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Critiques de Miljenko Jergovic (29)
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Volga, Volga

Dur, dur d'être chauffeur pour l'Armée populaire yougoslave dans les années 70-80.

Il s'appelle Dželal Pljevljak et travaille depuis trente-cinq ans pour l’armée en tant qu’employé civil. Un homme triste, pieux musulman il se rend chaque vendredi avec sa Volga, de son lieu de travaille à Split, à la mosquée de Livno pour la prière du vendredi.

La Volga c'est une M24 noire, modèle 1971, qui brille dans la pénombre "comme un piano à queue ". Une voiture russe puissante mais qui consomme trop, achetée au général Musadik Karamujić, qui lui a vendue bon marché quand il pris sa retraite. Voici les trois caractères du début de cette histoire dans le contexte d'une Yougoslavie au bord du gouffre, à la veille de la terrible guerre et de ses génocides des années 90. Tito est mort en 1980, la période " nous sommes tous frères " est déjà achevée depuis longtemps et le racisme entre les trois ethnies, Bosniaque, Croate et Serbe se fait ouvertement sentir.

La route de Pljevljak croise un imam arabe, une famille bosniaque nombreuse,les Fatumić,dont le grand-père Osman Fatumić, deux personnages à l'histoire rocambolesque .....on va en rencontrer d'autres avec des histoires similaires ...on se croirait dans les films de Kusturica....ce doit être la marque du pays...

Le personnage de Pljevljak reste un mystère, d'où vient sa tristesse ? Comment cet homme qui buvait, mangeait du porc....est devenu en quinze année, un fervent musulman ? Il semble seul, pourtant il dit qu'il n'est pas célibataire ?? ......" Je suis longtemps resté seul, mais je ne veux ni penser aux origines de ma solitude ni en parler...", "je passe d’une tristesse à l’autre, en tentant d’oublier la première, la plus grande et la plus douloureuse, que je n’évoque pas…"

Notre coquin d'écrivain va nous surprendre......et plus d'une fois.....





Jerkovic nous déploie, une gigantesque fresque de la Yougoslavie sur presque un siècle, truffée de légendes et de croyances populaire, une mosaïque de divers cultures ethniques et religieuses (les maisons, celle du Croate tout à sa place, protégée, celle du Bosniaque, non terminée, sans barrières, avec "Devant la porte d’entrée, une trentaine de paires de vieilles chaussures et de pantoufles aux contreforts écrasés et sans lacets."). Avec une prose garnie de mots du turc ancien, -effendi ( monsieur), ahbab ( ami ), saf (rang), sarık ( turban ), mezar ( tombe ) - Shaytan ( le diable ), janaza ( funérailles ).....il nous relate l'histoire complexe d'un homme dont le destin est indéniablement lié à celui de son pays tout autant complexe, morcelé et condamné à une guerre sans fin, où les notions d'identité, de destin, de péché, d'appartenance à une communauté, sont constamment remises en question. Un pays où chacun espionne l'autre et où la violence a toujours été monnaie courante. Purges ethniques, viols ou autres de la période 1991- 2001 semblent faire partis de leur folklore, et la haine sous-jacente entre eux était déjà là depuis des décennies. Jerkovic raconte tout cela avec beaucoup de pep, il n'y manque que la musique de Goran Bregovic, la bande sonore des films de Kusturica.





Si vous voulez lire un livre intelligent et prendre du bon temps les livres de Miljenko Jerkovic sont pour vous. Pour qui ne l'a jamais lu je conseillerais d'initier avec "Buick Riviera", eh oui toujours les voitures :), apparemment il les aime !
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Le Palais en noyer

Le Palais en noyer, Dvori od oraha,

Jergovic dés les premières pages plonge le lecteur dans un magma bouillant, celui des derniers jours d'une femme presque centenaire, Regina Delavale, sombrée dans la folie. Cette démence extrême signera son arrêt de mort. Nous sommes en l'année 2002. À partir de cette fin tragique, l'auteur remonte le temps, jusqu'à sa naissance le 5 avril 1905, pour narrer à rebours la petite histoire, celle de la famille de Regina, une famille de Dubrovnik, inscrite dans la grande Histoire tragique, celle de la Yougoslavie du XX e siècle enrichie par de multiples contes et légendes populaires.

La tempête des débuts ( en faites la fin de l'histoire ) va vite laisser place à l'humour et la verve incomparable de Jergovic qui allègera avec son burlesque, même les pires tragédies que vivront les deux histoires, par commencer celle de la terrible guerre et de ses génocides des années 90, et son préambule pendant la deuxième guerre mondiale.

