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Critiques de NoViolet Bulawayo (29)
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Snapshots

Quel est le sens de snapshot? Cela signifie un instantané; oui, effectivement, ces nouvelles sont de véritables clichés de l'Afrique actuelle. Mais des photos où l'on aurait plutôt tendance à détourner le regard tant elles reflètent la misère d'un pays.

Les six nouvelles sont très différentes les unes des autres aussi bien dans le style d'écriture que dans les thèmes. Mais elles ont en commun la dureté des conditions de vie.

La première nouvelle notamment nous fait entrer dans le vif du sujet; c'est un véritable coup de poing que l'on nous assène dès le début du livre.



J'ai également cherché la signification de snap, cela veut dire un bruit, un craquement. Ces nouvelles sont comme les craquements des os, ces bruits peuvent nous faire sursauter mais ils attirent notre attention et nous poussent à nous questionner.

Des personnages désireux d'améliorer leurs conditions de vie mais d'autres également déjà résignés.

Ce qui m'a plu, c'est la diversité de ces nouvelles.

Je venais juste de terminer la lecture de nouvelles de Jack London ("construire un feu") et je me suis retrouvée plongée dans la chaleur africaine; quel contraste! Mais ces deux livres qui ont pourtant des lieux totalement opposés se rassemblent au niveau des difficultés à vivre dans un certain milieu.



J'ai présenté ce livre à mon cercle de lecture et tout le monde a été unanime sur la couverture! Les éditions Zulma sont adoptées!

Merci à Babelio et à Zulma de m'avoir fait découvrir ce prix et ces jeunes auteurs talentueux dont j'essaierai de suivre le parcours.
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Il ne s'appelait pas Jésus

Mukuka est serveur dans le complexe hôtelier d'une réserve du Zimbabwe. Il est tombé sous le charme d'une cliente étrangère, Julia, malheureusement pour lui. À la suite d’une déconvenue de celle-ci, il s’engage, bien malgré lui, dans un safari qu’il n’oubliera pas de sitôt.



C’est une entrée en matière tout à fait intéressante dans l’œuvre de NoViolet Bulawayo que cette nouvelle ample, qui prend le temps du développement de son personnage principal, de ses pensées, sentiments pour Julia, ressentiments pour son mari, qui prend le temps également, bien que plus en filigrane, de décrire avec verve le Zimbabwe touristique des réserves et safaris, dans lesquels les habitants du pays sont exploités par les gérants des complexes hôteliers, et pris pour ce qu’ils sont par les touristes, c’est-à-dire des autochtones totalement dévoués à leur service, et uniquement cela, au grand dam de Mukuka.



Entrée en matière tout à fait prometteuse en somme que cette nouvelle, qui ne sera donc pas ma dernière lecture de l’autrice. Son premier roman, Il nous faut de nouveaux noms, est désormais dans mon pense-bête.

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Snapshots

Six voix d'Afrique anglophone, contemporaines. Six histoires en quelques pages qui affrontent la réalité dans toute sa violence avec des écritures qui gardent ce quelque chose de solaire qu'on trouve souvent dans la littérature africaine : le soleil brûle mais ça reste le soleil...



Snapshots de NoViolet Bulawayo. La nouvelle qui donne son titre au recueil et la ligne directrice (to snap = prendre une photo ; shot = coup) : une enfant raconte, avec un « tu » de narration, et c'est toute l'horreur de la condition féminine dans un Zimbabwe où l'argent d'un coup ne vaut plus rien, avec toute l'inventivité de la langue africaine.



Hunter Emmanuel de Constance Myburgh : nouvelle polar d'une autrice d'Afrique du sud, une histoire floue écrite de manière directe, qui a des airs de premier chapitre ou d'un morceau de film.



Americana de Chinelo Okparanta : le Nigeria, pays englué, qu'il faut quitter pour une Amérique imaginée si on veut être soi... Écrit avec douceur sans occulter une dure réalité.



Miracle de Tope Folarin : un moment dans une église avec la diaspora nigériane au Texas. Une nouvelle qui paraît plus faible que les autres mais c'est la plus tournée vers l'espoir...



Jours de baston de Olufemi Terry : sur les enfants perdus, adolescents occupés à un combat avec des règles, jusqu'à ce que... La décharge n'a pas de nom, ni de pays, mais l'auteur est de Sierra Leone, pays de violence, connu pour les enfants-soldats. La nouvelle est très réussie mais décrit une situation terrible.



