Oui, en fait j`y pensais depuis le milieu des années 1990 ! J`avais vu le documentaire de Derri Berkani qui s`appelait « La mosquée de Paris : une Résistance oubliée », et c`est toujours resté dans un coin de ma tête. Il y a sept ou huit ans, je m`étais plongé dans les recherches, puis je m`y suis mis activement après la publication de « L`affaire de l`esclave Furcy ». Dans ce genre de livre, il faut, je crois, toujours beaucoup de temps entre le murissement du projet et sa réalisation, aussi bien sur la forme que sur le fond.
Parce que cette histoire de Juifs sauvés de la déportation par des musulmans passait le plus souvent par la Mosquée de Paris fondée en 1926 en hommage aux 70000 soldats musulmans morts durant la guerre 14-18. Et puis, c`est vrai, plus je recherchais, plus j`étais fasciné par le « personnage » de Si Kaddour Benghabrit : ce dignitaire aimait la musique, le théâtre, les femmes, écrivait des pièces de théâtres subversives, tout en faisant rayonner sa religion. Il agissait au risque de briser sa carrière ou de mettre en péril sa vie sans regarder la confession de celles et de ceux qu`il aidait. C`était un fin diplomate, aussi, c`est pour cela qu`il s`en est sorti.
C`est vrai, mais c`est un risque à prendre. Mon métier de journaliste et d`enquêteur me permet de brasser large puis de me concentrer sur l`objet de ma recherche. Je reconnais que chaque fois que je me retrouvais dans les archives, c`était frustrant car tout m`intéressait, je pouvais y passer la nuit. de même que lorsque je rencontre un témoin, je pourrais passer des heures, mais, là aussi, il faut se concentrer.
Si, bien sûr. Mais l`idée de passer à l`étape suivante me motivait. Les petites victoires remontent le moral.
Pas le plus souvent, mais ça m`est arrivé. En fait, je n`imaginais pas que parler d`amitié et de soutien entre Juifs et musulmans était tabou à ce point-là.
On m`a parfois conseillé, pour pouvoir accéder à des centres d`archives, de ne pas dire que j`effectuais des recherches sur ce sujet !
Oui, mais j`essaie de ne pas embêter le lecteur. J`aurais pu ajouter de nombreuses anecdotes, des documents… J`ai pensé que c`était mieux de ne garder que l`essentiel, d`autant que tout ce que j`ai laissé de côté confirmait le récit.
Je ne me l`explique pas. Je crois qu`il existe des pages douloureuses de l`Histoire qui mettent longtemps à ressurgir. Mais ce n`est pas propre à la France. Je connais des pays où c`est bien pire…
Je pense que Kaddour Benghabrit sera reconnu comme Juste. Un dossier est ouvert à la commission des Justes de Yad Vashem. J`avais été heureux de leur apporter les deux témoignages de personnes vivantes qu`ils n`avaient pas : celui du fils d`une infirmière juive sauvée grâce au fondateur de la Mosquée de Paris. Et celui, inattendu, de Philippe Bouvard qui m`a raconté comment son père adoptif qui était juif est sorti de la prison de la Santé après une intervention de Benghabrit. Je pense aussi que le roi du Maroc, Mohammed V, mort en 1961, sera un jour nommé Juste et que l`on reconnaîtra tout ce qu`il a fait pour la communauté juive marocaine durant la Seconde Guerre mondiale.
Rien ne t'appartient « À peu près au milieu du roman, il arrive quelque chose à l'héroïne. Elle est dans un lieu où elle va être enfermée, elle va être domestiquée, et la directrice de ce lieu lui dit ça, la première fois qu'elle la voit. Elle lui dit : « rien ne t'appartient». Tout le monde lui dit « rien ne t'appartient ». En réalité, personne n'arrive à toucher ce qui lui reste de plus cher. Ce qui lui est intact. Son intégrité, son coeur, la manière dont elle pense. La manière dont elle bouge avec son corps. Et ça, ça lui appartiendra toujours. » *** Découvrez l'entretien de l'autrice, qui répond à nos questions sur son nouveau roman : Rien ne t'appartient « J'aime beaucoup ce moment de bascule quand quelqu'un d'ordinaire mène sa vie, et qu'il lui arrive quelque chose d'extraordinaire. Et souvent mes récits naissent dans ce creuset-là, dans cette brèche-là où l'ordinaire devient extraordinaire. Et j'ai l'impression que souvent ça se passe dans l'enfance. » *** « Rien ne t'appartient est un roman physique - ses phrases prennent à la gorge, dévorent, hantent. C'est une prose magnifique parce que de ces ombres, de ces fantômes jaillit une lumière, malgré tout. Un tour de force. » Mohammed Aïssaoui, Le Figaro Littéraire « Ce livre très intime, à la fois physique et secret, parle du mal qu'on fait aux filles. de ce qui leur est interdit. de ce qu'il leur faut taire. de ce qu'elles doivent payer. » Xavier Houssin, le Monde des Livres « Superbes retrouvailles avec l'écriture sensuelle et engagée, sur la condition des femmes et l'état du monde, de Nathacha Appanah. » Valérie Marin La Meslée, le Point « D'une grande et violente beauté. » Augustin Trapenard, Boomerang « Ce roman profond analyse un être au destin déformé par les ondes sismiques d'une violence frontale, ou de biais. Écriture implacable, apte à arracher les masques, à bannir les faux-semblants. » Muriel Steinmetz, L'Humanité Prix des Libraires de Nancy «Le Point» 2021 Découvrez le nouveau roman de Nathacha Appanah http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Rien-ne-t-appartient
Quel est le nom du premier chef qui a réussi à fédérer le peuple gaulois ?