En 90, ce qui va déterminer l'existence de la ville entière durant les années à venir" concerne peu la famille qui se noie dans le tumulte de sa propre décomposition interne. Puis remontant encore le temps, la mort de Tito en 1980 croise cette fois leur destin.......la mort de Staline en 1953, apporte l'espérance d'un semblant de liberté,....et en 1944, en pleine deuxième guerre mondiale, Regina met au monde sa fille Diana,.......L'histoire intime tangue aux soubresauts de l'Histoire.

Cette narration à rebours en quinze chapitres, mis en page de quinze à 1 (!) est assez déroutante, et il faut un peu de temps pour s'y habituer. Pas facile aussi de s'habituer à Regina-Diana, le duo mère-fille aux tempéraments bien trempés, une relation qui ne baigne ni vraiment dans l'amour, ni la haine, mais violente et difficile à définir. Et toujours comme toile de fond , un pays où en remontant le temps, les craquelures sociales dues aux différences ethniques et religieuses sont déjà visibles à la chute des empires ottomans et austro-hongrois, bien avant l'éclatement de la Yougoslavie. Des failles qui deviennent de plus en plus profondes et perceptibles avec les deux guerres mondiales, suivie de la période communiste.

Un livre très dense, dont les nombreuses digressions, -des chapitres entiers sur des personnages annexes-, rendent sa lecture difficile et parfois un peu longue, bien qu'il y ai aussi des chapitres passionnants. On se perd dans le temps, les histoires qui s'emboîtent, les guerres et les trop nombreux personnages. Les fréquents discours sur les pets, pisse et autres désagréments dont ses personnages semblent en raffoler, et les descriptions de scènes de tueries ou autres, d'une rare violence, ne sont pas aussi des plus agréables à lire.

Ce n'est pas le meilleur de ce que j'ai lu de lui, pourtant je le conseillerais quand même, car sa dimension burlesque et épique, ses personnages insolites qui rappellent les films d'Emir Kusturica, et la très belle histoire de son titre, en vaut largement la peine.



".....savez-vous ce que c'est, les dzundzur bobe ? Vous ne savez pas ? Eh bien vous le saurez à la fin de cette histoire ."

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Le jardinier de Sarajevo

Sarajevo est entrée par deux fois dans L'Histoire du XX Ième siècle, Sarajevo, la poudrière des Balkans.

Le 28 juin 1914, c' est l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, seul héritier de l'empire Austro-Hongrois commis à Sarajevo.

Sarajevo n'en n'a pas fini de vivre des tragédies.

À partir de 1992 et ce pour presque 4 ans la ville sera assiégée pendant la guerre de Bosnie.

Le jardinier de Sarajevo nous brosse la vie de ces hommes à travers 29 nouvelles, toutes écrites avec une pudeur, une émotion toute en retenue.

Miljenko Jergovic, à l'instar de son compatriote Ivo Andric dans son magnifique roman : Un pont sur

la Drina, nous décrit dans un langage coloré la vie de ces hommes pendant la guerre, mais aussi leur vie d'avant la guerre. Il sait avec des mots simples, des mots forts, une grande tendresse et beaucoup de poésie nous parler de ces hommes, de ces femmes qui vont vivre ce déluge d'obus, brisant à jamais des vies paisibles, où chacun cohabitait avec son voisin.

J'ai beaucoup aimé ce livre, tout comme après avoir lu : Le pont sur la Drina, je m'étais rendue en Bosnie, à Visegrad voir ce pont, j'espère pouvoir un jour prochain aller à la rencontre de Sarajevo.
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Volga, Volga

Pour mon premier livre de Miljenko Jergovic, je commets probablement l'erreur d'opter pour son dernier "Volga, Volga "au lieu de "Buick Riviera", sorti 7 ans plus tôt. Surtout qu'à comparer les caractéristiques de la belle américaine à l'ersatz fabriqué à Nijni Novgerod - de 1932 à 1991 très littérairement appelée Gorki, d'après l'auteur Maxime Gorki - dans la région du bas-Volga, il n'y a pas vraiment le choix, à moins d'être un membre nostalgique de l'ex nomenclature. C'est assurément la photo qu'Actes Sud a mise en couverture de ce monstre à 4 roues qui m'a fais dévier de toute logique.



Je regrette d'avoir découvert cet écrivain si tard : presque 3 décennies après la parution de son premier ouvrage, en 1988, et au bout de 26 livres avant sa Volga. le fait qu'un certain nombre n'existe qu'en croate/bosniaque me console un peu, quoi que 6 ont été bel et bien traduits en français.