La République de Bombay de Rotimi Babatunde : sous forme de conte, l'histoire d'un homme noir de l'Empire britannique enrôlé pour la 2eme guerre mondiale du côté de Ceylan (Sri Lanka) et de la jungle birmane contre les Japonais, et ce qu'il y apprit.



Quelques pages comme un apéro piquant, doux-amer, avec des bouchées distinctes les unes des autres, qui donne envie d'entendre ces voix dans des ouvrages rien qu'à eux, plus conséquents.
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Il nous faut de nouveaux noms

Roman en deux parties :



La première se passe au Zimbabwe. Chérie a dix ans et vit entourée de ses amis Batard, Chopo, Dieusait, Sbho et Stina. La vie à travers les yeux de cette petite fille de dix ans est à la fois drôle et terrifiante. Les enfants vivent dans un bidonville et pour tromper leur faim se déplacent dans des banlieues « riches » pour y voler les goyaves des jardins. Chérie raconte en vrac son enfance : elle n’a pas toujours été dans ce bidonville, avant elle habitait dans une petite maison d’un quartier tranquille avec son papa et sa maman. Puis ils ont été chassés par les bulldozers, conduits par des hommes noirs. Les parents n’en revenaient pas : ils avaient réussi à de débarrasser des colons blancs des années auparavant et des noirs les expulsaient de chez eux. Pour nourrir sa famille le père est obligé de partir travailler en Afrique du sud. Les ONG interviennent pour apporter un peu d’aide à une population qui n’a le choix qu’entre la misère ou l’exil vers les pays voisins.

Chérie arrive cependant à garder l’espoir (magie de l’enfance et aussi espoir de partir aux USA chez sa tante qui a émigré (illégalement)



La deuxième partie nous montre une Chérie qui a réussi à émigrer (illégalement elle aussi aux États unis) . Commence alors le récit de son exil entre déracinement et fascination à l’égard des USA.



Il s’agit là d’un roman fascinant, vue par une enfant puis une adolescente, sur le déclin d’un pays jadis prospère et mené à la ruine par un dictateur et ses sbires.



Une lecture coup de poing !
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Snapshots

Six nouvelles voix d'Afrique pour dire les drames intimes, les espoirs et les barrières à l'exil.



Heureuse initiative des éditions Zulma (2014) pour faire connaître la jeune génération d’écrivains anglophones d’Afrique, ce recueil rassemble six nouvelles distinguées par le Caine Prize, qui récompense depuis 2000 la meilleure nouvelle écrite en anglais d’un jeune auteur africain, traduites par Sika Fakambi, traductrice également remarquable de «Notre quelque part» de Nii Ayikwei Parkes.



Révélant une réalité terrible, à la lisière des cauchemars et du fantastique, «Hunter Emmanuel» de la Sud-Africaine Constance Myburgh suit l’enquête non officielle d’un ancien policier embauché comme bûcheron qui découvre une jambe de femme au sommet d’un arbre, et qui ne ressortira pas indemne de cette enquête qui va le rapprocher dangereusement de l’horreur indicible, tandis que «Jours de baston» de l’écrivain de Sierra Leone Olufemi Terry évoque les combats de rue des enfants, rappelant le très impressionnant «Corps à l’écart» de Elisabetta Bucciarelli.



Plus porteurs d’espoir ou ironiques, tout en évoquant les difficultés de l’exil ; «America» de la Nigériane Chinelo Okparanta dévoile peu à peu, au cours du trajet en bus de Port Harcourt vers Lagos, l’histoire intime et la persévérance d’une jeune enseignante qui rêve d’émigrer en Amérique, ainsi que la dureté de son pays et ses tabous ; et «Miracle», de l’américain d’origine nigériane Tope Folarin, raconté par la voix d’un enfant de la diaspora, qui se déroule au Texas, au cours d’une messe où les fidèles de la communauté nigériane sont rassemblés pour assister à la harangue et aux miracles d’un pasteur aveugle. La croyance dans les miracles religieux est ici la prospérité accomplie avec l’exil américain, miracle qui, comme on s’en doute, ne s’accomplit pas toujours.



Mes deux nouvelles préférées dans ce recueil : La Zimbabwéenne NoViolet Bulawayo crée un choc bouleversant dans «Snapshots», avec la trajectoire dramatique d’une petite fille des quartiers pauvres de Harare, vendant des œufs dans la rue à l'adolescence pour survivre, une peinture vivide et indélébile de la misère et du sort des femmes, sur fond de crise économique et d’inflation galopante, et de tentatives d’émigration vers une Afrique du Sud incertaine et dangereuse.



