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Jérôme Solal (Éditeur scientifique)
EAN : 9782842058371
96 pages
1001 Nuits (19/05/2004)
4/5   146 notes
Résumé :
Après Stirner, Proudhon et Bakounine, Pierre Kropotkine poursuit le grand rêve libertaire : ce prince russe devenu géographe de renom se fait le généalogiste d'une morale anarchiste qui dénonce les fausses morales imposées depuis des lustres par « le prêtre, le juge, le gouvernant ».
Avec La Morale anarchiste (1889), livre virulent et raisonné, il montre que seul l'instinct d'entraide est le dépositaire des valeurs humaines à construire.
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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« Mensonge devient vertu ; la platitude, un devoir. S'enrichir, jouir du moment, épuiser son intelligence, son ardeur, son énergie, n'importe comment, devient le mot d'ordre des classes aisées, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l'idéal est de paraître bourgeois. »

L'ordre sans le pouvoir. Dur d'esquisser une morale pour un courant aussi divers, les libertaires décroissants ou antispécistes d'aujourd'hui, les anarcho-communistes d'hier, les libertariens à la droite de la droite américaine ou encore l'anarchisme chrétien prôné par Jacques Ellul et d'autres…

Les animaux ont-ils le sens du bien et du mal ? Pourquoi l'entraide entre individus de toutes espèces n'est-elle pas aussi reconnue que la compétition dans la théorie darwinienne de la conservation de l'espèce ?

La thèse du scientifique Piotr Kropotkine, c'est que le darwinisme a tout faux. Pour lui « en toute société animale, la solidarité est une loi (un fait général) de la nature, infiniment plus importante que cette lutte pour l'existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir. »

Fort de ces observations naturalistes, et de façon plus ou moins scientifique, Kropotkine tente de dessiner des principes éthiques pour les hommes de la fin du XIXe, notamment les anarchistes, les appelant à plus de rigueur dans leurs convictions. Pour l'auteur russe, c'est Guyau, un révolutionnaire français qui incarne le mieux ses principes. Contre le juriste, le politicien et le prêtre, l'auteur défend sa vision de l'entraide comme facteur de l'évolution.
Une approche critique intéressante pour challenger les valeurs véhiculées par notre économie politique mais qui tombe dans le même écueil, à savoir tenter de justifier des comportements relatifs et parfois irrationnels par une forme « d'ordre naturel des choses ».

Il y a une réflexion sans complaisance sur la morale instinctive des hommes dont le fondement est, pour l'auteur, l'égoïsme, sans aucune connotation péjorative, ainsi pour Kropotkine, « l'égoïsme ou la recherche du plaisir est le vrai motif de toutes nos actions », jusque dans les actes en apparence les plus altruistes « Si l'homme qui donne sa dernière chemise n'y trouvait pas du plaisir, il ne le ferait pas. S'il trouvait plaisir à enlever le pain à l'enfant, il le ferait ; mais cela le répugne, il trouve plaisir à donner son pain ; et il le donne » l'auteur conclu que « quoi qu'il fasse, l'homme recherche toujours un plaisir, ou bien il évite une peine. » Cela semble entrer en résonance avec un autre grand courant libertaire, du moins libéral, les utilitaristes.

« Ne se courber devant aucune autorité, si respectée qu'elle soit ; n'accepter aucun principe, tant qu'il n'est pas établi par la raison. » C'est dans le contre modèle que l'on reste un peu sceptique, bien qu'il faille reconnaitre que l'ouvrage ne prétende pas à l'exhaustivité. La sacrosainte raison est à mon goût, trop souvent invoquée à tort ou à travers.
« Ce droit d'user de la force, l'humanité ne le refuse jamais à ceux qui l'ont conquis ». On peut regretter à certains moments un ton péremptoire et un discours complaisant sinon incitatif à l'égard d'une frange violente du mouvement anarchiste pour laquelle la fin justifie les moyens. C'est sans doute l'éternel débat qui anime la gauche radicale, entre le « flower power » et la « loi du Talion », du Comité de Salut Public à Woodstock. Mais cela ne compte pas pour l'auteur car « pouvoir agir, c'est devoir agir », reste à savoir comment…

