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Critiques de Patrick Deville (525)
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Amazonia

Lire Patrick Deville, c’est se lancer dans une aventure riche en informations, réaliser un voyage à l’horizon infini. Même si une carte de l’Amérique du Sud termine Amazonia, l’auteur ne s’est pas gêné pour m’entraîner beaucoup plus loin, sur tous les continents, me ramenant de temps à autre en Europe.



Patrick Deville est avec Pierre, son fils, sur le fleuve Amazone qu’ils remontent petit à petit, passant par Santarém, Manaus, pour arriver à Iquitos, au Pérou. Le fils dessine, le père écrit et donne à son lecteur une quantité énorme, impressionnante d’informations, de rappels historiques que j’aimerais bien pouvoir retenir. Hélas, j’en suis bien incapable et il faudrait, en plus, lire tous les livres de sa bibliothèque de bord, liste que l’auteur donne à la fin de ce périple durant lequel, je dois l’avouer, j’ai parfois été un peu perdu.

Durant ce parcours du père et du fils, Patrick Deville ne laisse pas passer une occasion d’évoquer d’autres cas où père et fils ont marqué les lieux où ils se trouvent. Historique, géographique, scientifique, littéraire, le contexte de chaque site traversé donne l’occasion à l’auteur de fournir d’audacieuses échappées. C’est son style, sa façon d’écrire, comme j’avais pu le constater dans Taba-Taba, livre auquel il se réfère plusieurs fois.

Puisqu’il se trouve au Brésil, Patrick Deville ne peut manquer d’évoquer Claude Lévi-Strauss et Tristes tropiques mais il s’attache surtout au comportement de chaque explorateur vis-à-vis des indigènes et de la nature. Il s’avère que les deux ont été exploités de façon outrancière et ceci dès que les Européens ont commencé à s’installer sur ce continent.

Patrick Deville évoque aussi Alexandre Yersin, ce chercheur méconnu qui a découvert le bacille de la peste en 1894 et qu’il avait mis en lumière dans Peste et choléra. Le XIXe siècle est aussi celui de la guerre du caoutchouc et cette histoire folle de Cândido Rondon qui fait défricher la forêt pour poser une ligne de 1 500 km pour le télégraphe. Quand ce travail incroyable est terminé, avec tous les dégâts humains et naturels que cela suppose, la TSF est inventée et tout est abandonné…

Il parle aussi de Jules Verne qui écrivit La Jaganda sans jamais être allé au Brésil mais j’arrête là car il faudrait réécrire le livre pour tout citer !

Je note juste une habitude de l’auteur qui adore citer un événement et coller à côté un liste de faits s’étant produits à la même date. C’est un jeu intéressant et souvent très instructif.



Alors, si vous voulez voyager dans l’espace et dans le temps, réviser ou apprendre une quantité de faits historiques qui ont marqué XIXe, XXe et même XXIe siècles, il faut lire Amazonia, un livre qui alerte surtout sur les dégâts considérables causés par les humains à notre planète. C’est concret, bien détaillé et cela m’a beaucoup marqué dans les dernières pages du livre.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Fenua

Escale à Papeete !

C’est la rentrée… et qu’est-ce qu’on fait ? On fait semblant de s’intéresser aux photos de vacances ratées de ses amis, à coups d’hypocrites mais courtoises onomatopées. Même les selfies de Thomas Pesquet m’ennuient.

Les récits de voyage de Patrick Deville échappent à mon accablement. C’est le guide idéal pour découvrir l’âme d’une contrée exotique en suivant les pas d’aventuriers explorateurs, d’écrivains voyageurs, de militaires baroudeurs, de botanistes collectionneurs, de peintres cavaleurs ou d'inconnus qui demandent l'heure. Cherchez l'intrus farceur.

A l’hôtel quatre étoiles avec piscine à bulles, champagne à bulles et transats pour buller, l’auteur préfère bizarrement une cabane près de Papeete où il installe sa moustiquaire et sa bibliothèque tahitienne qui alimentera son projet littéraire, ses rêves, ses souvenirs et quatre pages de la postface. Tant pis pour la clim, les cours de zumba, les cocktails et les buffets à volonté. Patrick préfère cette forme de camping.

Fenua, qui sonne mieux que Polynésie, nom de maladie, est une terre aussi émiettée qu’un crumble, avec ses atolls qui gagnent à être vus et pas seulement par des opticiens, Mururoa c’est de la bombe, Tahiti douche ou bains de mer turquoise avec des vahinés… C’est gonflé, j’arrête les clichés.

La carte postale du poète érudit est belle. Quand elle a le cachet de Stevenson, Melville, London, Loti, Segalen ou Maugham, on a vite les yeux qui rêvent. Qui brillent aussi, devant les peintures de Gauguin en goguette, personnage central du livre, forcément fou, insupportable et attachant. Ces bonshommes n'étaient pas des saints, mais je préfère ce genre d'évangiles. L’auteur débusque très bien l’humain dans le génie.

Mais la grande histoire manque souvent de poésie et le roman nous conte aussi la voracité des empires coloniaux, le destin de tahitiens plus ou moins volontaires envoyés à Paris, la genèse discrétionnaire des essais nucléaires.

Comme à son habitude, Deville, le mal nommé, parle aussi de lui, de ses recherches, de ses découvertes et de ses rencontres, toujours à la recherche d’authenticité.

Je referme ce roman comme les précédents, en ayant la sensation d’avoir visité non pas des îles mais des imaginaires. Un guide figuratif.

J’ai été un peu moins intéressé par la dernière partie, trop actuelle dans ses considérations économiques et politicienne pour me passionner.

Enfin, si les décors changent, la construction fragmentée des livres de Patrick Deville est un peu toujours la même et commence un peu à me lasser plus qu’à me délasser. A croire que l’histoire se répète… universelle.

Il ne me reste plus qu’à débarquer, un collier de fleurs autour du cou.

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Peste & Choléra

Une jolie réussite d'équilibre, entre roman biographique et biographie romancée.



Une plume, issue de l'écurie « Editions de Minuit », dont le style agrège l'épure — du moins une certaine idée de la littérature qu'incarne les écrits de cette maison — et la volonté « d'accessibilité » : l'auteur lâchant ses cerfs-volants, avant de les éclairer quelques lignes plus bas, pour ceux qui les auraient perdus de vue…

Preuve en est son succès public, ainsi que ses nombreuses récompenses.