«Un matin ta mère plonge la main dans le soutif qu’elle a quémandé à sa sœur Noma trois ans plus tôt, et elle en sort un billet de vingt. Elle cache toujours son argent dans son soutif pour que ton retraité de père n’aille pas mettre la main dessus pour t’envoyer à la boutique lui acheter deux paquets de cigarettes Kingsgate et ensuite empester le tabac toute la sainte journée (il fume trop). Ta mère te donne un billet de vingt et un sac plastique de TM Hyper et te dit, Toi, va voir Maplanka et achète-moi un-pain-blanc-et-demi-avec-une-pinte-de-chimombe.

Tu enfiles vite fait tes pata-patas jaunes (qui depuis un moment sont un peu lâches parce que ton père s’acharne quelquefois à y enfoncer ses grands pieds) et tu traces ta route pata-pata jusqu’à la boutique de Maplanka. Il te faut à peu près onze minutes, sept si on te dit de te grouiller d’un ton qui rigole pas, et seulement cinq et demi si c’est ta mère qui t’envoie.» (Snapshots)



Et enfin, concluant cet opus, «La république de Bombay» du Nigérian Rotimi Babatunde forme une critique acérée du colonialisme sur un mode tragicomique, au travers de l’histoire du Sergent de couleur dit Bombay, enrôlé pour combattre Hitler et les japonais pendant la seconde guerre mondiale sur un front oublié en Asie du Sud-Est, et qui, ayant découvert au front une nouvelle vision du monde - les stéréotypes envers les africains et la vulnérabilité des Blancs qui se présentaient comme invincibles -, proclame à son retour au pays un état indépendant dans une ancienne prison dominant la ville.



«Le Chef de District était un homme blanc toujours vêtu d’une impressionnante veste blanche et l’agent de Police Indigène un homme noir qui saluait l’homme blanc à chacun de ses passages. Ainsi allait le monde et il n’y avait aucune raison de penser qu’il en irait un jour autrement. Mais la guerre survint et les bombes se mirent à pleuvoir, et toutes les choses du monde volèrent en éclats, s’extirpant de leurs boîtes individuelles pour se mêler les unes aux autres dans une pagaille sans nom. Soudain, tout devint possible.» (La république de Bombay)



Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/06/27/note-de-lecture-snapshots-nouvelles-voix-du-caine-prize-collectif/
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Il nous faut de nouveaux noms

Du Zimbabwe aux Etats-Unis, itinéraire d'une enfant qui perdra peu à peu de son insouciance. Sans doute voit-on mieux de loin et après coup les moments les plus riches d'une existence. Pauvre, à l'avenir sombre, la petite héroïne de Il nous faut de nouveaux noms, n'en est pas moins heureuse à sa façon. Parce qu'elle a sa bande de copains, parce qu'elle grandit comme une sauvageonne, parce que l'imaginaire compense le dénuement. Plus tard, en Amérique, elle comprendra ce qu'elle a perdu et expérimentera les douleurs de l'exil, au pays de l'abondance. NoViolet Bulawayo fait montre d'un style alerte dans ce roman marqué par une séparation nette entre deux époques. Si la première partie, la plus vive, a tendance à être répétitive, la deuxième, avec sa sourde mélancolie, touche davantage, parce que la maturité est venue et que le vrai prix des choses, lequel n'a rien à voir avec l'aisance matérielle, s'impose. Dans ce recul nostalgique, la romancière démontre un talent singulier dont on hâte de savoir s'il se confirmera à l'avenir.
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Glory

Une satire politique remarquable



Glory est une fable qui relate le coup d’état qui a renversé le pouvoir du dirigeant zimbabwéen en 2017 (Noviolet Bulawayo est originaire du Zimbabwé), mais aussi, la domination occidentale sur l’Afrique et de façon plus large, elle dépeint les travers profonds des systèmes politiques et sociétaux.

L’histoire se déroule au Jidada qui après le règne de 40 ans d’un cheval tyrannique - appelé La Vieille Carne - avec l’appui de son ambitieuse femme, Dr douce mère (une ânesse), va voir l’espoir revenir après l’éviction de leur président par un coup d’état.



Mais cela ne durera pas, car la mutation du pays est fragile, entre élection clivante, corruption persistante et nouvelles dramatiques.



