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Critiques de Pierre Kropotkine (50)
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La Morale anarchiste

« Mensonge devient vertu ; la platitude, un devoir. S’enrichir, jouir du moment, épuiser son intelligence, son ardeur, son énergie, n’importe comment, devient le mot d’ordre des classes aisées, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l’idéal est de paraître bourgeois. »



L’ordre sans le pouvoir. Dur d’esquisser une morale pour un courant aussi divers, les libertaires décroissants ou antispécistes d’aujourd’hui, les anarcho-communistes d’hier, les libertariens à la droite de la droite américaine ou encore l’anarchisme chrétien prôné par Jacques Ellul et d’autres…



Les animaux ont-ils le sens du bien et du mal ? Pourquoi l’entraide entre individus de toutes espèces n’est-elle pas aussi reconnue que la compétition dans la théorie darwinienne de la conservation de l’espèce ?



La thèse du scientifique Piotr Kropotkine, c’est que le darwinisme a tout faux. Pour lui « en toute société animale, la solidarité est une loi (un fait général) de la nature, infiniment plus importante que cette lutte pour l’existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir. »



Fort de ces observations naturalistes, et de façon plus ou moins scientifique, Kropotkine tente de dessiner des principes éthiques pour les hommes de la fin du XIXe, notamment les anarchistes, les appelant à plus de rigueur dans leurs convictions. Pour l’auteur russe, c’est Guyau, un révolutionnaire français qui incarne le mieux ses principes. Contre le juriste, le politicien et le prêtre, l’auteur défend sa vision de l’entraide comme facteur de l’évolution.

Une approche critique intéressante pour challenger les valeurs véhiculées par notre économie politique mais qui tombe dans le même écueil, à savoir tenter de justifier des comportements relatifs et parfois irrationnels par une forme « d’ordre naturel des choses ».



Il y a une réflexion sans complaisance sur la morale instinctive des hommes dont le fondement est, pour l’auteur, l’égoïsme, sans aucune connotation péjorative, ainsi pour Kropotkine, « l’égoïsme ou la recherche du plaisir est le vrai motif de toutes nos actions », jusque dans les actes en apparence les plus altruistes « Si l’homme qui donne sa dernière chemise n’y trouvait pas du plaisir, il ne le ferait pas. S’il trouvait plaisir à enlever le pain à l’enfant, il le ferait ; mais cela le répugne, il trouve plaisir à donner son pain ; et il le donne » l’auteur conclu que « quoi qu’il fasse, l’homme recherche toujours un plaisir, ou bien il évite une peine. » Cela semble entrer en résonance avec un autre grand courant libertaire, du moins libéral, les utilitaristes.



« Ne se courber devant aucune autorité, si respectée qu’elle soit ; n’accepter aucun principe, tant qu’il n’est pas établi par la raison. » C’est dans le contre modèle que l’on reste un peu sceptique, bien qu’il faille reconnaitre que l’ouvrage ne prétende pas à l’exhaustivité. La sacrosainte raison est à mon goût, trop souvent invoquée à tort ou à travers.

« Ce droit d’user de la force, l'humanité ne le refuse jamais à ceux qui l’ont conquis ». On peut regretter à certains moments un ton péremptoire et un discours complaisant sinon incitatif à l’égard d’une frange violente du mouvement anarchiste pour laquelle la fin justifie les moyens. C’est sans doute l’éternel débat qui anime la gauche radicale, entre le « flower power » et la « loi du Talion », du Comité de Salut Public à Woodstock. Mais cela ne compte pas pour l’auteur car « pouvoir agir, c’est devoir agir », reste à savoir comment…



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L'entraide : Un facteur de l'évolution

Kropotkine a écrit cet essai environ 40 ans après « l'origine des espèces » de Darwin. Depuis lors, beaucoup de théories économiques, sociales et politiques se sont emparés de sa théorie de la sélection naturelle, ou du moins de son vocabulaire, pour mettre en avant la loi du plus fort.



Kropotkine prend ici le contre-pied de ce courant : les espèces et les individus ne sont pas en guerre perpétuelle les uns contre les autres, mais au contraire, seule la capacité d'entraide et de solidarité permet à une espèce de résister aux attaques extérieures.



La première partie est centrée sur les animaux : l'auteur donne de nombreux exemples d'animaux qui se vivent ensembles pour protéger les mères pendant la période des naissances, pour chasser en groupe, pour se défendre contre des adversaires plus forts en un contre un mais totalement impuissants face à un groupe soudé.



Dans les sociétés humaines, l'entraide a toujours été de mise également : que le groupe soit la tribu, la famille, le village ou la guilde, il a toujours cherché à limiter les conflits, protéger ses membres de la misère et de la faim. Dans cette seconde partie, Kropotkine nous fournit toujours autant d'exemples : chartes de guilde, lois, serments, … L'ensemble donne une image bien plus civilisée de l'antiquité et du moyen-âge que celle qu'on s'en fait encore aujourd'hui.



Au final, l'être humain est altruiste, non pas pour respecter des règles divines, ou la loi, ou parce qu'il a une vertu supérieure à la moyenne, mais parce qu'il ne peut finalement pas faire autrement : l'entraide est "inscrite dans ses gènes" depuis des millions d'années.



Seuls les exemples de solidarité ont été étudiés dans cet essai, les comportements égoïstes ont été laissés de côté, ce qui peut donner une impression d'optimisme naïf au texte. Kropotkine en est parfaitement conscient, et explique qu'ils ont été très (ou trop) traités, et qu'il est nécessaire de rétablir la balance.



Si vous êtes sujet aux crises de misanthropie, conservez cet ouvrage sous le coude, il vous fera le plus grand bien.
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La Morale anarchiste

Rien de nouveau sous le soleil. Quelques pensées intéressantes sur le bien et le mal. Peut-être était-il innovant en 1889 quand il a été écrit ? Il y est beaucoup question de solidarité. Mais aujourd’hui pourquoi tant de personnes dorment sur les trottoirs parisiens tandis que d’autres poussent, à côté, la porte d’un restaurant chic ? La vie de l’auteur est un roman à lui tout seul. Issu de haute noblesse, ce russe était aussi géographe, scientifique, explorateur, écrivain, et j’en passe, en plus d’être anarchiste communiste.
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Agissez par vous-mêmes

Recueil d’un vingtaine d’articles écrits pour le journal anarchiste britannique Freedom entre 1886 et 1902, inédits en français, dans lesquels Pierre Kropotkine présente les bases de l’organisation anarchiste de la société appliquées à un pays entier en situation révolutionnaire, en l’occurrence l’Angleterre de la fin du XIXe siècle.