(Egalement finaliste d'un prix Goncourt 2012 très contrasté, où le superbe « Le Sermon sur la chute de Rome » lui a damné le pion pour une voix — et deux voix données au nanar-intersidéral « Harry Quebert », mais ce n'est pas la peine d'encore s'énerver au sujet des prix littéraire… on y laisserait un foie et une pelote de nerfs…)



Alexandre Yersin.

Une vraie stature, libre, courant au contraire de la meute, aveuglée par l'éclat des palmes académiques.

Une véritable inspiration, rappelant à certains le temps où l'universalisme des Lumières était encore au programme.



Une époque qui fascine de toute évidence l'auteur, voyant les poètes du Parnasse côtoyer les aventuriers des Terra Incognita, formant un imaginaire historique et exotique peuplé par Rimbaud, Stanley et Livingston… sans parler du grand Pasteur, dieu-père de cette histoire, flottant au dessus, tel un nom dépassant l'individu.



La statue de Yersin — hommage mesuré à un homme n'en réclamant pas vraiment, sise à Nha Trang, Vietnam — ne devrait pas être déboulonnée de sitôt. Ce roman s'ajoute à la modeste reconnaissance d'un être exceptionnel, avec une élégance qui ne lui aurait sans doute pas déplu.

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Peste & Choléra

Je sais qu'il y a déjà de très nombreuses critiques, ce livre étant paru il y a quelques années, salué et encensé par la presse, primé ...

Justement, je dois reconnaître mes torts, j'ai failli passer à côté d'un chef-d'œuvre. Justement parce que le livre était primé, je crains parfois les attentes excessives qui peuvent naître d'un battage médiatique, de prix littéraires reconnus. Peut-être aussi à cause d'un titre qui me semble à la fois peu représentatif du livre, un peu réducteur ... et peu engageant pour le lecteur, je n'avais pas trop envie de me plonger dans ce livre.

Heureusement que ma mère a insisté pour que je le lise et me l'a prêté, et heureusement que j'ai trouvé de nombreuses citations et critiques positives sur Babelio.



Biographie, roman ou chronique scientifique, peu m'importe.

Le livre m'a plu, m'a vraiment intéressée, passionnée. L'auteur m'a fait connaître la vie et les découvertes d'Alexandre Yersin, dont je connaissais le nom mais guère plus. Il faut dire que la France a bien plus célébré Pasteur.

Pasteur sensible aux honneurs plus que ne le fut Yersin, Pasteur qui a inspiré et soutenu tant de scientifiques et créé "une école" et des Instituts, en France puis ailleurs dans le monde.

Yersin lui aussi faisait partie de la bande des pasteuriens, et nous découvrons ses intérêts et passions multiples par le biais de récits sur sa vie, ses voyages, ses correspondances : avec sa mère Fanny, sa sœur Emilie, avec ses amis et collègues pasteuriens notamment Calmette et Roux ...



Du côté du style, j'ai souri aux nombreuses évocations du "fantôme du futur", mais n'y ai pas vu plus qu'une facétie d'un auteur par ailleurs érudit et qui maîtrise très bien son sujet. Le livre est parfaitement documenté, le destin hors normes de Yersin narré avec verve et érudition, sans phrases pompeuses ni jargon, dans une grande clarté.

J'ai un peu regretté les nombreux allers retours entre le début et la fin de la vie de Yersin, personnage suffisamment romanesque à mon goût, touche-à-tout, engagé dans des correspondances épistolaires de longue durée, sans cesse novateur, dans une curiosité intellectuelle renouvelée. Même si longtemps, Yersin a méprisé politique, histoire, littérature et peinture, il reste un personnage très romanesque et bien ancré dans son époque. Médecin et scientifique qui a largement contribué à des inventions importantes, Yersin est ici mis à l'honneur dans un livre bien écrit.



Passionnant !
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Peste & Choléra

Coup de projecteur sur un touche-à-tout de génie, bienfaiteur de l’humanité injustement oublié du grand public et dont la vie méritait bien un roman, merci Patrick Deville.

C’est avec un enthousiasme contagieux que Patrick Deville nous convoque sur les traces trépidantes de cet homme hors du commun, « pasteurien » des premiers jours mais passionné pas tant d’autres sciences qu’il en négligea les honneurs qu’il aurait pu récolter en traînant dans les salons parisiens.

Le ton est vif, incisif, ironique pour décrire une vie menée tambour battant par un génie universel qui fut souvent le premier dans ses multiples domaines de prédilections, le premier à isoler le bacille de la peste et à réaliser un vaccin, mais aussi le premier à importer une automobile en Asie, et « premier voyageur à relier par voie de terre la côte de l'Annam au Kampuchéa », un des premiers également à voyager en dirigeable pour relier Paris à l'Indochine.

Ascète au désintéressement total, curieux et scientifique insatiable, médecin, biologiste, physicien, botaniste, architecte, agronome Yersin s’enthousiasmait pour tout ce qui pouvait améliorer la vie et le confort de l’humanité sans jamais vraiment se frotter à cette humanité qu’il gardait à distance. Insensible aux honneurs, étranger à la politique, imperméable à la corruption, il a mené une vie aventureuse et solitaire que Patrick Deville livre de façon passionnante : un esprit libre et anticonformiste qu’il n’hésite pas à comparer à Rimbaud et même à Louis-Ferdinand Destouches, ancien pasteurien renégat alias Céline.

Pour l’anecdote, allez voir sur Google les photos de Nha Thrang : on comprend assez bien qu’il aie préféré y vivre ses dernières années plutôt qu’auprès des paillasses de l’Institut Pasteur.

