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3.85/5 (sur 395 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Alger, Algerie , 1964
Biographie :

Mohamed Aïssaoui est un écrivain et journaliste français.

Il a obtenu à l’Université de Nanterre une maîtrise en Sciences politiques et une maîtrise Administration économique et sociale.
Il a aussi été élève de l’Institut français de Presse.

Il est journaliste au Figaro depuis janvier 2001, spécialisé en littérature française et francophone au sein du supplément Le Figaro Littéraire.

Il écrit également des enquêtes sur le monde des lettres (suivi des prix littéraires, dossiers sur l’édition, sur les premiers romans, interviews d’éditeurs et portraits d’écrivains, décryptage de phénomènes éditoriaux). Il était auparavant chef de rubrique au service "Économie" où il s’occupait d’économie de la culture.

Mohamed Aissaoui tient une chronique hebdomadaire sur la littérature française et francophone dans l’émission "Tous les goûts sont dans la culture", sur Direct 8.

Auteur d’une anthologie sur les écrivains et la ville d’Alger, "Le Goût d’Alger" (Mercure de France, 2006), il a publié "L’affaire de l’esclave Furcy" (Gallimard, 2010) qui a obtenu le Prix Renaudot de l'essai 2010, le Prix RFO du livre 2010 et a été adaptée au théâtre.

Il est l'auteur d'un roman, "Les Funambules" (2020), (présent dans la première sélection du prix Goncourt) qui évoque l'amour, les démunis, mais aussi la difficulté identitaire.

Mohammed Aïssaoui est le Président du Prix Jean Anglade du premier roman 2021.

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Bibliographie de Mohammed Aïssaoui   (12)Voir plus


Entretien de Mohammed Aïssaoui avec Babelio : l`Etoile jaune et le Croissant


Dans l`interview que vous nous aviez accordée en mai 2010 au sujet de votre livre L`affaire de l`esclave Furcy, vous nous aviez confié avoir déjà en tête des projets pour un nouveau livre, basé sur des recherches historiques. Pensiez-vous déjà à Kaddour Benghabrit ?

Oui, en fait j`y pensais depuis le milieu des années 1990 ! J`avais vu le documentaire de Derri Berkani qui s`appelait « La mosquée de Paris : une Résistance oubliée », et c`est toujours resté dans un coin de ma tête. Il y a sept ou huit ans, je m`étais plongé dans les recherches, puis je m`y suis mis activement après la publication de « L`affaire de l`esclave Furcy ». Dans ce genre de livre, il faut, je crois, toujours beaucoup de temps entre le murissement du projet et sa réalisation, aussi bien sur la forme que sur le fond.


Dans votre livre, vous saluez également la mémoire d`autres Musulmans qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs-tels que Abdelkader Mesli-pourquoi avoir choisi de consacrer un livre à Si Kaddour Benghabrit en particulier ?

Parce que cette histoire de Juifs sauvés de la déportation par des musulmans passait le plus souvent par la Mosquée de Paris fondée en 1926 en hommage aux 70000 soldats musulmans morts durant la guerre 14-18. Et puis, c`est vrai, plus je recherchais, plus j`étais fasciné par le « personnage » de Si Kaddour Benghabrit : ce dignitaire aimait la musique, le théâtre, les femmes, écrivait des pièces de théâtres subversives, tout en faisant rayonner sa religion. Il agissait au risque de briser sa carrière ou de mettre en péril sa vie sans regarder la confession de celles et de ceux qu`il aidait. C`était un fin diplomate, aussi, c`est pour cela qu`il s`en est sorti.


Vous parlez de ce sentiment de frustration que vous éprouviez en quittant les archives, du sentiment d`être peut-être passé « à côté » de quelque chose de crucial. Il doit être extrêmement difficile de savoir par où commencer pour effectuer un tel travail de recherche. Comment vous y êtes-vous pris ?