À part son oeuvre, il y a l'homme et Miljenko Jergovic est 'un cas' à plus d'un titre.



À commencer par sa ville natale, Sarajevo, où il est né en 1966 et où il ne veut plus vivre depuis l'horrible siège par les Serbes qui a duré 43 longs mois (1992-1995). Qu'il préfère Split ou Zagreb se comprend ne fût-ce que pour éviter le cauchemar des courageux tireurs d'élite serbes, qui, cachés dans la montagne environnante, s'amusaient à canarder les civils locaux qui s'aventuraient dehors pour aller acheter du pain. Les témoignages de cet abominable épisode sont légion. Je me limite à 3 : le très émouvant et authentique témoignage de la très jeune Zlata Filippovic "Le Journal de Zlata" ; le captivant "Mort à Sarajevo", l'histoire d'un 'sniper' relaté par le journaliste-écrivain américain Dan Fesperman, qui se lit comme un bon thriller et de la croate Slavenka Drakulic (célèbre pour son "Je ne suis pas là") "They Would Never Hurt a Fly" (Ils ne feraient pas de mal à une mouche) sur le procès de ces criminels de guerre à La Haye.



Miljenko Jergovic, homme aux idées fortes qu'il n'a pas comme habitude de relativer et encore moins de cacher, est entré en conflit ouvert avec d'autres artistes du Balkan. Notamment le cinéaste Émir Kusturica, sarajévien comme lui et hautement apprécié au Festival de Cannes, où il a obtenu la Palme d'or pour son "Papa est en voyage d'affaires" et celui de la mise en scène pour son merveilleux "Le Temps des Gitans". Dans ses déclarations comme dans ses oeuvres la réalité balkanique est toujours très présente, et il s'offusque aisément pour ce qui'il considère être des déviations politiques ou idéologiques. Tout comme la faiblesse humaine, qui, dans ses yeux, est inacceptable. Que ses critiques lui reprochent d'être pédant et de jouer trop souvent le monsieur-je-sais-tout est le prix à payer pour ses prises de positions parfois radicales. Quoi qu'il en soit, sa grande qualité réside, à mon avis, dans son art de créer une atmosphère ou l'individu est ou se sent marginalisé. Fréquemment il s'agit de croates ou bosniaques à l'étranger. Comme son héros, Hasan, en Oregon aux États-Unis par exemple, qui passe un temps fou à réparer et fignoler son 'oldtimer' de bagnole, ce qui irrite non seulement copieusement ses voisins, mais aussi son épouse qui le met devant l'alternative : elle ou son antiquité.



Autre qualité de notre auteur balkanique : son goût pour l'ironie et l'humour qui sont rarement absents dans ses ouvrages. Humour parfois cynique, parfois même grotesque comme dans les tableaux de Jérôme Bosch, mais qui bizarrement contribue à alléger cette atmosphère si importante pour lui. Bref, un humour proche de la mystification, un ingrédient cher à 2 prix Nobel : le péruvien Mario Vargas Llosa dans son "Pantaléon et les visiteuses" et l'auteur turc Orhan Pamuk dans son chef-d'oeuvre "Neige" de 2002, pour ne citer que ces deux.



Dans son pays, Jergovic a raflé pratiquement tous les prix littéraires existants, mais aussi dans d'autres pays ses qualités littéraires et autres ont été reconnues. Ainsi, tels Svetlana Alexievitch, Henning Mankell et Tahar Ben Jelloun, il a reçu, en 1995, le Erich-Maria-Remarque Prix de la Paix à Osnabrück en Allemagne pour son ouvrage "Le jardinier de Sarajevo".



Je vous invite donc à prendre place à côté de Dželal Pljevlak à bord de sa Volga, lorsqu'il couvre les presque 100 km de Split sur la côte dalmatienne à Livno dans les Alpes dinariques pour sa visite hebdomadaire à la grande mosquée. Ces 2 heures de route sont l'occasion pour l'héros de ce roman de commémorer des épisodes de l'histoire mouvementée de cette partie du globe, tout en passant d'autres, étrangement, un brin trop en vitesse ou sous silence. Comme quoi si la guerre détruit tout sauf les souvenirs, ce n'est apparemment pas le cas de tous les souvenirs !
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Buick Riviera

Hassan vit dans l'Oregon depuis 20 ans , soit le début des années 80. Il a quitté sa Bosnie natale et vit avec Angela , elle aussi immigrée , d'Allemagne.