Près de chez moi, l’hôpital s’appelle Louis Mourier : quand on lit les 3 lignes consacrées à Louis Mourier sur Google, on se demande pourquoi pas un hôpital en France ne porte le nom d’Alexandre Yersin…

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Peste & Choléra

Patrick Deville nous invite ici au voyage multidimensionnel, à savoir dans le temps et dans l'espace sans se soucier de l'unité de temps,ou de lieu, ni même d'action : on estr donc bien loin de la scène classique, au risque de s'y perdre. Oubliée la chronologie. Même les personnages ne sont pas sûrs de leur appartenance à une époque : un mystérieux fantôme.du futur (s'appellerait-il Patrick D.?) côtoie le héros de ce récit, Alexandre Yersin, surdoué multicarte, réalisant des prouesses tant en médecine qu'en exploration topographique et anthropologique à une époque "Où la nature n’est pas encore une vieillarde fragile qu’il faut protéger, mais un redoutable ennemi qu’il faut vaincre".Indifférent aux conflits qui agitent la première moitié du vingtième siècle, Yersin n'a de cesse de découvrir de nouveaux territoires, risquant sa vie ( et sauvé in extremis par ses connaissances médicales).



L'écriture est déroutante : le lecteur, bien installé dans un chromo désuet tout à fait dans le ton des récits de voyages du dix-neuvième siècle, écarquille tout à coup les yeux quand il croit avoir lu que l'on faisait allusion au téléphone mobile! De même, l'auteur fait peu de cas de la syntaxe, au lecteur de comprendre, sans verbe, ou sans sujet, une suite de mots entre deux points.



Et tout ce fatras déjanté sur un sujet peu cocasse à l’origine finit par créer une connivence. D’autant qu’il est drôle, Patrick Deville, quand il évoque ce «dictateur en noir et gris qui imite assez bien Chaplin», ou aborde à sa façon la physiologie des poules :»Comme chacun sait, il fait chaud à l’intérieur d’une poule. Quarante deux degrés. Bien plus chaud qu’à l’intérieur d’un mouton. Qui garde sa petite laine»



Un temps d’adaptation est donc nécessaire pour être sous le charme, mais cela vaut le coup quelquefois de sortir des sentiers battus, que l’on soit savant, ou romancier
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Peste & Choléra

Alexandre Yersin, aura vécu plusieurs vies, s’en remettant à chaque fois à son enthousiasme et sa curiosité pour aller vers des contrées qui désarçonnent ces amis. Puis lorsque que l’intérêt décroit, le natif de Genève rebondit sur autre chose.

Yersin Pasteurien fidèle, découvreur du bacille de la peste et son vaccin, excusez du peu, est un électron libre. Les honneurs, les soirées mondaines trop peu pour lui. Lui c’est la passion, les voyages, la recherche, l’innovation qui sont ces moteurs. Il se lance dans des projets qu’il prend à bras le corps, les triture, les décortique, les mène puis quand l’envie ce fait moindre, il passe à autre chose. Toujours en avance sur ces contemporains.

Patrick Deville dont j'avais aimé « Equatoria » est à la hauteur du personnage dont il suit les pas. Son écriture est ironique, fluide, sa chronologie éclatée peu surprendre au début, mais rend au contraire encore plus fascinant ce personnage atypique. Peste et choléra rend hommage à un grand bonhomme solitaire, fidèle en amitié qui traversa la première partie du vingtième siècle dans l’ombre. Deville le met en lumière avec ce roman. Ce n’est que justice.

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Peste & Choléra

Alexandre Yersin ? La plupart des gens ne savent pas qui il est, et même, n'en n'ont jamais entendu parlé. Sans doute est-ce parce l'homme s'est toujours tenu à l'écart des mondanités et des honneurs. Pourtant, on lui doit, entre autres, la découverte du bacille de la peste et la mise au point de son vaccin. Scientifique de génie, collaborateur de Pasteur, Yersin ne s'est pas contenté d'une seule discipline ni d'une seule vie. Pour ne jamais s'enfermer, s'ennuyer, il a touché à tout : la médecine, la bactériologie, l'ethnologie, agronomie, l'exploration, l'aviation, la botanique, la mécanique, etc. Avide de connaissances, tout l'intéresse, mis à part l'art et la politique. Car si Yersin se préoccupe du bien de l'humanité et œuvre pour un monde meilleur, il évite de se mêler à ses semblables, sorte de misanthrope contradictoire. Trop à l'étroit dans les laboratoires de l'Institut Pasteur, il part pour l'Indochine où il sera médecin de bord pour les Messageries Maritimes et finira par s'installer à Nha Trang pour y créer son paradis. Mais il ne s'agit pas pour Yersin de profiter de la douceur de vivre et de la beauté des paysages qui l'entourent. Très vite, il se rêve explorateur, traversant la jungle hostile, ouvrant des routes, rencontrant des populations inconnues. Mais pasteurien un jour, pasteurien toujours, l'Institut le sollicite pour ouvrir un centre à Saïgon, tâche dont il s'acquitte avec zèle, pour mieux reprendre sa vie aventureuse une fois sa mission accomplie. Toujours guidé par la passion et la curiosité, Alexandre Yersin a vécu mille vies, libre, insatiable, audacieux, jusqu'à sa mort.





S'il a eu une vie fascinante et s'est investi avec passion dans de nombreux projets d'envergure, Alexandre Yersin, en tant qu'homme, n'est pas tout à fait à l'abri de certaines lacunes. Son indifférence aux problèmes du monde, son refus de s'impliquer, sa misogynie évidente, en font un personnage fort peu attachant sur le plan humain. Cependant ses contributions dans des domaines aussi différents qu'hétéroclites montrent tout le génie d'un homme qui semble austère de prime abord. On peut donc comprendre que Patrick DEVILLE ait voulu lui rendre justice avec cette biographie très bien documentée qui lève le voile sur un des grands hommes du XXè siècle. Au fil des pages, des voyages, des enthousiasmes de son sujet, on finit par prendre goût à cet hyperactif touche-à-tout, impatient de connaître sa prochaine ''lubie''. Pourtant, il faut bien du courage pour s'accrocher au style particulièrement agaçant de l'auteur. Des phrases courtes, sèches, sans verbe parfois. Des redondances ridicules : Pasteur décrit comme ''le vieil homme à la redingote noire'', Yersin étant ''l'orphelin d'Aubonne'', etc. Plus de simplicité n'aurait pas nui. Et Deville ne s'arrête pas là dans le maniérisme. Il ose se mettre lui-même en scène. Sous prétexte de suivre les pas de Yersin dans ses nombreux voyages, il ''invente'' un ''fantôme du futur'' qui hante les lieux où a vécu Yersin, observe et fait même des prédictions sur l'avenir. Nul intérêt dans le procédé, on se doutait bien, à la lecture du livre, que DEVILLE s'était très bien renseigné sur son sujet, les preuves de son travail de documentation sont superfétatoires. Et passons aussi sur le rapprochement Yersin / Rimbaud, difficilement convaincant, les détails sur les inventions en tout genre de l'époque qui viennent se greffer artificiellement au récit et dans lesquels DEVILLE s'égare parfois. Heureusement, son personnage est suffisamment fort pour sauver l'ensemble du naufrage. La vie, riche et captivante, d'Alexandre Yersin méritait bien un livre, dommage que celui-ci pêche par le style...Restent la description d'une époque, la rencontre avec des célébrités du monde de la science et bien sûr la sortie de l'ombre de Yersin.
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Peste & Choléra