C`est vrai, mais c`est un risque à prendre. Mon métier de journaliste et d`enquêteur me permet de brasser large puis de me concentrer sur l`objet de ma recherche. Je reconnais que chaque fois que je me retrouvais dans les archives, c`était frustrant car tout m`intéressait, je pouvais y passer la nuit. de même que lorsque je rencontre un témoin, je pourrais passer des heures, mais, là aussi, il faut se concentrer.


Tout au long de votre livre, vous rencontrez de nombreux obstacles, des archives interdites d`accès, des témoins précieux qui sont malheureusement décédés ; vous allez de petites victoires en grandes interrogations, et pourtant, vous ne vous découragez jamais. N`avez-vous jamais eu envie de baisser les bras ?

Si, bien sûr. Mais l`idée de passer à l`étape suivante me motivait. Les petites victoires remontent le moral.


Avez-eu parfois le sentiment qu`on vous cachait quelque chose, ou que vous faisiez face à des détracteurs ?

Pas le plus souvent, mais ça m`est arrivé. En fait, je n`imaginais pas que parler d`amitié et de soutien entre Juifs et musulmans était tabou à ce point-là.
On m`a parfois conseillé, pour pouvoir accéder à des centres d`archives, de ne pas dire que j`effectuais des recherches sur ce sujet !


L`essentiel de vos recherches a été condensé en 160 pages. Y`a-t-il des éléments dont vous n`avez pas parlé : des entreprises avortées ou des fausses pistes que vous ne jugiez pas nécessaire d`inclure dans votre livre ?

Oui, mais j`essaie de ne pas embêter le lecteur. J`aurais pu ajouter de nombreuses anecdotes, des documents… J`ai pensé que c`était mieux de ne garder que l`essentiel, d`autant que tout ce que j`ai laissé de côté confirmait le récit.


Il faudra attendre 1995, c`est-à-dire 40 ans après la fin de la guerre, pour que Jacques Chirac reconnaisse publiquement la collaboration de la France avec l`Allemagne nazie. Comment expliquez-vous cette difficulté, cette lenteur du processus de reconnaissance?

Je ne me l`explique pas. Je crois qu`il existe des pages douloureuses de l`Histoire qui mettent longtemps à ressurgir. Mais ce n`est pas propre à la France. Je connais des pays où c`est bien pire…


L`aide apportée aux Juifs par les Musulmans pendant la Seconde Guerre Mondiale n`a jamais été reconnue. Pensez-vous que votre livre puisse faire changer les choses ? Pensez-vous que Kaddour Benghabrit puisse finalement être reconnu comme « Juste parmi les Nations » par Yad Vashem ?

Je pense que Kaddour Benghabrit sera reconnu comme Juste. Un dossier est ouvert à la commission des Justes de Yad Vashem. J`avais été heureux de leur apporter les deux témoignages de personnes vivantes qu`ils n`avaient pas : celui du fils d`une infirmière juive sauvée grâce au fondateur de la Mosquée de Paris. Et celui, inattendu, de Philippe Bouvard qui m`a raconté comment son père adoptif qui était juif est sorti de la prison de la Santé après une intervention de Benghabrit. Je pense aussi que le roi du Maroc, Mohammed V, mort en 1961, sera un jour nommé Juste et que l`on reconnaîtra tout ce qu`il a fait pour la communauté juive marocaine durant la Seconde Guerre mondiale.


Découvrez l`Etoile jaune et le Croissant aux éditions Gallimard.

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"Pour remettre certaines valeurs en perspective... le dictionnaire amoureux d'Albert Camus par Mohammed Aïssaoui est une pure merveille. Et Camus, en ce moment, ça fait du bien !" - Gérard Collard. Mohammed Aïssaoui s'est construit avec l'oeuvre d'Albert Camus. Il nous livre ici son " Camus", celui qui illumine sa vie, qui élargit le coeur et l'esprit, qui console des chagrins du monde. https://www.lagriffenoire.com/index.php/api/index.php/dictionnaire-amoureux-d-albert-camus.html Recevez votre actualité littéraire (façon La Griffe Noire) en vous abonnant à notre newsletter hebdomadaire : https://www.lactudulivre.fr/newsletter/