Dans ce système oppressif, les changements ne sont pas toujours positifs quand le pire est remplacé par le pire, et sans réelle perspective de liberté et de droits humains respectés…



L’autrice n’épargne pas certains sujets (patriarcat, sexisme, tensions raciales…) et appuie là où ça fait mal afin de laisser éclater tout le ridicule - mais dévastateur - des mentalités - pourtant dépassées - qui continuent aujourd’hui encore de vouloir s’imposer au monde .



J’ai été émue par le passage faisant référence à George Floyd, où je ne peux plus respirer je ne peux plus respirer je ne peux plus respirer… y est répété sans relâche comme pour conjurer la mort de cet homme qui l’a répété 20 fois avant de périr asphyxié sous le genou de son meurtrier.



La comparaison avec La ferme des animaux se fait obligatoirement, de part le thème qui est similaire et l’utilisation d’animaux anthropomorphes, mais Glory prend sa propre direction et réussit à se démarquer brillamment.



Dans ce règne animal, Bulawayo élargit également son radar sur une société moderne qui peine à s’exprimer à l’ère des réseaux sociaux.



Et malgré la profondeur du sujet, le ton ironique employé, l’humour, les punchlines et le style de la narration rendent la lecture ultra savoureuse. L’insert de fils de discussion Twitter apporte une touche originale et pertinente part ses contenus révélateurs, en totale adéquation avec notre époque.



L’exagération des mots, des phrases ne sont pas que des figures de style à but de rythme, elle sert parfois à ancrer puissamment leur sens.



Le découpage des chapitres en section rend la lecture plus aérée et permet de mettre de la lumière sur chaque personnage - qui sont nombreux - et sur chaque situation, sans alourdir le message que veut faire passer l’autrice au fil des 400 pages, celui de la nécessité d’une réforme totale du pays.



L’oeuvre de Noviolet Bulawayo est tragique, puissante, écrasante de vérité, mais au bout du compte elle laisse tout de même entrevoir l’espoir. Il est la clé pour ne pas sombrer.



Glory est une lecture importante que je vous recommande sans hésitation.



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Il nous faut de nouveaux noms

Roman autobiographique dans lequel l'auteure nous parle de son pays d'origine, le Zimbabwe. La première partie, nous raconte son enfance misérable dans un bidonville, ses compagnons de jeu, la faim toujours présente, la violence, la cruauté et les rêves d'expatriation vers un monde meilleur.

La seconde partie raconte sa découverte de l'Amérique alors qu'elle est accueillie chez sa tante, dans les environs de Détroit, les moeurs américaines, la surbouffe, le porno, la suprématie de l'argent, les jobs d'été pour se payer le College.



Dans l'ensemble, un livre intéressant mais un manque de repères géo-politiques. Je pense que c'est voulu, mais c'est dommage, j'aurais aimé en connaître plus sur le Zimbabwe. Ces récits personnels, trop auto-centrés, manquent d'envergure. L'écriture est volontairement simpliste, phrases courtes (sujet verbe complément), car le récit est raconté par une enfant/jeune ado, et pour donner une certaine dynamique au récit.



Bref, un livre racontant du vécu, très terre à terre, écriture minimaliste, dans l'air du temps. Si ce n'est la violence et la cruauté, j'ai eu l'impression de lire un livre s'adressant à des ados.

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Snapshots

Six nouvelles aux genres et styles très variés sont présentées :



Snapshots de NoViolet Bulawayo (Zimbabwe) : une petite fille grandit tant bien que mal entre un père bronchiteux et une mère colérique au Zimbabwe. Elle va affronter trop vite et violemment le passage à l'âge adulte.



Hunter Emmanuel de Constance Myburgh (Afrique du Sud) : Hunter Emmanuel est un ex-flic qui ne se décide pas à décrocher parce que "Un homme, ça doit enquêter. Sans enquête, un homme n'est rien." Et pourtant tout ne s'explique pas, tout n'est pas compréhensible et "L'ombre est partout", pas seulement dans la forêt millénaire.



America de Chinelo Okparanta (Nigéria) : la narratrice entreprend des démarches pour obtenir un visa pour les Etats-Unis, l'eldorado rêvé par tout un chacun au Nigéria. Elle souhaite ainsi retrouver son amie et vivre avec elle au grand jour leur relation homosexuelle. Mais plus le visa se rapproche, plus les questions affleurent : doit-elle suivre son désir et partir, ne risque-t-elle pas d'"aller se perdre" en Amérique comme le redoute sa mère ? Reviendra-t-elle ensuite ? Laissera-t-elle son pays et sa famille livrés à eux-mêmes ?



