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Citations de Nadejda Mandelstam (73)


Mais chez le poète en disgrâce,
La Muse et la Peur veillent tour à tour,
Et s'avance une nuit
Qui ne connaît pas d'aube.

Anna Akhmatova à Ossip Mandelstam, 1936.

(page 217).
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" La poésie, c'est le pouvoir " dit, un jour, Mandelstam.

Il n'en démordait pas : si on tuait des gens à cause de la poésie, c'est qu'on la respectait et qu'on l'honorait, qu'on la craignait, et qu'elle représentait une force...
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La vieillesse ne regarde plus la vie droit dans les yeux, elle se soustrait aux larmes et au repentir. Mais juste avant, au seuil de la vieillesse, quand on n'a pas encore perdu l'acuité de la vision et la force de son jugement, il faut se retourner sur le chemin parcouru, et peut-être que l'on réussira alors à en percevoir le sens --- ce sens qui, dans notre jeunesse et même dans notre âge mûr, brillait comme une infime lueur au milieu des ténèbres, nous échappant presque dans le tumulte des événements quotidiens. Et il y a encore un autre malheur : une fois que la vie est vécue, tout est irrémédiable, on ne peut plus se servir de son expérience. Si l'on avait compris sa tâche dès le début, dès les premiers pas, on aurait évité les dérapages et les faux pas. Et transmettre son expérience à d'autres aussi est impossible, car chacun a son propre destin à accomplir, et l'expérience d'autrui ne sert à rien : "Et chacun, comme l'hirondelle avant l'orage, dessine avec son âme un vol indescriptible...(Mandelstam 1910)" p 99-100
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Nous avions tous adopté la solution de facilité :

Nous nous taisions, espérant que ce serait le voisin qui serait tué, et pas nous.

Nous ne savons même pas lequel d'entre nous, par son silence, participait aux crimes, et lequel simplement sauvait sa peau.
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Il est difficile d'être poète, il est difficile d'être femme de poète, mais il est absolument impossible d'être à la fois femme et poète. A.A.a trouvé en elle- même la force d'être à la fois l'une et l'autre, mais pour l'une comme pour l'autre, le prix à payer a été élevé. (p.96)
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Avant-propos
Anna Akhmatova
novembre 1961, à l'hôpital, Nous sommes quatre...

... et j'ai renoncé ici à toute chose,
Renoncé à tous les biens terrestres.
L'esprit, le gardien de ces lieux,
N'est qu'une branche de bois mort.

Dans cette vie nous sommes tous en visite,
Vivre, c'est juste une habitude,
Je crois entendre dans l'espace aérien
Deux voix qui s'interpellent.

Deux ? Mais voici près du mur côté est,
Dans de robustes buissons de framboises,
Une branche de sureau sombre et fraîche --
C'est une lettre de Marina.

Les deux voix sont celles de Ossip Mandelstam et Boris Pasternak
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Avant-propos de la traductrice, Sophie Benech

Or sa poésie a profondément évolué depuis les années 20, l'histoire s'y est engouffrée avec son cortège de malheurs- morts, persécutions, arrestations, exécutions, guerre- donnant à sa voix une ampleur qui n'a fait que croître. " La voix du renoncement se fait toujours plus forte dans les vers d'Akhmatova, avait déjà remarqué Ossip Mandelstam.Et aujourd'hui, sa poésie tend à devenir un des symboles de la grandeur de la Russie."De fait, les tragédies qu'elle a connues se fondent si bien dans celles de son peuple et de son pays que sa poésie, profondément lyrique et personnelle, a acquis depuis longtemps une dimension universelle et même épique. " ( p.23)
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Pour plonger le pays tout entier dans un état de peur chronique, il faut que le nombre de victimes atteigne un chiffre astronomique, et il faut balayer plusieurs appartements dans chaque immeuble.

Les rescapés où est passé le balai resteront jusqu'à la fin de leur vie des citoyens modèles.

Mais il ne faut pas oublier les générations montantes et renouveler l'opération à intervalles réguliers.
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Comment se fait-il que trois têtes en l'air pleines de courants d'air qui n'en faisaient qu'à leur guise, trois personnes incroyablement écervelées- A.A, O.M. et moi-aient su préserver, sauvegarder et conserver toute leur vie cette triple union, cette amitié indestructible ? Nous étions tous tentés par autre chose- faire la roue, trouver une flûte pour charmer les rats "danser devant l'Arche sainte..." ***nous nous faisions enrager les uns et les autres, nous nous efforçons de nous remettre mutuellement les idées en place, mais notre amitié et notre union étaient inébranlables.