(...)

Fort élégamment et intelligemment enrichi d’illustrations de William Morris et doté d’un appareil critique permettant de parfaitement appréhender la pensée de l’auteur comme le contexte historique, cet ouvrage est le fruit d’un remarquable travail éditorial qui ne rend sa lecture que plus pertinente. Inspirant, nécessaire et évident.


Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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La conquête du pain : L'économie au service de ..

En 1892, Pierre Kropotkine jette les bases d’une société libre et solidaire, à bâtir sur les ruines des banques et des États, sans capitalisme ni exploitation d’aucune sorte. C’est Élisée Reclus qui explique dans sa préface que c’est « une moquerie amère de donner le nom de société », tant que nous n’aurons pas fait la conquête du pain, la conquête pour tous de tout ce qui est nécessaire.

(...)



Sans prétendre élaborer une feuille de route à suivre à la lettre, Kropotkine propose quelques décisions de bon sens et surtout défend les grands principes d’une société anarchiste avec pragmatisme, conviction et lucidité. Tout ceci semble d’ailleurs tellement évident qu’on mesure la ténacité des gouvernants à marteler que c’est impossible, à détruire ou dénaturer toute tentative.



Article complet en suivant le lien.




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Communisme et anarchie - L'esprit de révolte

L’esprit de révolte, publié en 1881, n’est pas l’un des textes phares de Kropotkine. C’est bien pour cela qu’on l’aime. De plus, il se distingue de La Conquête du pain, de L’Entraide, un facteur de l’évolution, de La morale anarchiste, en cela qu’il est plus frais, plus spontané, qu’il s’érige moins en esprit de système. Si La morale anarchiste souffre de cette dérive dogmatique, ce n’est pas le cas du présent ouvrage,



L’esprit de révolte, c’est d’abord l’un des plus beaux textes de Kropotkine. D’ailleurs, une des supériorités de l’anarchisme de gauche sur la plupart des mouvements de gauche, c’est son lyrisme.



« Dans la vie des sociétés, il est des époques où la Révolution devient une impérieuse nécessité, où elle s’impose d’une manière absolue. Des idées nouvelles germent de partout, elles cherchent à se faire jour, à trouver une application dans la vie, mais elles se heurtent continuellement à la force d’inertie de ceux qui ont intérêt à maintenir l’ancien régime, elles étouffent dans l’atmosphère suffocante des anciens préjugés et des traditions. […] Les institutions politiques, économiques et sociales tombent en ruine ; édifice devenu inhabitable, il gêne, il empêche le développement des germes qui se produisent dans ses murs lézardés et naissent autour de lui. […] Un besoin de vie nouvelle se fait sentir. […] On s’aperçoit que telle chose, considérée auparavant comme équitable, n’est qu’une criante injustice : la moralité d’hier est reconnue aujourd’hui comme étant d’une immoralité révoltante. »



Et cela continue d’une façon toujours plus dynamisante, électrisante. C’est l’une des plus belles pages de l’anarchisme. C’est aussi la preuve qu’il existe bien une continuité entre Kropotkine et Bakounine, c’est la preuve que, lorsque Kropotkine écoute son cœur, sa conscience, qu’il donne libre cours à ses émotions, le souffle sort de son flacon, se répand et irradie l’auditoire. La photo des deux manifestants de Berlin-Est qui s’opposent aux chars russes, c’est l’esprit de révolte. Parfois, pour renverser le pouvoir oppresseur, il faut réfléchir, mais l’acte inconscient, inconsidéré, est aussi souhaitable, non seulement parce qu’il est exemplaire, mais aussi parce qu’il permet à l’esprit, enfin libéré de sa gangue, de ses peurs, de sa léthargie conservatrice, de se mettre en branle. Enfin, reconnaître les erreurs de Kropotkine, c’est admettre que l’anarchisme ne peut frayer avec le communisme, fondamentalement mouvement oppressif, sans trépasser. L’esprit de révolte, illustré par les évènements de Berlin-Est de 1953, c’est une volonté d’arracher Kropotkine à l’héritage soviétique, afin de le replacer dans le contexte auquel il appartient, celui du refus sans concessions de toutes les tyrannies.



http://www.editionsdelondres.com
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La Morale anarchiste

Ce livre est l'une des principales œuvres de Kropotkine, l'un des penseurs les plus brillants de son temps. D'une plume superbe, ce livre ne cherche pas à nous expliquer le mode d'emploi de l'anarchie, ce qui serait contraire à son principe. Ici, Kropotkine tente de nous démontrer que la solidarité est naturelle, tant chez l'espèce humaine que chez les autres espèces animales, même inférieures car c'est de cette solidarité que dépend la survie d'une espèce, quelque qu'elle soit !

Kropotkine y développe l'idée que la notion du bien et du mal ne se résume qu'à la notion de plaisir, que c'est perdre son temps de tenter de séparer l'altruisme de l'égoïsme car chaque acte solidaire fait vers l'autre est commis pour son plaisir autant que pour le bien de celui qui en a besoin. C'est naturellement que nous établissons la différence entre le bien et le mal, en observant que le bien est fait pour l'intérêt de l'espèce et que le mal va à l'encontre de celui-ci. Point besoin de juge, de prêtre ou de gouvernant pour savoir ce qui est bon ou mauvais. Les lois, les dirigeants et les religions faussent la notion d'équité, de morale naturelle et la perception du bien et du mal. L'homme, dans ses gènes les plus anciens inconsciemment ou sciemment est en mesure seul d'être sociable et de pouvoir créer une société autogérée sans le recours de la loi et des religions. C'est le principe même de l'anarchie : "Traite les autres comme tu aimerais à être traité par eux dans des circonstances analogues." Il ajoute : "Le bonheur de chacun est intimement lié au bonheur de tous ceux qui l'entourent."