Miracle de Tope Folarin (Nigéria) : Au Texas, un pasteur cherche à faire des miracles. Un jeune garçon noir myope assiste au prêche et sera le jouet desdits miracles. Une nouvelle plus légère qui s'interroge sur le pouvoir de la foi.



Jours de baston de Olufemi Terry (Sierre Leone) évoque les combats de rue et l'enfance volée par la misère.



La République de Bombay de Rotmi Babatunde (Nigéria) : Le sergent nigérian Bombay revient au Nigéria après avoir combattu sur le front birman combattants nigérians en Birmanie.



Ces récits offre un aperçu de la littérature africaine anglophone, une littérature talentueuse aux thématiques fortes.
Lien : http://www.lecturissime.com/..
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Snapshots

Recueil de nouvelles donc qui met en avant la variété de la littérature africaine et qui est un bon moyen de la découvrir si on ne la connaît pas.

- Snapshots de Noviolet Bulawayo : un récit à la deuxième personne de la vie d'une petite fille zimbabwéenne, qui obéit sagement à sa mère et à son père. L'inflation terrible que subit le pays met, du jour au lendemain, les gens les plus pauvres dans une précarité encore pire. C'est une belle histoire, pas forcément gaie, mais pleine d'inventions langagières qui donnent un ton léger même lorsque l'auteure critique sévèrement la société de son pays, lorsqu'elle raconte le décalage entre les élites et le peuple, ou la difficulté d'être une fille -qui n'accède pas aux études contrairement aux garçons même si elle en a les capacités et pas son frère- ou une femme -qui subitement peut tout perdre, mari, maison, enfants : "A la télé, le beau monsieur blanc avec ses cheveux de femme (celui qui n'arrive pas à dire Zimbabwe et dit à la place Zeembaymbey) vient tout le temps et dit, Pays du tire-moonde, le Zeembaymbey é contraiiin d'aaadopteer démesuuur drahs-tique à faim de main tenir emplasson pouvouaar, é c'est si toi hein... deuveuront copéré. Tu l'écoutes et tu te demandes, c'est quoi au juste le pouvouaar ? Ce serait pas avec ça qu'on frappe les gens ? Et c'est quoi le tire-moonde ? Ca existe quelque part, le pousse moonde ?" (p.16)



- Hunter Emmanuel de Constance Myburgh : Hunter Emmanuel est un ex-flic qui vit de petits boulots. Ce matin-là, il est bucheron lorsqu'il découvre, dans un arbre une jambe de femme. Il fera en sorte de retrouver celle à qui elle appartient pour comprendre comment sa jambe s'est retrouvée retenue aux branches. Hunter Emmanuel est un enquêteur classique, fatigué, blasé, seul mais opiniâtre, à la sauce africaine. Une nouvelle policière originale et plaisante qui met le doigt sur des dysfonctionnements de la société : déforestation, pauvreté qui oblige à des actes insensés.



- America de Chinelo Okparanta : une jeune femme rêve d'Amérique. Elle veut rejoindre son amie déjà émigrée pour faire des études sur l'environnement et revenir pratiquer au Nigeria, pour notamment empêcher les marées noires à répétition dues au pétrole exploité sans souci de la nature, mais dans un souci de bénéfices maximum. Belle nouvelle qui, encore une fois parle de la difficulté de vivre dans une société toujours régie par les traditions et les croyances : difficile de vivre son homosexualité au Nigéria : "Les unités mobiles de la police étaient à l'affût de ce genre de choses -des hommes avec des hommes ou des femmes avec des femmes. Et les condamnations étaient sévères. Prison, amende, lapidation ou fouet, ça dépendait de l'endroit où on se trouvait au Nigéria quand on se faisait prendre. Et à tous les coups, ça faisait les gros titres. L'humiliation publique." (p.82)



- Miracle de Tope Follarin : une nouvelle plus légère qui se déroule au Texas (l'auteur y a grandi) sur les prédicateurs, les faiseurs de miracles, la religion vue comme un pilier de la vie. Le tout est de croire pour que le miracle existe. Plus légère, la chute (les trois ultimes mots) est très drôle, mais elle peut donner à réfléchir sur le sens de la croyance et sur l'acceptation de l'autre.



- Jours de baston de Olufemi Terry : on suit un jeune garçon spécialiste des combats à un ou deux bâtons, à un contre un, un contre deux ou deux contre deux. Une nouvelle violente tant par sa description des combats que par le sort des enfants des rues qui, pour se nourrir fouillent les décharges ou volent. La violence est leur quotidien, ils l'érigent en maître étalon du respect qu'ils portent à autrui ou qu'autrui leur porte. Une écriture puissante et forte, efficace.



