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EAN : 9782021534894
60 pages
Seuil (03/11/2023)
3.75/5   2 notes
Résumé :
Une étude sur les dérives du nationalisme. L'auteure analyse la façon dont la promotion de l'Europe des régions contre l'Europe des nations faite par les lobbys patronaux pour saper les institutions républicaines profite au néolibéralisme.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je me passionne ces derniers temps pour la collection Seuil Libelle, bien pratique pour avoir l'impression de lire quantité de livres vu le format et le nombre de pages.

Ce culte des racines est consacré à une étude de la construction identitaire bretonne, au regard de la tendance actuelle à l'Europe des régions.
La Catalogne serait-elle la seule région à hurler contre un État totalitaire et violent qui l'empêcherait d'exprimer pleinement son identité ? (pour ceux que ça intéresse, voir l'excellent bouquin le labyrinthe catalan de Benoît Pellistrandi) Eh bien non, la Bretagne souffre elle-aussi de cette violence étatique à son encontre.

Avec mordant, Françoise Morvan démonte les mythes d'une identité bretonne qui remonterait à des temps immémoriaux, souligne le basculement politique qu'a constitué la publication du pamphlet Comment peut-on être Breton ? de Morvan Lebesque , rappelle les accointances troublantes entre les indépendantistes bretons et les occupants allemands durant la Seconde Guerre mondiale et les références idéologiques aux Saints celtes, à la chrétienté et à la contre-Révolution qu'elle double d'un "business mondialisé de l'interceltisme".

Une critique acerbe du mouvement indépendantiste breton, qu'elle accuse d'être une construction politique éloignée des aspirations réelles des habitants, et dont elle fustige le caractère identitaire qui mènerait à une compétition entre régions : celles pouvant se réclamer d'une soit-disant identité bien pratique pour attirer les touristes, et les autres.

Un petit bouquin très instructif, qui permet de porter un regard différent sur un drapeau qui fait sourire lorsqu'on le voit s'agiter à tout bout de champ.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le problème de la falsification [NB : du Barzaz-Breiz] a détourné du problème essentiel, à savoir l'enjeu de cette falsification : l'invention d'une celtitude mythique justifiant un pseudo-combat ancestral destiné à légitimer le combat de la droite cléricale contre la République. C'est encore « An alarc'h » (Le Cygne) qu'entonnent les bardes Stivell et Servat ; c'est au son de cette chanson écrite par le vicomte [Théodore Hersart de la Villemarqué] que marchaient les miliciens du Bezen Perrot enrôlés sous uniformes SS pour combattre aux côtés des nazis. Le nationalisme breton est né de ce faux pour des raisons idéologiques qui n'ont jamais été analysées - car les mettre à nu serait comme déshabiller les poupées folkloriques en costume rutilants : commettre un sacrilège et réduire à néant les artefacts qui forment encore le creuset de la revendication dite bretonne.
Cette revendication a eu pour caractéristique première, dès les origines, de n'être pas celle de Bretons mais d'une infime minorité parlant pour eux au nom de la race, de l'ethnie, de Dieu et des racines. C'est dans les locaux de l'Action Française qu'au lendemain de la Première Guerre Mondiale, quelques jeunes bourgeois fascinés par le Barzaz Breiz fondent le mouvement Breiz Atao (Bretagne Toujours). Son credo : la défense de la « race bretonne » contre la France républicaine. Cet infime groupuscule invente le kit identitaire actuellement promu par les industriels les plus puissants de Bretagne : le drapeau national dit « gwenn-ha-du » (blanc et noir), le triskell, le « biniou braz » (copie de la cornemuse écossaise) et le breton surunifié...
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Le nationalisme breton fait son apparition au XIXe siècle dans les cénacles légitimistes, non pas en Bretagne, mais à Paris, sous la forme d'une nouvelle chouannerie visant à prendre une revanche sur la Révolution française : comme le rappelle Francis Gourvil, "le "nationalisme breton" n'a aucune racine historique dans la passé lointain de la Bretagne".
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La question posée était bien celle de la fabrique identitaire et de sa mise au service d'un projet ultralibéral d'éclatement des États-nations. Dans le cas de la Bretagne, si l'on reconstituait l'invention de la tradition et son instrumentalisation depuis les origines, on se trouvait en présence d'un exemple particulièrement probant et qui aurait dû permettre de réfléchir aux soubassements idéologiques du mouvement nationaliste breton actuel. En faire une analyse claire était important dès lors que ce mouvement se donnait une image de gauche et s'alliait avec les écologistes ou les socialistes comme partout en Europe.
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À présent honoré comme le martyr d'une juste cause, l'assassin du préfet Érignac est bien l'héritier de ces militants fanatisés qui, au nom d'une patrie fantasmée, ont pris les armes non seulement contre la France mais contre les Corses, les Basques ou les Bretons eux-mêmes. Et sont en voie d'obtenir gain de cause : l'autonomie de la Corse, proposée par le gouvernement français au lendemain de la mort d'Yvan Colonna, est-elle autre chose que l'autonomie programmée des régions dont l'identité appellerait nativement la liberté ? Quelle identité ? Pour quelle liberté ? Ces questions ne doivent surtout pas être posées pour que la face aimable du régionalisme puisse continuer de plaire.

Et cependant ce qui se passe actuellement en Ukraine est-il autre chose, avec une tragique différence d'échelle, que ce basculement du fantasme ethniste dans une réalité à soumettre quel qu'en soit le prix ? L'immense erreur a été de croire que parce qu'il repose sur un fantasme le pire est illusoire : le fantasme est faux, la mise en œuvre de sa réalisation est vraie, et conçue avec résolution.
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Dans le même temps, et dans le même cénacle, se produisait une éclosion de bardes qui se faisaient des figures de bardes pour célébrer le culte de la nation bretonne, et les paroles de leurs chansons, souvent clamées dans un breton incompréhensible, se changeaient, une fois reprises à l'unisson par des milliers de gosiers altérés, en hymnes à une bretonnitude dans laquelle il était exaltant de communier sous les espèces du cidre et du chouchenn.
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Vidéo de Françoise Morvan
Carte blanche à André Markowicz et Françoise Morvan (Editions Mesures) - Lectures par Matthew Vanston - dimanche 1er octobre 2023, 17h15-18h15, Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette (Paris-Saclay). Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)
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