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Critiques de Ossip Mandelstam (34)
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Voyage en Arménie

Ossip Mandelstam j'en avais beaucoup entendu parler , jamais abordé , et comme l'Arménie est un pays qui m'a toujours fascinée mais non encore visité , c'est avec ce Voyage en Arménie que j'ai voulu le rencontrer. J'attendais une prose vertigineuse , poétique pour un compte rendu littéraire de ses impressions sur ce pays. Surprise : un texte très morcelé, où il passe sans transition d'un sujet à l'autre , l' étouffant souvent avec des références littéraires,artistiques, historiques, musicales…sans fin ( un quart de chaque page consiste de notes de bas de page 😊).

La clef de ce morcellement il le donne dans un passage des «  brouillons » : «  n'étant par nature que ruptures et discontinuité, la prose s'oppose à la réalité qu'elle entend saisir , qui , elle revêt un caractère continu ; cette caractéristique “ le signe interrompu de l'ininterrompu “, qui ici est accentué à l'extrême . En préface Jean Claude Schneider écrit que justement cette rupture , ce morcellement donnent à ce petit livre toute sa fraîcheur , sa fantaisie, mais moi cette pagaille m'a fatiguée , bien que dans l'ensemble j'ai trouvé le livre intéressant . J'aimerais quand même comprendre certaines phrases trop érudites , trop intellectuelles , comme celle-ci que j'aurais voulu que quelqu'un me la traduise , « Quant à moi dit-il j'apprécie qu'un Lamarck daigne entrer en colère et mette en mille morceaux toute cette ennuyeuse pédagogie de concierge suisse . Dans la notion de nature s'engouffre une Marseillaise ! » . Lamarck je connais ainsi que ses théorie , mais un concierge suisse ???? Et La Marsellaise qu'est-ce qu'elle fait là ? Il se réfère sûrement à la célébration de l'ordre naturel promu par Lamarck où se reflète aussi l'utopie social-démocrate de Mandelstam, «  communauté humaine conçue comme une forêt architecturale dense et confuse où tout est utile , individuel, où chaque détail répond à l'énormité. ». Mais pourquoi tout ces métaphores, références ? La totalité du livre en est remplie parfois sans une logique qui les relient les uns aux autres. Aussi par exemple à la page 69 , alors qu'il raconte une nuit à Alaghez dans une tente , sans indication il passe à la traduction libre d'un extrait de « L'histoire de l'Arménie” de Faustus de Byzance (V iéme siècle), et pour trop pas nous perdre il rajoute à la fin « Léger est le sommeil dans les territoires nomades …. ».

Son érudition m'a à vrai dire soûlée.Il imagine Gogol comme compagnon de voyage de Pallas ( non le Pallas mythologique mais le naturaliste allemand qui parcourut la Russie) , dans la malle-poste de ce dernier tirée par des hannetons, il imagine qu'ils se chamaillent sans cesse, et de là il digresse sur Gogol, et par la suite sur Pallas, les rassemblant sur le podium de la Littérature , rattachant la lecture aux phénomènes organiques de la nature. L'homme est complexe , parlant de Mandelstam et s'exprime de façon très complexe, faut déjà avoir une sacrée érudition pour essayer de déceler ce qu'il veut exprimer à travers ces innombrables références et métaphores. Ce livre est plus un sujet d'étude qu'une lecture de plaisir où on peut partager sa compagnie et ce qu'il veut nous exprimer.Sur Babelio malheureusement aucun billet consistant , seul un billet générique , qu'on peut aussi écrire sans même lire le livre. Je vous conseille de l'aborder, surtout à mes amis Bobfutur ( qui pourra aussi à l'occasion vous donner des nouvelles de la maison d'édition « Le Bruit du Temps 😊), Batlamb, Bobby Rasta Lama,et Creisi, qui eux en tireront plus de substances que moi, car ce livre, un voyage dans le temps où le souvenir se déplace le long d'un écheveau embrouillé d'axes temporels, où présent et passé se chevauchent, est un os à ronger sans fin 😁.



Oui il y a sa poésie,

“Couleur de tablette de chocolat , la nuit moscovite…

Les tilleuls ont une odeur de parfums bon marché.”, mais pas tombée sous son charme, aussi ….

Pourtant il m'a touchée, avec son « Et personne à qui dire : » sur la route, campement sans lumière »…l'histoire lui avait soustrait mais le hasard ou la providence lui avaient restitué un interlocuteur, en la présence de Kouzine, un jeune biologiste moscovite en mission scientifique dans la capitale de l'Arménie, un personnage fréquent dans ce petit livre. Il manquait cruellement d'interlocuteur.

Si ce livre, genre composite qui réuni note de voyage, journal, essai critique, esquisse impressionniste,se modelant chaque fois sur les matériaux les plus hétérogènes que le récit accueille dans son tissu, s'intitulait «  Voyage en Mandelstamie » , et non en Arménie, ma déception aurait été moindre 😊.
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Tristia et autres poèmes

Le poète russe paiera cher pour ses vers. En lutte contre le stalinisme, la poésie d’Ossip Mandelstam ne peut pourtant être réduite à sa dimension politique.