- La république de Bombay de Rotimi Babatunde : Sergent de Couleur Bombay revient dans sa ville natale du Nigéria après avoir combattu sur le Front Oublié de Birmanie ; intégré dans l'armée anglaise, il a fait partie des offensives qu'icelle a mènés contre les Japonais qui marchaient vers l'Inde, sur le territoire birman, en 1945. Sergent de Couleur Bombay qui tient son nom de sa participation au conflit s'installe dans l'ancienne prison de sa ville et y fonde la République de Bombay dont il sera l'unique Président, citoyen, votant. Une nouvelle réjouissante avec un personnage haut en couleurs qui me fait furieusement penser à un roman que j'ai lu et qui traitait du même sujet, mais dont j'ai oublié le titre. Pas grave, c'est une nouvelle qui, tout en parlant de sujets sérieux, sait être légère et parfois drôle.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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Glory

Violet Bulawayo nous raconte ici l'histoire du Zimbabwe et de son régime despotique.

La forme est à la fois inspirée de La ferme des animaux (tous les personnages et habitants du pays, et de la terre entière d'ailleurs sont des animaux) et très originale, avec un style qui alterne entre des redoncances comme dans un conte, des chapitres constitués de tweets ou de bouts de conversation, et une histoire qui alterne entre la vie des gens du régime, l'histoire globale du pays, et l'histoire d'une habitante particulière et de sa famille.



Je ne connaissais rien de l'histoire du Zimbabwe et j'ai été glacée par la découverte du génocide orchestré par le parti du président Mugabe, et le degré de terreur que son régime a fait régner.

Le style très particulier du livre est, j'imagine, assez polarisateur, mais de mon côté après avoir eu un peu de mal à rentrer dedans j'ai été conquise (je l'ai lu en anglais pour info).
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Snapshots

Ce livre réunit en quelques 224 pages six superbes nouvelles publiées en anglais par des auteurs africains (vivant en Afrique ou d'origine africaine). Ces six auteurs ont été sélectionnés ou primés pour le Caine Prize, prix littéraire décerné chaque année depuis 2000 pour la meilleure nouvelle en langue anglaise publiée en Afrique ou ailleurs par un écrivain africain.



Les auteurs retenus ici sont de jeunes auteurs (nés entre 1986 et 1972) présentant des récits très différents dans des styles également très variés.



[...]



A travers ces six nouvelles, le lecteur découvre l'Afrique : un continent qui sonne vrai, pas une carte postale pour touristes avides de soleil, ni un article misérabiliste de grand quotidien occidental. Si l'on perçoit la misère, la souffrance, la violence dans ces textes, il n'y a jamais d’apitoiement ni de défaitisme. Il y a beaucoup d'espoir et les rêves des jeunes gens qui ont écrit ces textes. Le lecteur découvre un univers et, une fois le livre refermé, a assurément une perception sensiblement différente de celle qu'il avait jusqu'alors de ce continent si intense.



Bref, j'ai adoré et je ne peux que vous le conseiller. Moi qui suis habituellement peu attirée par les nouvelles, ayant souvent le sentiment de rester sur ma faim, j'ai ici été bluffée par ces récits si intenses et si denses.


Lien : http://itzamna-librairie.blo..
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Glory

Celui-ci sort du lot ! Comment au travers un livre d'un volume conséquent tirer à boulets rouges sur dictateur déchu, révolutionnaires opportunistes et tout aussi assoiffés d'argent et de pouvoir en conservant intéressé des lecteurs qui ne connaissent pas la politique intérieure de votre pays ?



En rédigeant une critique très verte sous la forme d'une fable animalière ! Des moutons dociles, des lions, des rhinocéros.... Tout le règne animal y passe et le plus étonnant c'est que l'auteur arrive à nous capter ! Rebondissements, croyances locales, espoir, déception, révolte, j'en suis ressorti étonné.



Je ne dis pas qu'il est passionnant mais intéressant, bien construit, dramatique si les faits transposés aux humains sont avérés...

Un livre intéressant, bien écrit et étonnant, même si, sans être ennuyeux, on est content d'arriver au bout !
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Glory

« Ce qui nous fit comprendre l'importance non seulement de livrer nos propres récits, nos propres vérités, mais de les coucher par écrit afin qu'on ne nous les retire pas, qu'on ne les altère jamais, tholukuthi ne les efface jamais, jamais ne les oublie. »



Dans un pays fictif, le Jidada avec un -da et encore un -da, vivent les Jidadiens. Ce sont des animaux qui vivent , parlent, s'habillent comme des humains. Ils sont appelés aussi les "animals" : "mals" et "femals". Le pays s'est libéré du joug des colonisateurs.

