Citations de Pascal Garnier (530)
Sur le chemin du retour ils écoutèrent la radio. Un footballeur venait d'être racheté par un club pour une somme invraisemblable et un père de famille au chômage, criblé de dettes, venait de décimer sa famille avant de se donner la mort dans un pavillon du Pas-de-Calais. On prévoyait de l'orage pour la soirée et des embouteillages à la sortie de Lyon. C'était un monde parfait.
- Que veux-tu qu'il m'arrive à présent ? Et puis on est en Suisse. Si tu as un compte en banque et que tu traverses bien dans les clous, tout est permis.
Ils stationnèrent un moment devant la statue de l'impératrice Sissi, sise à l'endroit supposé où elle s'était fait poignarder par un anarchiste italien. Thérèse en fut déçue.
- Elle ne ressemble pas à Romy Schneider.
Les gens de la campagne s'occupent de façon étrange. Ils creusent des trous, en comblent d'autres, montent des murs de pierres très lourdes, trimballent des poutres immenses afin d'échafauder des structures considérables qu'ils ne finissent jamais, détournent les cours d'eau, poncent, scient, tordent et détordent des bouts de ferrailles, coupent des arbres, plantent des piquets, empilent dans leur jardin des carcasses de vieilles 4 L que parfois ils transforment en poulailler si bien que leurs habitats ressemblent à des décharges, des casses de voitures. Plus le travail est pénible, périlleux, plus ils sont contents. Ils mettent un acharnement compulsif à se briser les reins, à se cuire la peau au soleil comme si le salut de leur âme passait par l'épuisement total de leur corps. Tout ce qu'ils construisent est laid, les matériaux qu'ils emploient aussi, tôle ondulée, Fibrociment, bâche de plastique, vieux pneus. Ils se foutent complètement du chant des oiseaux comme des couchers de soleil. La nature n'est pour eux qu'une source de revenus dont ils ne profitent guère. Tout cela finira mal.
- Il faut que j'achète une machine à écrire.
- Ah... - Et une rame de papier. Il n'y a pas de plus bel âge pour écrire ses mémoires que celui où on la perd !
- Elle... Elle est morte ? Edouard se releva, le visage lisse, dépourvu de toute expression.
- Quand on tire à bout portant sur quelqu'un, il faut envisager ce genre d'éventualité.
Plus j’avance dans la vie, plus je m’éloigne de moi jusqu’au jour où je me perdrai de vue
Mon passé est triste, mon présent catastrophique, mais par bonheur je n’ai pas d’avenir.
C'est à peine audible, une vague rumeur montant du fond de la nuit mais suffisante pour faire voler son sommeil en éclats.
Le ciel est bien forcé de faire le jour mais on sent qu’il n’en a pas particulièrement envie. C’est un ciel de : « Vivement ce soir qu’on se couche. »
C’est bizarre, les livres, ça parle tout seul.
On trinque. C’est fragile, les gens, dur et fragile comme le verre.
Si l’existence n’est qu’un passe-temps, alors rien ne dit qu’il y aura un demain, tout comme on peut douter d’avoir vécu un hier. C’est un jour à tuer quelqu’un sans raison.
Ils pourraient s’entretuer qu’ils ne s’en voudraient pas. C’est la vie, n’est-ce pas ? À force de voyager dans ce wagon qui pue des pieds, on finit par y faire son petit trou d’intimité, on se comprend. D’odeur à odeur, de coups tordus en coups tordus, on se cannibalise l’un l’autre.
Il y a des gens qui ont besoin de faire, moi, j’ai juste besoin d’être.
Il pleut depuis tôt ce matin, une pluie fine qui s’harmonise parfaitement à la ville, lui donne une certaine élégance, un verni de respectabilité. Il s’en est réjoui dès qu’il a ouvert les yeux, comme de ces chagrins qui font du bien, une compagnie discrète, une présence intime.
Sur les murs de l'église, les saints pendent. Ils ont mauvaise mine, hâves, décharnés, mal rasés, accablés, les yeux cernés par une nuée de soucis mystiques, le cheveu gras. Même le label de qualité rayonnant autour de leur tête ne les rend pas attirants.
- Un miracle, merde, c'est pas grand-chose, non ?
L'ordre et la discipline lui servent de déambulateur. C'est tout ce qu'elle a trouvé pour corseter une vie ponctuée de peines et de souffrances.
Il est assis, seul au bout d'un banc. C'est un quai de gare désert où s'enchevêtrent des poutrelles métalliques sur fond d'incertitude. La gare d'une petite ville de Bretagne, un dimanche d'octobre.