Le suisse calviniste Alexandre Yersin arrive à Paris en 1885 pour terminer ses études de médecine. A l'Hôtel Dieu, il fait la rencontre d'un proche collaborateur de Pasteur, Emile Roux, qui lui ouvre les portes de l'Institut où il participe aux séances de vaccination contre la rage. C'est le début d'une collaboration qui conduit à des découvertes essentielles comme celles de la toxine diphtérique ou du bacille de Koch.



Cependant le chercheur n'est pas homme à rester derrière une paillasse, son besoin viscéral de bouger le mène en Indochine qu'il explore et cartographie, devenu médecin des Messageries maritimes puis médecin de santé coloniale. Un pays dont il tombe amoureux où il s'installe après avoir abandonné sa carrière d'explorateur pour se consacrer à l'élevage de chevaux et de bovins pour produire des sérums. Ce n'est que quelques années plus tard, quand l'Institut Pasteur l'envoie en Chine, qu'il fait la découverte majeure du bacille de la peste pour lequel il met au point un vaccin.



Grâce à Patrick Deville j'ai découvert un homme exceptionnel, un scientifique brillant qui n'a jamais cherché les honneurs et a fait progresser les connaissances humaines pour le bien du plus grand nombre, un esprit libre et un aventurier dans son acception la plus positive.

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Amazonia

Toute l'Amazonie, et au-delà



Dans un roman foisonnant et érudit, Patrick Deville raconte ses voyages au long du fleuve Amazone. Le long des méandres du fleuve, il nous en détaille les histoires et les légendes, tout en se rapprochant de son fils. Embarquez !



«Mains derrière la nuque, on peut imaginer ces milliers de rivières qui, depuis les deux hémisphères, se rejoignent dans le lit du fleuve quelques degrés sous l’équateur comme des milliers d’histoires.» Patrick Deville, au moment d’entamer ce nouveau voyage le long de l’Amazone, nous en livre la clé. Bien davantage qu’un récit de voyage, bien mieux qu’un manuel d’Histoire, il va nous raconter les milliers d’histoires qui ont fait la légende de ce cours d’eau à nul autre pareil.

Se plaçant d’emblée sous l’égide de Blaise Cendrars, l’écrivain-voyageur nous offre sans doute le livre qui colle le mieux à la collection dans laquelle il publie : «Fiction & Cie».

Dans ses pas, nous allons croiser des paysages extraordinaires, une faune et une flore de plus en plus menacées par l’homme, mais surtout découvrir ou redécouvrir une histoire multiséculaire d’où vont émerger quelques figures de proue extravagantes. Commençons par les Conquistadors, qui ont tout de génocidaires, et rappelons que «toute l’histoire de la conquête est celle de traîtres trahis par de plus traîtres qu’eux». Poursuivons avec Brian Sweeney Fitzgerald, plus connu sous le nom de Fitzcarraldo, et dont Werner Herzog dépeindra l’épopée sous les traits de Klaus Kinski. L’auteur reviendra du reste aussi sur l’épopée de ce film ainsi que sur le tournage de Aguirre, la colère de Dieu avec le même réalisateur et le même interprète principal, habité par la folie de son personnage. Et puis il y a les aventuriers, les hommes politiques et les capitaines d’industrie moins connus, les barons du café tels que Paolo Prado, les exploitants du caoutchouc – et des populations locales – les révolutionnaires, les indépendantistes, les chercheurs d’or, les scientifiques. N’oublions pas non plus les pionniers qui se lancent dans la construction de lignes de chemins de fer à travers la jungle où qui envisagent de lancer des câbles téléphoniques sur des milliers de kilomètres et qui, comme l’écrira Claude Lévi-Strauss, seront «victimes des termites et des indiens».

On revivra les épisodes sanglants de la colonisation, la fièvre du caoutchouc avec la grandeur et la décadence de Manaus.

On y croisera aussi le bandit Lampião, devenu héros populaire et la superbe galerie des personnages nés des plumes fécondes des écrivains. Ce qui nous vaudra aussi quelques digressions… et une bibliographie en fin de volume qui est aussi une invitation à poursuivre le voyage. Avec Cendrars, Jules Verne, Montaigne, Melville, Faulkner et Thoreau, sans oublier les sud-américains comme Alvaro Mutis et Vargas Llosa. On pourrait aussi y ajouter Lévi-Strauss et garder une place pour Henri Michaux.

On l’aura compris, il est impossible de réserver ce roman, tant il est à l’image de cette Amazonie, riche, foisonnant, énigmatique. Mais il suffit de se laisser emporter par la plume enlevée de Patrick Deville, pour aller de surprise en découverte et en apprendre beaucoup. Il faudrait encore dire un mot de Pierre, ce fils qui accompagne son père durant ce voyage et qui est lui aussi objet d’étude pour son père qui doit bien constater qu’au fil du temps, il évolue et se modifie. Tout comme cette Amazonie sans doute plus menacée aujourd’hui qu’elle ne l’était hier.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Viva

Nous sommes en 1937 au Mexique, Trotsky le proscrit vient d’arriver au port de Tampico. Il est accompagné de sa femme Natalia. « C’est un homme d’âge mûr, cinquante-sept ans, les cheveux blancs en bataille ». il est en fuite, condamné à l’exil sur l’ordre de Staline qui veut anéantir toute sa famille et toutes les personnes qui pensent comme lui.