Evidemment, c'est un idéal de société, une belle utopie. Sa réalisation ne dépend que de l'unisson de notre espèce. Tant que des individualismes existeront, il nous sera impossible de vivre de cette façon. Mais, à lire ce livre, nous pouvons toujours rêver d'atteindre un jour l'inaccessible étoile, il suffirait que chacun d'entre nous y mette du sien.

Encore une fois, on peut aimer ou rejeter les idées libertaires de ce genre de plaidoyer pour la liberté et la solidarité, il faut reconnaitre que les écrits de Kropotkine sont de profondes réflexions qui vise à l'équité, au bonheur de tous et que ses textes sont merveilleusement écrits.

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L'entraide : Un facteur de l'évolution

Kropotkine remet en cause, par ses nombreuses observations, la conception des darwinistes de la lutte acharnée pour les moyens d’existence, entre les animaux de la même espèce, comme principale caractéristique de la lutte pour la vie et principal facteur d’évolution. Bien au contraire, il a pu constater que l’entraide et l’appui mutuel sont pratiqués dans des proportions telles que la loi de l’aide réciproque pourrait être beaucoup plus déterminante dans la lutte pour la vie, comme l’avait d’ailleurs exprimé Darwin lui-même.

(..)

Texte fondateur incontournable !



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La Morale anarchiste

En ces temps de recomposition politique qui trouble pas mal les repères, je viens de faire avec ce vigoureux petit texte une découverte gouleyante : je suis anarchiste!

En effet, et si je suis bien le propos de l'auteur, je coche toutes les cases : je ne veux pas faire aux autres ce que je ne veux pas qu'on me fasse à moi-même; je tiens la religion, la loi et l'autorité pour des entités qu'il convient de considérer avec une distance critique en examinant leurs motivations quand elles prêtent à caution; je tiens l'homme pour un animal comme un autre, mu par les mêmes instincts de plaisir; je crois dans le potentiel de solidarité qui existe à l'état naturel entre eux.

Donc, je suis anarchiste! Oui? Non? J'ai raté quelque chose? :-)
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L'entraide : Un facteur de l'évolution

Dans cette traduction par Louise Guiyesse-Breal, le texte de Pierre Kropotkine est d'une extraordinaire actualité. Il évoque l'intelligence des animaux, leur sociabilité, sans se poser de questions compliquées sur leurs définitions, et ses constats sur la diminution des populations sauvages pourraient avoir été écrits aujourd'hui. L'observation est utilisée pour glisser par analogie vers les sociétés humaines anciennes puis au moyen âge, jusqu'à la société "moderne" de la fin du XIXe siècle.



La démonstration sur la sociabilité comme critère de sélection naturelle semble déjà exceptionnelle pour l'époque, alors que le capitalisme, comme d'habitude, s'était déjà emparé des thèses de Darwin pour les détourner à son avantage : les dominants survivent au dépend des dominés, chacun pour soi !

Bien sûr certains concepts de races, de sauvages datent de cette époque, mais le propos prend tout son sens quand on voit ou nous emmène le capitalisme... avec de tels idées de compétition.

Le plus étonnant reste la description historique des communautés constituées au moyen âge (communes, guildes, cités) dont la prospérité a permis des constructions telles que les cathédrales et l'analyse de cette prospérité par le système de gouvernance mis en place par ces communautés. Rien d'étonnant à ce que ce sujet soit passé sous silence dans l'histoire officielle, dans la mesure où nul chef suprême, nulle organisation étatique centralisee et verticale ne vient troubler cette prospérité, l'histoire étant celle des puissants.

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La conquête du pain : L'économie au service de ..

Cette fois, c'est dans une version numérique que je lis ce livre, grâce à Wikisource. Il y avait longtemps que je voulais connaître cet auteur. Là encore, j'abandonne. Certaines idées restent encore très pertinentes à notre époque, comme notamment celles sur la perpétuation des inégalités engendrées par le système capitaliste. Pour autant, les explications amenant à l'idée de la révolution pour donner aux « travailleurs » les moyens de productions, me semblent terriblement datées, ancrées dans un XIXe siècle où, seules, les idées de progrès technique, associées à l'essort de l'industrialisation et l'intensification de la production agricole et de l’élevage sont prises en compte. On retrouve là les idées politiques qui ont mené à la formation des états communistes, URSS en tête. On voit ce que tout cela a donné. Même l'idée de révolution prolétarienne est aujourd'hui obsolète. De plus, Kropotkine ne pouvait imaginer ce que cette doctrine politique pouvait avoir de dommageable pour la nature. La nature qu'il considère uniquement comme un bien commun qu'il fallait faire fructifier. Pouvait-il imaginer que les ressources de la terre seraient un jour en voie d'épuisement face à la surpopulation et que cette exploitation outrancière se retournerait contre nous ? Donc, l'idée de base me semble bonne : lutter contre les inégalités, mais notre XXIe siècle débutant nous montre qu'il faut tenir compte de la variable environnementale. Ce qui rend ce livre terriblement daté. A lire en le replaçant absolument dans son contexte historique.
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La Morale anarchiste

Un essai assez court, mais convainquant.



Kropotkine nous décrit sa version de la morale, de la différence entre le bien et le mal : l'explication est très terre-à-terre, et prend en compte deux considérations : d'une part, l'empathie, qui devrait nous éviter de commettre des actes qui nous déplairaient ("fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fassent si tu te trouvais dans la même situation"). Et d'autre part, notre statut d'"animal social" : l'homme était peu adapté pour vivre en solitaire, la solidarité est indispensable pour la survie de l'espèce. Ce trait de caractère s'est ancré en nous au fil des siècles. Tous les autres sytèmes qui prétendent détenir la vraie morale (la religion, la Loi, l'Etat) ne font finalement que tordre et déformer les notions de bien et de mal qui sont pourtant déjà présentes en nous.



