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Critiques de Michel de Jaeghere (23)
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Les Derniers Jours

La fin de l'empire romain n'a jamais été un sujet de connaissance historique pure. Cette question-là fait surgir mille autres problèmes et polémiques, dès 410 et le premier sac de Rome par Alaric : du temps d'Alaric à Gibbon au XVIII°s, les penseurs anti-chrétiens ont fait du christianisme une des causes de la chute de l'empire. Les historiens nationalistes allemands, relayés au XX°s par les nazis, enseignaient que les peuplades germaniques qui envahirent l'empire le sauvèrent de la décadence. Plus tard, de nos jours enfin, on s'est plu, à gauche, à voir en ces Germains de gentils "migrants" pacifiques venus rajeunir le sang fatigué de la vieille Romanité. C'est dire que le sujet, qui concerne les IV°, V° et VI°s européens, n'est pas neutre.



Ce livre de Michel de Jaeghere est donc un ouvrage d'une brûlante actualité. Paru en 2014, en pleins débats sur la question migratoire, aux Belles-Lettres, ce qui est une garantie de sérieux et de qualité, il fait le point sur la question de la fin de l'empire romain d'Occident, après les analyses révolutionnaires (hélas relayées par des révisionnistes pro-"migrants") de Peter Brown. Brown avait raison de voir dans le Romanité de ces siècles-là non pas une décadence sans intérêt, mais un "nouvel empire" et un renouvellement de la culture et de la civilisation. Mais Brown, contrairement à ses épigones, n'a jamais affecté de voir dans les invasions barbares de pacifiques "migrations" de gentils étrangers. Il y eut des violences, des guerres, des destructions et des pillages, on assista à l'installation, sur le sol romain, de nations non-romaines venues là, non comme alliées sous contrat (foedus), mais invaincues, et selon leurs propres conditions. Plus frappant encore, à côté du récit de ces trois siècles politiques et militaires, Michel de Jaeghere nous montre l'effondrement démographique, la désertification des campagnes, la pénurie économique, la misère, la disparition du commerce, de la culture, de l'école. On cesse de vivre dans des cités ouvertes et sans remparts pour retourner s'enfermer dans des forteresses (oppida) abandonnées depuis la conquête de César. La loi, enfin, n'est plus celle qui s'applique à tout citoyen, mais chaque groupe et communauté a sa loi privée (privilège) et chaque membre est traité selon son origine ethnique (encore un sujet d'actualité). Bref, les données économiques, démographiques (attestées par l'archéologie), juridiques (attestées par les codes de lois du temps) etc, attestent qu'il y eut en Occident une chute violente de l'empire romain et de sa civilisation, et que les "migrations" furent un désastre. L'auteur, tenant compte des avancées de l'histoire selon Peter Brown, rappelle, en harmonie avec lui, un certain nombre de faits que certains intellectuels, ou politiciens comme Aillagon en 2008, on ne sait pourquoi, ont eu tendance à occulter. La lecture de ce livre est donc indispensable.
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Le Figaro Hors-série : Jules Verne, L'incroya..

En faisant du rangement, je viens de retrouver cet Hors-série du Figaro consacré à Jules Verne.

Retrouver, car ce n° date de 2005...!

Pourquoi un spécial "centenaire" en 2005 ?

C'est que nous avons cette curieuse habitude de célébrer les "anniversaires de la mort", une chose que soit dit en passant je ne comprends pas vraiment...Passons.



C'est donc en 1905 que disparait cet auteur si populaire et cher aux cœurs des français.

Il est vrai que l'oeuvre de Verne est pour des générations de lecteurs et de lectrices une source de souvenirs de lectures de jeunesse.



Mais, comme il est rappellé dans ce magazine, Verne n'était certes pas qu'un auteur jeunesse de son temps, même si ses oeuvres avaient un côté didactique et éducatif (parfois un peu ennuyeux ; voir les longues descriptions marines de "20 000 lieues sous les mers" par exemple.)



Les romans de Verne sont le miroir d'une époque où beaucoup de choses restaient à découvrir, à inventer, beaucoup de lieux à explorer.

Ses personnages, sont souvent des explorateurs, des découvreurs, des inventeurs.



Mort en 1905 donc, mais jamais oublié, les romans de Jules Verne gardent encore une grande part de leur magie intacte.



Ce n° Hors-série du Figaro est d'une lecture agréable et intéressante et joliment illustré, paru il ya 15 ans, on peut encore se le procurer en occasion.
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Un automne romain : Journal sans moi

Le lecteur curieux, en ouvrant ce livre, sera comblé. Non seulement ce "Journal romain" est une des plus belles évocations contemporaines de Rome que je connaisse, mais le voyage auquel nous convie l'auteur est aussi temporel, car nous rencontrerons Enée, Romulus, Michel-Ange, Jules II ou Jean-Paul II, et tous ceux qui se firent un nom à Rome des origines mythiques à nos jours (ou presque, nous sommes en 1996, au moment où l'on s'attend à la mort de Jean-Paul II). Enfin, nous ferons avec l'auteur un troisième voyage à travers la littérature française, qui possède ce genre à part du "Voyage à Rome" : Montaigne, Retz, le président De Brosses, Chateaubriand, Stendhal (surtout lui, il accompagne l'auteur dans toutes ses promenades) etc..., jusqu'à Yourcenar et Montherlant.



Trois voyages en un, voilà de quoi effrayer le lecteur que l'érudition (ou seulement le savoir) ennuie. Mais érudition et savoir ne sont ennuyeux qu'à l'état de mort clinique, comme objets empoussiérés de musée. L'auteur n'étale pas une vaine science, il est trop intelligent pour cela : il sait distinguer entre le présent et l'actualité (l'actualité est ce que les journalistes ignares choisissent dans le présent pour en parler, condamnant le reste à l'oubli ou pire, au patrimoine). A Rome, l'auteur nous fait ressentir le présent dans sa totalité : à savoir la vie de chaque jour imprégnée de passé, de beauté, de culture. Comme à Rome, le passé est vivant et participe au présent (chez les gens cultivés), il n'a rien de périmé, mais donne de la profondeur à l'actualité et au monde. Cette synthèse des temps est tournée vers l'avenir, à savoir vers les inquiétudes qu'inspire le sort de l'église et de la civilisation européenne qu'elle a créée, n'en déplaise aux eurocrates bruxellois. Cette angoisse de l'avenir donne beaucoup d'intensité aux pages du livre.