C’est le règne des dictateurs, Staline en URSS, Hitler, le fascisme en Italie, Somoza au Nicaragua qui a fait assassiner Sandino. En Espagne la révolution va bientôt être balayée par Franco.



Trotsky est accueilli par Diego Rivera et Frida Kahlo (communistes tous les deux) et va vivre dans la maison bleue. Commissaire du peuple, il a créé l’armée rouge et dirigé cinq millions d’hommes. Il fait de l’ombre à Staline, qui commence par l’exiler en Sibérie d’où il parvient à s’échapper et depuis c’est un proscrit. Il sait que sa vie est plus que menacé.



En même temps, va arriver au Mexique, Malcolm Lowry, accompagné de sa femme. Il est dans une situation précaire, « Lowry a vingt-sept ans, un physique de boxeur, les doigts trop courts pour atteindre l’octave au piano comme à l’ukulélé. Il vient de subir sa première cure de désintoxication alcoolique. Jamais encore il n’a gagné le moindre rond, et vit de la pension que chaque mois son père lui fait remettre en mains propres par des comptables obséquieux...»P 50. Un homme qui deviendra célèbre en publiant « au dessous du volcan ». a ce moment-là il sort d’une cure de désintoxication éthylique (il en fera plusieurs mais récidivera chaque fois).



Les deux hommes sont écrivains mais Trotsky préfère se consacrer à une mission plus élevée : la IVe Internationale, et aussi à organiser un contre-procès en réaction avec les procès de Moscou.



Les deux hommes ne se rencontreront pas mais on va faire la connaissance de multiples personnages hauts en couleurs qui vont débarquer dans ce Mexique fourmillant d’idées, de réflexion. On va voir passer des gens connus, Antonin Arthaud, André Breton, d’autres moins connus…





Ce que j’en pense :



Ce livre est très particulier. Au début, j’ai été littéralement scotchée par les connaissances de Patrick Deville sur cette époque que je connais hélas bien mal.



L’ouvrage fourmille d’anecdotes, on apprend beaucoup de choses sur les protagonistes, mais voilà il y a tellement de monde qu’on se laisse vite débordé. J’ai dû prendre des notes car souvent sur une page, on voit une dizaine de noms différents et il faut se rappeler qui est qui…



De plus, l’auteur va vite, les dates s’entrecroisent, on ne sait parfois plus en quelle année on est, ça fourmille comme les idées au Mexique à cette époque.



Je découvre Patrick Deville avec ce roman difficile mais très beau, avec une écriture incisive, presque musicale, des phrases courtes, qui martèlent le récit, lui donnant un rythme quasi effréné. L’alcool est présent, la drogue aussi (le Démerol). On entre dans la danse avec tous ces personnages, certains plus sympathiques que d’autres. Un livre à relire pour s’en imprégner et découvrir davantage l’histoire de cette époque et le surréalisme qui me rebute un peu.



Je retiens aussi le caractère passionné, enflammé de l'auteur qui arrive à nous insuffler un peu de cette énergie et nous donne envie de continuer même si c'est difficile. Je n'ai pas eu le temps de lire "Peste et choléra" qui est dans ma PAL, ce que je regrette...



Note : 8/10
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Fenua

Kaléidoscope polynésien



Patrick Deville poursuit son tour du monde en nous livrant avec Fenua un portrait kaléidoscopique de la Polynésie. Comme toujours le panorama est riche, l’érudition époustouflante. Larguez les amarres!



Nous avions quitté Patrick Deville en 2019 avec Amazonia qui retraçait son voyage sur le grand fleuve latino-américain en compagnie de son fils et qui formait le septième volume de son grand projet littéraire baptisé «Abracadabra». Il nous revient aujourd'hui du côté de la Polynésie avec son huitième volume. Le romancier s’est cette fois installé dans une cabane non loin de Papeete, d’où il explore le Fenua (le terme qui désigne "le pays" pour les Polynésiens) et qui rassemble ce chapelet d’îles. Mais comme à son habitude, les choses vues viennent en complément des témoignages recueillis et de ses lectures – de celles de son enfance et son adolescence à celles d’aujourd’hui – et comme à chaque fois, on a l’impression que rien ne lui échappe.

Le chapitre d'ouverture nous décrit le premier cliché de Tahiti pris le 15 août 1860 par Gustave Viaud, médecin de marine, qui avait emprunté le même trajet que Bougainville et dont le journal livre de précieuses informations sur ce petit coin de terre au bout du monde.

Il raconte sa découverte de l'île et son voyage retour avec Ahutoru, un autochtone. Cook fera la même démarche avec un dénommé Omaï. «Ces deux-là furent aussi les hommes du premier contact, Ahutoru présenté au roi Louis XV et Omaï au roi George II. Ils surent se plier aux usages de cour, furent admirés l’un et l’autre pour leur parfaite maitrise des cérémonials, leur goût du protocole, devant ces nobles emperruqués et poudrés, accoutrés de fraises et jabots, retrouvant avec aisance l'habitude des rituels et la hiérarchie complexe de leur propre société, la révérence aux grands prêtres, leurs cérémonies sur le marae de remise des plumes rouges aux chefs, les ari'i, la confection des parures et de la ceinture royale du maro'ura symbole du pouvoir.»

Deux hommes qui symbolisent aussi la rivalité entre la France et l'Angleterre dans la course aux découvertes et à l'agrandissement de leurs empires respectifs. Ainsi Bougainville n'arrivera-t-il à Tahiti qu'en second, mais finira par emporter le morceau avec l'ambition de faire de Tahiti «un laboratoire philosophique». Car ce petit monde qui vit en autarcie intéresse botanistes, astronomes, dessinateurs, peintres, cartographes et géologues.