Au final, les questions à se poser sont assez simples : "Est-ce utile à la société ? Alors c'est bon. - Est-ce nuisible ? Alors c'est mauvais."
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L'entraide : Un facteur de l'évolution

Petit manuel de survie ( 1902) indispensable pour traverser le 21e siècle !

Nous avons évoluer parce que nous avons su ( il y a longtemps de cela.....) nous entraider et non nous entre-tuer !

Guildes, coopérations, associations, communs, syndicats, tout au long de notre histoire nous avons su mutualiser, gérer, répartir en ayant l'entraide comme valeur et non la charité comme dogme.



Astrid Shriqui Garain

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La conquête du pain : L'économie au service de ..

Le prince anarchiste nous invite à construire le monde autrement .Voulons nous une société sans état ,il explique meme si le propos peut paraitre désuet aujourd'hui que c'est possible de manière rationnelle .Notre civilisation n'est pas éternelle .C'est pour ça que je trouve qu'il y a des pistes intéressantes dans ce livre.
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L'entraide : Un facteur de l'évolution

extrait de l'introduction de Isabelle Pivert dans l'édition de 2010 aux éditions Sextant :



"Souvent mal lue, la théorie de Darwin, appliquée aux sociétés humaines sous le nom de darwinisme social, validerait les crises capitalistes et leurs vagues d'exclusions, voire d'éliminations, comme une évolution nécessaire et saine pour la société. Contre ce camouflage d'une sélection impitoyable de l'homme par l'homme, les écrits du géographe Kropotkine puisent dans les exemples de la vie quotidienne : selon lui, les sociétés humaines, de tout temps, ont pratiqué l'entraide, sous diverses formes. Et c'est justement cette pratique, cette disposition, alliée sûrement à une prise de conscience, qui a permis aux êtres humains de surmonter les périodes difficiles, de refuser la soumission aux pouvoirs coercitifs, de prendre en main leur destin et tenter de vivre libres et dignes. Aujourd'hui encore, certains croient ou veulent faire croire que la lutte pour les moyens d'existence, la compétition pour tout et entre tous, permet de sélectionner les aptes, ceux qui savent s'adapter, et d'éliminer les autres, et que rien ne pourrait ni ne devrait s'opposer à cette prétendue sélection naturelle."



sinon le reste du livre rappelle que l'on devrait surveiller les hommes qui sont contre les sauveteurs de terrain de toutes sortes qu'il soit, sous peine de laisser des civilisations entières s'anéantir.
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La commune de Paris

Il faudrait que je sois foutrement fat pour prétendre critiquer Kropotkine. Nous avons à faire à l'un des plus éminents intellectuels, humanistes et anarchistes de la fin du 19e et du début du 20e siècle. Il est l'un des plus grands penseurs de son temps. Et quelle plume ! Evidemment, on pourrait lui reprocher son manque d'objectivité mais c'est avant tout un homme engagé. Comment voulez-vous être engagé entièrement à une cause en étant objectif. Dans ce court ouvrage, qui commence comme un hommage à la Commune de Paris, Kropotkine analyse ce qui causa la perte de la Commune mais aussi son riche héritage. La Commune a laissé son empreinte sur notre vaste monde.

Mais l'anarchie doit-elle se choisir un gouvernement ? Débarrassons les révolutions de leur dogme, nous conseille Kropotkine. Une révolution qui ne se dépoussière pas de ses dogmes cesse d'être une révolution. Laissons tomber nos ambitions personnelles pour les mettre dans un chaudron commun afin que tous, égaux, puissions profiter et partager nos ressources et nos libertés. C'est le fondement même de l'anarchie, la belle anarchie, sans doute la plus belle des utopies. Tous pour un et un pour tous. Dans ce livre, après l'analyse de la Commune, qui nous ouvre la voie de la liberté, Kropotkine nous explique les erreurs à ne pas commettre pour qu'enfin, les révolutions triomphent, non plus au bénéfice de quelques uns mais pour l'intérêt de tous. Un des conseils les plus judicieux de cet ouvrage est qu'après la distribution des richesses, qui ne serait faite que pour subvenir aux premiers besoins du peuple après le triomphe de la Commune, nous devons nous diriger vers l'autoproduction. Voilà un programme beaucoup plus égalitaire que celui de la spéculation ! Je crois que ce livre devrait nous faire réfléchir à l'avenir de l'Europe et du Monde, qui, aveuglément, ont tendance à prendre des directions opposées à l'humanisme.

Kropotkine, un homme, un penseur, un auteur à découvrir ou à redécouvrir.

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La conquête du pain : L'économie au service de ..

Dans ce livre, Peter Kropotkine nous démontre qu'une société sans gouvernement et non capitaliste est réalisable. Il nous explique par divers moyens les problèmes liés à l'accaparement et à la propriété dans notre société moderne.

Cela peut paraitre assez étrange à notre époque, quoi que le retour de certains à des valeurs de vie plus simples feront que son discourt pourrait bien ressortir avec autant de vigueur que les explications de l'auteur dans ce livre.

Il y a des idées intéressantes, même si je reste persuadé de l'impossibilité de mettre en oeuvre une société telle que décrite ici.



Pour initiés car la lecture saurait prendre un côté lassant pour certains.



Belle pensée humaniste, j'ai beaucoup aimé.
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La Grande Révolution (1789-1793) : Une lectur..

Pierre Kropotkine a été un militant révolutionnaire russe, un des premiers à se réclamer de l'anarchisme, voulant se démarquer par là des courants révolutionnaires, marxiste, notamment, qui visaient essentiellement la prise du pouvoir, et la réalisation de la justice sociale par le futur gouvernement instauré par cette prise de pouvoir. Lui, à la suite de Bakounine, Makhno et de beaucoup d'autres, pensait que c'est au peuple lui-même qu'il revient de réaliser l'égalité sociale que les "communistes" (c'est-à-dire les adversaires de la propriété privée) voulaient tous. Cette pensée, il ne la fonde pas sur des principes a priori, mais sur les enseignements qu'il tire, pour la plus grande part, de la Révolution française de 1789.