Enfin, imprégné de bonnes lettres et de culture, l'auteur écrit plutôt bien (malgré des distractions) : il s'inscrit là aussi dans la lignée de Stendhal, le promeneur de Rome, et de tous ceux qui l'ont précédé et suivi. Il écrit bien parce qu'il a su créer en lui la synthèse du passé, la littérature française, et du présent, sa propre créativité. A l'école de Stendhal encore, il nous épargne dans ce "journal sans moi" les étalages d'intimités, de ressentis vertueux et de sincères sottises qu'on pourrait craindre de trouver dans un journal intime.



Le lecteur se promènera dans ce livre comme dans un beau et profond paysage, et oubliera les parkings, les éoliennes, les banlieues de la littérature française, ou plutôt de la production française de livres. Michel de Jaeghere n'est pas l'un de ces ânes publiés et encensés dans les médias par d'autres ânes.
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Les Derniers Jours

Ce livre n'est pas une histoire de plus des IV° et V°s romains, mais un livre qui, à travers le récit passionnant des événements de Valentinien au dernier Romulus Augustule, permet de réfléchir, une fois de plus, au thème du déclin et de la chute de l'empire romain d'Occident. Beaucoup d'historiens sérieux avaient critiqué à juste titre les notions de Bas-Empire, de décadence romaine, de chute de Rome. D'autres se sont penchés sur les Barbares pour découvrir qu'ils ne correspondaient pas à la description qu'en faisaient les Romains effrayés. De là à dire que les invasions étaient des migrations, que l'effet de la présence germanique en terre romaine ne fut pas si dramatique, il n'y avait qu'un pas que des journalistes et idéologues peu scrupuleux, désireux de promouvoir une propagande qui a tout à voir avec l'actualité mais rien avec Rome, ont franchi volontiers. L'histoire, même antique, peut servir parfois à des empoignades idéologiques de ce genre. Le mérite de cet ouvrage est de rappeler qu'il y eut vraiment régression, que le système de production et de société romain a cédé devant la présence des Germaniques en son sein, et que l'ensemble de la vie en Gaule, Italie, Espagne, Afrique, a profondément régressé. Les hommes sont retournés à des situations de vie pré-romaines, à la subsistance étroite, au sous-développement chronique, avec toutes les conséquences que peut avoir la disparition d'un état de droit qui ne peut intégrer des allogènes important avec eux leurs manières et leur propre droit.
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La compagnie des ombres

Au travers de 70 textes qui s'étalent de l'Egypte et la Grèce antique à nos jours, l'auteur fait une analyse personnelle de faits historiques choisis mais avec un véritable souci de la nuance. Il y a des leçons directes à tirer de chacun de ces courts récits ; et il y a des leçons à méditer plus longuement, sur l'usage qui est fait de l'histoire par la société et les politiques, sur son importance pour l'attachement à un pays et des valeurs, sur la transmission d'un héritage reçu des ancêtres, sa fonction civilisatrice. Pour développer un esprit critique qui a le sens de la nuance, éviter les manipulations et la déformation de la mémoire, il faut connaître l'histoire. Ne pas connaître son histoire c'est s'exposer à la disparition de sa culture.

« Un arbre sans racines va où le vent le porte : une fabrique d'amnésiques ne produit que des voyageurs sans bagages. »



S'il peut être reproché à l'auteur de tirer des leçons de l'histoire au détriment d'une lecture plus scientifique qui aspirerait à plus de neutralité – si une telle lecture de l'histoire est possible -, on peut aussi apprécier ces leçons pour réfléchir à sa propre vision de la situation actuelle. Après tout, il s'agit d'un essai où l'auteur partage son amour pour l'histoire, pas d'un livre d'histoire.
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Les Derniers Jours

Comme il s’agit d’un livre de 790 pages, très opportunément réédité dans une collection accessible, je n’ai nulle intention de résumer cet ouvrage bourré de références, comme il sied à un travail …. de Romain !

 



Cette époque troublée de la décadence de l’Empire romain d’Occident – de la seconde moitié du IVème siècle (avènement de Valentinien 1er en 364) à 476 avec la déposition de Romulus Augustule) me passionne depuis très longtemps car elle présente un certain nombre de caractères communs avec la nôtre, ce qui est parfois effrayant. En effet, « Nulle part en Europe et dans le monde méditerranéen, une société n’a été renvoyée aussi vite par la guerre, d’un niveau considérable de prospérité régionale et d’intégration économique à la situation d’une série de microsociétés réduites à une économie élémentaire » dit Chris Wickham.

Au-delà des vicissitudes compliquées des luttes aux frontières et de l’incapacité à défendre la civilisation contre les incursions des peuples barbares, le processus de dégradation et d’éclatement de l’Empire interpelle. C’est une époque d’empereurs fantoches dominés par des hommes forts, généralissimes d’origine le plus souvent étrangère, qui ont souvent vécu plusieurs années à la cour romaine comme otages et en connaissent la culture et les techniques de combat et se démènent pour négocier, dominer, s’enrichir, s’entre-tuer pour conquérir et conserver le pouvoir : Fritigern, Alaric, Athaulf, Wallia, Stilicon, Constance, Aetius, Bauto, Arbogast, Bélizaire … Ils comptent plus que les empereurs-enfants et différents usurpateurs qui se succèdent à Milan, Trèves ou Ravenne, cette capitale protégée par ses marais méphitiques et ravitaillée par mer en cas de besoin.

Parmi les facteurs de la décadence, on note d’abord, et très naturellement, l’attirance irrésistible des peuples vivant au contact de l’Empire pour la richesse de la civilisation romaine. A la mort de Théodose en 395, Pictes et Scots en Bretagne, Frisons, Francs, Alamans, Vandales Silings, Burgondes, Marcomans, Alains au-delà du Rhin et du Danube, Vandales Hasdings, Gépides, Suèves, Goths (de l’est et de l’ouest) Huns, Perses au nord et à l’est, Maures au sud menacent la Pax Romana. Les Huns bousculent les peuples qui sont devant eux. Les Vandales sont restés tristement célèbres. Ce qui n’exclut pas les guerres opposant l’Empire d’Occident à l’empire d’Orient, qui lui survivra pourtant un millénaire de plus.

Les guerres, les pillages répétés ravagent les cultures, les liaisons maritimes qui permettaient l’approvisionnement en céréales sont coupées, les villes rétrécissent, disparaissent … Par manque d’argent pour recruter les troupes et les solder, les empereurs engagent des troupes barbares et  confient la défense de l’empire contre les invasions à des troupes non assimilées, laissées à la conduite de leurs propres chefs. Pour les rémunérer, on leur distribue des terres, ce qui aboutit à la formation de royaumes autonomes.