Libres.

Ils sont LIBRES.

Leur pays est une démocratie.

"Ceux à qui ont ne la fait pas" disent que c'est peut-être une république démocratique mais que de démocratique, elle n'en a que le nom. L'oppression y règne en maître : le gouvernement pille, détourne, gaspille, s'enrichit indécemment, maintient le pays sous une chape de plomb. Les "Défenseurs" assurent la sécurité de ce gouvernement corrompu, brutalisent, violentent, violent, massacrent. Sans pitié, ils condamnent toutes tentatives de soulèvements populaires naissants, aspirants à un vrai changement.

Quelques quatre-cent cinquante pages, savoureuses, - émouvantes, difficiles aussi - intelligemment écrites, avec originalité, cocasserie et humour (surtout au début), gravité aussi, évidemment, dénoncent les pratiques injustes, barbares, égoïstes, tyranniques, terrifiantes de certains gouvernements africains. Ils ont promis de meilleurs hospices à leurs électeurs mais ceux-ci se retrouvent bien plus infortunés qu'avant. L'histoire se répète et la corruption, la cupidité, l'absurdité, la haine restent de mise en haut lieu. La cruelle bêtise de ces tortionnaires, assassins, tribalistes ne passe pas inaperçue dans ce roman.



« Tout le monde savait, que ce soit au Jidada ou au-delà de ses frontières, que les Défenseurs du Jidada étaient par nature des bêtes violentes et morbides. »



De cette bêtise, mathématiquement découle le sort brutal de nombreuses familles et ici en particulier celle de Destinée.

Et nous devenons, dans le dernier tiers du livre, les témoins des blessures profondes, ancrées dans la chair, des douleurs, du sang, des cris et des larmes.

Éclate sous nos yeux l'impuissance.

L'injustice.

La colère et la rage.

La tristesse.

La peur.



« Où sont toutes les organisations qui sont censées nous protéger, où est le reste du monde ? Et que devons-nous faire pour que nos corps, nos vies, nos rêves, nos avenirs finissent par compter ? »



Une fable satirique ancrée dans le Zimbabwé qui donne à réfléchir. D'ailleurs de nombreuses références sont loin d'être fictives ; l'autrice évoque par exemple le Gukurahundi, rappelant le passé sanglant du Zimbabwe.



« Lettre à lettre, mot à mot, ligne à ligne, un paragraphe après l'autre, page après page, elle écrit depuis le présent sur son passé, sur celui de sa mère et celui de sa famille, qui est aussi celui du Jidada, puis revient au présent et va dans l'avenir espéré, oui, tholukuthi le passé et le présent et l'avenir se dépliant simultanément sur ses pages jusqu'à ce qu'elle perde la notion du temps et qu'elle ne puisse plus les distinguer. Elle écrit et elle écrit et elle écrit et elle écrit et elle écrit et elle écrit et elle écrit. Tholukuthi écrit. »



Écrire pour contrer l'effacement. Pour ne pas oublier. Pour que JAMAIS PLUS ... un jour peut-être.

Pour que dans le silence, triomphent l'amour et la solidarité, la dignité. La JUSTICE.



« Pour les morts, qui ne sont pas morts.



Un récit brillant. Puissant. Riche.



« Quand ceux à qui on ne la fait pas disent que les puissances coloniales ont donné à l'Afrique son indépendance mais pas sa liberté, tholukuthi ce qu'ils veulent dire c'est les puissances coloniales ont donné à l'Afrique son indépendance mais pas sa liberté. »
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Glory

Dans ce roman, l’auteur nous présente d’une façon originale, l’histoire du Zimbabwe. Elle établit des parallèles avec certains évènements réels et ça interpelle le lecteur. C’est terrible ce qui a été vécu dans ce pays.

C’est une satire politique avec tous les travers de la société actuelle dans un monde où les "animals" règnent. Comme les personnages sont des animaux, on ne peut pas éviter la comparaison avec "La ferme des animaux" de G. Orwell mais c’est beaucoup plus approfondi.