Le recueil qui ouvre cette anthologie est un témoignage puissant du courant acméiste qu’ont incarné Akhmatova comme Mandelstam. En effet, les poèmes de « Pierre » sont le monde sensible tout entier capté, enveloppé, traduit et rendu au lecteur dans la langue poétique. Ainsi, nous éprouvons « le gel de l’éternité » qui « pleut dans le diamant glacial » ou encore « le frémissement des libellules, promptes à vivre et aux yeux bleus ».



Le recueil « Tristia » prend des airs de voyage, la Russie des allures toscanes, la Neva couleur de Styx baigne aux pieds de l’immortelle Jérusalem. De Dante à Perséphone, de Venise à Moscou, le poète se fait unificateur de mythes.



C’est peut-être dans ses « Poèmes », pour beaucoup non publiés de son vivant, que nos chemins se séparent, l’acméiste devient plus esthète que touchant, ces poèmes moins immédiatement accessibles.



Qu’en pensez-vous ?

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Voyage en Arménie

"Trois pommes sont tombées du ciel : la première pour le conteur, la seconde pour qui l'a écouté, la dernière pour qui l'a compris."



Ainsi se concluent la plupart des contes arméniens, d'après Ossip Mandelstam.

J'avoue que cela m'arrange pour rédiger un avis sur son "Voyage en Arménie", car après une telle lecture, mes pensées se dispersent dans tous les sens.

En direction de l'Arménie, bien sûr, mais ce petit livret est aussi une excursion dans l'histoire et dans la littérature, dans l'art et les sciences, et avant tout dans la tête de son auteur.

Or, il y a bien deux Arménie dans ce journal de voyage. Une bien réelle, telle que Mandelstam l'a visitée en 1931, puis encore une autre. Une sorte de contrée mythique insaisissable, dominée par le biblique mont Ararat. Cette deuxième Arménie, ou plutôt "Mandelstamie" (comme l'a judicieusement appelé Booky dans sa chronique) est tissée de souvenirs personnels, de légendes et d'images, comme si l'érudite boîte crânienne d'Ossip fonctionnait sur le principe d'un prodigieux générateur.

Ainsi la vue d'un simple mouton broutant innocemment l'herbe arménienne peut donner suite à une longue association d'idées, où les théories de Lamarck et de Pallas se superposeront aux descriptions des paysages russes et aux multiples références culturelles.

Un voyage fait essentiellement d'imprévus... du moins pour le lecteur.



La première pomme va donc à Ossip Mandelstam, qui mérite ici plus que jamais d'être appelé "conteur". L'auteur était toujours attiré par l'Arménie, et il a pu enfin la visiter au début des années 30, dans des circonstances qu'il n'avait peut-être pas imaginé quelques années plus tôt. Marginalisé par le régime soviétique, ses écrits ne sont plus publiés, et sa situation devient plus que précaire. C'est grâce à son protecteur Nicolaï Boukharine, qui juge utile de l'éloigner de Moscou, qu'on lui propose ce voyage en tant que "mission artistique". Une dernière bouffée d'air frais dans la vie de Mandelstam, et son dernier récit publié, même si sévèrement condamné par la critique moscovite : "... tout est construit sur de coquettes escarmouches avec une réminiscence recherchée et forcée. Mandelstam est moins intéressé à connaître le pays qu'à tracer une capricieuse frise verbale qui lui permet de se plonger en lui-même, de mesurer son bagage culturel [...]". Je dois admettre que je suis plus ou moins d'accord avec la plume venimeuse de N. Orutseinikov, mais je comprends aussi les motivations de Mandelstam.

"A quelle époque aimerais-tu vivre ?", se demande t-il, et dans ce récit de voyage il vit toutes les époques à la fois, en y consignant tout ce qui a vraiment compté dans sa vie. Ce sont les pérégrinations d'un rêveur, qui me font penser à ce curieux état entre l'éveil et le sommeil, où l'esprit vagabonde encore dans le monde réel, en le mélangeant déjà aux vieux souvenirs et aux images insolites.



La deuxième pomme est à moi. J'aime vraiment la poésie de Mandelstam. C'est pour moi le peintre de la vérité ; peu de poètes arrivent à s'en saisir comme lui. Sous l'humour et une légère ironie se cache une force artistique si puissante et si terrifiante, qu'elle mériterait d'être brodée de fil d'or pur et hissée sur un mât comme le drapeau de la véritable poésie.

Je le ressentais un peu dans ce texte arménien, mais ce fut beaucoup plus laborieux. Ces esquisses de divers endroits et diverses rencontres... on voit où Nabokov a trouvé l'inspiration pour son style ! C'est l'une de plus brillantes descriptions du crépuscule de toute une époque, de tout un empire. Pas seulement dans le sens géographique ; c'est aussi l'empire de l'imagination et la fin de l'ancienne façon de penser, une sorte de décoction de Proust, Roth et Joyce.

Je ne sais pas pourquoi, mais pendant la lecture j'ai souvent pensé au mot "byzantin". Ossip comme auteur byzantin, ou au moins un auteur imprégné de fulgurances byzantines. Mais ce n'est vraiment qu'une impression... j'en suis sortie éblouie, mais désorientée.