Sa passion : Sa Buick Riviera, qui a un bilan carbone pouvant même effrayer Trump (pas sur cependant, un mec qui veut construire un mur au Colorado contre les Mexicains est capable de tout) : 22 litres aux 100. Elle n'en peut plus Angela de cette Buick de malheur.

En allant la chercher à son travail en pleine nuit, Hassan plante sa caisse et tombe sur Vouko, vétéran serbe de la guerre, qui a déchiré les Balkans au début des années 90, et dont le passé n'est pas net.



Roman très original dans sa structure : Un seul paragraphe, quelques retours à la ligne et des dialogues imbriqués , trois petits points séparant les intervenants.

Pas très vendeur tout ça.

Pourtant, la confrontation d'un serbe et d'un bosniaque en Oregon est savoureuse , ici. L'auteur revient sur le passé des trois protagonistes de l'histoire (avec Angela) , nous plongeant autant dans la culture bosniaque que dans l'enfer de la guerre , les relations entre les peuples sont saisissantes et les personnages remarquablement étudiés.

Le rapport de force entre les trois personnages est aussi un très bon moment du livre. On y ajoute un peu d'humour, beaucoup d'introspection, de la culture et on a un livre qui aurait pu être très bien à mes yeux si sa lecture avait été facilitée.

Une belle découverte néanmoins.

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Freelander

Je rebondis sur la critique de vdujardin: "il faut assez bien connaître l'histoire des Balkans depuis la première et la seconde guerre mondiale puis aux guerres récentes des années 1990 pour bien pouvoir apprécier ce texte, les allusions nombreuses, les moqueries entre Serbes et Croates, le franchissement des frontières...". D'autant plus vrai qu'il est ici surtout question des Bosniaques... musulmans ou non. Autant dire que des connaissances de base sur les empires austro-hongrois et ottoman ne seraient pas inutiles!

A part ca, on aime l'humour balkanique, à la "Kusturica", ou pas. Ca donne parfois dans le grand guignol. Mais la lecture vaut le coût, non seulement parce qu'elle est très distrayante (sur un sujet délicat, à condition d'en connaître la donne, désolé d'insister) et parfois très prenante. La scène de l'accident de la route avec camions, chevaux et pastèques (oranges?) est a elle seule un fantastique raccourci de la réalité quotidienne dans cette région du globe. Un coup de maître!
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Buick Riviera



Quelque part sur une route glacée de l'Oregon, deux réfugiés yougoslaves, l'un bosniaque, l'autre serbe musulman, se rencontrent. Hassan, le serbe, a fait basculer sa Buick dans le fossé alors qu'il était parti rechercher sa femme au travail. Venant en sens inverse, Vouko, bosniaque, criminel de guerre recherché en Europe, fuit un mariage qui l'étouffe. Ces deux hommes vont partager un bout de chemin ensemble, au propre comme au figuré et dans 48h, leur vie ne sera plus la même.



Je n'ai pas été emballée par cette lecture; sans doute n'étais-je pas équipée pour y prendre plaisir.

Tout d'abord la structure du roman ne permet pas une lecture fluide. Tout le texte, sur 250 pages, tient en un seul bloc. Les dialogues y sont imbriqués, signalés par une police italique et seuls des points de suspension marquent le changement d'interlocuteur. D'une part, cela empêche de reprendre son souffle car il n'y a ni chapitre, ni paragraphe marqué; d'autre part, la lisibilité du récit en est affectée. En effet, la majorité de l'intrigue se déroulant sur deux journées, et les deux protagonistes étant assez fans d'introspection, le lecteur est noyé entre le passé et le présent, entre les dialogues "en direct" et ceux remémorés... Au point qu'il m'a parfois été nécessaire de revenir en arrière pour comprendre sur quel personnage était positionné le focus.



Ensuite, rien n'est fait pour rendre les personnages sympathiques; ce n'est sans doute pas le but de l'auteur non plus. Et de ce fait, je n'étais pas si intéressée que ça par leur sort; ma préoccupation principale était finalement de terminer le bouquin, ni plus, ni moins.



Enfin, si les passages centrés sur le passé des deux hommes m'ont assez intéressée, leur évolution m'a semblé plutôt caricaturale. Cette évolution, alliée à la structure de l'écriture, pourtant assez belle et imagée, ont fini par me faire perdre tout intérêt.



Je suis donc passée complètement à côté de ce roman. Ce qui ne m'empêchera pas à l'occasion de tenter de découvrir autre chose de la littérature croate.