Patrick Deville ne va oublier aucune de ces disciplines, nous offrant le bel herbier des plantes du Pacifique sud, les observations des scientifiques avant de se concentrer sur les arts. La littérature, depuis le journal de bord du capitaine «qu'il peaufine ensuite pour faire œuvre littéraire. Ces récits seront lus par les penseurs de l'état de nature.» en passant par Jack London, Hermann Melville, Somerset Maugham et Robert Louis Stevenson jusqu’aux Français Pierre Loti, Victor Segalen ou encore Alain Gerbault. Mais c’est bien davantage autour des beaux-arts et plus particulièrement de Gauguin que le romancier a choisi de consacrer une grande partie de son livre. On le suit jour par jour et on partage avec lui ses tourments, mais aussi ses moments de bonheur avec sa nouvelle compagne: «Chaque jour au petit lever du soleil la lumière était radieuse dans mon logis. L'or du visage de Tehamana inondait tout l’alentour et tous deux dans un ruisseau voisin nous allions naturellement, simplement, comme au Paradis, nous rafraîchir.» L’artiste est inspiré et peint ses magnifiques toiles. «Il cherche à coups de brosse les grands aplats et l’affrontement des couleurs, un paréo bleu et un drap jaune de chrome devant un fond violet pourpre semé de fleurs étincelantes. Et lorsqu'il pose les pinceaux, il écrit Cahier pour Aline, sa fille». En fait, il fait sienne la phrase de Segalen: «Je puis dire n’avoir rien vu du pays et de ses Maoris avant d’avoir parcouru et presque vécu les croquis de Gauguin.»

Après nous avoir régalé avec les écrivains et les peintres, voici les cinéastes qui débarquent. Du rêve un peu fou et sacrilège de Murnau qui réalise là son dernier film, Tabou, au mégalomane Marlon Brando qui emploie deux mille Polynésiens et va jusqu’à acheter l’atoll de Tetiaroa.

Une exploration qui va se terminer par un panorama économico-politique. Car Patrick Deville ne peut oublier les manœuvres des colons et des néo-colons qui en 1963 créent le CEP, le Centre d'Expérimentation du Pacifique, et vont polluer durablement le site avec les essais nucléaires. L’occasion de replacer, quelques semaines après la visite d’Emmanuel Macron, cette poussière d’étoiles au cœur de l’actualité.




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Peste & Choléra

Une rentrée littéraire où sont parus plus de 600 nouveaux titres, pourtant cette année, très peu ont attiré mon attention. Parmi ceux-là, ce nouvel opus de Patrick Deville, auteur que je ne connaissais pas, rend hommage à un scientifique que la postérité a quelque peu oublié bien que sa contribution à la médecine fut, elle, inoubliable.

C’est donc en me plongeant dans Peste & Choléra que j’ai fait la connaissance de cet homme incroyable, ce touche-à-tout autodidacte à la personnalité bien trempée qu’était Alexandre Yersin.



Je dois bien avouer que j’ai été au départ très mitigée sur cette lecture. Le style m’a surprise et de façon assez désagréable : un style haché, des phrases sans verbes. Je m’attendais aussi à une biographie romancée classique avec du romanesque, des dialogues, des sentiments, de la vie quoi ! Mais au lieu de ça, j’avais un récit très factuel, dénué d’émotions. Patrick Deville ne laisse pas la place à l’imagination. Il s’en est tenu à ce qu’il savait de Yersin et n’a pas cherché à broder, à inventer des choses là où il n’y en a pas.



Passé quelques pages, ce style a fini par m’apprivoiser. Toute résistance s’est évanouie et je me suis laissée porter par les mots. J’ai trouvé certains passages d’une incroyable beauté. La description des paysages d’Asie m’ont fait rêver et Patrick Deville a réussi à me faire voyager en peu de mots là où d’autres auraient eu besoin de plusieurs pages.

J’ai eu la surprise aussi de rencontrer quelques lignes pleines d’humour encourageant l’imagination du lecteur à se créer des scènes d’un burlesque qui, pour ma part, m’ont fait éclater de rire.



Finalement, j’ai compris que l’écriture de Patrick Deville reflétait parfaitement bien le personnage d’Alexandre Yersin. Pourquoi faire du romanesque et du sentimental alors que Yersin était un scientifique entièrement dévoué à son travail ignorant les choses du cœur et celles de l’Art ? Yersin ne fait pas dans le sentimentalisme, il ne se sent bien que dans son havre de paix sur la côte indochinoise, loin du monde, loin des gens et loin de « toute cette saleté de la politique ».



J’ai appris énormément de choses grâce à cette lecture et pas uniquement sur son sujet principal. Car Patrick Deville fait revivre aussi toute une époque allant du Second Empire à la Seconde Guerre Mondiale. On en suit et remarque ainsi les bouleversements et l’évolution à travers la construction du récit qui fait alterner plusieurs périodes de la vie de Yersin. D’habitude, ce procédé a tendance à me perturber mais ce ne fut pas le cas cette fois car les chapitres sont courts et donnent du rythme. Le lecteur n’a pas le temps d’oublier ce qu’il a lu ni de se perdre.



J’ai donc fini par dévorer ce roman et je l’ai terminé fascinée par ce personnage qu’était Alexandre Yersin. Je suis choquée que le prix Nobel et l’Histoire l’aient ainsi oublié et c’est un bel hommage que lui rend Patrick Deville.

Basé sur la correspondance et les visites de l’auteur à travers le monde sur les traces de son personnage, Peste & Choléra n’est peut-être pas une biographie historique au sens « scientifique » du terme mais un récit qui sonne juste sans anachronismes ni autres écueils que l’on rencontre souvent dans les biographies romancées.

Cela m’encourage à me tourner vers les précédents romans de Patrick Deville ( il y a Equatoria qui me tente beaucoup sur Pierre Savorgnan de Brazza).



Un coup de cœur donc que je recommande chaudement !


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Peste & Choléra

Patrick Deville m’a permis de rencontrer Alexandre Yersin, un personnage singulier, à l’âme vagabonde et curieuse.

Un merveilleux périple, dépaysant à souhait, en compagnie du fantôme du futur, et une plongée aventureuse dans le passé

Une biographie romancée, passionnante, épicée d’humour, teintée d’ironie incisive mais aussi de belles fulgurances poétiques .

Un livre choisi pour enrichir les données sur le Yersinia pestis que je collecte en vue d’une prochain exposition dédiée à La Peste de Camus.

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Kampuchéa

Ce livre ne pouvait que m'attirer, m'inviter au voyage et me replonger dans les émotions encore vives de mes deux voyages au Cambodge.