Pour faire face à l’effort surhumain que demandait, en hommes et en argent la défense de son immense territoire, l’empire n’a pas assez de population : il connaît structurellement une grave crise démographique : contrôle des naissances, mortalité infantile élevée, fréquence des divorces, stérilité due aux suites d’avortements, rien n’encourage, dans la société romaine, les citoyens à avoir des enfants. Le christianisme n’est pas encore assez prégnant pour contrecarrer cette évolution.

Les razzias, les épidémies, la disparition de la matière fiscale, la corruption généralisée des élites qui ont perdu le sens de la fidélité à l’empire, la poussée des Huns sur tous les autres peuples puis le chaos suivant l’écroulement de l’empire d’Attila après sa mort … sont autant de facteurs provoquant l’effondrement de cet empire tant de l’extérieur que de l’intérieur… comme d’autres empires plus récemment.

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » déclarait Paul Valéry en 1919. L'auteur cite aussi René Grousset : « Aucune civilisation n'est détruite du dehors sans s'être tout d'abord ruinée elle-même, aucun empire n'est conquis de l'extérieur, qui ne se soit précédemment suicidé. Et une société, une civilisation, ne se détruisent de leurs propres mains que quand elles ont cessé de comprendre leur raison d'être, quand l'idée dominante autour de laquelle elles étaient organisées leur est comme devenue étrangère. Tel fut le cas du monde antique.»

Les hommes étant gouvernés par les mêmes passions, la décadence de l’empire romain d’Occident a de quoi faire réfléchir …
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Le cabinet des antiques

SUJET N°1 :

Qu'est-ce que la démocratie ?



SUJET N°2 :

Démocratie classique et démocratie moderne



SUJET N°3

Commentaire de texte :

"Il faut faire de la politique, mais il faut savoir qu’il n’y a pas que la politique. Parce que la France n’est pas seulement une réalité politique. Parce qu’elle est aussi une famille de familles réunie par une espérance partagée, la foi qui nous fut longtemps commune. Il nous appartient de nous conduire en héritiers de cette famille qu’illustre le cortège immense de nos héros et de nos saints. Cela exige d’entretenir en nous l’amour et la connaissance de notre Histoire ; l’admiration pour nos cathédrales, nos églises romanes, nos châteaux et nos sanctuaires, les palais de nos rois, les alignements de nos buis, les quatrains de nos poètes, les merveilles de notre littérature, la geste de nos héros, la douceur de nos collines. La France est ce pays dont les paysages portent plus qu’aucun autre, peut-être, la marque et la patine du long travail du temps. Où les routes serpentent dans la carte du Tendre, où les montagnes couronnées de neige plongent leurs parois brutes dans l’azur enchanté de la plus belle des mers ; où les forêts elles-mêmes élèvent leurs futaies comme la voûte d’ombre d’une cathédrale ; où surgissent, de la moindre colline, de somptueux châteaux ; où les coteaux taillés en espaliers pour y accueillir des alignements de vignes surplombent des fleuves qui tendent le miroir de leurs eaux argentées vers le bleu profond du ciel. Elle est ce pays qui a vu naître la chanson de geste et les comédies de Molière, l’amour courtois des fabliaux et les Pensées de Pascal, les bergeries de Rousseau, les tragédies de Corneille et les raffinements délicieux et pervers de Laclos. On y a bâti le Mont-Saint-Michel et la basilique de Vézelay, Notre-Dame de Paris et la cathédrale de Beauvais, Cluny, Cîteaux, Fonfroide, Fontainebleau, Chantilly et Versailles. On y a inventé les jardins de Le Nôtre et joué Les Plaisirs de l’île enchantée ; créé Les Indes galantes, La Damnation de Faust et le Prélude à l’après-midi d’un faune ; mis en musique le cantique de Racine sur un air de Gabriel Fauré, la légende Rebecca sur une composition de César Franck ; on y a sculpté Notre-Dame de Grâce et l’Ange de Reims ; conçu le portail de Conques et la Porte de l’enfer de Rodin ; peint le retable du Maître de Moulins, les ports de Claude Lorrain, la promenade du chancelier Séguier et la mort de Sardanapale, Impression soleil levant et Les Coquelicots ; on y a écrit La Princesse de Clèves et La Comédie humaine, Une saison en enfer et À la Recherche du Temps perdu, Madame Bovary et La Chartreuse de Parme, Booz endormi et Le Dormeur du val, Les Fleurs du mal et Le Diable au corps, La Reine morte et Le Hussard sur le toit, Antigone, Aurélien et Voyage au bout de la nuit ; on y a tourné Le Schpountz et La Grande Vadrouille, La Kermesse héroïque et Les Tontons flingueurs, Baisers volés et Plein Soleil, Un taxi pour Tobrouk et Que la fête commence, Tous les matins du monde et La Grande Illusion, Les Enfants du paradis, Drôle de drame, les Diaboliques et Flic ou voyou. On y a multiplié les grands crus, les fromages, inventé la baguette, mis au point la recette du turban de filets de sole à la carmélite, le buisson de mauviettes en cerises et la poularde en demi-deuil. On y a donné corps et âme à Cyrano et d’Artagnan.

Il nous appartient d’entretenir en nous et d’insuffler à nos descendants la fierté de l’héritage reçu en même temps que l’humilité de nous reconnaître débiteurs de ceux qui nous l’ont transmis."

Extrait du Cabinet des Antiques - Michel de Jaeghere - Pages 534 à 535



Si on considère que c'est de la philosophie vous avez 4 heures.

Si on considère que c'est de l'histoire vous avez 4 ou 3 heures selon votre série.



Pour y répondre la meilleure des solutions est se plonger dans cet ouvrage, et autant le dire tout de suite l'érudition dont fait preuve l'auteur ne connaît, aucune limite.

Car c'est du grand art que de réussir à rassembler dans une seul et même ouvrage des sources aussi différentes, diverses et diversifiées qui vont de l'Antiquité (avec par exemple Aristote, Cicéron, Euripide, Hérodote, Saint Augustin ou Xénophon) au œuvres médiévales, modernes et contemporaines (Tocqueville, Chateaubriand, Condorcet, Hitler, Montesqieu ou Rabelais).