Quant à la troisième pomme, je fais un clin d'oeil à Booky : on dirait que le trognon de cette délicieuse pomme de la connaissance arménienne nous est resté coincé dans la gorge, à toutes les deux. On comprend, mais on a du mal à absorber. Comme le disait déjà ma cara amica dans son billet, "Voyage en Arménie" est un livre "qui s'étudie", car la lecture seule ne vous sera probablement d'aucune utilité et ne vous apportera que peu de plaisir littéraire. Les références culturelles ou privées sont nécessaires pour se saisir de ce court texte, et les notes en marge sont pratiquement plus volumineuses que le récit lui-même. Un "double récit", même, car sa version "brouillon" suit le premier texte étoffé. Presque chaque nom, chaque endroit, chaque événement a besoin d'une explication ou d'un commentaire, pour vous éclairer le labyrinthe des analogies mandelstamiennes. La postface édifiante de Serena Vitale (merci, Serena !) donne ensuite les réponses à vos questionnements curieux qui se cumuleront au fur et à mesure de la lecture. Elle traduira vos sensations en mots, et vous pouvez alors dire que vous avez "compris".

C'est un riche et beau texte dont les amoureux de la poésie de Mandelstam ne regretteront pas la lecture, même en restant aussi mitigés que je le suis en ce moment.

Ainsi se conclue mon conte arménien...

La note 3,5/5 reflète plutôt la capacité d'une lectrice qui espérait se délecter, puis qui a dû capituler devant une oeuvre qui la dépasse.



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Le bruit du temps

Le Bruit du temps , écrit en 1923 est un magnifique texte en prose de l'un des plus grands poètes du XXe siècle. Ossip Mandelstam, remonte la barque du temps et exhume le Pétersbourg de son enfance, celui des années 1890-1905.



Le livre est découpé en 14 fragments, courts chapitres denses et intenses, comme autant de petits courts métrages sonores d'une époque en déclin à jamais disparue. Sa prose poétique impressionniste, est très originale et n'a pas pris une ride. On perçoit un bruit de fond celui des calèches, des concerts, celui des voix des comédiennes de théâtre. Il évoque avec une ironie rageuse la belle routine impériale totalement sourde aux revendications. Il saisit les rituels quotidiens désuets de la vie publique de Saint-Pétersbourg dans des décors somptueux et théâtraux, la relève de la garde autour de la statue équestre de Nicolas Ier , les promenades en calèche absurdes de la famille impériale, les manifestations des étudiants, la répression militaire. On perçoit les babillages des gouvernantes françaises qu'on achète et qu'on vend, le snobisme finlandais. Il porte un regard ambivalent sur ses origines juives. On entend la voix claire et élégante de la mère qui donne des leçons de piano et parle un russe harmonieux. Et la mauvaise élocution du père maroquinier, son sabir d'autodidacte. On les entend sans savoir ce qu'ils disent. Il fuit « le chaos juif »de la maison familiale, fait d'odeurs de cuisine et de cuir tanné, ponctué de conversations d'affaires, de « fêtes sans joie » et de prières incompréhensibles. Et en même temps, il sait gré à ses parents de lui avoir appris à écouter ce fameux bruit du temps dans lequel ils sont dilués.



"Que voulait dire ma famille ? Je ne sais pas. Elle était bègue de naissance,

et cependant elle avait quelque chose à dire. Sur moi et sur beaucoup de mes

contemporains pèse le bégaiement de la naissance. Nous avons appris non

à parler, mais à balbutier, et ce n'est qu'en prêtant l'oreille au bruit croissant

du siècle et une fois blanchis par l'écume de sa crête que nous avons acquis

une langue".



Dans la dernière année de sa scolarité, en 1905-1906, à l'institution Tenichev (qu'a fréquenté également Nabokov) il est initié par son professeur de Lettres Vladimir Hippius, à la « hargne littéraire » , sa marque de fabrique,en opposition au symbolisme russe qu'il juge fadasse : « Hargne littéraire ! Sans toi, avec quoi aurais-je mangé le sel de la terre ? ». Hippius le professeur qui était aussi un poète exigeait la participation du corps tout entier et de la voix en particulier. « Je ressentis pour la première fois la joie de la cacophonie extérieure du russe ».

Autre rencontre importante évoquée, celle de Boris Sinani, un élève de l'institut. Sa famille l'initie au socialisme révolutionnaire. Il participe à des réunions qui fomentent des attentats mais en raison de son jeune âge, il n'y participe pas.



Je vous encourage vivement à lire ce petit ouvrage.

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Simple promesse : Choix de poèmes, 1908-1937

Simple promesse est une anthologie de quelques-uns des plus beaux poèmes qu'Ossip Mandelstam a écrits de 1908 à 1937, choix de textes tirés d'une oeuvre poétique essentielle, incontournable.



Avant d'être arrêté pour s'en être pris publiquement à Staline, d'être condamné en 1934 à l'exil et de connaître la mort par épuisement dans un camp de travail en décembre 1938, Ossip Mandelstam est un écrivain isolé, indocile, en opposition au pouvoir autoritaire en place mais aussi au symbolisme et au futurisme littéraires en pleine vogue à l'époque.

Au premier, il reproche un goût excessif pour la hauteur et de l'esthétisme, qui confine l'écriture distancée de la vie dans ce qu'elle a de plus simple. Avec le second, Il se méfie des bruyantes déclarations invitant à la rupture totale avec le passé et à l'avènement d'un art utilitaire et progressiste.



Mandelstam lui veut revenir au langage, au mot en tant que tel, dans sa combinaison complexe faite de sens et de sonorité, aux mots qui ne peuvent être considérés comme les seuls instruments au service de la conscience. Pour Ossip Mandelstam, le mot est comme un organe vivant, un moteur d'énergie : réceptacle en même temps que producteur de réalités multiples.



