Citations de Naomi Alderman (91)
J'ai pensé à Dieu, à quel point la croyance en Dieu, en ce Dieu, avait fait violence à ces gens. Les avait pervertis, soumis, au point de les empêcher de reconnaître qu'ils ont des désirs, et encore moins d'apprendre à les satisfaire.
J'avais été séduit par la beauté du rêve d'Oxford, les tours et les flèches, la paix de l'étude, la vie de l'esprit, l'aisance dans la supériorité. Oxford est un arbre orné de cadeaux, il me suffisait de tendre les bras et de les cueillir. J'obtiendrais une maîtrise avec la mention très bien, je rejoindrais les rubans bleus, j'aurais des amis riches, influents, puissants. Oxford me badigeonnerait d'une fine couche d'or.
" Je sens que je risque d’apprécier ce « monde dirigé par des hommes » dont tu m’as touché deux mots. Il est sûrement plus aimable, plus prévenant et – oserais-je le dire? – plus sexy que celui dans lequel nous vivons."
"Maintenant, ils vont comprendre que ce sont eux qui devraient éviter de sortir de chez eux seuls la nuit, exulte une manifestante devant l'objectif de Tunde. Ce sont eux qui devraient avoir peur."
La mère de Margot engueulait son mari quand il oubliait de donner un tour de clé le matin en partant, ou qu'il abandonnait ses pantoufles au milieu du tapis du salon. Margot n'a jamais voulu être comme ça. Quand elle était petite, elle allait marcher à l'ombre fraîche des ifs et, un pas après l'autre, elle positionnant le pied avec une extrême attention en affectant de croire qu'au moindre pas de travers, les racines jailliraient de terre pour s'enrouler autour de ses chevilles. Elle a toujours su comment garder le silence.
« Ces filles ne se distinguaient en rien des autres, elles n’étaient ni plus populaires, ni plus drôles, ni plus jolies, ni même plus intelligentes. Si quelque chose les avait réunies, c’est qu’elles étaient celles qui avaient le plus souffert. » (p. 108)
Tunde élargit son cadre pour intégrer les spectateurs à l'arrière-plan, derrière les baies vitrées du centre commercial, et filmer leurs réactions : on voit des hommes qui cherchent à éloigner de force leur femme des vitres ; et des femmes qui les éconduisent d'un mouvement d'épaule, sans un regard, sans un mot, et qui, paumes écrasées contre les vitres, dévorent le spectacle des yeux. Tunde comprend alors que ce truc va prendre comme une traînée de poudre, embraser la planète tout entière et changer le monde. Plus rien ne sera jamais comme avant et cela le comble d'une telle joie qu'il se met à crier avec les femmes au milieu des flammes.
This is the trouble with history. You can't see what's not there.
C'est précisément là, Andrew, que vous intervenez, répondit le Seigneur du Temps en l'aidant à se relever sans ménagement. J'ajoute que vous n'avez pas à m'appeler "Mon Dieu". "Docteur" suffira, rassurez-vous.
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Et sur la terre, c'était le tohou vabohou. Que signifie tohou vabohou? La question n'en finit pas d'être débattue parmi les sages. Certains répondent: informe. D'autres disent: vide. D'autes encore: étonnamment vide, comme s'ils avaient été présents aux côtés du Tou-Puissant, au temps d'avant le temps, et s'étaient étonnés du vide, voire avaient émis des remarques à son sujet.
Et il y a ceux qui disent chaotique. Une interprétation qui semble accorder une voix aux mots, qui sont tout ce que nous avons au commencement. Tohou vabohou. Pêle-mêle. Sens dessus-dessous. Bric à brac.
Le lendemain, Isabella a invité un moine à prendre le thé. Franny m'avait un jour raconté que le père de Mark, à l'origine de sa fortune bien que largement absent de sa vie, avait fait un don substantiel à son ancien collège et ainsi obtenu la garantie que Mark pourrait y étudier la philosophie et la théologie, même si ces matières n'y étaient pas enseignées officiellemennt. Tout comme il s'était arrangé, grâce à d'obscures relations, pour que la moitié des travaux dirigés de Mark soit dispensée par des moines de St Benet's Hall.
La vie privée est une invention moderne. Aujourd'hui, elle ne nous intéresse plus trop. (p404)
Les affaires humaines suivent une trajectoire. Celle-ci semble être gouvernée par la logique, mais son rythme est celui de la peur. Si vous risquez de me faire quelque chose, alors il est normal que j'aie la possibilité de vous faire la même chose. C'est là le schéma de la Règle de Sel. Imaginer des avenirs sinistres engendre la peur et la peur engendre des avenirs sinistres. (p389)
Mais croyez-moi, je connais leur façon de penser. Ils croient pouvoir survivre à un effondrement écologique planétaire. Ils croient qu'ils hériteront de la Terre une fois que ce sera fait. Ils ne cherchent pas à réparer la situation. Ils ne veulent pas que nous y réfléchissions. Et ils peuvent diriger notre attention là où ils le veulent. (p120)
Quand une multitude parle d'une seule voix, c'est là la force, et c'est la le pouvoir.
Le bon choix, ça n'a jamais existé, ma cocotte. Tout le problème, c'est de croire qu'il existe un choix.
Ces événements se produisent tous en même temps. Ils ne font qu'un. Ils sont le résultat inéluctable de tous ceux qui les ont précédés. Le pouvoir cherche son exutoire ; l'électricité cherche sa prise. Comme cela s'est déjà produit, comme cela se reproduira. Comme ça se produit en permanence.
Les hommes n'ont plus le droit de voter - toutes ces années au cours desquelles ils ont imposé leur violence et leurs humiliations ont démontré qu'ils sont inaptes à décider et à gouverner.
Il ne s'est rien passé de spécial, aujourd'hui. Simplement, à chaque jour qui passe, on grandit un peu, chaque jour apporte sa pierre, jamais la même, et de cet amoncellement émerge soudain une possibilité qui n'existait pas auparavant. C'est ainsi qu'une jeune fille devient une femme. Pas à pas, jusqu'à atteindre l'âge adulte.
Même une pierre n’est jamais semblable à une autre pierre.
Rien n’a véritablement de forme sinon celle qu’il a.
Chaque nom que nous nous donnons est faux.
Nos rêves sont plus vrais que nos éveils.