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Buick Riviera

Intéressant,un Bosniaque tombe sur un Serbe aux États-Unis.Les deux personnages jouent leur dernière carte de façon inattendue.
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Le jardinier de Sarajevo

Comme de nombreux lecteurs en vacances, j'aime lire « local », j'ai donc emmené ce recueil de nouvelles en Croatie, même si ces différentes histoires se passent majoritairement en Bosnie pendant la guerre d'ex-Yougoslavie, l'auteur étant Croate de Sarajevo, en effet la Dalmatie, où je séjournais, est très photogénique mais très peu «littéragénique»*. Ce bouquin m'a beaucoup plu, d'abord parce qu'il est adapté à une lecture de voyage ; ces nouvelles sont particulièrement courtes. Ensuite, il nous montre par petites touches les différents aspects de la culture de ce(s) pays, ainsi que cette période qui précède la guerre, puis la guerre elle-même, toutes ces choses, ces sentiments que l'on retrouve en bavardant avec les anciens ; La nostalgie et le dégoût, l'irrémédiable de cette guerre incompréhensible. Mais ce qui m'a le plus touché c'est la tonalité musicale de ces textes, contrairement à la musique des Balkans, enjouée et exubérante, le ton de ces nouvelles là est plus comparable au blues ; lent, triste et résigné. On sent aussi y poindre une touche d'humour ; noir bien entendu. Donc, 4* pour ce recueil.

P.S. : * littéragénique : néologisme ; Qui présente un intérêt en littérature, que la littérature a traitée.

N.B. : Avant de lire ce bouquin on peut lire « Jésus & Tito » de Vélibor Colic, qui raconte les souvenirs des années 70 et 80 de l'auteur dans ce même pays. Ce texte est bien sûr plus drôle. Les deux auteurs sont en effet croates de Bosnie et ont le même âge.



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Le jardinier de Sarajevo

Ce recueil de nouvelles courtes nous plonge dans un quotidien fait d'obus, de snipers et de pénurie alimentaire. Nous nous trouvons parfois dans des abris dans les caves d'une ville assiégée, auprès de gens qui se demandent s'ils seront toujours vivants demain. Une tristesse transparaît dans le récit, une tristesse d'une grande beauté et touchante. Ces personnages essaient de vivre malgré tout, ils continuent leur chemin et espèrent la fin des combats.

La plume de l'auteur est très agréable, certaines phrases m'ont marquées mais j'aurais voulu en lire un peu plus.
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Le Palais en noyer

Superbe épopée intime. Roman impressionnant, tant par sa qualité que par son ampleur. Le palais en noyer est une fresque familiale, qui suit, à rebours, le destin d'une femme, depuis sa mort à 97 ans en 2002 jusqu'à sa prime enfance. Simultanément, l'auteur trace un panorama de toutes les tribulations et misères que connut le peuple yougoslave depuis la fin des Habsbourg jusqu'à celle du communisme, en passant par les deux guerres mondiales.
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Le Palais en noyer

Au risque de vous lasser , mais j'assume, je poursuis ma balade littéraire balkanique. Cette fois, c'est du côté de Dubrovnik que ma lecture m'entraîne.

Le livre s'ouvre en 2002 sur le décès de Regina, à quatre-vingt dix-sept ans, alors qu'elle a sombré dans la folie depuis quelques mois et qu'elle rend impossible la vie de sa fille Diana et de ses petits enfants.



Le lieu : Dubrovnik donc, principal théâtre de l'intrigue, même si c'est aux quatre coins d'un territoire pris, tour à tour, dans les remous de l'Autriche-Hongrie et de l'empire ottoman puis dans les découpages et redécoupages géopolitiques du XXe siècle, que se réroule cette remontée dans le temps jusqu'à 1905.

Les acteurs : cinq générations de personnages marqués par la violence, l'amour, l'absurde, pour comprendre ce qui a forgé le caractère de Regina et de quoi se nourrit la folie furieuse qui la frappe soudain et si tardivement.



Foisonnant, baroque, tragique et extravagant à la fois, ce roman est impossible à résumer tant il y a de personnages et de destins qui s'entrecroisent. Enrichis des diverses cultures et religions qui composent la mosaïque balkanique, naissent alors un style mouvementé et un imaginaire violent, pulsionnel, parfois cru, et qui n'est pas, par certains aspects, sans rappeler Cent ans de solitude.



Tout à la fois fresque historique et saga familiale, c'est aussi le roman de la honte et de la culpabilité qui s'enracinent dans l'esprit d'une femme pourtant née sous d'heureux auspices. Pour le comprendre, il vous faudra plonger dans cette histoire qui s'ouvre sur le chapitre XV et remonter le temps jusqu'au chapitre I qui baigne dans une étonnante douceur et nous dévoile enfin le pourquoi du titre . Le début est un peu destabilisant, aussi rien ne vous empêche de commencer par la fin (mais ça serait vraiment dommage), sachez alors seulement que les apparences sont souvent trompeuses !