« Maintenant, le brouillon détruit,

Attentif, tu gardes en toi

La phrase pure des scolies,

Unique en son noir intérieur,

Etayée de son propre poids,

Toute seule, paupières closes,

Qui pèse sur le papier nu

Comme un dôme sur le ciel vide. »*



Mandelstam s'est éloigné des convenances et des abus langagiers de son époque. (on mesure l'actualité de sa poésie au regard de notre société de communication actuelle). La langue est à ses yeux cet « événement », ce miracle survenu, qui se place hors des contraintes d'une époque et de l'idéologie dominante. Partout où le doute et le désir se partagent l'habitation du monde et de son interrogation, le poète se tient présent.



Théoricien à sa manière, Mandelstam pensait le monde comme tissé de significations, les unes évidentes et saisissables, les autres déchues de leur forme originelle, invisibles. Il a voulu faire émerger une poésie qui fasse ressusciter les résonances perdues, les ranimer et les mêler aux réalités immédiates et réinventer des itinéraires qui les mènent les unes aux autres.

Dans ses poèmes, tout se mêle, se confond, s'interpénètre, se fortifie et s'infléchit de chaque rencontre, sans pour autant que les parties – ou détails – perdent de leur intensité. Mandelstam travaille sur la profusion du réel pour faire naître une énergie linguistique.



J'aime l'écriture de Mandelstam dans tout ce qu'elle fait naître de réseaux d'images et de rythmes, d'éléments perceptibles ou plus diffus, qui donnent au poème ses racines, comme une source souterraine qui vient alimenter ses ramifications et leur donner l'épaisseur, le souffle, la coloration, etc. et fait naître la substance même du poème.



« […]

Ce qui fut notre pas sera hors de portée,

Les fleurs sont immortelles. le ciel d'un seul tenant.

Et ce qui adviendra : simple promesse. » **





(*) Novembre 1933, Moscou

(**) 4 mai 1937, Voronèje



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Tristia et autres poèmes

La mémoire du coeur



Ossip Mandelstam était un poète russe du mouvement “acméiste” (dont faisait partie également la grande Anna Akhmatova).



"Acmé" signifie "apogée". Et l'on comprend mieux pourquoi à lire les poèmes de cet ensemble de recueils que constitue "Tristia et autres poèmes". C'est l'apogée d'une âme qui se délivre, qui s'offre au lecteur capable de lire en laissant parler son émotion. Il y a de la vie brûlante au sein de ces pages comme un feu enclos dans le papier.



Ossip Mandelstam a eu un jour l'idée fatale d'écrire un poème pour ridiculiser Staline. Il fut donc envoyé dans un goulag où il y mourut. Brutale méthode mais inefficace à tuer l'oeuvre du poète. On n'empêche pas l'herbe fauchée de repousser.



J'aimerais vous raconter une très belle anecdote qui vous donnera peut-être envie de découvrir la poésie de Mandelstam.

Peu de temps avant qu'il ne soit envoyé au goulag, sa femme Nadejda et quelques amis du couple Mandelstam, ont appris "par coeur" l'intégralité de son oeuvre. Tous ses papiers avaient été, au préalable, détruits : la bureaucratie soviétique ne méritait pas de mettre la main sur de tels écrits.



C'est donc dans le coeur de sa femme et de ses amis que la poésie d'Ossip Mandelstam a pu survivre, continuer de battre. Ce coeur de poète a été ensuite rendu aux hommes lorsque les dépositaires se sont chargés de retranscrire son oeuvre.



Et si nous avons aujourd'hui encore, la chance de pouvoir nous plonger dans cette poésie d'une immense richesse, c'est à ces âmes de scribes fidèles que nous le devons. Et l'on dit que c'est une chose stupide que de faire apprendre "par coeur" des textes aux enfants...

Si Nadejda Mandelstam avait suivi cette voie stérile, c'est une pierre importante qui manquerait à l'édifice de la beauté. Il n'y a d'ailleurs qu'en français, étrangement, que se trouve l'expression "apprendre par coeur". Et bien peu de gens savent en saisir toute l'importance.



Car le coeur n'est pas seulement cet organe de vie défini par la science, cette pompe qui irrigue tout le corps.

Le coeur – n'en déplaise aux scientistes de bas étage –, est aussi ce qui nous pousse à vivre au-delà de nous-mêmes.



© Thibault Marconnet

Le 30 janvier 2014
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Tristia et autres poèmes

Tristia est vraiment le marqueur d'une époque troublée par tous les événements qui s'enchaînent sur le sol russe.

L'auteur avec une musicalité bien à lui, nous conte au travers de vers aux mots empreints d'un réalisme mélancolique, un quotidien brumeux, incertain.

Sa poésie, synthèse d'une prose qui trouve ses sources dans la grandeur antique, chrétienne et juive, puis indéniablement dans l'âme russe et slave ou un incontestable fatalisme du poids de l'histoire se fait jour, dans sa pensée d'artiste prisonnière d'un système politique, qui l'empêche d'exister pleinement en toute liberté.

