AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Michelle Perrot (184)


Ce silence profond, les femmes n'y sont pas seules. Il enveloppe le continent perdu des vies englouties dans l'oubli où s'abolit la masse de l'humanité. Mais il pèse plus lourdement encore sur elles, en raison de l'inégalité des sexes, cette "valence différentielle" (Françoise Héritier) qui structure le passé des sociétés. Il est la donnée première où s'enracine la seconde : la déficience des traces relatives aux femmes et qui rend si difficile, quoique très différemment selon les époques, leur appréhension dans le temps. Parce qu'elles apparaissent moins dans l'espace public, objet majeur de l'observation et du récit, on parle peu d'elles, et ce, d'autant moins que le récitant est un homme qui s'accommode d'une coutumière absence, use d'un masculin universel, de stéréotypes globalisants ou de l'unicité supposée d'un genre : LA FEMME. Le manque d'informations concrètes et circonstanciées contraste avec l'abondance des discours et la profusion des images. Les femmes sont imaginées beaucoup plus que décrites ou racontées, et faire leur histoire, c'est d'abord, inévitablement, se heurter à ce bloc de représentations qui les recouvrent et qu'il faut nécessairement analyser, sans savoir comment elles-mêmes les voyaient et les vivaient, comme l'ont fait surtout, en l'occurrence, les historiens de l'Antiquité tels François Lissarague, déployant la bande dessinée des vases grecs, ou du Moyen-Age. On verra les perplexités d'un Georges Duby, scrutant les images médiévales, ou d'un Paul Veyne, disséquant les fresques de la Villa des Mystères. L'un et l'autre concluent au caractère mâle des oeuvres et du regard et s'interrogent sur le degré d'adhésion des femmes à cette figuration d'elles-mêmes.
Commenter  J’apprécie          70
Il y a une mélancolie ouvrière des lendemains de grève, qui pèse d’autant plus qu’officiellement on n’avoue pas l’échec, comme si c’était une faute, une lâcheté.
Commenter  J’apprécie          70
Ce livre est une contribution à l’histoire de la nuit vécue de l’intérieur (sinon intérieure), sourdement bruissante des soupirs de l’amour, des pages tournées du livre de chevet, du crissement des plumes, des tapotis de l’ordinateur, du murmure des rêveurs, du miaulement des chats, des pleurs des enfants, des cris des femmes battues, des victimes réelles ou supposées, des crimes de minuit, des gémissements et de la toux des malades, du râle des mourants. Les bruits de la chambre composent une étrange musique.
Commenter  J’apprécie          70
« Refuser les mots « décolonial », « woke », « cancel culture », « intersectionnalité », dénoncer d’emblée leur caractère pervers, c’est refuser le débat, refuser qu’il ait lieu, refuser les mots pour disqualifier la discussion elle-même. Ce n’est ni une attitude historique, ni une attitude scientifique. Je ne suis pas totalement à l’aise avec ce vocabulaire qui n’est pas celui de ma génération mais j’ai envie d’en savoir plus sur ces concepts. Il faut les prendre au sérieux, les étudier historiquement, voir comment un mot est né, pourquoi, et quels sont les emplois successifs qui en sont faits. » P167-168
Commenter  J’apprécie          60
Enfin, l'inclination, dont Hegel se méfiait si fort, voire la passion, que les familles réprouvent, entrent en scène.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, de plus en plus nombreux sont ceux qui souhaitent faire coïncider l'alliance et l'amour, le mariage et le bonheur.
Commenter  J’apprécie          60
Christine Planté a montré les sarcasmes qui, au XIXe siècle, s ' attachent aux femmes" auteurs". De plus en plus nombreuses alors sont celles qui tentent de gagner leur vie de leur plume. Elles écrivent dans des journaux, des magazines féminins. Elles publient des ouvrages d ' éducation, des traités de savoir vivre, desbbiographies de " femmes illustres", genre historique très en vogue, des romans.
Commenter  J’apprécie          60
Page 112_113

Gisèle Halimi, qui a souvent eu raison et parfois seule contre tous, dit bien que les mots traduisent toujours une idéologie. Laisser passer un mot c'est le tolérer. Le langage nous piège sans que nous rendions compte.
Commenter  J’apprécie          50
Page 103

La langue est un pouvoir, elle résiste beaucoup.
Commenter  J’apprécie          50
La séduction du fait-divers

M.P: Le fait-divers fait advenir des pulsions secrètes, il met au grand jour des passions froides ou chaudes jusqu'à présent disséminées. Il est aussi une forme de psychanalyse sociale qui touche les riches et les pauvres, les élites et les déshérités de la fortune.

(p.81)
Commenter  J’apprécie          50
La séduction du fait-divers

M.P: (..) Il convient aussi de prendre en considération les valeurs d'un moment historique: le bien, le mal, le suicide, l'homicide, le féminicide, la sexualité. L'interdit du meurtre peut varier, on excuse certains crimes, on peut se montrer sensible à la détresse ou à l'honneur bafoué. Il arrive que des criminels soient héroïsés notamment dans la culture française. Ils peuvent être présentés comme des " héros de la résistance " en lutte contre les pouvoirs.
La valeur, la morale, les représentations d'une époque se jugent à travers l'attitude des journaux et de leurs lecteurs, liés dans une connivence envers les fait-divers.