Et l'auteur réussit ce pari avec maestria. Alors certes par moment le propos peut être plus incisif et sujet à discussion. Mais on ne pourra jamais reprocher le manque d'argumentation et de clarté dans chacun des sujets abordés.

C'est magnifiquement écrit, jamais ennuyeux et c'est une source de connaissances inépuisables à laquelle l'auteur nous propose de nous abreuver.

Nous sommes très loin des idées lancées à l'emporte-pièce par des démagogues en mal de notoriété ou de reconnaissance voire les 2 à la fois, et pour qui l'important est plus sûr la forme que le fond.



À propos sur le titre même le Cabinet des Antiques, il pourrait faire référence au livre d'Honoré de Balzac qui désigne le milieu de cette vieille noblesse de province, ruinée par la Révolution et oubliée par les Bourbons restaurés.

Mais la référence est tout autre, et c'est l'auteur qui nous donne la clé



"Louis XIV avait à Versailles son cabinet de Médailles, qu’il ouvrait volontiers à ses visiteurs de marque, comme faisaient tous les princes, les riches aristocrates de son temps. Mazarin avait sa propre galerie d’antiques, qu’il parcourait, à la fin de sa vie, en disant : « Il faut quitter tout cela ! » Ces trésors suscitaient alors une admiration d’autant plus vive que les élites étaient nourries depuis l’enfance par la lecture, l’étude des auteurs de l’Antiquité classique, la méditation des exemples de comportements et de situations que proposait l’histoire antique, où l’on croyait pouvoir trouver des réponses universelles. Rabelais s’est moqué de cette éducation passéiste et livresque."

Et de poursuivre

" Nos Modernes ont choisi d’aiguiser plutôt les esprits par le calcul, les chiffres, la tyrannie des mathématiques et des sciences naturelles, convaincus qu’il y avait plus de sagesse dans la connaissance des ressorts cachés des lois de l’univers que dans l’improbable quête de celles de la nature humaine. Cette révolution a suscité les progrès indiscutables de la science, de la médecine, les facilités des transports, la circulation numérique de l’information, l’amélioration exponentielle de notre confort. Elle nous a fait bénéficier d’une pluie de gadgets sans lesquels nous n’imaginons plus notre vie quotidienne. Elle nous a éloignés des interrogations sur les ressorts de l’âme humaine. Sommes-nous bien certains de n’avoir rien perdu au change ? "



Une chose est certaine c'est que ce livre a pour lui de nous emmener aux sources de notre civilisation, et de nous proposer un voyage engagé, riche et sinueux, mais tellement passionnant.

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La compagnie des ombres

Je remercie les éditions "Les belles lettres" et Babelio de m'avoir envoyé ce livre.

J'ai été très déçue par cet ouvrage. En choisissant ce titre dans la liste de ceux proposés par la Masse Critique, je pensais trouver des réponses, du moins des éléments de réponses, à la grande question "A quoi sert l'Histoire ?" Je ne m'attendais pas à un traitement "anecdotique" de l'Histoire, sans perspectives scientifiques, énoncé comme un cours de morale, sans véritable références historiques auxquelles se raccrocher. Les idéaux patriotiques très marqués, notamment les passages qui traitent de la guerre de 14-18, m'ont sidérée par l'interprétation restrictive que l'auteur donne des combats.



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Un automne romain : Journal sans moi

Simplement magnifique,

Magnifiquement érudite,

Érudition évocatrice,

Évocation superbement écrite,

Écriture documentée et simple.



Ce ne sont pas les superlatifs qui manquent pour qualifier cette promenade dans la Cité Éternelle

Comme le dit lui même l'auteur : "Sans doute fallait-il que Carthage soit détruite. Rome faillit l’être, elle aussi : par les Gaulois en 390 av. J.-C, par les Goths en 410 de notre ère, par les Vandales en 455, en 1527 par les mercenaires de Charles Quint.

En 547, le goth Totila avait chassé toute la population romaine hors de l’enceinte de ses murs. Il n’aurait, de la ville, pas laissé pierre sur pierre sans la lettre que lui adressa alors son adversaire, le général byzantin Bélisaire, qui le convainquit de n’en rien faire :

« Attenter aux monuments de cette ville, lui écrivit-il, serait de ta part une injure aux hommes de tous les temps, puisque cela reviendrait à ôter à ceux du passé le témoignage de leur mérite, et à priver ceux de l’avenir de l’occasion de s’émerveiller. »



Et à la lecture des pages de ce livre on a souvent l'occasion de s'émerveiller....



Rome est le symbole du début de l’expansion d’une civilisation qui, sublimant l’héritage de l’Empire romain et de la Grèce dans le creuset de cette foi nouvelle, a inspiré les écrivains, les peintres, les sculpteurs, les architectes, marqué de son empreinte l’action des aventuriers, des soldats et des rois.



L'auteur de nous rappeler que Chateaubriand, Stendhal, Zola se sont essayés tour à tour, avec un bonheur inégal, à sonder ce mystère.

Ils y ont été arrêtés par le triomphalisme de la pompe romaine :

le marbre, l’or, l’encens ;

le faste des inscriptions qui font des papes les héritiers des empereurs romains ;

la concentration inouïe de richesses, de génie, de talents qui ont transformé la cité du Vatican en un immense musée, en comparaison duquel les palais de nos rois apparaissent comme de sympathiques gentilhommières, ceux des empereurs de Chine comme autant de décors de théâtre en plein air ;

la rencontre de Pinturicchio, Botticelli, Piero della Francesca, Pérugin, Bramante, Raphaël, Michel-Ange, Borromini, Bernin ;

la possession des plus beaux marbres de la statuaire gréco-romaine ;

la réunion des manuscrits les plus précieux de la littérature antique ;

la collection des secrets les plus jalousement gardés de l’histoire diplomatique.



Car c'est bien de tout cela dont il est question ici. Michel de Jaghaere nous invite à son tour à une découverte, sa découverte, qui se fait à chaque fois différente selon la sensibilité de l'Ecrivain. Et c'est un très belle réussite. Une très belle mise en perspective de la Rome de l'Antiquité, de la Rome papale, de la Rome d'hier et de la Rome d'aujourd'hui.



Mention particulière aux 16 octobre, 18 octobre et 21 octobre.