Kropotkine n'est pas seulement un militant, agitateur et propagandiste, c'est aussi un historien pénétrant, attentif et scrupuleux. Son travail se situe dans la lignée de ceux de Michelet, Louis Blanc et Jean Jaurès, qu'il connaît profondément et s'appuie sur la lecture de nombreuses monographies érudites sur les acteurs de la Révolution, ses divers épisodes régionaux et de nombreuses archives, comptes-rendus des assemblées, des réunions des clubs et sociétés populaires, et publications diverses. Il ne mentionne aucun fait sans citer les sources, souvent multiples et recoupées, de son information. A l'heure où on nous invite souvent à une "relecture" de la Révolution, qui prétend la "démythifier", et tend à réhabiliter le roi Louis XVI et Marie-Antoinette et à disqualifier les idéaux révolutionnaires de Liberté, Egalité, Fraternité, la lecture de l'ouvrage de Kropotkine remet les choses à leur place, distingue les faits des discours, le rôle du peuple de celui de ses leaders, et rend un peu de cet enthousiasme que suscitait jadis l'évocation de l'action des sans-culottes.







En schématisant le récit de Kropotkine, on distingue trois phases dans l'histoire de la Révolution : une première phase constitutionnaliste, dans laquelle les objectifs sont essentiellement d'ordre juridique. Le droit féodal, qui est celui de la France d'alors, repose sur la notion de servage, qui implique que certains sont les obligés des autres. L'objectif révolutionnaire est d'abolir cette obligation et d'établir la "liberté". Pour ce faire, il n'était pas exclu de s'en remettre au roi lui-même qui, dans sa sagesse, aurait accordé une constitution établissant cette liberté, un peu comme le comte Almaviva le fait au terme de la "Folle journée". La deuxième phase est plus sociale. Le peuple entre en scène et agit directement sur les événements, car ce n'est pas seulement l'indépendance à l'égard du seigneur qu'il réclame, mais c'est aussi du pain et du travail et cela, il ne peut l'obtenir que par le démantèlement des propriétés accaparées par les nobles, le clergé et les spéculateurs ("agioteurs"). C'est la période de l'égalité, des niveleurs et, en réaction, de la grande peur de la bourgeoisie et des possédants en général. La troisième phase est politique. La gauche montagnarde veut s'emparer du pouvoir pour aller plus loin, le centre veut s'emparer du pouvoir pour ne pas aller trop loin et la droite s'en empare à la fin pour revenir en arrière. Mais le retour en arrière total est impossible et la réaction thermidorienne, l'empire et même la Restauration ne pourront jamais revenir au droit féodal et ses conséquences inhumaines.







Au fil de la lecture, les traits des acteurs principaux de la Révolution se caractérisent par leurs enjeux et leurs stratégies. Louis XVI a surement été conscient des concessions nécessaires et peut-être même du bien-fondé de certaines réformes. Mais la mise en cause des droits féodaux remettait en cause le fondement même du pouvoir royal, conçu comme suzeraineté suprême. On s'interroge de nos jours sur la responsabilité politique de Louis XVI. Aurait-il été un roi réformiste s'il avait été mieux conseillé ? etc. Le fait est que sa position ne pouvait que le conduire, de la convocation des Etats généraux à la fuite de Varenne, à louvoyer entre concessions aux révolutionnaires et tentatives de reprendre la main. Lettre du 5 octobre 1789 de Louis XVI à l'Assemblée : "Je ne m'explique pas sur la Déclaration des droits de l'homme : elle contient de très bonnes maximes, propres à guider vos travaux. Mais elle renferme des principes susceptibles d'explications, et même d'interprétations différentes, qui ne peuvent être justement appréciées qu'au moment où leur véritable sens sera fixé par les lois auxquelles la Déclaration servira de base". (p. 191, 192) Texte témoin du souci premier de Louis XVI devant les revendications révolutionnaires : gagner du temps et préserver l'essentiel de l'autorité féodale.







Le peuple est tenaillé par la faim et la disette, d'ailleurs exacerbée par les spécultations sur les grains et sur les terres lors de la vente des biens nationaux, mais il n'est pas au désespoir. Kropotkine insiste même sur le fait que la révolution n'est possible que parce que l'action du peuple est animée par l'espoir d'un changement profond. "La foi que le roi, auquel ils avaient adressé leurs plaintes, ou bien l'Assemblée, ou toute autre force leur viendrait en aide pour redresser leurs torts (…) c'est ce qui les poussa à se révolter …" (p. 147). Il n'est pas non plus cette foule haineuse assoiffée de sang que nous présentent les récits royalistes ou révisionnistes et que les reconstitutions cinématographiques nous montrent. Lors des massacres de septembre 1791, le peuple de Paris s'est interposé entre les prisonniers et les éléments hargneux qui voulaient leur peau. La Terreur a été l'oeuvre du gouvernement, non du peuple, même si une foule nombreuse assistait aux exécutions non sans ivresse. "Les sympathies du peuple travailleur de Paris tournaient maintenant vers les victimes, d'autant plus que les riches émigraient, ou se cachaient en France, et que la guillotine frappait surtout les pauvres. En effet, sur 2.750 guillotinés dont Louis Blanc a retrouvé les états, il n'y en avait que 650 qui appartinssent aux classes aisées." (p. 719)







Marie-Antoinette est maintenant présentée comme une exilée pour la raison d'Etat, mal mariée, amatrice d'art et de littérature, amoureuse passionnée, jeune femme sensible qui veut vivre sa féminité et s'épanouir légitimement, malgré le carcan de son statut d'épouse du roi de France. Ces traits de psychologie individuelle peuvent être vrais, ils ne retranchent rien du fait qu'elle été l'intermédiaire naturel entre le camp royaliste et l'empire autrichien dans la guerre européenne contre la Révolution.







Les puissances étrangères n'ont pas tout de suite formé une coalition unie et idéologiquement déterminée contre la Révolution. L'action de l'Angleterre était autant celle d'une puissance maritime et coloniale rivale de la France et cherchant à l'affaiblir que celle d'une monarchie au secours d'une autre monarchie. L'Autriche et la Prusse jouèrent un peu le rôle de mercenaires de l'Angleterre, dont l'engagement fut essentiellement financier. Du côté français, la guerre a aussi été le résultat de la pression girondine pour reconstituer un gouvernement fort qui mît un terme aux désordres de la Révolution. L'usage interne de la guerre était la nécessité de resserrer les boulons et d'identifier comme traitres tous ceux qui s'opposaient au gouvernement, à quelque titre que ce fût.