Se réfugiant dans la beauté de la poésie des anciens ou dans les évocations de lieux qui l'inspirent, Mandelstam essaie toujours de garder le contact avec un réel gris et difficile pour lui et les siens. Ses vers reflétant en permanence cette liaison intense avec cette terre qu'il aime tant pour sa diversité culturelle, n'hésitant pas à crier une prose poétique d'espoir, de révolte, de vie pour lui et tous les artistes entravés dans leur liberté créative.

D'ailleurs, c'est cette attitude courageuse qui lui sera fatale avec son fameux poème sur le tyran Staline, l'emmenant dans les affres des persécutions, de la prison et de la déportation au goulag.

Mais pour le poète qu'il était, se taire aurait été contraire à ses valeurs, son caractère et surtout à sa poésie libre, ancrée sur ces terres de l'Europe orientale aux influences cosmopolites et universelles comme son parcours

pétrit d'une culture aux racines plurielles.
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Le bruit du temps

La relation de Mandelstam à l'écriture est conflictuelle, charnelle et passionnée.

Dans ce petit recueil, traduit ici par Jean-Claude Schneider, où il évoque puissamment son enfance dans le Saint-Pétersbourg d'avant la révolution, on ressent toute l'intensité de son désir de redonner substance au révolu qui résonne pourtant si bruyamment dans sa mémoire. D'arracher au temps ce que celui-ci semble vouloir enfouir dans l'oubli.

" Et malgré tout, seuls des masques de voix étrangères ornent les murs vides de mon habitation. Se remémorer veut dire : remonter seul le lit d'une rivière asséchée. "
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Le timbre égyptien

Ce n'est pas une journée d'ivan Denissovitch , mais une de celle de la vie de Pamok , sorte de double , ironique de l'auteur . Seule oeuvre en prose de Mandelstam écrite alors qu'il n'écrivait plus de poésie , qu'il réfléchissait dans le silence . Dans le monde chaotique russe de l'époque des intellectuels se questionnent et Mandelstam qui ne sait pas encore qu'il va mourir sur ordre de Staline s'interroge aussi .

L'histoire de ce livre importe peu , elle sert de trame à la réflexion de l'auteur pour nous pousser nous aussi à réfléchir à nos actes et engagements .
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Tristia et autres poèmes

L'acmé, c'est la pointe, le comble, l'apogée. Un terme directement tiré du grec antique, et que le courant poétique russe de l'acméisme rattache à la célébration du monde quotidien et concret. L'acméisme s'oppose ainsi au symbolisme, en cherchant à revenir au contact de la vie réelle, minérale, et d'en faire le matériau direct du poème. Une poésie qui idéalise l'artisan, ou le paysan. Pour Mandelstam, la musique s'approche du moujik, dans une Russie où couvent les Révolutions de 1917.



Dès les poèmes initiaux, on relève une profusion, d'images empruntées à l'Antiquité, parmi lesquelles Psyché et les fleuves des enfers comme le Lethé, et dont l'eau apporte l'oubli. Cet oubli, Mandelstam et l'acméisme ne le cautionnent pas. Car le savoir passé peut permettre de mieux incarner le présent, de lui rendre saveur et sens, et donc de garder un cap au cœur du chaos révolutionnaire qui s’abat sur cette œuvre poétique en gestation.



« Courage, humains !

Rayant l'océan comme avec une charrue,

Nous nous souviendrons même dans la froidure du Léthé

Que la terre nous coûta dix ciels. »



Malgré ce contexte difficile, Mandelstam n’est pas du genre à s'apitoyer. Il continue de chanter cette nouvelle Russie avec hargne, acceptant et même célébrant l'effort que demande ce nouveau siècle pour continuer à créer.



La parole parfois rugueuse, et même rocailleuse de Mandelstam emprunte à toutes les époques. Antiquité, mais aussi Renaissance italienne, en particulier l'âpreté de la langue de Dante et la suavité de celle de l'Arioste. Mandelstam tisse un réseau de signes et références, images et sonorités inspirées d'autres cultures, et qu'il s'attache à recréer en russe. Les mots qui en résultent présentent « une gerbe de signification qui fuse dans toutes les directions », comme le déclarait Mandelstam dans ses Entretiens sur Dante.



Maître artificier, le poète acméiste fait résonner la nature, de la syrinx à la pierre. Tel un « duvet de fer » ou une « tendre épouvante », ses vers oxymoriques entremêlent étroitement brutalité et douceur. Mandelstam imite en cela la Phèdre de Racine, autre influence importante.



Même dans les paysages les plus secs et glacés, le poète travaille la terre et la pierre pour recomposer une parole en forme de cathédrale personnelle, où la voix auparavant assourdie par le bruit du temps retrouve de l'élan, de l'écho.



« Pour le mot bienheureux, pour le mot insensé,

Je m'en vais dans la nuit soviétique prier. »



Cette poésie-cathédrale fait souvent penser à un orgue baroque, mais se fait soudain beaucoup plus recueillie et accessible au moment de la déportation et de l'imminence de la mort à Voronèje. Cherchant la fraternité des plus humbles, non sans cesser de fixer l’immensité des montagnes et du ciel, Mandelstam compose un chant du cygne, expression qui peut difficilement mieux s'appliquer qu'à cet amoureux des oiseaux et à la beauté simple et universelle de ses derniers poèmes.