16 octobre : ou l'auteur nous rappelle que "les Musées du Vatican sont nés d’une découverte, et d’un éblouissement. Le 14 janvier 1506, Jules II fut avisé que venait d’être mis au jour dans une vigne, sur la colline de l’Esquilin, une sculpture antique qui dépassait en beauté tout ce qu’on n’avait jamais vu sous le ciel" : le Laocoon qui fera une entrée triomphale dans le cortile du Belvédère.

18 octobre : la bibliothèque du Vatican, dont l'auteur nous explique que ce n'est pas ce lieu si obscur et secret que l'on veut bien le croire ou le penser ;

21 octobre : pour les chambres de Raphaël où l'auteur nous livre des secrets et des. Détails qui échappent aux plus fins observateurs.



Un très beau portrait à la hauteur de cette ville qui aura traversé les siècles et ne finira pas de nous émerveiller, bien loin de la prophétie de Malachie.... Roma Æterna.





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La compagnie des ombres

La compagnie des ombres expose un ensemble de faits historiques ordonnés chronologiquement et relatés chacun en quelques pages ; l'auteur en extrait diverses leçons pour les générations actuelles et futures. Il convient de préciser que le choix et les valeurs mises en exergue au fil des épisodes répondent d'une perspective idéologique chrétienne assez marquée. Une approche pouvant parfois donner lieu à des interprétations sujettes à caution : une civilisation romaine présentée comme «  en attente d'une religion nouvelle qui lui permettra de trouver une signification à l'existence » ( p 97 ) ou l'assertion suivante « Les Anciens ont tout inventé. Ils ont tout inventé de ce qu'a réélaboré, ensuite, notre civilisation, en illuminant leur sagesse par le secours de la Révélation » ( p 393 ). Or, comme le pointait le dictionnaire du paganisme grec de Reynal Sorel paru chez le même éditeur, ce qui est au coeur de la sagesse des païens, c'est d'une certaine manière l'absence de Révélation, une forme d'incertitude vis-à-vis du divin qui entraîne la richesse et la profusion de divinités et de textes à leur propos, souvent ambivalents. Si les païens étaient intransigeants sur la nécessité de l'accomplissement des rituels afin de conserver la bienveillance des dieux, cette incertitude fondamentale dans les cultes des dieux poliades les prémunissait de la tentation du prosélytisme et Hésiode de faire dire aux Muses dans la théogonie « Nous savons conter des mensonges tout pareils aux réalités ». Les monothéismes ont-ils su tirer les leçons d'une telle affirmation ? Ont-ils été l'illumination de la sagesse des Anciens ou leurs dogmes ont-ils plutôt supplanté une conception du divin incertaine et donc fragile ?



En conclusion, on peut lire ce livre comme une agréable compilation de moments historiques et de valeurs, mais il convient de garder à l'esprit que celles-ci ne demeurent qu'une perspective parmi d'autres sur ces événements. Aussi, malgré la quantité d'anecdotes rapportées, cette grille interprétative m'a semblé empêcher l'ouvrage de prendre de l'envergure dans sa réflexion sur l'histoire et lui permettre d'accéder à une dimension plus philosophique.
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Le menteur magnifique : Chateaubriand en Grèce

Quand H. Guillemin et autres critiques bien-pensants lancèrent la mode de la transparence, de la sincérité, je me suis rappelé l'avertissement de Proust dans son "Contre Sainte-Beuve" : ne pas confondre l'homme et son oeuvre, ne pas chercher dans le texte la voix "vraie" de l'homme ayant vécu. Valéry ajoutait à cela, dans ses Cahiers, que la sincérité littéraire était affaire de marqueurs de style, de vocabulaire et d'intonation. Alors, pourquoi lire ce livre, qui montre la part de reconstruction imaginaire et littéraire de ce qui se présente comme un récit vrai de voyage à Jérusalem ? La première raison est le nom de l'essayiste, qui inspire confiance depuis "Les derniers jours" et "La compagnie des ombres". L'historien, sur les pas de Chateaubriand en Grèce, vérifie tout, compulse journaux et témoignages, traque le vrai et le concret sous la reconstruction littéraire : que prouve-t-il par là ? Que le récit à-demi fictif est mille fois plus intéressant que le voyage véritable que fit Chateaubriand ; qu'il a arrangé une réalité pour la montrer, non pour nous la livrer à l'état brut ; que les meilleurs romans, peut-être, sont ceux qui se font passer pour de réels témoignages d'expériences vécues. Voilà qui fait réfléchir à la bonne littérature, qui n'existe que délivrée de toute morale.
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La compagnie des ombres

Je n'ai pas fini de le lire car qui souhaiterait et pourrait lire rapidement un tel ouvrage qui est à la fois un livre protéiforme sur L Histoire, la Morale, le civisme, le courage, le temps qui passe, les héros grands et petits, la Beauté, la Vérité et la bienveillance ? Je ne puis également citer les autres qualités qui émaillent toutes ces pages, écrites avec soin et passion, lucidité et courage et talent. le style est beau et grand.



Oui, car à notre époque, rares sont les auteurs qui osent tenir de tels propos et pensent de cette facon, en remontant aux sources du Bien comme du Mal. Je pourrais ainsi, sans crainte de trop me tromper, citer Philippe de Villiers ou Eric Zemmour.

Je pourrais citer aussi tous les auteurs qui ont été les compagnons et les maîtres de mon adolescence, car, dans cette Histoire racontée au fil des siècles sous forme de résumés ou "d'historiettes", il m'a semblé relire les grands auteurs classiques, grecs et latins, qui ne manquaient jamais de donner à "leur rapport" un sens profond et durable aux lecteurs, à savoir la bravoure, le courage, le rappel des sacrifice des morts et des héros au service de la Patrie. Jadis comme naguère encore, la transmission des grands exploits faisait battre les coeurs, et on donnait en exemple à la jeunesse et aux peuples - les fameux exempla romains - l'envie de se dépasser et d'être soi-même un exemple pour sa famille, sa patrie, et les générations futures. Laisser une trace, donner son sang, sa vie pour les autres.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Et pourquoi donc ce livre ?

Au-delà de la simple narration historique, déjà fort intéressante et didactique en elle-même pour sa finesse d'écriture, sa pertinence, ses détails et son respect pour les faits réels - et le désir encore de DIRE, d'oser dire ce que la PLUPART DES HISTORIENS omettent par lâcheté ou par prudence - il serait faux d'y voir de la méconnaissance - ou pire encore par opportunisme, Michel de Jaeghere nous incite à réfléchir et à nous dépasser. Il s'adresse, je pense, aux jeunes générations qui ne lisent pas L Histoire ou ne la connaissent pas ou mal, pour differentes raisons qu'il énumère d'ailleurs.