***citation du - Poème sans héros- d'Akhmatova

( p.74)
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Outre les gens contraints à " collaborer", les volontaires étaient légion.
Toutes les administrations regorgeaient de dénonciations.

J'ai entendu un inspecteur du ministère de l'Instruction publique demander aux enseignants de ne plus envoyer de dénonciations, et les prévenir que les lettres anonymes ne seraient même plus lues.
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Chacun peut déchiffrer l'expérience de sa propre vie, mais rares sont ceux qui veulent le faire.
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" A présent tout est clair : on vous met sur la tête un bonnet de fourrure et on vous expédie illico presto dans la taïga." De là sont nés les vers :

Là-bas, derrière les barbelés,
Au coeur de la taïga profonde,
On mène mon ombre à l'interrogatoire.
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Anna Akhmatova redoutait plus que tout les gens qui ne connaissent pas la peur. dans les conditions de vie qui sont les nôtres, ce sont les plus dangereux. Quelqu'un qui n'a pas connu la peur est dépourvu de résistance. Si une personne de ce genre tombe entre leurs pattes, elle peut, par bêtise, causer la perte de toute sa famille, de ses amis et d'inconnus. p 32
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Varia nous montrait le livre où, sur l'ordre de l'institutrice, les portraits des dirigeants étaient recouverts l'un après l'autre d'une épaisse feuille de papier, au fur et à mesure qu'ils tombaient en disgrâce.

A chaque nouvelle arrestation, les gens passaient au crible leur bibliothèque et jetaient au feu les oeuvres et autre " littérature subversive ".
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Autrefois les braves gens étaient nombreux. Et même ceux qui ne l'étaient pas faisaient semblant de l'être, car c'était l'usage. De là provenaient l'hypocrisie et la fausseté, ces grands vices du passé, dénoncés par le réalisme critique de la fin du XIXème siècle. Le résultat de cette dénonciation furent inattendu : les braves gens disparurent. La bonté n'est pas uniquement une qualité innée : il faut la cultiver, et on ne le fait que si la nécessité s'en fait sentir. Pour nous, la bonté était une qualité démodée, disparue, et un brave homme s'apparentait à la famille des mammouths.
(...) Il fallait chercher la bonté et la bonhommie dans des endroits perdus, inaccessibles à l'appel du temps.
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Je n'ai toujours pas décidé de ce qui est le plus à plaindre, des hommes ou des choses.Quand on détruit un homme, il reste des cendres, et son souvenir disparaît peu à peu.On s's'en souvient, on s'en souvient, et puis un beau jour, on l'oublie, la vie continue...la destruction d'un monument d'architecture ou d'une œuvre d'art reste bien plus longtemps dans les mémoires : la cathédrale de Reims, les églises de Moscou ou, de façon générale, les petites églises russes...J'éprouve une peine insupportable pour les gens, j'ai tellement pitié d'eux que je suis prête à donner tous les monuments du monde en échange de leur vie...Mais je regrette tant les poèmes perdus, mon cœur me fait si mal quand je pense aux icônes anciennes que l'on a débitées à la hache, aux merveilleuses petites églises que l'on a démantelées brique par brique, que je suis prête à donner ma vie ( la mienne, bien sûr, pas celle des autres) pour les sauver du vandalisme. Je n'arrive toujours pas aujourd'hui à décider laquelle de ces pertes est la plus terrible.
" Je sais pourquoi on ne pouvait pas laisser les gens sortir de Leningrad, m'a dit A.A. (*** Anna Akhmatova )peu après la levée du blocus.Il fallait qu'ils sauvent la ville." Oui, ils ont sauvé cette merveille d'architecture qu'est Leningrad, mais combien d'entre eux ont péri, rendus fous par la faim et les souffrances? Les choses ou les gens ? Qu'est-ce qui fait le plus de peine ? ( p.66)
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Avant-propos de la traductrice, Sophie Benech