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Puis [Elie Wiesel] me dit cette phrase que je ne peux oublier : "Celui qui écoute le témoin devient témoin à son tour."
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début du chapitre 1 :

Le soleil clément ajoutait à la douceur du monde. Furcy aimait tout particulièrement ces instants paisibles et libres, quand la forêt appelait au silence. Pas un bruit… Juste, au loin, la musique d’une rivière. Le calme fut rompu par le pépiement effrayé d’une nuée d’oiseaux qui s’envolèrent d’un trait. Puis il entendit le hurlement de chiens qui se rapprochaient.
L’homme noir courait à perdre haleine, ses yeux grands ouverts disaient la terreur. Le torse nu, il transpirait comme s’il pleuvait sur lui. Son pantalon de toile bleue était déchiré jusqu’aux cuisses. Il boitait. Dans son regard, on lisait la certitude qu’il n’arriverait pas à s’échapper, la peur de la mort. Son souffle s’épuisait à chaque pas. Il pouvait tenir encore un peu, un tout petit peu, jusqu’à la Rivière-des-Pluies qu’il connaissait par coeur, et qui pouvait le guider vers la montagne Cimandef, puis à Cilaos, le refuge des esclaves en fuite. Avec les pluies diluviennes de la semaine passée, il suffirait de se laisser dériver en restant bien au milieu de la rivière, et environ cinq kilomètres plus bas, s’arrêter sans forcer, près d’un rocher qui faisait contre-courant — d’autres l’avaient déjà fait, ce devait être l’affaire d’une heure, tout au plus, avant d’arriver au pied de la montagne.
À une vingtaine de mètres derrière lui, deux énormes chiens, la bave aux lèvres, le poursuivaient. Pour leur donner plus de hargne, on les avait affamés. Ces bêtes étaient suivies de loin par trois hommes : deux blancs coiffés d’un chapeau de paille qui portaient un fusil — des chasseurs de chèvres sauvages et d’esclaves — et un noir, tête nue. Ils semblaient assurés d’arriver à leur fin.
Il restait moins de cinq mètres à courir pour pouvoir plonger dans la rivière. C’était encore trop. Au moment où l’esclave allait mettre un pied dans l’eau, il trébucha. Un chien sauta sur lui et mordit sa cuisse droite, tétanisant tous les muscles de son corps. Le deuxième chien le prit à la gorge alors qu’il se débattait. On entendit un cri lourd.
Au loin, les deux blancs sourirent. Ils ralentirent le pas, comme pour apprécier davantage le malheur de leur proie et laisser les chiens terminer leur besogne. Le noir qui les accompagnait baissa la tête.
Furcy, aussi, avait entendu le cri. Il se trouvait de l’autre côté de la Rivière-des-Pluies. Dissimulé derrière un pied de litchi, il avait tout vu. Il restait figé. Depuis sa cachette, il avait remarqué une fleur de lis tatouée sur chaque épaule du fuyard allongé, ses oreilles et son jarret étaient coupés. Ces deux mutilations signifiaient qu’il avait déjà tenté de fuir à deux reprises. Quand les deux hommes arrivèrent près de l’esclave agonisant, ils marquèrent un temps, se regardèrent, puis le prirent chacun d’un côté. Ils le jetèrent dans la rivière. Et s’essuyèrent les mains. Le corps moribond flottait comme un bout de bois au gré du courant qui était fort ce jour-là.
« C’est l’ordre de M. Lory, dit le premier, un marron qui ne peut plus travailler constitue une charge trop lourde. Et la troisième fois, c’est la condamnation à mort. De toute façon, Lory l’aurait battu à mort, tu le connais. » L’autre acquiesça en clignant simplement des yeux.
Le premier chasseur sortit un carnet de sa besace, avec un crayon qu’il mouilla de ses lèvres, il inscrivit : « Capturé / mort / à la Rivière-des-Pluies / le nègre marron Samuel appartenant à M. Desbassayns et loué au sieur Joseph Lory, habitant de Saint-Denis / 30 francs à recevoir / 4 août 1817. » Il referma son carnet, satisfait. Puis, il donna quatre sous au noir en récompense du renseignement qu’il avait fourni pour repérer Samuel.
Dans la tête de Furcy, le cri continuait de résonner.