Nous n'ignorons pas, en effet, que depuis de longues années, L Histoire comme la CULTURE est au rang des "disparitions" programmées par les élites (que dire ainsi de Najat Vallaud Belkacem qui a voulu faire disparaître les humanités gréco-romaines ? Était-ce à une "barbare", au sens du grec ancien (que l'on consulte le dictionnaire pour connaître le terme exact de ce mot pour comprendre ma pensée) et d'oser une telle initiative ?? Quelques pauvres profs de lettres et universitaires qui ont passé parfois10 années des années à étudier ces trésors de notre patrimoine se sont élevés contre cette barbarie et ce crime culturel. Ainsi en étais-je.



Il est plus que temps de remettre les pendules à l'heure et enfin de prendre LE TEMPS de nous arrêter sur des faits qui se sont produits "avant"' mais cet avant est en fait bien proche de nous, car dans ce livre, le temps est abrogé. Et c'est ce qui rend cet ouvrage fascinant. Et çe qui nous permet de nous identifier aussi à ces héros ou revivre, par exemple, la guerre de 14-18 (à ce sujet que d'émotions dans les lignes qui relatent des événements réels)...



Personnellement j'ai été émue dès les premières lignes, et souvent j'ai tremblé d'émotion et même pleuré devant la grandeur et le courage des plus humbles qui ont donné leur vie sans hésitation, se sont levés et se sont transcendés en face de la mort, comme pour s'en faire la garante de leur courage et de leur immortalité, de l'immortalité et de la préservation de notre terre, de notre France, de notre liberté.



Je viendrai bientôt mettre quelques sublimes paragraphes du livre de notre historien (pour que le lecteur apprécie cette noble écriture) qui est un homme de coeur, qui aime non seulement son pays, ses semblables, sa France.

Il a compris le manège et les embrouilles, les bassesses et le manque de megalosophrosuné - la grandeur d'âme grecque - des politiciens de tout bord. Il sait que nous partons à la dérive. Que notre France est en danger, que son patrimoine est bientôt un vestige de son ancienne grandeur, comme le furent les dynasties égyptiennes, comme le fut aussi l'âge d'or de l'empire romain.



Cet ouvrage fera le bonheur des étudiants comme des lycéens, car il permet d'acquérir de solides connaisances en histoire mais aussi en philosophie, en politique, en littérature, en géopolitique. Et la lecture est agréable, légère et fleurie.



Il apprendra à chacun le Courage, la vertu et la générosité. Il sortira les jeunes de leur monde virtuel, technique, faux et clinquant. Il les rendra moins stupides. Et ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, défilent dans les rues, braillent et baîillent, n'ont aucun repère si ce ne sont de faux repères et des anti-héros, ceux-là qui ignorent qu'avant eux, d'autres étaient là et sont morts pour leur liberté, pour leur langue, leur culture.



Pour leur France qui les a aimés plus que jamais personne ne les aimera, si, à leur tour, ils ne prennent pas la relève de leurs ancêtres exemplaires, pour perpétuer la Beauté du pays le plus beau de notre belle Terre.



Franchement un bouquin que je range à côté des écrits de Flaubert, de Marc-Auréle, de Pline le Jeune. Pourquoi ?

Parce qu'ils étaient hommes, qu'ils avaient des défauts, mais aussi un grand coeur. Et une grande culture. Et qu'ils aimaient leur pays.



PS - je n’arrive pas à corriger mon unique étoile en 5 étoiles, mais chacun aura compris au fil des lignes !

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La mélancolie d'Athéna : L'invention du patriot..

SUJET N°1 :

Qu'est-ce que le patriotisme ?



SUJET N°2 :

Qu’est-ce en effet que la trahison ? La fidélité que l’on doit à sa patrie passe-t-elle avant tout ?



SUJET N°3

Commentaire de texte :

"Les cités en proie à ces dissensions souffraient des maux innombrables et terribles, qui se produisent et se produiront sans cesse tant que la nature humaine sera la même, mais qui peuvent varier d’intensité et changer de caractère selon les circonstances. […] La guerre, en faisant disparaître la facilité de la vie quotidienne, enseigne la violence et met les passions de la multitude en accord avec la brutalité des faits. Les dissensions déchiraient donc les villes. Celles qui en furent victimes les dernières, instruites par l’exemple qu’elles avaient sous les yeux, portèrent encore bien plus loin l’excès dans ce bouleversement général des mœurs ; elles montrèrent plus d’ingéniosité dans la lutte et plus d’atrocité dans la vengeance. En voulant justifier des actes considérés jusque-là comme blâmables, on changea le sens ordinaire des mots. L’audace irréfléchie passa pour un généreux dévouement à l’hétairie, la précaution prudente, pour une lâcheté qui se couvre de beaux dehors. Le bon sens n’était plus que le prétexte de la mollesse ; une grande intelligence, qu’une grande inertie. La violence, poussée jusqu’à la frénésie, était considérée comme le partage d’une âme vraiment virile ; les précautions contre l’adversaire n’étaient qu’un honnête prétexte contre le danger. Le violent se faisait toujours croire ; celui qui résistait à ces violences se faisait toujours soupçonner. […] Quiconque s’ingéniait à ne pas employer ces moyens était réputé trahir le parti et redouter ses adversaires. […] Les relations de parti étaient plus puissantes que les relations de parenté, parce qu’elles excitaient davantage à tout oser sans invoquer aucune excuse. Les associations n’avaient pas pour but l’utilité conformément aux Lois, mais la satisfaction de la cupidité en lutte contre les lois établies. La fidélité aux engagements était fondée, non sur le respect de la loi divine du serment, mais sur la complicité dans le crime. […] On aimait mieux se venger d’une offense que de ne pas l’avoir subie. […] Tous les vices avaient pour source la recherche du pouvoir, inspirée soit par la cupidité, soit par l’ambition. […] Dans les cités, les chefs de l’un et l’autre parti se paraient de beaux principes ; ils se déclaraient soit pour l’égalité politique du peuple, soit pour une aristocratie modérée. En paroles, ils n’avaient pour but suprême que l’intérêt public ; en fait, ils luttaient par tous les moyens pour la suprématie ; leur audace était incroyable ; les vengeances auxquelles ils recouraient, pires encore, et en suscitant sans cesse de nouvelles, sans respect de la justice et de l’intérêt général. […] Les citoyens qui entendaient rester neutres périssaient sous les coups des deux partis, pour refus d’entrer dans la mêlée ou parce qu’ils excitaient, par leur abstention, la jalousie.



