qu'est -ce-que cela pouvait me faire, maintenant que mon bidon était vide...
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Lorsqu'on a faim, on se sert sa ceinture d'un cran, on écrit des lettres, on rêve.
Lorsqu'on a froid, on allume une flambée, on bat la semelle, on souffle sur ses doigts.
Mais lorsque le cœur s'engloutit peu à peu en des marécages de tristesse, lorsque la souffrance ne vient pas des choses mais lorsqu'elle est nous-même tout entier, quel recours?
A quoi se cramponner pour échapper ? On voit lorsque l'hiver commence des fins de jours si lugubres !
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Pendant ma longue appartenance à ma province, au Val de Loire, à la forêt orléanaise, aux étangs et aux brandes de Sologne, c’est la légende qui m’a tenté, sa poésie intemporelle dans un monde où les signes ne répondent qu’à la patience de la quête et à la ferveur de l’appel. Chaque livre, et ainsi tous mes livres, en portent le même témoignage. Autour de moi le monde changeait, et les hommes, et leur condition d’hommes. De ce branle obsédant où j’étais moi-même entraîné, je n’ai pu ni voulu m’abstraire. Mais toujours, au-delà du quotidien, de sa rumeur ou de sa frénésie, j’ai guetté, poursuivi, comme Bonavent le cerf de la Forêt perdue, par les voies traversées de soleil et d’ombres où se dérobent et bougent les secrets de nos destinées, la permanence des symboles où se rejoignent la mort et la vie.

Régionalisme, réalisme, naturalisme, symbolisme, animisme, unanimisme, je ne récuse rien. Pourquoi ? Tout est bon, tout est légitime si le mot est docile, le ton juste, la phrase exacte ; et si le mot, le ton, la phrase sont, enfin et surtout, les nôtres. Le fleuve, l’arbre, l’animal, autant que l’homme m’ont dicté les miens. Leur patience et la mienne ont fait, à la longue, amitié. Promeneur familier de la forêt, enfant, adolescent, soldat meurtri devenu écrivain, j’ai été d’abord, par les routins herbus et les layons de la forêt orléanaise, pareil au peintre que le motif arrête, qui plante son chevalet et qui peint ce qu’il a sous les yeux, ce qui vient de s’offrir à lui et qu’il ambitionne de « rendre ». Ainsi de moi, dans Forêt voisine. Lieux-dits, futaies, mares perdues, tout est nommé, reconnaissable, repérable. Mais le Nocturne des dernières pages, déjà, présage une libération.
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Ainsi de chateau en chateau, du plus prestigieux au plus humble, trouverons-nous le même double enchantement : une création, un rêve d'architecte, un style ; mais aussi et tout autant un site, un ciel, une lumière, une âme qui continue de vivre... Que de Rivau à travers le Val, de merveilles qui nous échappent, Belles-au-bois-dormant qui n'attendent qu'un regard un peu tendre pour de nouveau sourire à la lumière, à la douceur et à la joie de vivre.
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