La richesse et le lourd passé de la Yougoslavie font éclore de biens beaux romans sous la plume de ses auteurs. Qu'ils soient croates, serbes, bosniaques, ils ont tous une griffe balkanique inimitable au bout de laquelle pointe une autodérision salvatrice.




Lien : http://moustafette.canalblog..
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Volga, Volga

Je ne sais pas vous, mais moi je me verrais bien au volant de cette Volga M24 "qui brillait au soleil tel un piano à queue ", pour un périple dans les Balkans, par temps de paix si possible... C'est à peu près ce que nous offre l'auteur puisque l'action se situe en partie à la fin des années 80 alors que la montée des nationalismes se fait de plus en plus pressante et que ce qui reste de la Yougoslavie ne s'est pas encore complètement embrasé.





C'est une Volga, vendue par le général Karamujić, qui va changer le destin de Dželal, lui permettant chaque semaine de faire le trajet Split-Livno afin d'assister à la grande prière du vendredi. Dželal, en apparence homme discret, assez solitaire, respectueux, pieux musulman, est pourtant empreint d'une tristesse dont nous ne saurons rien. Au volant de sa Volga, il aime se remémorer ses 35 années passées à l'armée comme chauffeur, réfléchir à la khutba (sermon) qu'il a écouté à la mosquée et à ses échanges avec le nouvel et mystérieux imam, tout en évitant consciencieusement de repenser à certains aspects de sa vie. Un jour, un des pneus éclate. Les Fatumić lui viennent en aide et il se lie d'amitié avec le vieil Osman et cette famille bosniaque, prend l'habitude de s'arrêter régulièrement chez eux pour apporter du chocolat aux enfants, et surtout écouter Osman lui raconter des histoires d'antant. Fin de la première partie qui se termine le 1er Janvier 1988, nous laissant présager un coup de tonnerre.





Première partie étrange, le personnage de Dželal comme à distance de ses émotions, un récit un peu désaffecté, retenu, contrastant avec une érudition religieuse étonnante. Mais peu à peu, entrée en scène de nouveaux et nombreux personnages, avec leur diversité, leur originalité, et là, la magie opère doucement, insidieusement. Puis soudain, la seconde partie vient nous cueillir, dynamise le récit, l'émulsifie. Elle se déroule en 1992 sous la forme d'une enquête journalistique concernant un fait divers qui, s'il a marqué les mémoires, a vite été relégué au second plan par la guerre. Bien entendu, ce fait divers a eu lieu le 1er Janvier 1988. L'enquête va venir éclairer petit à petit le lecteur et l'histoire de Dželal, lever les pans d'ombre et combler les frustrations qui entourent le récit un peu lisse qu'il nous faisait de sa vie. Et je n'en dévoilerai pas plus.





Miljenko Jergović, comme à son habitude, relate avec virtuosité la cohabitation et le chevauchement des cultures, plonge habilement dans les strates ottomanes et austro-hongroises du passé, nous balade dans cette mosaïque de peuples cimentée par Tito jusqu'en 1980. Et c'est avec érudition et subtilité qu'il fait glisser ses personnages d'une époque à une autre, dans le labyrinthe des alliances et des revirements où les protagonistes se fourvoient, voire se perdent parfois eux-mêmes.





Les allers-retours, qu'ils concernent les Oustachis de la Seconde Guerre mondiale ou la Yougoslavie de Tito, offrent des pages sombres et poétiques grâce au talent de conteur du vieil Osman, telle la belle histoire des chevaux sauvages de Golija, ; la présence discrète du chauffeur Dželal enregistre sans complaisance les petits arrangements des militaires avec le socialisme ; enfin, l'analyse factuelle rondement menée par les journalistes remet en perspective les événements, alors que les grondements de la guerre défilent à la télévision. Un roman à la construction sans faille, d'une tonalité virevoltante, excessive, sans être indigeste, et non dénuée d'humour.





Au final, une petite tragédie parmi tant d'autres, mais une terrible histoire, entre sacrifice et rédemption.

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Ruta Tannenbaum

Miljenko Jergovic est un auteur Croate, né en 1965 à Sarajevo, vit à Zagreb depuis 1993. l'action de Ruta Tannenbaum se déroule à Zagreb de 1920 à 1943.