Ce que dit Joseph Brodsky à propos d'Akhmatova pourrait en partie s'appliquer aussi aux trois poètes (*Boris Pasternak, Ossip Mandelstam, et Marina Tsvétaïeva): pendant soixante-dix ans, leurs vers ont été un refuge et un soutien pour des centaines de milliers de personnes.Après sa libération, Chalamov écrivait à Pasternak : " Vos vers, on les récitait comme des prières. (...) Vos poèmes possèdent une vie, une force auxquelles, je le répète, des gens sont restés des êtres humains. "
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p 311-312-313
 «Voici une lettre qui n’est pas parvenue à son destinataire. Elle est écrite sur deux feuillets de mauvais papier. (...) Ma lettre a été préservée par hasard. Je l’avais écrite en octobre 1938, et en janvier 1939 j’appris que Mandelstam était mort. La lettre se trouvait dans ma valise avec d’autres papiers, et elle y restée près de trente ans. Je l’ai retrouvée la dernière fois où j’ai trié mes papiers, me réjouissant de chaque feuillet préservé, et pleurant des pertes immenses et irréparables. Je n’ai pas relu cette lettre tout de suite. J’ai attendu plusieurs années. En la relisant, j’ai pensé aux femmes dont le destin avait été analogue au mien.
Le 22 octobre 1938

«Ossia, mon chéri, mon ami lointain !

«Mon amour, les mots me manquent pour cette lettre que tu ne liras peut-être jamais. Je l’envoie dans l’espace. Peut-être ne serai-je plus là lorsque tu reviendras. Ce sera alors le dernier souvenir que tu auras de moi.

«Ossioucha, notre vie d’enfants à tous les deux, comme elle fut heureuse ! Nos disputes, nos querelles, nos jeux et notre amour ! A présent, je ne regarde même plus le ciel. Si je voyais un nuage, à qui le montrerais-je ?

« Te souviens-tu des festins misérables que nous apportions dans nos pauvres habitations de nomades ? Te rappelles-tu comme le pain est bon lorsqu’on se l’est procuré par miracle et qu’on le mange à deux ? Et notre dernier hiver à Voronej. Notre heureuse misère, et la poésie. Je me rappelle qu’une fois, nous revenions des bains, après avoir acheté des oeufs ou des saucisses. Une charrette de foin passa. Il faisait encore froid et je grelottais dans ma veste (c’est notre destin de grelotter : je sais combien tu as froid !). Et j’ai gardé le souvenir de ce jour-là : j’ai compris alors, jusqu’à en avoir mal, que cet hiver, ces journées, ces souffrances, c’était le plus grand et le dernier bonheur que nous devions connaître.

«Chacune de mes pensées est pour toi. Chacune de mes larmes et chacun de mes sourires sont pour toi. Je bénis chaque jour et chaque heure de notre vie amère, mon ami, mon compagnon, mon guide d’aveugle, aveugle lui-même.
«Nous nous cognions l’un dans l’autre, comme des chiots aveugles, et nous étions heureux. Et ta pauvre tête délirante, et toute la folie avec laquelle nous brûlions notre existence ! Quel bonheur c’était, et comme nous avons toujours su que c’était cela, le bonheur !

«La vie est longue. Qu’il est long et difficile de mourir seul, ou seule. Est-ce le sort qui nous attend, nous qui étions inséparables ? L’avons-nous mérité, nous qui étions des chiots, des enfants, et toi qui était un ange ? Et tout continue. Et je ne sais rien. Mais je sais tout, et chacune de tes journées et chacune de tes heures, je les vois clairement, comme dans un rêve.

« Tu venais me rendre visite chaque nuit dans mon sommeil, et je te demandais sans cesse ce qui était arrivé ; mais tu ne répondais pas.

«Mon dernier rêve : j’achète une nourriture quelconque au comptoir malpropre d’une boutique malpropre. Je suis entourée d’étrangers, et après avoir fait mes achats, je me rends compte que je ne sais pas où porter tout cela, car je ne sais pas où tu es.

«A mon réveil, j’ai dit à Choura : «Ossia est mort». Je ne sais pas si tu es en vie, mais c’est à partir de ce jour-là que j’ai perdu ta trace. Je ne sais pas où tu es. Je ne sais pas si tu m’entendras. Si tu sais combien je t’aime. Je n’ai pas eu le temps de te dire combien je t’aimais. Et je ne sais pas le dire maintenant non plus. Je répète seulement : toi, toi... Tu es toujours avec moi, et moi, sauvage et mauvaise, moi qui n’ai jamais su pleurer simplement, je pleure, je pleure, je pleure...

«C’est moi, Nadia. Où es-tu ? Adieu.
«Nadia.»
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L’angoisse de l’artiste n’est pas la nostalgie de l’éternité, mais une perte provisoire du sentiment que chaque instant est, dans sa plénitude et sa densité, un équivalent de l’éternité tout entière.
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Nadejda Mandelstam
Toutes les variétés d'assassins, de provocateurs, de mouchards, avaient un trait en commun: ils ne s'imaginaient pas que leurs victimes puissent ressusciter un jour et retrouver la parole.
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