Citations de Michel Houellebecq (3690)
Il existe un espace insécable et fécond
Où nous vivons unis dans notre dissemblance,
Tout y est silencieux, immobile et profond,
Il existe un espace au-delà de l'enfance.
[...] on est nostalgique d'un endroit simplement parce qu'on y a vécu, bien ou mal peu importe, le passé est toujours beau, et le futur aussi d'ailleurs, il n'y a que le présent qui fasse mal, qu'on transporte avec soi comme un abcès de souffrance qui vous accompagne entre deux infinis de bonheur paisible.
Solitude assumée, respect du voisinage,
Il y a pourtant des gens qui existent et qui dansent.
Ce sont des gens d'une autre espèce, d'une autre race,
Nous dansons tout vivants une danse cruelle
Nous avons peu d'amis mais nous avons le ciel,
Et l'infinie sollicitude des espaces.
Depuis des années je marche aux côtés d'un fantôme qui me ressemble, et qui vit dans un paradis théorique, en relation étroite avec le monde.
Ma marge de manœuvre dans la vie est devenue singulièrement restreinte. J'entrevois encore plusieurs possibilités, mais qui ne diffèrent que par des points de détail.
L'idée me vint peu à peu que tous ces gens - hommes ou femmes - n'étaient pas le moins du monde dérangés ; ils manquaient simplement d'amour. Leurs gestes, leurs attitudes, leurs mimiques trahissaient une soif déchirante de contacts physiques et de caresses ; mais naturellement, cela n'était pas possible. Alors il gémissaient, ils poussaient des cris, ils se déchiraient avec leurs ongles ; pendant mon séjour, nous avons eu une tentative réussie de castration.
Aucune civilisation, aucune époque n'ont été capables de développer chez leurs sujets une telle quantité d'amertume. De ce point de vue-là, nous vivons des moments sans précédent. S'il fallait résumer l'état mental contemporain par un mot, c'est sans aucun doute celui que je choisirais : l'amertume.
Mais je ne comprends pas, concrètement, comment les gens arrivent à vivre. J'ai l'impression que tout le monde devrait être malheureux ; vous comprenez, nous vivons dans un monde tellement simple. Il y a un système basé sur la domination, l'argent et la peur - un système plutôt masculin, appelons-le Mars ; il y a un système féminin basé sur la séduction et le sexe, appelons-le Vénus.
Elle me demanda : "Au fond, pourquoi est-ce que vous êtes si malheureux ?" Tout cela était assez inhabituel ; cette franchise. Et je fis, moi aussi, quelque chose d'inhabituel : je lui tendis un petit texte que j'avais écrit la nuit précédente pour meubler mon insomnie.
La nuit du 31 décembre sera difficile. Je sens des choses qui se brisent en moi, comme des parois de verre qui éclatent. Je marche de part et d'autre en proie à la fureur, au besoin d'agir, mais je ne peux rien faire car toutes les tentatives me paraissent ratées d'avance. Échec, partout l'échec. Seul le suicide miroite au-dessus, inaccessible.
Le bâtiment, la nuit est envahi par une bande de zonards et de semi-clochards. Des créatures crasseuses et méchantes, brutales, parfaitement stupides, qui vivent dans le sang, la haine et leurs propres excréments.
Le lundi suivant je suis retourné à mon travail, un peu à tout hasard. Je savais que mon chef de service avait pris entre Noël et le Jour de l'an ; probablement pour faire du ski alpin. J'avais l'impression qu'il n'y aurait personne, que personne ne se sentirait le moindre rapport avec moi, et que ma journée se passerait à pianoter arbitrairement sur un clavier quelconque.
Lance-toi dès ce soir dans la carrière du meurtre ; crois-moi, mon ami, c'est la seule chance qu'il te reste.
Tu resteras toujours orphelin de ces amours adolescentes que tu n'as pas connues. En toi, la blessure est déjà douloureuse ; elle le deviendra de plus en plus. Une amertume atroce, sans rémission, finira par emplir ton cœur. Il n'y aura pour toi ni rédemption, ni délivrance.
En vieillissant on devient moins séduisant, et de ce fait amer. On jalouse les jeunes, et de ce fait on les hait. Cette haine, condamnée à rester inavouable, s'envenime et devient de plus en plus ardente ; puis elle s'amortit et s'éteint, comme tout s'éteint.
C'était une vie sans distractions et sans histoires, dominée par un labeur difficile et dangereux. Une vie simple et rustique, avec beaucoup de noblesse. Une vie assez stupide, également.
On imagine très bien l'ancienne vie des pêcheurs sablais, avec les messes du dimanche dans la petite église, la communion des fidèles, quand le vent souffle au-dehors et que l'océan s'écrase contre les rochers de la côte.
Il a fallu m'emmener en urgence à l'hôpital, me faire un lavage d'estomac, etc. Bref, j'ai bien failli y passer. Cette salope (comment la qualifier autrement ?) n'est même pas venue me voir à l'hôpital. Lors de mon retour "à la maison", si l'on peut dire, tout ce qu'elle a trouvé comme mots de bienvenue c'est que j'étais un égoïste doublé d'un minable ; son interprétation de l'événement, c'est que je m'ingéniais à lui causer des soucis supplémentaires, elle "qui avait déjà assez à faire avec ses problèmes de boulot".
Elle avait noté cette phrase de Lacan : "Plus vous serrez ignoble, mieux ça ira."
Impitoyable école d'égoïsme, la psychanalyse s'attaque avec le plus grand cynisme à de braves filles un peu paumées pour les transformer en d'ignobles pétasses, d'un égocentrisme délirant, qui ne peuvent plus susciter qu'un légitime dégoût. Il ne faut accorder aucune confiance, en aucun cas, à une femme passée entre les mains des psychanalystes.