Ce n’était pas d’un cœur allègre qu’il allait voir l’homme au destin effrayant. Sa peur était plus violente que la nuit de Pâques, la nuit de la « réconciliation » des deux frères. Il avait le sentiment de comparaître devant un tribunal où son sort serait jugé, et d’où il sortirait condamné.
C’est inutile d’accuser quelqu’un, ou d’accrocher son espoir à quelque chose : on est destiné au bonheur ou au malheur avant de sortir du ventre de sa mère. Heureux est celui qui sent le moins, ou qui ne sent rien. Le peu qu’il demande, l’existence le lui donne. Et malheureux est celui qui sent et qui veut : il n’a jamais assez.
Pour l’homme simple, le pouvoir de l’autorité établie est une chose occulte, divine ou diabolique, il ne sait pas très bien, mais devant laquelle on ne peut que s’incliner.
On est esclave ou esclavagiste, voilà les deux aspects de la chose pour la plupart des hommes. Le milieu entre ces deux atroces extrémités de la vie, l’homme juste, est aussi rare que le diamant parmi les cailloux.