( p.89)
Commenter  J’apprécie          50
« Déjà l'automne ! le voilà passé en six semaines, cet été que nous avons attendu cinq mois et que nous allons pleurer cinq autres mois [...] à peine nous sommes-nous écrié enfin qu'il faut ajouter déjà ! La vie est ainsi faite. Attendre et se souvenir. »
Commenter  J’apprécie          51
Les femmes étaient plus que jamais les gardiennes de la morale et du foyer, les pivots de la régénération de la société secouée par la guerre, la défaite et la guerre civile. L'Eglise et la République se rejoignaient sur ce point même si elles divergeaient sur les fondements de l'ordre et les perspectives sociétales.
Commenter  J’apprécie          50
Le mariage imposé aux femmes est une prostitution légale et un viol, qu’elle ne cesse de denoncer. Mieux vaut alors un célibat, dont elle défend les virtualités. Le couple amoureux est un idéal presque inaccessible. Trouver l’Autre n’est pas aisé.
Commenter  J’apprécie          50
Dans le concert de ceux qui " n ' aiment pas les femmes qui écrivent" voisinent des hommes des Lumières, comme Necker, conservateur comme Joseph de Maistre, libéraux comme Tocqueville,républicains comme Michelet ou Zola. Les dandys ou les poètes, tels que Barbey d ' Aurevilly, Baudelaire, les frères Goncourt, grands prêtres des lettres vont plus loin encore. Ces derniers disaient, pour expliquer l ' exception George Sand, qu' elle avait sans doute " un clitoris gros comme nos verges". Il est vrai qu'ils cultivaient la misogynie graveleuse.
Commenter  J’apprécie          50
Que leur reproche-t-on au juste? Beaucoup de choses, mêlées.
D ' abord elles offensent la raison, et la médecine moderne, par leurs pratiques magiques. Elles prétendent guérir les corps non seulement par les simples, mais par des élixirs de leur composition et des formules ésotériques.
Elles manifestent une sexualité débridée : elles ont le "vagin insatiable", selon Le Marteau de la sorcière. Elles pratiquent une sexualité subversive. Subversivité des âges : beaucoup de vieilles sorcières font l ' amour à un âge où on ne le fait plus, après la menaupose. Et des gestes : elles attrapent les hommes par derrière, ou les chevauchent inversant la position que l ' église estime la seule possible: femme sur le dos, homme sur elle.
Commenter  J’apprécie          50
Michelle Perrot
Le silence des femmes n'est pas un absolu atemporel. Des formes variées de résistance féminine ont fait face à l'interdit de parole. Peut-être s'est-il agi de tactiques inconscientes, devenues des rituels de comportement ­ ainsi l'écriture quotidienne d'un journal ­ grâce auxquels les femmes (du moins celles des élites cultivées) ont cherché à rendre plus légers la dévaluation sociale qui pesait sur leur sexe et l'oubli ­ « au théâtre de la mémoire, les femmes sont ombres légères » ­ voulu par la « valence différentielle » qui a structuré l'inégalité des sexes et produit « la déficience des traces relatives aux femmes et qui rend si difficile, quoique très différemment selon les époques, leur appréhension dans le temps
Commenter  J’apprécie          50
Les seuils de sensibilité et de tolérance ont changé. Pourquoi ce qui a été accepté pendant des décennies voire des siècles ou des millénaires devient inacceptable?
C'est une question historique majeur difficile à saisir par ce qu'elle dit des changements de représentations, de sensibilité, de conscience démocratique.
Commenter  J’apprécie          40
[...] il me semblait primordial de voir les différences, de les faire entendre. Il fallait qu'elles puissent s'exprimer. Comme une forme de libération. Je le pense toujours, plus consciente évidemment des crispations identitaires, qui détruisent I'universel et l'empêchent d'exister.
Différence ne veut pas dire identité. On peut être différent sans pour autant se draper dans une identité. II ne faut pas perdre le cap de l'universel, c'est la seule voie qui permette de réaliser l'égalité. Les différences sont une richesse mais peuvent devenir, à certains moments, des môles d'affirmation d'identités qui se combattent. À l'inverse le métissage est une très bonne chose
Commenter  J’apprécie          40
Je crois que chaque fait-divers, à la fois parce qu'il est étrange et marginal, passionne et renvoie à soi, à sa part d'ombre et de ce que l'on pourrait faire.Et chacun de se demander: "Suis-je capable de tuer ? Je pense que j'en suis incapable, mais dans de telles circonstances, l'aurais-je fait ?"
Ceci amène à s'interroger et à envisager des actions que l'on n'oserait pas imaginer ni penser.Le fait-divers est une brèche dans la parole convenue dans la bien-pensance.Il atteste de la présence du mal.

( p.83)
Commenter  J’apprécie          40
Une maison est un organisme vivant. - p. 218
Commenter  J’apprécie          40



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Michelle Perrot (879)Voir plus


{* *}