Carte blanche à André Markowicz et Françoise Morvan (Editions Mesures) - Lectures par Matthew Vanston - dimanche 1er octobre 2023, 17h15-18h15, Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette (Paris-Saclay).
Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)
Le problème de la falsification [NB : du Barzaz-Breiz] a détourné du problème essentiel, à savoir l'enjeu de cette falsification : l'invention d'une celtitude mythique justifiant un pseudo-combat ancestral destiné à légitimer le combat de la droite cléricale contre la République. C'est encore « An alarc'h » (Le Cygne) qu'entonnent les bardes Stivell et Servat ; c'est au son de cette chanson écrite par le vicomte [Théodore Hersart de la Villemarqué] que marchaient les miliciens du Bezen Perrot enrôlés sous uniformes SS pour combattre aux côtés des nazis. Le nationalisme breton est né de ce faux pour des raisons idéologiques qui n'ont jamais été analysées - car les mettre à nu serait comme déshabiller les poupées folkloriques en costume rutilants : commettre un sacrilège et réduire à néant les artefacts qui forment encore le creuset de la revendication dite bretonne.
Cette revendication a eu pour caractéristique première, dès les origines, de n'être pas celle de Bretons mais d'une infime minorité parlant pour eux au nom de la race, de l'ethnie, de Dieu et des racines. C'est dans les locaux de l'Action Française qu'au lendemain de la Première Guerre Mondiale, quelques jeunes bourgeois fascinés par le Barzaz Breiz fondent le mouvement Breiz Atao (Bretagne Toujours). Son credo : la défense de la « race bretonne » contre la France républicaine. Cet infime groupuscule invente le kit identitaire actuellement promu par les industriels les plus puissants de Bretagne : le drapeau national dit « gwenn-ha-du » (blanc et noir), le triskell, le « biniou braz » (copie de la cornemuse écossaise) et le breton surunifié...
Ce qui importe dans un poème, c'est souvent ce qui se dit malgré un sens apparent.
(note sur la traduction des poèmes de Sylvia Plath, Arbres d'hiver)
Le nationalisme breton fait son apparition au XIXe siècle dans les cénacles légitimistes, non pas en Bretagne, mais à Paris, sous la forme d'une nouvelle chouannerie visant à prendre une revanche sur la Révolution française : comme le rappelle Francis Gourvil, "le "nationalisme breton" n'a aucune racine historique dans la passé lointain de la Bretagne".
Allège
extrait 2
Cristal de glace au cœur
S’il glisse vers le ciel
Où le traineau de la reine des neiges
Ouvre ses transparences silencieuses
Le jour entier s’ouvre sur l’infini
Mais le livre posé sur l’allège se ferme
Et le voilage ombrant les fougères de givre
Ne laisse à discerner qu’un fin croissant de lune.
Velours
[...]
Alors reviennent, serrant le cœur, les ruissellements de phlox, de soleils et d’œillets d’Inde assemblés à la veille de l’Assomption devant la terre humide des tombes, et le velours noir qui se plisse autour des fleurs brodées sur le satin est plus parfait encore que la nuit d’août, plus doux que le marbre, plus soyeux que le ventre d’une abeille, et tout cela se tient sans bruit dans l’ombre à senteur de terre et de lait comme une émanation des grands manèges tournants dans l’été.
ça y est, les voilà partis.
Filez, filez, les petits,
Roulez, boulez, dans l'allée,
Sans savoir où vous allez.
Moi, crie le blaireau, mon accul, on dit qu'il pue : c'est ridicule !
Ah ! méfiez-vous de la crapule !
La jalousie est sans scrupules !
Ma blairelle et mes blaireautins, tournant leurs gracieux popotins, dorment sans faire de potin, dans petits lits de rotin.
Et nous donc, bêle le mouton,
Du bon foin sec jusqu'au menton,
On dort, on dîne, en peloton,
De la tata jusqu'au tonton.
On dort, on dîne, on dîne, on dort,
Et puis on s'y remêêêt encore...
Nul effort : que du réconfort :
A la crèche, on bénit son sort !
Orée
Rêveurs au front léger
Longeant à pas de loup le bord des ombres
Ils glissent doucement vers les orées
Où vont les chercheurs de fleurs de fougère
Puis se fondent sans bruit dans l’abri des feuillages
Et sentent la forêt qui les protège.
La vieille Renaude est au soleil, assise sur un billot, devant sa maisonnette. Elle est flétrie, ratatinée et ridée, la pauvre femme, comme une figue pendante. Chassant de temps en temps les mouches qui se posent sur son nez, elle boit le soleil, s'assoupit et puis sommeille.
— Eh bien ! tante Renaude, par là, au bon soleil, vous faites un petit somme ?
— Ho ! tiens, que veux-tu faire ? Je suis là, à dire vrai, sans dormir ni veiller... Je rêvasse, je dis des patenôtres. Mais puis, en priant Dieu, on finit par s'assoupir... Oh ! la mauvaise chose, quand on ne peut plus travailler! Le temps vous dure comme aux chiens.