Les faits de ce genre étaient fréquents à l’île Bourbon. J’aurais pu vous décrire la scène où un esclave fut brûlé vif par sa maîtresse furieuse parce qu’il avait raté la cuisson d’une pâtisserie. Et raconter l’histoire de ce propriétaire qui, apprenant que son épouse avait couché avec son domestique noir, fit creuser un trou et laissa mourir l’amant — alors que tout le monde connaissait cette femme dont on disait que le démon avait saisi son bas-ventre. Il n’était pas rare, non plus, de voir des esclaves si maltraités qu’ils en devenaient handicapés. D’autres avaient moins de chance, ils mouraient à force de tortures, puis on les enterrait dans le petit bois comme on enterre une bête — sur les registres, on les déclarait en fuite. Certains préféraient se suicider pour en finir plus rapidement avec un sort funeste…
Ainsi allait la vie quotidienne dans les habitations bourbonnaises en ce début du XIXe siècle.
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Une citation commune au Talmud et au Coran ne dit-elle pas à peu près ceci: Qui sauve une vie sauve l'humanité entière ?
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p. 19 -
... dans les bonnes habitations, les noirs sont estimés entre 120 et 150 piastres dans les inventaires de succession. Ils reviennent tellement cher en impôts, que certains propriétaires sous-évaluent le nombre de leurs esclaves pour n'avoir pas à payer la capitation. Vous savez, on peut remplacer avantageusement un noir par un cheval ou un mulet" (M. Billard)
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Les hommes ne laissent pas libres. Ils le deviennent. C’est ce que m’ a appris Furcy.
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J'essaie de comprendre, en posant des questions. A quel moment le funambule ne tient plus sur le fil ténu de la vie et bascule ? (p. 65)
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A un moment de la conversation, elle me dit, mais je crois qu'elle s'adresse à elle-même: "Je ne comprends pas pourquoi il a été complètement oublié." J'ai envie de lui répondre que la mémoire ça se travaille. Et que, sans doute, j'en suis même sûr, d'autres ont oeuvré pour qu'on l'oublie. On peut mourir deux fois.
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p. 15 -
Le premier chasseur sortit un carnet de sa besace, avec un crayon qu'il mouilla de ses lèvres, il inscrivit : "capturé / mort / à la rivière des pluies / le nègre marron Samuel appartenant à M. Desbassayns et loué au sieur Joseph Lory, habitant Saint-Denis / 30 francs à recevoir / 4 août 1817"...
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«  Puisqu’il réclamait sa liberté , il fallait déclarer Furcy comme fugitif , un marron, un rebelle; l’attaquer en tant que tel, le faire arrêter , et l’enchaîner .
Hors de question qu’il mît les pieds dans un tribunal:
un esclave n’avait pas à assigner son maître en justice » .
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« Il y avait aussi une vingtaine de petits propriétaires, ils formaient un groupe à part, plus haut dans la rue. A ce que l’on affirmait, ils avaient encore plus peur que les riches exploitants qui possédaient une centaine d’esclaves. Pour eux, perdre leur main-d’œuvre bon marché – ils ne la considéraient pas comme gratuite car les noirs étaient « hébergés et nourris » -, c’était la faillite à coup sûr. Le pire, pour ces petits propriétaires, était de devenir aussi pauvres que les esclaves. Et certains l’étaient déjà.
Des esclaves aussi protestaient contre Furcy ! Ils refusaient une liberté qui les aurait envoyés mendier dans les rues. « Nous sommes bien avec nos maîtres », criaient quelques-uns d’entre eux. »
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