Elle a eu de l’audace pour rédiger son récit. Elle le présente sous la forme d’un conte, coupé par des échanges de Tweet, de conversations. Elle bouscule les codes de rédaction pour un thème difficile. Cela dérangera peut-être certains lecteurs qui trouveront le texte trop original dans sa rédaction. J’avoue qu’il a fallu que je m’accroche au début. J’ai eu peur de longueurs, et les redondances liées au style choisi donc volontaires, m’ont parfois semblé « lourdes ».

L’écriture puissante se démarque. On y trouve de l'humour et de la dérision à bon escient, ce qui allège le côté grave du propos. NoViolet Bulawayo est un auteur remarquable sans aucun doute mais je pense que sur ce titre, elle peut être autant appréciée que détestée. En ce qui me concerne, j’ai apprécié le contenu, mais je ne suis pas complètement conquise par la forme (si le nombre de pages avait été moins important, mon avis aurait été différent.)


Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Il nous faut de nouveaux noms

Un premier roman, récit autobiographique, d’une petite fille ayant vécu son enfance dans un bidonville au Zimbabwe et étant partie aux Etats-Unis chez sa tante à 12 ans. La description de ses premières années et assez terrible, mais la vision qu’elle en donne, celle de l’enfant qu’elle était, est pleine de fraîcheur. Puis vient la période aux Etats-Unis, l’inadaptation et les petites humiliations au départ, l’adaptation et l’éloignement non seulement physique mais aussi moral avec ses amis d’enfance restés au pays qui en découle. Sensible et émouvant.
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Glory

Pour relater une histoire concernant un coup d’état qui a conduit à l’éviction d’un dirigeant Zimbabwéen, on peut s’y prendre d’une manière classique, journalistique ou alors le faire à la manière de Noviolet Bulawayo et en faire une fable , en transposant de manière féroce les humains en “ animals “ et s’en servir pour dénoncer tous les travers de cette société patriarcale, sexiste et raciste, tout comme l’avait fait Orwell mais avec une approche plus contemporaine puisqu’ici, les réseaux sociaux entrent en jeu.

C’est puissant, drôle, réaliste, ingénieux dans l’art et le style d’écriture et ça donne une satire politique à l’image de celle d’aujourd’hui, si on donne l’occasion à notre imagination de s’éclater.

Noviolet Bulawayo réussit un coup d’éclat dans ce coup d’état.

Un grand merci à Masse critique Babelio pour cette découverte.
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Snapshots

J'ai vraiment été bouleversée par la nouvelle qui ouvre ce recueil de 6 récits salués par le Caine Prize, l'équivalent du Booker Prize, pour la littérature anglophone d'Afrique. Dans Snapshots, Noviolet Bulawayo, jeune auteur d'origine zimbabwéenne née en 1981, nous raconte la violente et vertigineuse descente aux enfers d'une jeune fille, encore adolescente, qui née dans la misère et la violence mourra dans la misère et la violence. Aucune lueur d'espoir, aucun éclat de beauté ne brillera pour elle. Le recours au tutoiement tout le long du récit est redoutablement efficace, le ton est implacable et presque détaché. La voix de la jeune fille résonne aux oreilles du lecteur qui devient alors le témoin impuissant de sa déchéance.

Une nouvelle bouleversante qui se lit d'une traite sans reprendre sa respiration!
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Glory

Sous nos yeux se déroule l’Histoire du Zimbabwe, un pays béni des dieux et violenté par ses dirigeants. Pourtant, tout a commencé d’une façon idéale...
Lien : https://www.francetvinfo.fr/..
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Glory

Dans cette fable animalière écrite par Noviolet Bulawayo, c'est l'histoire de siècles de colonisation et de coups d'état qui sont ici mis en scène avec brio. En effet, c'est une histoire vieille comme le monde, celle de dictateurs auto-proclamés qui se disent maitres du soleil et du peuple entier et de leur chute, un cycle presque universel, qui se situe ici au Zimbabwe. Le dictateur, dit "La vieille carne" est d'ailleurs une copie Animal presque conforme de Mugabe.

Le style de Violet Bulawayo est riche, foisonnant et poétique, qui a pu me perdre à certains moments malheureusement.

A noter toutefois de très belles pages, glaçantes, sur le "Gukurahhundi", le génocide perpétré dans les années 80 par l'armée du Zimbabwe (les hommes aux bérets rouges formés en Corée du Nord) contre des civils Ndébélés.

Un roman a lire pour ce ton très particulier emprunté à la Ferme aux animaux d'Orwell sans le côté dystopique et pour qui veut connaitre un peu plus l'histoire du Zimbabwe.

Merci à Babelio pour cet envoi mass critique.
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