Je me revois arpentant les allées d'Angkor Wat, ébahie par tant de grandeur et de beauté, admirant le Tonlé Sap au coucher du soleil, dégustant une Cambodia assise sur une chaise en plastique face au magasin de réparation de motos à l'entrée du Marché russe. Je me revois, chantant face à ces femmes et ces hommes habillés de l'uniforme bleu des prisonniers lors de nos tournées musicales dans les prisons khmères. Je me rappelle du regard de ces enfants pas plus haut que trois pommes, alignés en rangées parfaitement parallèles, souriants, joyeusement troublés par notre groupe improbable installant le matériel technique et la sono pour partager avec eux des chants et des danses. Je me souviens de Naly, notre interprète cambodgienne, nous présentant fièrement sa trouvaille du matin en provenance directe du marché : des fruits dont nous n'avions pas soupçonné l'existence.

Je me souviens de tant de choses encore.... Des choses terribles aussi...

En un instant, j'étais à nouveau à Tuol Sleng, nauséeuse, dans cette prison S-21 qui m'avait fait prendre conscience de l'ampleur et de la folie de ce génocide . J'étais dans ces rues animées de Phnom Penh, pourtant vides de ces personnes âgées ayant été sacrifiées des décennies plus tôt sur l'autel cette idéologie révolutionnaire de l'Angkar. Je rencontrais à nouveau Pol Pol, Douch et ses acolytes que j'avais appris à connaître par souci intellectuel et de mémoire. Et cette partie de l'histoire-là me terrifie encore !



Du côté du dépaysement et de la plongées en eaux lumineuses ou troubles, Kampuchéa a parfaitement accompli sa mission.



Par contre - alors que j'ai un excellent sens de l'orientation - je me suis souvent sentie perdue dans les méandres des époques, des lieux, des personnages historiques que j'ai rencontrés tout au long du roman.

J'ai mélangé les décennies, les régions, les guerres, les tentatives d'apaisement, les rencontres au sommet, les colonisateurs, les aventuriers jusqu'au boutistes. Et cela ne m'a pas plu.

Certains chapitres m'ont captivée, d'autres m'ont éloignée.

Plus qu'un roman, j'avais l'impression d'une succession d'éditos ou d'articles journalistiques extraits de quotidiens asiatiques et français d'époques si diverses. Quand Pol Pot côtoie Pavie, quand Henri Mouhot rencontre le roi Sihanouk, je n'y comprends plus rien. Dommage !

Au final, je referme ce livre avec un sentiment d'admiration pour Patrick Deville qui a fait un travail de documentation et de synthèse énorme !

Je suis heureuse d'avoir passé à nouveau quelques jours dans ce Royaume de bout du monde auquel je me suis, ma foi, beaucoup attachée.

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Peste & Choléra

Ça y est, je suis venue à bout de "Peste et Choléra" : rarement 220 pages m'auront paru aussi longues ! Déroutée par le style dès le début, j'ai poursuivi par curiosité, car la vie d'Alexandre Yersin (1863-1943), scientifique de génie et explorateur visionnaire, surtout célèbre pour avoir découvert et vaincu le bacille de la peste, mérite d'être connue.



De la Suisse au fin fond de l'Asie, dans la retraite de Nha Trang élue par Yersin, en passant par Paris et l'Institut Pasteur, cette aventure humaine et scientifique est passionnante sur le fond. Yersin étant visiblement pointilleux et peu charismatique, l'auteur a choisi une narration farfelue pour contrebalancer le sérieux de son sujet. Et je le reconnais, il y a de jolies formules, de l'humour, mais trop de désinvolture pour me plaire.



Comme j'ai été agacée par les phrases de 4 mots, sans verbe, où le point remplace les pauses dans un langage parlé qui ne recule devant aucun anachronisme ou grossièreté.

Agacée par l'emploi généralisé du "on" (qui serait aussi un tic de Yersin en vietnamien) et le langage par énigme pour qualifier les savants : l'orphelin de Morges, de Confolens, d'Aurillac...

Agacée par ces allers-retours entre trois époques (la jeunesse de Yersin / ses dernières années pendant la deuxième guerre mondiale / notre époque) mais toujours au présent, et par les redites, notamment à propos de Pasteur « l'homme à la redingote noire » et de Joseph Meister, le premier patient qu'il sauva de la rage.

Agacée par les sentencieuses prédictions du « fantôme du futur, l'homme au carnet en peau de taupe » qui, on l'aura compris, n'est autre que Patrick Deville voyageant sur les traces de Yersin pour s'imprégner des lieux où il séjourna. Par exemple : « On ne pouvait encore imaginer, en cette année quatre-vingt-dix, l'explosion, vingt-quatre ans plus tard, d'un conflit qu'on appellerait la Grande Guerre, puis bientôt la Guerre mondiale, et depuis quelques jours la Première Guerre mondiale. On ne pouvait imaginer non plus l'essor de l'aviation. »



Enfin, quelle curieuse distinction que le prix Femina pour une biographie (bien peu) romancée ne comportant aucun personnage féminin à l'exception de quelques "guenons", d'une "jument", et de la discrète évocation de Fanny et Émilie, la mère et la sœur de Yersin, avec qui il entretint une correspondance.



Voici un couac dans le concert de louanges, mais que voulez-vous, par moments je suis une peste !
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Samsara

Le narrateur, part en Inde sur les traces de Gandhi, le messager de la non-violence et de Khankhoje le combattant révolutionnaire. Tous les deux de manière fort différente ont lutté pour l’indépendance de leur pays. Dix-sept ans les séparaient, l’un écrira la nécrologie de l’autre dans la presse mexicaine. Gandhi prônait la non-violence, il mourra sous les balles, quand le combattant Khankhoje mourra dans son lit.

À travers la vie de ce combattant indépendantiste que fut Khankhoje, Patrick Deville nous plonge dans l’histoire turbulente de l’Inde. Contraint à une vie d’exil, Pandurang Khankhoje connaîtra un parcours hors du commun, du Japon à la Californie, de l’Iran à l’Allemagne, puis au Mexique l’écrivain suit la piste de ce révolutionnaire banni de son pays.