Extrait de la Mélancolie d'Athéna - Michel de Jaeghere - Pages 341 à 342



Si on considère que c'est de la philosophie vous avez 4 heures.

Si on considère que c'est de l'histoire vous avez 4 ou 3 heures selon votre série.



Pour y répondre la meilleure des solutions est se plonger dans cet ouvrage, second du Cabinet des Antiques, qui après la démocratie se penche sur le sujet du patriotisme, et autant le dire tout de suite, ce second volume a hérité des qualités de son aîné.



Une érudition vertigineuse est le maître mot.

Cette fois sont convoqués parmi les auteurs antiques bien entendu Thucydide, Xénophon ou Plutarque. Thucydide évidemment pour sa "Histoire de la Guerre du Péloponnèse" qui sert de fil conducteur tout au long du livre, tant son ouvrage est riche en enseignements.

Pour les œuvres médiévales, modernes et contemporaines on retrouve sans surprise Machiavel, Montherlant, Talleyrand, Weil ou Hélène Carrère D'Encausse



Cette fois Michel de Jaeghere nous emmène dans les pas de Thucydide, et de fait nous voici aux Thermopyles avec le roi de Sparte, à Salamine avec Thémistocle et l'amiral spartiate Eurybiade, nous participons aux années de guerre entre Sparte et Athènes, nous assistons à la montée de l'hégémonie athénienne dans la ligue de Delos, puis la capitulation en 404 av J.C. Puis, cette guerre du Péloponnèse qui vit les combattants Unis un temps s'entretuer ensuite.

Nous traversons les siècles avec une aisance déconcertante tant le propos est limpide, étudié, et d'un logique intellectuelle implacable.

Les parallèles avec le récent conflit ukrainien sont particulièrement éclairants et poussent au questionnement



Jusqu’à ce livre publié en 2017 et devenu depuis un best seller mondial, dans lequel le politologue Graham Allison a analysé Le Piège de Thucydide pour l’appliquer à notre temps, ou l'auteur passe en revue les cinq derniers siècles de l’histoire, Allison a identifié 16 épisodes qui auraient, d’une façon ou d’une autre, reproduit la même situation. Mais Michel de Jaeghere nous rappelle qu'Allison est loin, cependant, d’être le premier à s’être livré à de telles spéculations.

Cependant, l’analogie proposée par Graham Allison a aujourd’hui ceci de nouveau qu’elle assimilé pour la première fois la situation des États-Unis, non à celle d’Athènes, puissance démocratique et maîtresse des mers, mais à celle de Sparte, du fait de leur situation de puissance déclinante face à la concurrence de la Chine. Allison cherche moins en effet à dresser des parallèles qu’à mettre en lumière ce qui lui apparaît comme une loi universelle : le climat d’agressivité que fait nécessairement naître, entre deux puissances, le passage de témoin de l’hégémonie. Il tire de ce qu’il considère comme la « loi de Thucydide » la conviction que sans être inévitable, le déclenchement d’une guerre entre les États-Unis et la Chine est une hypothèse qu’il serait irresponsable de refuser d’envisager comme impensable. Que sa survenue reste certes liée aux circonstances particulières, à la bonne ou mauvaise volonté des dirigeants et à l’action des organisations internationales, mais que sa possibilité est inscrite dans le marbre des lois de l’histoire, comme l’avait été, avant elle, la guerre du Péloponnèse, par le fait que l’émergence de la puissance chinoise met les États-Unis dans la position de défense de Sparte : celle d’une puissance hégémonique en déclin, confrontée à la rapidité, à la vivacité, à la richesse d’un nouvel arrivant affichant sans complexe sa volonté de puissance, son ambition de dominer l’arène internationale sans partage.



Michel de Jaeghere nous rappelle à juste titre que "l’une des plus claires des conclusions qui s’imposent à la lecture de son livre est sans doute aujourd’hui celle qui permet de comprendre les ressorts du chaos que les États-Unis ont répandu eux-mêmes autour d’eux depuis un peu plus de trente ans, l’anarchie que les néoconservateurs ont provoquée par leur volonté de faire survivre le leadership américain à la menace qui l’avait fait naître en se donnant mission de susciter des révolutions démocratiques sur toute la planète, révolutions qui ont plongé, en Irak, en Lybie, en Syrie, en Ukraine, nombre de pays dans la guerre civile ou la guerre étrangère, quand elles n’en ont pas provoqué l’implosion ou la destruction.

Le paradoxe est que ces errements ont eux-mêmes trouvé, en grande partie, leur origine dans une lecture biaisée de La Guerre du Péloponnèse."



Thucydide ne nous donne ni Sparte ni Athènes en modèle. Il nous montre comment les entreprises humaines sont condamnées, par des chemins contraires, au même échec. L'historien n’a pas la naïveté de Machiavel. Il ne nous propose pas un livre de recettes pour réussir sur le grand théâtre du monde. Il met en scène la fatalité qui nous donne à choisir entre la soumission, la démesure et le repli. Il nous révèle que, selon le mot prêté à Bainville, « tout a toujours très mal marché », et que nous sommes condamnés à nous mouvoir dans l’intrigue d’une inexorable tragédie. Il ne nous donne guère que les moyens, peut-être, d’éviter parfois le pire. 

           

Comme le résume si bien l'auteur



"Notre monde connecté nous a délivré de la bienheureuse ignorance dans laquelle nous ont longtemps tenus l’immensité du cosmos et la profondeur de l’histoire. Nous voici en possession d’un savoir universel, qui nous est accessible en quelques manipulations de plus en plus rapides. Mais cette révolution s’est faite au prix d’un ensevelissement dans le flot des informations qui se déversent en permanence sur nos esprits inquiets, affolés par leur multitude jusqu’à nous rendre incapables d’en faire la synthèse, d’en discerner les lignes de force : au point de nous ahurir. Nous voici perdus comme en un labyrinthe dans les couloirs infinis d’une immense bibliothèque, où s’alignent sur des rayonnages tous les livres, où les écrans diffusent en permanence toutes les nouvelles, où tous les savoirs nous sont tous en même temps disponibles. Nous y errons nantis d’une faible lanterne, conscients que le temps qui nous est compté en cette vie ne nous permettra jamais d’arriver jusqu’au bout ; mais ces couloirs n’ont, à vrai dire, ni terme ni issue, ils se rallongent chaque jour au fur et à mesure que nous croyons nous rapprocher du but de nos recherches, et tandis que notre curiosité est happée sans cesse par de nouveaux prétextes, que nous sommes tentés d’emprunter des bifurcations qui vont nous éloigner de notre objectif.