Et les rêves ravivés par l'épreuve du réel peuvent alors renaître l'espace de quelques instants qui résonnent dans l'avenir :



« dans les livres souriants, dans les jeux des enfants,

Je vais ressusciter pour dire que le soleil brille »
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Le bruit du temps

C'est le deuxième ouvrage en prose que je lis de Mandelstam après « Le timbre égyptien », paru à la même période (entre 1925 et 1930, quand l'auteur abandonna temporairement la versification pour chercher à se ressaisir dans un présent hostile à la poésie). Et si « Le timbre égyptien » constituait une lecture exigeante en raison de ses métaphores foisonnantes, « Le bruit du temps » s'avère quant à lui difficile d'accès à cause de son déferlement de références culturelles, qui justifient bien les dizaines de pages de notes en fin de volume pour que les non-experts en culture russe puissent s'y retrouver.



Les fulgurances poétiques se font ici plus discrètes mais pas moins enivrantes, sous la loupe appliquée à la Russie de la fin du XIXème siècle. En effet, Mandelstam se retourne sur ses jeunes années, et examine, à la lumière de son expérience, la société russe d'antan, où couvait encore la révolution. le recul du présent aide à trouver les mots justes, et alimente la parole :



« Nous avons appris non à parler, mais à balbutier et ce n'est qu'en écoutant le bruit croissant du siècle, et une fois blanchis par l'écume de sa crête que nous avons acquis une langue. »



Cette langue est sans complaisance. Mandelstam rejette les idoles littéraires de la Russie fin-de-siècle, dont les vers affectés lui évoquent parfois « une tendre Psyché souffrant d'hémorroïdes ». Les traits caustiques abondent, et égratignent le « groin de porc de la déclamation », dont Mandelstam affuble le théâtre russe, ou encore la poésie symboliste et sa figure de proue Alexander Blok. Toutefois, l'auteur réhabilite aussi certaines voix oubliées, comme celle de son ancien professeur de littérature à l'institut Tenichev, un certain Vladimir Vassiliévitch Hépius. Ce dernier aborde sa discipline avec une passion mordante, sincère, une « hargne littéraire » quasi-animale, qui ne craint pas de mêler la haine et l'amour comme deux face d'une même passion, dont son élève a de toute évidence hérité.



En somme, Mandelstam assume le fait d'être un enfant du XIXème siècle et de tous ses travers : « personne n'est coupable, et il n'y a pas à avoir honte ». Il se retourne ainsi vers les « sources de l'être », que la révolution craint par nature, son objectif étant de supplanter, voire d'effacer le passé qui l'a engendrée. Par ce regard en arrière, Mandelstam accomplirait donc presque un acte littéraire contre-révolutionnaire... qui en amènera d'autres, notamment la fatale « Épigramme contre Staline », au style reflétant bien les valeurs défendues dans cet ouvrage. Ce retour aux sources l'aura aidé à retrouver cette voix poétique, héritée du passée et projetée vers l'avenir, dans un bruit singulier.
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Ossip Mandelstam - Oeuvres complètes

Ossip Mandelstam

Notices sur la poésie.

J'ai choisi quelques phrases du texte de Mandelstam qui m'ont surprise: j'ai toujours cru que la poésie est un concentré ( embelli et un peu élitiste) de la langue utilisée par un peuple . Et Mandelstam dit que la poésie est une langue elle-même, une langue vraiment nationale , le mieux préservée des influences néfastes venues d'extérieur.

Il nomme et glorifie les poètes russes qui ont approché la poésie de la littérature russe , en vulgarisant ...la littérature. Dans le bon sens. En l'approchant du peuple.

Regardez :

" La poésie russe contemporaine n'a pas tombée du ciel, elle était prédite par tout le passé poétique de notre pays.

Nos premiers intellectuels étaient des moines qui ont laissé dans notre langue l'empreinte de Byzance .Les moines-intello's parlaient la langue différente de la langue du peuple. La langue slave ,écrite, de Cyrill et Methody était autre que la langue non-écrite, la langue parlée par les gens. Mais la langue parlée est souple, elle s'est accommodée et, avec le temps, a crée un alliage avec la langue écrite. . Opportuniste ,elle a toujours été disposé à trouver pacifiquement un chemin commode et moyen. Elle a reçu ,finalement, dans son sein la langue des moines.



C'est tout à fait différent pour la langue poétique. Qui ne se laisse pas d'être « pacifiée», qui garde ses racines à travers les siècles.



"Les consonnes sont les graines des racines, la base de la langue. le vers russe est saturé des consonnes, tandis que dans la langue des moines chantent les voyelles.

C'est faux de dire que dans la langue poétique russe dort Hellade ( comme la Rome dort dans les langues européennes) .Dans la langue russe poétique ne dort que la Russie elle-même. "

"Impossible d'apprendre tout le monde ,qui sait lire, de lire Pouchkine tel qu'il est écrit : le lecteur y verra toujours seulement ce que demandent ses propres besoins spirituels et ses capacités intellectuelles. "

"Savoir lire la poésie ne coïncide absolument pas avec la culture littéraire générale.

La lecture de la poésie représente , en grande partie, celle des absences: il y manquent plein de signes de direction , d'explications qui rendent le texte écrit compréhensible. le lecteur doit trouver ces signes par lui-même, en les devinant à partir de l'impression générale."

"La critique objective (de la poésie) ne doit pas exister".