Ruta Tannenbaum est librement inspiré du destin de Léa Deutsch, une jeune actrice disparue. Ruta Tannenbaum est la "Shirley Temple de Zagreb", née de parents juifs non pratiquants. Elle sera déportée en 1943.



Je n'ai aucun goût pour les enfants prodiges, encore moins quand ce sont des petites filles gâtées et arrogantes. Ses parents sont plutôt antipathiques, fades et peu intéressants. Sans empathie pour les personnages principaux, connaissant la triste fin de l'histoire....j'ai donc eu la tentation d'abandonner ce livre dès les premiers chapitres.



J'aurais eu tort.



Le père de Ruta, Salomon Tannenbaum, dit Moni,a un caractère médiocre, sauf quand il traîne sous la fausse identité d'Emmanuel Keglevic, pilier de bistrot et mauvais sujet où il devient fort déplaisant. Ivka Singer la mère, fut une beauté dont il ne reste rien, sa seule activité semble de marcher en talons pour déranger ses voisins goys. Elle confie, sans qu'on comprenne bien pourquoi, sa fille à sa voisine à moitié folle qui a perdu un enfant...



Autour de ces personnage principaux gravitent de nombreux personnages secondaires décrits avec beaucoup de pittoresque et de vivacité. j'ai beaucoup aimé le band père Abraham Singer, commerçant à la retraite, conscient du danger qui guette les Juifs et qui a vendu sa boutique pour faire émigrer ses enfants en Amérique. Un rabbin roumain très pieux... un ingénieur, un metteur en scène arriviste, une dramaturge pro-nazi qui rêve de voir sa pièce jouée devant le Führer... sont portraiturés de manière plus vive.



Le contexte historique et politique fait tout l'intérêt du livre.

Les Zagrébois assistent d'abord à l'Anschluss avec une sympathie non cachée pour les nazis. . Zagreb est une ville encore très autrichienne. Artistes et comédiens n'ont d'yeux que pour Vienne. On assiste aussi à la montée de l'antisémitisme, aux avertissements des Sionistes et de certains juifs conscients du danger. De sympathie pro-germanique, les Oustachis, prenant le pouvoir, se comportent en terribles suppôts des nazis.



En 1943, ce sera la solution finale.



Cette collaboration entre Oustachis croates et Allemands est un épisode de l'histoire dont j'avais vaguement entendu parler. Ce roman en donne une version très intéressante.




Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Volga, Volga

La rédaction, sous forme de parcours mémoriel d’un vieil homme musulman au soir de sa vie (ce que l’on découvre peu à peu), traverse l’histoire et la géographie de ce qui était la Yougoslavie. Texte fait d’entrelacs de flashes back et d’incursions dans les drames historiques, un “pays” qui n’en a pas manqué, en est saturé à en mourir. Crimes, vengeance et non-dits, non-jugés, coexistence impossible, fuite improbable, haine certaine, ou quasiment. Oustachis, Tchetniks et partisans… Une joyeuse farandole de massacres et aussi d’amitiés, et plus si affinités. On devine chez l’auteur, il me semble, un mélange de tristes infinie teintée de vagues lueurs d’espoir, un luxe qui n’est pas à la portée de tous. Surtout quand les marchands de souvenirs et d’avenir étalent leurs reliques séculaires. Au lecteur de se retrouver dans ce cheminement pas toujours facile…
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Volga, Volga

J'ai commencé ce livre puis, je l'ai abandonné. Je l'ai repris et, je ne l'ai plus lâché. Je n'ai jamais rien lu de semblable.



Note de l'auteur : Volga, Volga est une fantaisie documentaire.



Voilà qui résume bien cet incroyable roman que je recommande hautement pour ses personnages, pour le développement de l'histoire et sa construction.







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Ruta Tannenbaum

Miljenko Jergovic n'a pas voulu écrire une biographie de Lea Deutsch, jeune prodige du théâtre croate, morte en déportation à l'âge de 16 ans. Aujourd'hui oubliée, volontairement sans doute, car symbole d'une époque trouble, elle a cependant inspiré et constitué le point de départ de Ruta Tannenbaum qui évoque près de quarante ans de vie zagréboise, à travers une profusion de personnages d'où émergent la petite Ruta et sa famille juive ainsi qu'un couple de voisins, catholiques. La livre s'apparente à une fresque intime où les événements historiques viennent chambouler les destins, où les sentiments des hommes et des femmes évoluent au gré des changements de régime, jusqu'à la haine quand l'Etat indépendant de Croatie est créé, lors de la Seconde guerre mondiale, s'alignant sur la politique nazie en matière d'extermination des minorités. S'il s'agit du livre le plus ambitieux de Jergovic, portrait d'une ville balayée par les rafales de l'Histoire, l'auteur reste fidèle à ses habitudes : ruptures de tons nombreuses, de la tragédie au burlesque ; digressions incessantes, avant de revenir à son principal motif narratif. Davantage que dans ses autres romans, Jergovic ne perd cependant pas son dessein initial et, au fur et à mesure que le livre avance, la tonalité se fait plus sombre, à l'orée des années de plomb. Juifs, croates, bosniaques, serbes : l'écrivain ne ménage aucune communauté, sans pour autant condamner qui que ce soit, autrement que par les actions dont il est responsable. A travers cette fiction, située en grande partie dans la rue qu'elle habitait, il rend finalement hommage à Lea Deutsch, victime de la barbarie dont la célébrité a été recouverte par le silence des générations suivantes