Ce livre a pour lui de rendre accessible le savoir de son auteur ;

Ce livre a pour lui de nous aider à trouver notre chemin dans ce labyrinthe tel un fil d'Ariane qu'il déroulerait depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours ;

Ce livre a pour lui de faire briller d'une flamme plus intense notre lanterne ;

Ce livre a pour lui d'être comme son prédécesseur extrêmement riche ;

Ce livre a pour lui de nous offrir plusieurs niveaux de lecture ;

Ce livre a pour lui d'être intellectuellement stimulant, foisonnant et virevoltant



Voilà un livre, qui assurément, ravira tous ceux qui souhaite prendre le temps de réfléchir sur notre monde, sans oublier d'où il vient...
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Les Derniers Jours

Tout le mérite de Michel de Jaeghere, directeur du Figaro Histoire, est d'avoir su s'attaquer à ce sujet immense en le faisant avec la clarté d'exposition du journaliste. Il a relu toute la littérature consacrée à ce thème inépuisable et il a su nous donner un ouvrage remarquable par sa clarté et son esprit de synthèse.
Lien : http://www.lefigaro.fr/livre..
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Les Derniers Jours

Dans cet ouvrage d’une très grande érudition, Michel De Jaeghere nous retransmet avec de nombreux détails la fin de l’empire romain d’Occident. Il dresse le portrait de la société et des institutions de la période trouble qu’on appelle Antiquité Tardive. Cet empire se voit obligé de lutter contre les peuples barbares qui viennent du Nord ainsi que contre l’empire romain d’Orient avec qui il a des démêlés religieux. Il analyse l’évolution de cette société, en y reprenant les points clés comme la politique, l’économie, les problématiques sociales ainsi que l’histoire militaire et n’hésite pas à remonter parfois au début de la période républicaine pour illustrer les modifications apportés par les siècles. Il explique aussi l’influence de la montée en puissance des populations germaniques et leur emprise sur le territoire romain. Cet ouvrage très complet et conséquent est exigeant à lire mais les informations qu’il nous délivre sont d’un très grand intérêt. C’est la première fois que je lis un ouvrage aussi complet sur cette longue période de trouble qui inaugure le Moyen Âge. Ainsi, si c’est un sujet qui vous intéresse, je vous recommande cette longue lecture.
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La compagnie des ombres

«Une fabrique d'amnésiques ne produit que des voyageurs sans bagages.» Si l'histoire a établi une colonie de peuplement dans votre bibliothèque et que vous vous interrogez sur les origines de ce mystérieux phénomène, je vous invite à faire de ce livre votre bréviaire. Tous les passionnés feront le même constat : les universitaires de notre époque ont été rudes envers l'histoire, cette vénérable forme de connaissance. Ils l'ont regardé avec condescendance, ont voulu en faire une science exacte, la mutiler au gré de leurs envies et lui dénier toute fonction méditative. Le coup de grâce vient aujourd'hui des apprentis sorciers d'État qui l'instrumentalisent à outrance. Fort de ce constat, Michel de Jaeghere rend ses lettres de noblesse à l'histoire et nous prouve qu'un dialogue avec les morts est riche d'enseignements. Chaussé de ses bottes de sept lieues, il remonte le temps à grandes enjambées, prend de la hauteur et nous distille quelques lignes de sagesse. En revisitant à sa manière l'histoire universelle depuis l'Antiquité, il nous prouve que Plutarque et Hérodote sont bien de retour pour les beaux jours !
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La compagnie des ombres

J'ai trouvé ce livre dans une librairie parisienne et j'étais tout de suite charmé, car il semblait offrir un regard assez global sur l'histoire, et surtout parce qu'il a été publié avec tant de soin typographique. Je dois dire que je suis un peu déçu par le contenu : c'est juste un recueil d'observations sur des épisodes du passé, parfois des histoires très connues (comme le siège de Massada) qui sont juste racontées à l'ancienne.



Apparament, l'auteur (qui est éditeur du Figaro-Histoire) l'a fait par expresse. Selon lui le tâche essentiel de l'histoire est de présenter l'histoire comme un récit dont nous pouvons tirer des enseignements. Voilà : "historia magistra vitae". En effet, cela a peut-être été trop dévalué. Mais De Jaeghere replace cela dans un contexte politique très sombre : selon lui, notre système éducatif a délibérément éliminé cette façon de regarder l'histoire ; il réprimande même les historiens universitaires pour avoir simplement disséqué le passé et, ce faisant, le tuer.



Je dois dire que je suis fermement en désaccord. Il n'y a rien de mal à porter un regard critique sur l'histoire et une étude méthodique du passé, bien au contraire, ce sont des démarches nécessaires et méritoires. De Jaeghere semble remonter à l'époque où nous pensions que les faits parlaient d'eux-mêmes, ce qui est une illusion. Mais permettez-moi d'arrêter de pleurnicher sur l'intention clairement idéologique de l'auteur : je dois admettre qu'en lisant ce livre, j'ai pris plaisir à renouer avec les histoires classiques du passé. C'est peut-être une belle chose en soi.
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Les Derniers Jours

Je suis admiratif devant ce travail immense qui nous confirme encore une fois que des barbares sont des barbares et des invasions des invasions. C'est un livre à consulter posément sur un point précis ou une date car il est difficile d'assimiler plusieurs siècle d'une aussi vaste histoire.
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Le Cabinet des antiques: Les origines de la..

Livre certainement destiné aux érudits et aux amateurs de phrases interminables, celles que l'on commence et qu'on relit pour être sûr d'avoir compris quelque chose.

Au bout d'environ 80 pages, la volonté de s'instruire, le plaisir d'apprendre et le désir de lire n'étaient plus là, vraiment plus du tout.

Au minimum décourageant !

NB : et regret d'avoir dépensé 12,50 € pour un tel amas de lettres savantes.
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Les Derniers Jours

Un livre très intéressant sur la fin de l’empire romain. Le thème n’est pas nouveau, mais l’auteur revisite les théories sur le sujet et y apporte des éléments originaux. Le parallèle avec le contexte actuel est vraiment frappant. L’ouvrage se lit sans difficulté, sans technicité excessive.
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