On a aussi souvent présenté la Révolution comme un affrontement bipolaire entre les deux géants, Danton et Robespierre. Kropotkine n'entre pas dans cette dramaturgie mythologique. Tous les acteurs de la politique sont présents dans son histoire, jusqu'aux méconnus Enragés et anarchistes, sur lesquels on apprend beaucoup à travers ce qu'en disaient leurs adversaires, notamment le Girondin Brissot. Mais surtout, il rend au peuple son rôle d'acteur central et de moteur de la Révolution. "Généralement, l'attention des historiens est absorbée par l'Assemblée nationale. Les représentants du peuple, réunis à Versailles, semblent personnifier la Révolution, et leurs moindres paroles, leurs gestes sont recueillis avec une pieuse dévotion. Cependant, ce n'était pas là qu'étaient, pendant ces journées de juillet,, le cœur et le sentiment de la Révolution. Ils étaient à Paris. " (p. 87) Avec Kropotkine, se dessine le contraste entre la Révolution représentée et la Révolution réelle, comme elle se jouait dans les bouillonnements d'idées et de passions des assemblées et des mouvements populaires. Quant aux deux "géants" des dramaturgies bourgeoises, où l'un aurait préfiguré le centrisme démocratique d'aujourd'hui et le second représenterait l'extrémisme, le jusqu'au-boutisme et l'intransigeance révolutionnaires, Kropotkine en donne une vision plus stratégique. Danton représentait surtout une bourgeoisie éclairée et prête au compromis, fidèle au matérialisme athée de Diderot, et Robespierre l'idéalisme revêche de Rousseau, mais les deux se rejoignent comme défenseurs du gouvernement contre le désordre. "La bourgeoisie comprit qu'il (Robespierre) était l'homme qui, par le respect qu'il inspirait au peuple, par son esprit modéré et ses velléités de pouvoir, serait le plus capable d'aider à la constitution d'un gouvernement, - de mettre une fin à la période révolutionnaire, - et elle le laissa faire, tant qu'elle eut à craindre les partis avancés. Mais lorsque Robespierre l'eut aidée à terrasser ces partis, elle le renversa à son tour, pour réintégrer à la Convention la bourgeoisie girondine et inaugurer l'orgie réactionnaire de thermidor." (p. 708)







Le mythe des Jacobins



La lecture de Kropotkine est l'occasion de revenir sur un mythe de la politologie française, celui du jacobinisme républicain. Les Jacobins ne furent pas tout de suite républicains mais, comme la plupart des députés et des politiciens de 1789, constitutionnalistes. "Alors que toutes les Sociétés populaires et fraternelles se prononcent pour la déchéance (du roi), le club des Jacobins, composé de bourgeois étatistes, répudie l'idée de république ... Que s'est-il donc passé pendant ces vingt jours pour que les chefs révolutionnaires de la bourgeoisie aient si soudainement viré de bord et pris la résolution de retenir Louis XVI sur le trône ?... Le fait est que les meneurs bourgeois ont aperçu de nouveau le spectre qui les hantaient depuis le 14 juillet et le 6 octobre 1789 : le soulèvement du peuple ! " (p.300). Les Jacobins sont avant tout partisans de l'ordre. "Les historiens, payant un tribut à leur éducation étatiste, se sont plu à représenter le club des Jacobins comme l'initiateur et la tête de tous les mouvements révolutionnaires à Paris et dans les provinces, et pendant deux générations nous avons tous pensé de même. Mais nous savons aujourd'hui qu'il n'en fut rien. L'initiative du 20 juin et du 10 août ne vint pas des Jacobins. Au contraire, pendant toute une année ils s'étaient opposés - même les plus révolutionnaires d'entre eux - à un nouvel appel au peuple. Seulement lorsqu'ils se virent débordés par le mouvement populaire, ils se décidèrent - et encore, une partie seulement des Jacobins - à le suivre." (p. 331) On parle également beaucoup du centralisme jacobin. Il faut d'abord remarquer que le centralisme en France est bien antérieur à la Révolution et est l'oeuvre progressive de tous les "grands souverains", de Charlemagne, avec ses missi dominici, à Louis XIV ("l'Etat c'est moi") en passant par Philippe Auguste, Saint Louis, Louis XI, Henri IV, et les autres. Le centralisme n'est pas non plus l'exclusivité de la République, les deux empires ayant bien contribué à la centralisation de ce pays. Les Jacobins, dans la lutte qui les opposait aux Girondins, se sont appuyés sur les départements, et Bonaparte n'a fait que prolonger leur oeuvre en instituant les préfets, représentants locaux de l'Etat central.







L'ascension de la bourgeoisie



On se représente souvent la Révolution comme la révolte d'une population affamée contre une noblesse débauchée et injuste. Si cette image est vraie en grande partie - la famine sévissait dans les campagnes et dans les villes du fait de mauvaises récoltes et de l'état de friches où se trouvaient de grandes propriétés - "Le fait est qu'un double phénomène s'accomplissait alors dans les villages : l'appauvrissement en masse des paysans et l'amélioration du sort de quelques-uns d'entre eux. (…) Le bourgeois du village, le campagnard embourgeoisé faisait son apparition, et c'est lui qui, aux approches de la Révolution, fut le premier à parler contre les droits féodaux et à en demander l'abolition. (…) Ce fut lui, enfin, qui s'acharna le plus, en 1793, contre "les ci-devant", les ex-nobles, les ex-seigneurs. " (p. 24) L'espoir des pauvres den,manger à leur faim a convergé avec celui des riches d'obtenir enfin la place qu'ils estimaient leur revenir dans une société d'où ils étaient exclus, alors qu'ils en représentaient de plus en plus l'élite véritable, économique et intellectuelle.