À la fois récit de Voyage et récit biographique, je n’ai malheureusement pas réussi à entrer dans ce roman, peut-être est-il trop riche, trop de rencontres, trop de personnages, trop de villes. Je me suis un peu perdu au fil des pages. Ce n’était peut-être pas le bon moment pour lire ce livre. Comme toujours ce n’est que mon humble avis et cela n’enlève rien à la qualité de ce roman.



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Viva

Viva Mexico ! Un livre pour les amateurs des dessous de l’Histoire, qui pourront se repaître de la vie de personnalités politiques ou artistiques.



Pour les autres, sachez qu’il ne s’agit pas tout à fait d’un roman, mais d’une série d’anecdotes, qui ne sont intéressantes que si on connaît les personnages historiques. Par exemple, savoir que Trotsky a été l’amant de Frida Kahlo, c’est un peu comme pour les revues pipole, ça peut compléter le portrait d’un homme ou d’un artiste qu’on aime, mais si ce sont des inconnus, ça ne suscitera pas beaucoup de frémissements. De même pour l’autre vedette du livre, Malcom Lowry, comme personnellement je n’ai pas lu son oeuvre « Under the Volcano », le mal de vivre du romancier ne m’émeut pas beaucoup.



Quand même, c’est bien écrit et ça semble très bien documenté. Le bouquin montre par moments des étapes de la recherche de l’auteur, son parcours sur les lieux et ses rencontres avec des témoins de l’époque. De belles pensées et des citations des protagonistes agrémentent le tout.



C’est fascinant aussi de constater comment les fils de l’Histoire sont tissés, toutes ces rencontres de gens qui deviendront plus ou moins célèbres, ces coïncidences de temps et de lieux ou ces petits événements qui auraient pu changer le cours de l’histoire. On peut par exemple se demander ce qui serait arrivé si Trotsky avait pris le pouvoir Russie plutôt que Staline…



Un livre intéressant, mais que je ne recommanderais pas à tout le monde.

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L'étrange fraternité des lecteurs solitaires

"J'imaginais rassembler dans un recueil les textes d'amis autour du Lecteur idéal, ce lecteur qui est le premier personnage que nous inventons, ce lecteur dans lequel nous tentons de nous glisser lorsque nous relisons, ce lecteur attentif et intransigeant. (p. 12)



Toute première lecture de cet écrivain... même si "Peste et Choléra" est depuis longtemps dans mes listes ! Inutile de vous préciser que les thèmes et le titre ont été les raisons spontanées de mon achat !!....



Un petit volume de textes rassemblés et remaniés, paraissent ici dans leur version définitive; ces derniers ayant été édités antérieurement dans différents ouvrages, dont le premier , "Lecteurs" , "Pour Pierre Michon", a paru dans le Cahier de l'Herne Michon, en 2017....etc.



Textes courts adressés à des amis- écrivains, il y est aussi beaucoup question de l'Amérique Latine, à laquelle Patrick Deville est très attaché, par le creuset littéraire existant dans lequel il a vécu et évolué...

L'auteur en profite pour digresser abondamment sur les difficultés, subtilités, talents du métier de "traducteur"....En parcourant le chemin de Patrick Deville, on voit à quel point il s'est impliqué au niveau de la traduction des textes. En 2001 , il déploie toute son énergie à la direction de la MEET (Maison des Écrivains Étrangers et des Traducteurs), située à Saint-Nazaire, au sein de laquelle, passionné par l'Amérique du Sud, il a créé un Prix littéraire latino-américain....



"Aux Amis - --Pour Philippe Ollé-Laprune

(...)

Lisant toutes ces oeuvres, on songe à la phrase de Walter Benjamin selon laquelle "il existe un rendez-vous tacite entre les générations passées et la nôtre; nous avons été attendus sur la terre", parce qu'on n'écrit jamais seulement pour les contemporains, mais aussi toujours plus tard, pour des lecteurs qui ne sont pas nés encore. Les livres attendent dans nos bibliothèques d'être lus et relus et commentés après la mort de leur auteur : cette étrange fraternité des grands solitaires se joue des siècles et de la géographie, de l'espace et du temps. "(p. 54)



Grâce à cet opus, j'ai fait la connaissance avec le poète colombien, Zalamea, et de son poème culte " le Grand Burundun -Burunda est mort" ....Toutefois, Ce qui a retenu mon attention ce sont les observations, les passages décrivant le statut incroyable de "Lecteur"... "espèce universelle", qui se joue des siècles, et de toutes les frontières possibles !!



"Devenir lecteur est l'oeuvre d'une vie. Non pas seulement lire des livres mais lire la bibliothèque, les grands morts et les contemporains, emprunter les chemins de traverse, découvrir les connexions secrètes, les souterrains cachés qui relient les textes. Ecrire ne suffit pas. "(p. 40)



**Un petit livre incontournable pour "notre " communauté babéliote...de lecteurs passionnés et boulimiques !!...et tous les autres "dévoreurs de livres"...à travers le monde...
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Taba-Taba

Point de départ d'un album de famille: la vieille porte d'un ancien lazaret face à Saint-Nazaire, décor des jeux d'un jeune pêcheur dans l'estuaire de la Loire.



Le petit Patrick grandit, dans cet établissement devenu psychiatrique, qui sera fermé dans les années 50 et dont la porte maintenant menace ruines.

Devenu adulte, grâce aux archives familiales, il entame un road trip dans les pas de ses disparus, depuis une petite fille née au Caire en 1860. Par ce carnet de voyage très personnel, plusieurs générations traversent un siècle de vie française, bousculé par deux guerres mondiales.



Ce faisant, l'auteur, comme à son habitude, n'arrête pas de digresser (voyages, rencontres, achat de voiture, actualités...), évoquant les "à côté" de cette aventure littéraire, qui s'avère être plutôt une enquête généalogique, sociale et historique. La précision est pointue, les détails nombreux, la documentation fouillée et l'érudition avérée. Il faut accepter de se faire balader dans la grande et la petite Histoire, dans une chronologie distordue.



Si certains peuvent craindre une surcharge narrative (à raison, on étouffe parfois sous tant de détails), la plume vive et alerte, produit un récit foutraque, parfois amusant et décalé, aux personnages réels mais à stature romanesque. Il y a un petit grain de folie dans le regard de ce romancier là...



Du Patrick Deville pur jus!



Rentrée littéraire 2017

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