"C'est à elle que je dois la tendresse que m'inspire ce décor. Lea Deutsch m'a laissé entrer dans sa rue. Ce livre est une petite pierre sur le seuil de sa maison, puisqu'elle n'a pas d'autre tombeau.".
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Buick Riviera

Nous suivons deux hommes venus de Bosnie et installés aux USA, à des époques différentes et pour des raisons différentes. L'un est issu d'une famille musulmane, a travaillé dans le cinéma, mais il vivote actuellement aux crochets de sa femme, qui est allemande. L'autre est d'origine serbe, criminel de guerre recherché en Europe et fuit sa femme. Une improbable rencontre se produit suite à un accident de voiture, qui va révéler un certain nombre de choses dans chacun d'entre eux. Une voiture, une vieille Buick Riviera, va aussi être de la partie et augmenter encore les tensions entre les deux hommes.



Je n'ai pas été au final emballée par ce livre. Cela commençait bien, j'aimais bien cette écriture, et cette façon de nous livrer l'histoire par petits bouts, en maintenant l'intérêt. Et la fin est surprenante, triste et drôle à la fois, plutôt réussie. Mais entre les deux je me suis pas mal ennuyé, et j'ai surtout trouvé les personnages très caricaturaux, Angela (la femme de Hassan, le bosniaque musulman) est une sorte de harpie hystérique, totalement insupportable, on se demande d'ailleurs comment il a pu la supporter si longtemps. Hassan quand à lui, s'excuse toujours de tout, semble avoir peur de tout, aucune initiative, aucun élan. Son seul intérêt dans le vie semble être sa voiture. Et Vouko, le serbe, est aussi en tout point tel qu'on l'attend.



En fait, la rencontre entre les deux hommes, en plus d'être artificielle, n'amène pas grand chose je trouve. Et comme je m'intéresse vraiment pas aux voitures, tout ce qui concernait ce personnage essentiel de l'intrigue ne m'a pas accroché. Mais l'auteur a un talent certain.
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Ruta Tannenbaum

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en lisant ce quatrième de couverture et ce fut une agréable surprise. Bien que par moment un peu compliqué suite à ma très mauvais connaissance de l'histoire croate ainsi que totale méconnaissance de la ville de Zagreb, l'histoire est prenante. Cette petite fille capricieuse se débat dans un monde exclusivement adulte et dans une ville qui se perd en conjectures politiques de tous genres sans parler de la menace de la guerre et la pourchasse des juifs.

Pour celles et ceux qui aiment l'histoire concernant la 2ème Guerre mondiale, ce livre peut être intéressant et donner un point de vue méconnu dans nos contrée.
Lien : http://jenta3.blogs.dhnet.be..
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Freelander

Quelques éléments assez drôles, comme par exemple l’immeuble de Karlo où seul le facteur actuel peut se retrouver, le nom sur les boîtes ne correspondant pas à celui des habitants actuels… Sinon, je pense qu’il faut bien connaître l’histoire des Balkans depuis la première et la seconde guerre mondiale (allusions aux déportations) puis aux guerres récentes des années 1990 pour bien pouvoir apprécier ce texte, les allusions nombreuses, les moqueries entre Serbes et Croates, le franchissement des frontières, le port d’un revolver par un vieux monsieur apparemment pacifique qui roule à bord d’une Volvo de trente ans d’âge… Bref, je n’ai pas trop adhéré, sans doute faute des pré-requis nécessaires.. Peut-être à relire après avoir approfondi l’histoire du dernier siècle dans cette région. Je crois que je fais une allergie aux road-movies, que ce soit en littérature comme ici ou au cinéma (en particulier pour ce film… et je ne suis pas allée voir Mammuth lors de sa sortie ou du festival Télérama pour la même raison).
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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