Le gouvernement et le désordre



Les luttes politiques de 1789 à 1793 ne sont pas seulement, ni même essentiellement, la lutte des monarchistes et des républicains, mais plutôt la lutte des forces de gouvernement, selon l'expression de l'époque, reprise par Kropotkine, contre le désordre, c'est-à-dire l'action directe du peuple. "Pour qu'une oeuvre vitale sortît des décrets de l' Assemblée, il fallait le désordre. Il fallait que dans chaque petite localité des hommes d'action, des patriotes, haïssant l'ancien régime, vinssent s'emparer de la municipalité ; qu'ils fissent une révolution dans le hameau ; que tout l'ordre de la vie fût bouleversé ; que toutes les autorités fussent ignorées ; il fallait que la révolution fût sociale si l'on voulait que la révolution politique pût s'accomplir. Il fallait que le paysan prît la terre et y fît passer la charrue, sans attendre l'ordre de l'autorité, lequel évidemment ne serait jamais venu. Il fallait, en un mot, qu'une vie nouvelle commençât dans le hameau. Mais sans désordre, sans beaucoup de désordre social, cela ne pouvait se faire." (p. 281)







L'origine de la propriété



Pendant la Révolution, c'est la question de la propriété qui a été le noeud gordien jamais tranché. Les terres n'appartenaient pas à ceux qui les travaillaient et étaient en mesure d'en faire vivre la population, mais aux nobles, au clergé, et, plus récemment, aux bourgeois enrichis par la spéculation. Philosophes et économistes ont imaginé des mythologies pour expliquer l'origine de la propriété, soit pour la justifier par ses origines, soit pour en montrer le caractère violent et illégitime. Les choses sont plus simples et Kropotkine rappelle comment, par des mesures successives et anciennes, la noblesse s'est peu à peu emparé des terres qui étaient originellement propriétés communales. "Autrefois la terre, toute la terre - les prés, les bois, les terres en friche, ainsi que les terres défrichées - étaient la propriété des communautés villageoises. Les seigneurs féodaux avaient droit de justice sur les habitants, et la plupart d'entre eux avaient aussi le droit de prélever diverses prestations en travail et en nature sur les habitants (ordinairement, trois journées de travail et divers paiements, ou dons, en nature) ; en échange de quoi ils devaient entretenir des bandes armées pour la défense des territoires contre les invasions et les incursions, soit d'autres seigneurs, soit des étrangers, soit des brigands de la région. Cependant, peu à peu, avec l'aide du pouvoir militaire qu'ils possédaient, du clergé qui était de partie avec eux, et des légistes, versés dans le droit Romain, qu'ils entretenaient à leurs cours, les seigneurs s'étaient appropriés des quantités considérables de terres, en propriété personnelle. Cette appropriation fut très lente, elle prit des siècles pour s'accomplir - tout le moyen-âge ; mais vers la fin du seizième siècle c'était fait. Ils possédaient déjà de larges espaces de terres labourables et de prairies." (p. 529, 530) L'oeuvre d'appropriation des terres par les classes privilégiées fut couronnée par une ordonnance de Louis XIV en 1660, abolissant la propriété communale.







Le rôle du peuple paysan



La vision idéologique de la Révolution, qui en fait l'oeuvre des philosophes, et la vision marxiste, qui ne fait confiance qu'au prolétariat industriel, ont occulté le rôle essentiel joué par le peuple paysan. "On comprend l'importance de cette fermentation profonde dans les campagnes. Si la bourgeoisie instruite profite des conflits de la Cour et des parlements pour réveiller l'agitation politique ; si elle travaille activement à semer le mécontentement, c'est aussi l'insurrection paysanne, gagnant aussi les villes, qui fait le vrai fond de la Révolution ; elle qui inspire aux députés du Tiers la résolution qu'ils vont bientôt exprimer à Versailles, - de réformer tout le régime gouvernemental de la France et de commencer une révolution profonde dans la distribution des richesses. Sans le soulèvement des paysans qui commença en hiver et alla, avec ses flux et reflux, jusqu'en 1793, le renversement du despotisme royal n'aurait jamais été accompli si complètement ; jamais il n'aurait été accompagné d'un si profond changement politique, économique et social. La France aurait bien eu un parlement, comme la Prusse en eut un, pour rire, en 1848, - mais cette innovation n'aurait pas pris le caractère d'une révolution : elle serait restée superficielle, comme elle le fut après 1848 dans les Etats allemands." (p. 60) L'importance du rôle des paysans, c'est d'avoir su poser le problème révolutionnaire non seulement sur le terrain politique - pouvoir royal contre pouvoir populaire - mais aussi sur le plan économique : redistribution des terres, approvisionnement des villes et des armées, réforme de la distribution et du commerce, fin de la spéculation. Comme on vient de le voir, toutes ces questions étaient conditionnées par celle de la propriété, devant laquelle la Révolution s'est arrêtée.







Le rôle des élites



Les élites, dans leur majorité, se dressent contre les forces du passé, rejoignent ou même précèdent le mouvement révolutionnaire et en prennent la tête, la représentation politique et idéologique. "Au moment de l'insurrection, le peuple écrase bien tout par sa masse ; mais quelque avantage qu'il ait d'abord remporté, il finit par succomber devant les conjurés des classes supérieures, pleins de finesse, d'astuces, d'artifices. Les hommes instruits, aisés et intrigants des classes supérieures ont pris d'abord parti contre le despote ; mais ce n'a été que pour se tourner contre le peuple, après s'être entourés de sa confiance et s'être servis de ses forces pour se mettre à la place des ordres privilégiés qu'ils ont proscrits." (p. 340) Lorsque les initiatives populaires en viennent à menacer leur statut, elles savent se retourner contre le peuple et mettre en marche la contre-révolution. "... à mesure que le peuple manifestait ses tendances communistes et égalitaires, ces mêmes hommes (la bourgeoisie et les "intellectuels") devenaient défenseurs de la royauté,tandis que les francs républicains, comme Thomas Paine et Condorcet, représentaient une infime minorité parmi les gens instruits de la bourgeoisie. A mesure que le peuple devenait républicain, les "intellectuels" rétrogradaient vers la royauté constitutionnelle." (p. 313)







Les révolutions sont sanglantes



Il est de bon ton de rappeler les massacres, les assassinats, les violences qui ont marqué la Révolution française, voire à mettre en balance les inégalités et les injustices qui existent dans la République, pour, finalement, se demander si "c'était la peine de changer de gouvernement", comme dit Madame Angot. Kropotkine défend ardemment la Révolution, et pourtant il en déteste la violence. "La Révolution, en un mot, avec toutes ses luttes et ses haines, ses conflits terribles et ses vengeances !" (p. 69) Il ne s'agit pas de
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La Morale anarchiste

Ce livre est très court. Il contient néanmoins toutes les bases de la morale anarchiste sur laquelle vous avez un a priori inculqué si vous riez en coin à la lecture de cette critique.