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Les poésies d'amour

C'est Soljenytsine qui remonte cette anecdote qu'au Goulag, il n'était pas rare qu'un décès fût déclaré des jours après pour profiter des parts de repas du mort. Chalamov aussi remonta cette pratique obscène observée au Goulag, mais cette fois le mort c'était Ossip Mandelstam le poète ..



Qui oserait dire que les ennuis, Ossip Mandelstam les chercha quand il écrivit en 1933 son poème Epigramme pour Staline dans lequel il ne mâcha pas ses mots à l'égard du tyran. Il convient de souligner ici le courage et l'audace inouis dont fit preuve alors le poète : défier ainsi Staline dans ses heures les plus sombres !



Staline n'aura pas connaissance de cette apostrophe qui lui était clairement destinée (de 16 vers précisons-le). Mais les vaches étaient bien gardées ..



En effet, un an plus tard, le poète est condamné à la relégation, il sauvera donc sa peau. Sa santé est précaire : il choisit comme lieu de relégation Voronej. Sa femme Nanejda est autorisée à l'accompagner : elle témoignera.

Il écrit les Carnets de Voronej.



L'année 1938.

"En février, bref et dernier voyage à Léningrad. Début mars, l'Union des écrivains lui offre un séjour à la maison de repos des syndicats, près de Tchérousti dans la région de Moscou. le 16 mars, lettre de Vladimir Stavski, dirigeant de l'union des écrivains, à Iéjov, qui doit servir de prétexte à la seconde arrestation de Mandelstam. Celle-ci a lieu à l'aube du 2 mai. le 2 août, condamnation à cinq ans de travaux forcés pour activités contre-révolutionnaires. le 7 septembre, départ de Mandelstam dans un convoi de prisonniers. le 12 octobre, arrivée au camp de transit près de Vladivostok. Après le 20 octobre, dernière lettre de Mandelstam adressée à son frère Alexandre et Nadejda ("Santé très faible. Epuisement extrême.. On ne m'a pas accepté pour la Kolyma. Peut-être passerai l'hiver ici.. Nadinka chérie, je ne sais pas si tu es encore en vie, ma colombe.."). le 26 décembre, le poète est envoyé à l'infirmerie du camp. le 27 décembre 1938, à 12H30, mort d'Ossip Mandelstam. Début janvier 1939, son corps est jeté dans une fosse commune près du camp".



Il n'existe qu'un chemin :

Celui de ta main légère ;

Comment trouver autrement

Le pays qui m'est si cher ?



Pour qui je vogue sans heurt

Vers mon rivage là-bas,

Porte ta main vers mes lèvres

Et ne la retire pas.



Les doigts minces sont tremblants

Et le corps frêle s'anime -

Mon esquif glisse au dessus

Des eaux, de leur calme abîme.



On ne peut pas oublier Staline -même si à tout jamais on voudrait sincèrement l'oublier au fond du trou où il s'est mis, le chasser de nos mémoires - , autant de fois que ne peuvent l'oublier ses millions de victimes. Oui on aimerait sincèrement pouvoir l'oublier. En tout cas, il n'y a pas de condition faite au poète pour qu'on n'oublie jamais ses bons mots. 4 09 2022. PG



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Les Cahiers de Voronej

Critique de la librairie toulousaine " Ombres blanches " .



Quand on vient l’arrêter en mai 1934 , Ossip Mandelstam est " prêt à la mort "

Mais condamné à trois ans d'exil , il va écrire à Voronej , en quelques mois , les plus fertiles de son existence , les poèmes des trois cahiers qui sont un des sommets de la poésie russe du 20 eme siècle . Arrêté une nouvelle fois en 1938 , le poète est envoyé au Goulag et meurt le 27 décembre près de Vladivostok , au seuil même de la Kolyma . Cette édition bilingue et intégrale des poésies de la dernière période de Mandelstam , permet de replacer dans leur contexte " les cahiers de Voronej et un poème aussi "dérangeant " que l'Ode à Staline , de mieux comprendre comment , par sa " sémantique éminemment musicale " , son élaboration métaphorique et prosodique d'une densité , d'une tension à la fois tragique et lumineuse , l'oeuvre de Mandelstam rejoint les grandes voix de la poésie universelle
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Tristia

Les textes de Mandelstam peuvent sembler très simples dans leur écriture mais ils nous font entrer dans son monde, on voit distinctement les choses et les moments qu'il nous décrit.

Il y a de la magie dans cette écriture!
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Le timbre égyptien

Voici un long poème en prose narratif, qui nous promène entre différentes zones d’un Saint-Pétersbourg en proie au chaos : l’action est située entre février et octobre 1917...



Durant cette période de troubles, plus rien n'est sûr, même le langage. A peine le sens se dessine-t-il qu'il part à la dérive, emporté par un torrent de tropes : la métaphore, figure favorite de Mandelstam, dessine donc avant tout la perte, la mélancolie. Nerveuses, les images se succèdent en effet trop vites pour donner l'impression de se former complètement, et le rythme en devient décousu, brisé : « L'Aurore aux doigts de rose a cassé ses crayons de couleur. Ils traînent à présent comme des oisillons au bec béant et vide. »



Mandelstam pourrait être l'un de ces oisillons (il a souvent été comparé à eux, en raison de son physique frêle). Mais son tourment se déroule un peu plus tard, sous le régime stalinien, durant lequel il écrit ce texte. Il se retourne vers la révolution passée, comme pour y confronter sa propre révolution poétique, dont le chaos fragmentaire singe la réalité :



« Je ne crains ni le manque de suite ni les coupures.

