Quel parcours félin émouvant, quel apprentissage tendre et violent à la fois de la vie, magnifiquement transcrit! Coup de coeur pour Rroû, l'attachant chat noir épris de liberté ! Et pour la plume subtile et évocatrice de l'auteur-poète !
On le découvre chaton, né dans le grenier d'une maison de ville. Il se distingue déjà de " Frère blanc" par son intrépidité, son caractère fort. Et Clémence, la domestique de la maison voisine, qui a senti en lui un être exceptionnel, s'attache à lui, plus esclave que maîtresse pour Rroû. En grandissant, il découvre avec délice et curiosité intense son environnement, le marronnier, les jardins sauvages au-delà, la rue...
le récit à la troisième personne, qui livre le point de vue de rroû, est un enchantement: nous vibrons à l'unisson du beau chat, sautons avec lui sur le mur, tout est sensations, frémissements dans le vent, descriptions si justes de la nature et des réactions félines , observation fine du monde animal. le style sensitif, sensuel, poétique m'a fait penser à Colette. J'ai d'ailleurs lu lentement , pour savourer chaque phrase, chaque impression...
rroû, et ce sera son drame, part avec Clémence pour " La charmeraie", résidence secondaire du médecin chez qui elle travaille. Un lieu délicieux, au bord de la Loire, un paradis pour Rroû. Quand ils reviendront à la ville, le chat s'étiole, se traîne...et brusquement, une nuit, décide de partir et de rejoindre le paradis perdu... Commence alors une errance hivernale, douloureuse pour Rroû , luttant pour sa survie mais ivre de liberté malgré tout.
La dernière partie du livre m'a fortement émue, d'autant plus que le premier chat que nous avons eu chez mes parents ( hommage à toi, mon quiqui!) a connu le même sort, enfermé dans un piège pendant quinze jours, et comme rroû, il y a laissé une patte...
Mais malgré les tourments et la douleur, la vie sauvage qui l'appelle, le monde des bois, les fourrés auront été plus forts que tout: ce livre est une ode à l'indépendance consentie, à l'ivresse de l'espace, des odeurs, de la nuit emplie de feulements de désir...
Une rencontre avec le petit fauve couleur d'ébène, fier et insoumis, que je n'oublierai pas...
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Pour écrire l'histoire de Rroû, Maurice Genevoix s'est inspiré d'un fait réel. En 1928, alors qu'il part passer l'été dans sa maison de campagne, sa domestique amène dans ses bagages le jeune chat qu'elle a adopté.
L'animal habitué à un jardin clos, découvre alors la vraie nature en bord de Loire. Il en goûte si fort les charmes, s'enivre tant de liberté que de retour en ville, il ne peut résister à l'appel de la vie sauvage et s'enfuit ....
A travers l'histoire de ce chat au fort tempérament, ce texte publié en 1931 est une ode à la nature, à la faune, à la flore que l'auteur sait si bien observer et décrire avec justesse et poésie. C'est aussi un plaidoyer pour le droit à être libre, quoiqu'il en coûte.
Malgré la cruauté de certaines scènes, ce texte est fait pour séduire tous les amoureux des chats et de la nature.
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Je suis moi même allée vers ce livre en trainant les pieds.....mais quand je l'ai atteint.....quelle émotion !!! merveilleuse écriture qui décrit la nature, ce qu'elle représente pour l'animal, l'ivresse de la liberté, la souffrance aussi...et puis l'humain qui aime, veut protéger, prend soin et attend dans l'angoisse....une histoire finit, une autre commence...les sentiments aussi.
Livre trés poignant auquel je pense trés souvent (j'ai un félin à la maison), qui m'a fait pleurer.
A recommander.
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On sera bien , l'après-midi, à laisser descendre le soir sur la paix des jardins sauvages. L'air sent la pêche. Le ciel vert est un lac limpide où des ramures balancent leurs palmes, où nagent les martinets dans un lointain vertigineux.
" Tu es là, Rroû ?"
Il n'est pas là. Il est où chante brusquement le pivert; il dérive sur l'aile des piérides; la branche du sureau flotte sous lui, tout le vieil arbre dont les amarres se sont dénouées, et qui l'entraîne sous un glissant soleil, dans la pâleur ambrée du soir, vers le pays où s'allument les étoiles.
Une sorte de folie l'avait pris, un délire de bonheur et d'orgueil. Toutes les attaches étaient rompues. Seul et libre dans le bois sauvage, il se roulait dans les feuilles à plein ventre; et son cri fauve -arroû !- chantait au bord de la fontaine.
Quand on l’a choisie librement, il est doux d’accueillir l’amitié d’un humain, ses prévenances, sa sollicitude. Rien oblige d’ailleurs à les subir continuellement : on les sait, on a la certitude qu’on les trouvera fidèles sans défaillance, toutes les fois qu’on daignera en accueillir l’hommage extasié.
Et quand elle vient pour le dessert,le maitre rit de toutes ses dents.Il dit en montrant le chat noir:"Ma pauvre fille,ce phénomène nous rends idiots."
Et le grand froid d'hiver bientot,et l'enclos sans provende ramènerontRrou vers la maison,sous ses yeux attentifs,sous ses mains qui retiennent et qui surement sauront reprendre.
Il suffisait à Rrou d'etre seul,et de vivre.
https://www.laprocure.com/product/1049468/genevoix-maurice-rrou
Maurice Genevoix, illustrations Gérard Dubois
rroû
Éditions La Table ronde
« On craque pour ce livre illustré de rroû de Maurice Genevoix aux éditions La Table ronde. Une petite merveille illustrée par Gérard Dubois qui est multi-primé en tant que dessinateur pour le Newyorker et le New York Times entre autres. Évidemment, Maurice Genevoix, c'est celui qui a été connu et reconnu pour Ceux de quatorze où il décrivait ses blessures de guerre et la guerre en elle-même, qui est un texte majeur en littérature française, puis qui avait eu le prix Goncourt pour Raboliot. Et ce texte-là, magnifique, n'est pas seulement l'histoire d'un chat, c'est bien plus que ça... »
Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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