A lire absolument pour retrouver le bon sens ancestral.
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L'entraide : Un facteur de l'évolution

La préface de Mark Fortier datée de 2001 semble prudemment vouloir avertir les lecteurs du contexte historique particulier dans lequel écrivait le prince Kropotkine, comme si les outrances de l’auteur anarchiste avaient de quoi choquer, révolter le regard moderne. Pourtant, quelques dix-neuf années plus tard, le monde a-t-il tant changé pour que l’ouvrage et les thèses défendues par Kropotkine apparaissent non seulement acceptables mais terriblement brûlantes d’actualité et salvatrices ?

L’égoïsme primordial de l’homo oeconomicus est partout encore brandi comme une vérité, la concurrence des individus sert d’excuse aux mauvaises mœurs, à l’avidité, à l’exploitation de l’homme par l’homme et à la non-action de nombre de personnes qui sentent bien que ce monde ne tourne pas rond. Or, le monde capitaliste qui triomphait et était devenu une évidence à la fin du XXe siècle (chute du mur vue comme fin des conflits idéologiques, fin de l’histoire), apparaît aujourd’hui complètement craquelé, illogique et grotesque, immoral… C’est dans cette perspective que la remise en cause de la théologie individualiste qui sous-tend ce système apparaît comme salvatrice.

La thèse de Kropotkine en tant que « retrouvaille » (nom si bienvenu de la collection) constitue ainsi une base essentielle pour l’élaboration d’une nouvelle société. La société individualiste, comme l’animal isolé, est vouée à l’échec, à la décadence et à l’extinction, ce que montrent la succession de plus en plus rapide des crises sociales, financières et des catastrophes écologiques. L’homme est bien un animal, mais un animal social. Et se vouloir individualiste, c’est aller contre sa nature. En cela, la thèse de Kropotkine – prudent par rapport à ce que pouvaient accepter son époque – de voir l’entraide seulement comme un facteur de l’évolution parmi d’autres, pourrait même être trop prudente et scientifiquement mesurée pour les pensées échaudées du XXIe siècle en matière d’écologie et de bien-être animal !

Kropotkine choisit contre-intuitivement pour soutenir sa thèse d’observer les phases souvent dénigrées, vues comme humainement moins morales, de l’Histoire : les sauvages, les barbares et le Moyen-Âge. La désignation seule de ces objets d’étude est déjà habituellement péjorative. Aux peuplades sauvages, on rattache souvent des mœurs inacceptables (cannibalisme, inceste, infanticide…). Les barbares sont considérées comme sanguinaires, ne connaissant que la loi du plus fort. Quant à l’âge obscur, parenthèse de régression entre l’antiquité brillante et la Renaissance, l’art y serait à nouveau enfantin et asservi à la religion, la société culminerait dans l’inégalité et la pyramidalité féodale, le servage et la pauvreté extrême des paysans, la saleté infâme des rues des villes, les guerres incessantes…

C’est donc volontairement qu’il ne traite pas les Grecs et Romains (et leur société démocratique ou encore les Spartiates communistes…). Il opère une relecture de l’histoire, une contre-histoire, montre comme dans ces phases effacées de l’histoire mais pourtant les plus longues, triomphait au contraire l’entraide humaine. Mais que ces phases de l’histoire, cette histoire stationnaire d’un mode de vie collectif s’oppose à l’histoire des événements, à l’histoire des « Grands ». Comme les historiens et écrivains, comme des journalistes modernes, cherchent le brillant et l’approbation des grands, les rois et seigneurs ont combattu les cités médiévales et les communautés de village. On retrouve ici la manière dont le pape, d’après Dario Fo avait lancé une croisade pour aider les seigneur chassés par les communautés villageoises du nord de l’Italie (cf. le Prologue à Boniface VIII dans le Mystère bouffe, 1969).

On regrettera que les fonctionnements des tribus, des communautés villageoises, des confédérations, des cités et des guildes ne soient pas plus systématiquement détaillés. Il ne s’agit pas de proposer ces organisations comme modèles. Sans vouloir idéaliser ces sociétés, Kropotkine relève simplement – comme il le fait avec les animaux – les traits significatifs relevant de cette entraide fondamentale qui caractérise d’après lui l’humanité. Autant de traits, de faits sociaux, d’exemples d’organisations, d’idées qui pourraient aider à bâtir une société nouvelle. Le fonctionnement plus détaillé de ces organisations pourra ainsi être recherché par le lecteur désireux.

L’essai de Kropotkine n’a pas seulement une portée anthropologique, philosophique et politique, mais il a aussi une portée écologique. Son premier article rétablit des vérités sur le monde animal, mais il évoque largement l’entraide et la complémentarité des différentes espèces. Non seulement l’homme devrait vivre en mettant en avant la solidarité (la fraternité avant les autres valeurs ?), mais il doit également considérer les autres espèces et donc la nature comme des frères avec lesquels il constitue une société d’entraide. Car s’il doit protection à la nature, il est aussi protégé et dépendant d’elle et de la survie des autres espèces. Une vision de l’homme pris dans un environnement d’interdépendances qui font sa force et non sa faiblesse, qui garantissent un espace de libertés et non la restreignent, qui en mettant les individus et formes de vie à leur juste place, leur garantissent un égal droit à la vie et non une égalité absolue inaccessible fondée sur le rattrapage des « moins égaux » du niveau atteint par les « meilleurs ».
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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