Semblables à un martinet, mes longs ciseaux coupent le papier.

Je colle des becquets en frange.

Un manuscrit est toujours une tempête ; c'est tourmenté, ravagé à coups de bec…  »



L'oisillon Mandelstam s'approprie le monde de 1917 en recomposant le langage, peut-être inspiré par un certain dieu-oiseau. Faut-il considérer Thot comme le lien entre ce texte et l’Égypte ?



Cependant, l'anti-héros Parnok, fait un bien pâle avatar pour Mandelstam, qui prie : « Seigneur, faites que je ne sois pas semblable à Parnok ! ». Mais nulle voix divine ne lui répond, nulle musique céleste : comme le fait fort justement remarquer la préface de Ralph Dutli, les sons sont étouffés dans ce texte, peu ou pas mentionnés, comme si la tapage ambiant comprimait tout. Reflet de la peur qui oppresse Mandelstam.



Assourdi, Parnok est balloté à travers les incendies et les foules effrayantes, dans un voyage kaléidoscopique, dicté par cette même peur : « la peur me prend par la main et me conduit ». Avec un tel guide, le spectre de Gogol n'est jamais très loin : Parnok devra ainsi explorer Saint-Péterbsourg sans son manteau, perdu, lui aussi. Dénudé, vulnérable dans le vacarme, Parnok n'a pas volé son surnom de « timbre égyptien ». Comme une lettre, son être semble expédié au hasard, de la Russie à l'Egypte. Pas beaucoup mieux qu'une bouteille à la mer…
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Les poésies d'amour

Les éditions Circé ont entrepris de développer une collection intitulée Les poésies d’amour. Neuf recueils y sont ainsi mis à l’honneur, et les auteurs russes ne sont pas en reste puisque l’on en dénombre déjà quatre dans cette collection : Alexandre Pouchkine, Anna Akhmatova, Marina Tsvetaëva, et Ossip Mandelstam sur lequel je vais m’étendre un peu ici.



Ce recueil – comme les autres de la collection certainement – est une compilation des poésies amoureuses de l’auteur choisies, traduites et commentées par Henri Abril.

La préface et la quatrième de couverture soulignent que la thématique de l’amour n’était pas particulièrement le domaine de prédilection d’Ossip Mandelstam, les poèmes amoureux sont donc proportionnellement peu nombreux par rapport à l’ensemble de l’oeuvre du poète.

Le traducteur en a pourtant sélectionnés pas moins de 46 rédigés entre 1908 et 1937 et les présentent ici dans leurs versions russe et française, avis aux amateurs bilingues !



Outre une première approche des écrits d’Ossip Mandelstam, cette compilation me permet de saisir l’importante évolution du poète aux cours des décennies.

Les poèmes de la période qui court de 1908 à 1917 s’adressent à des femmes décrites par fragments, elles apparaissent douces, fragiles, idéales voire divines et généralement inaccessibles, pudiquement érotiques parfois. Les femmes sont une allégorie de la Russie ou issues de la mythologie : Hélène, Phèdre, Cassandre…



Les poèmes qui suivent directement la révolution russe, de 1917 à 1920 me sont plus difficiles à saisir. La mort y est beaucoup plus présente, ainsi que la jalousie, l’inceste, la perte. On y parle moins d’amour et moins directement de femmes.



Jusqu’en 1925, Ossip Mandelstam n’écrit plus et les écrits datant de 1925 à 1937 sont très différents de ceux des premières années, plus concrets, l’auteur ne poursuit plus d’idéaux chimériques. Les femmes y sont plus vivantes, les descriptions plus précises et plus sensuelles, les beautés plus sincères et les déceptions plus amères, la douleur plus intime. Je suis nettement plus sensible à ces derniers écrits quoique le recueil regorgent de nombreuses perles à toutes les époques.
Lien : https://synchroniciteetseren..
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Tristia et autres poèmes

Il se voulait l'ami des Grecs anciens et de l'Italie renaissante. Il cherchait dans la forêt des mots à dire un monde simple, mais le siècle, ce siècle fatal qui revient de plus en plus souvent dans ses poèmes, le ronge. Il n'est pas un Hellène du temps de l'élégie. Il est un Soviétique du temps de l'ogre. Il voit fondre sur son monde songeur la bêtise des censeurs réalistes. Peut-on inventer une langue plus anticommuniste que ce lyrisme fasciné par les grands rites sombres, que ce regardeur solitaire d'un monde qu'on n'assomme pas de formules précuites, que ce suicidaire qui, pour qu'on en finisse avec lui, dit de Staline la vérité? Cela s'est remarqué. Il en est mort.
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Le bruit du temps

Ossip Mandelstam a été considéré par ses compatriotes comme le plus grand poète russe de son époque. Ce petit livre, le premier écrit en prose et sans doute le plus autobiographique, retrace ses souvenirs d'enfance et d'adolescence à saint Pétersbourg jusqu'au début de la révolution en 1905.
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Le bruit du temps

IL n'y a qu'a comparer sa courte satire contre Staline ( véritablement suicidaire ) souvent mal traduite , avec " Ode à Staline " d'Eluard " aussi mauvaise dans la forme que dans le fond pour se faire une opinion personnelle
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