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Ce livre est l'une des principales oeuvres de Kropotkine, l'un des penseurs les plus brillants de son temps. D'une plume superbe, ce livre ne cherche pas à nous expliquer le mode d'emploi de l'anarchie, ce qui serait contraire à son principe. Ici, Kropotkine tente de nous démontrer que la solidarité est naturelle, tant chez l'espèce humaine que chez les autres espèces animales, même inférieures car c'est de cette solidarité que dépend la survie d'une espèce, quelque qu'elle soit !
Kropotkine y développe l'idée que la notion du bien et du mal ne se résume qu'à la notion de plaisir, que c'est perdre son temps de tenter de séparer l'altruisme de l'égoïsme car chaque acte solidaire fait vers l'autre est commis pour son plaisir autant que pour le bien de celui qui en a besoin. C'est naturellement que nous établissons la différence entre le bien et le mal, en observant que le bien est fait pour l'intérêt de l'espèce et que le mal va à l'encontre de celui-ci. Point besoin de juge, de prêtre ou de gouvernant pour savoir ce qui est bon ou mauvais. Les lois, les dirigeants et les religions faussent la notion d'équité, de morale naturelle et la perception du bien et du mal. L'homme, dans ses gènes les plus anciens inconsciemment ou sciemment est en mesure seul d'être sociable et de pouvoir créer une société autogérée sans le recours de la loi et des religions. C'est le principe même de l'anarchie : "Traite les autres comme tu aimerais à être traité par eux dans des circonstances analogues." Il ajoute : "Le bonheur de chacun est intimement lié au bonheur de tous ceux qui l'entourent."
Evidemment, c'est un idéal de société, une belle utopie. Sa réalisation ne dépend que de l'unisson de notre espèce. Tant que des individualismes existeront, il nous sera impossible de vivre de cette façon. Mais, à lire ce livre, nous pouvons toujours rêver d'atteindre un jour l'inaccessible étoile, il suffirait que chacun d'entre nous y mette du sien.
Encore une fois, on peut aimer ou rejeter les idées libertaires de ce genre de plaidoyer pour la liberté et la solidarité, il faut reconnaitre que les écrits de Kropotkine sont de profondes réflexions qui vise à l'équité, au bonheur de tous et que ses textes sont merveilleusement écrits.
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Rien de nouveau sous le soleil. Quelques pensées intéressantes sur le bien et le mal. Peut-être était-il innovant en 1889 quand il a été écrit ? Il y est beaucoup question de solidarité. Mais aujourd'hui pourquoi tant de personnes dorment sur les trottoirs parisiens tandis que d'autres poussent, à côté, la porte d'un restaurant chic ? La vie de l'auteur est un roman à lui tout seul. Issu de haute noblesse, ce russe était aussi géographe, scientifique, explorateur, écrivain, et j'en passe, en plus d'être anarchiste communiste.
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En ces temps de recomposition politique qui trouble pas mal les repères, je viens de faire avec ce vigoureux petit texte une découverte gouleyante : je suis anarchiste!
En effet, et si je suis bien le propos de l'auteur, je coche toutes les cases : je ne veux pas faire aux autres ce que je ne veux pas qu'on me fasse à moi-même; je tiens la religion, la loi et l'autorité pour des entités qu'il convient de considérer avec une distance critique en examinant leurs motivations quand elles prêtent à caution; je tiens l'homme pour un animal comme un autre, mu par les mêmes instincts de plaisir; je crois dans le potentiel de solidarité qui existe à l'état naturel entre eux.
Donc, je suis anarchiste! Oui? Non? J'ai raté quelque chose? :-)
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Un essai assez court, mais convainquant.

Kropotkine nous décrit sa version de la morale, de la différence entre le bien et le mal : l'explication est très terre-à-terre, et prend en compte deux considérations : d'une part, l'empathie, qui devrait nous éviter de commettre des actes qui nous déplairaient ("fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fassent si tu te trouvais dans la même situation"). Et d'autre part, notre statut d'"animal social" : l'homme était peu adapté pour vivre en solitaire, la solidarité est indispensable pour la survie de l'espèce. Ce trait de caractère s'est ancré en nous au fil des siècles. Tous les autres sytèmes qui prétendent détenir la vraie morale (la religion, la Loi, l'Etat) ne font finalement que tordre et déformer les notions de bien et de mal qui sont pourtant déjà présentes en nous.

Au final, les questions à se poser sont assez simples : "Est-ce utile à la société ? Alors c'est bon. - Est-ce nuisible ? Alors c'est mauvais."
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
L’esprit de l’enfant est faible, il est si facile de le soumettre par la terreur ; c’est ce qu’ils font. Ils le rendent craintif, et alors ils lui parlent des tourments de l’enfer ; ils font miroiter devant lui les souffrances de l’âme damnée, la vengeance d’un dieu implacable. Un moment après, ils lui parleront des horreurs de la Révolution, ils exploiteront un excès des révolutionnaires pour faire de l’enfant « un ami de l’ordre ». Le religieux l’habituera à l’idée de loi pour le faire mieux obéir à ce qu’il appellera la loi divine, et l’avocat lui parlera de loi divine pour le faire mieux obéir à la loi du code. Et la pensée de la génération suivante prendra ce pli religieux, ce pli autoritaire et servile en même temps autorité et servilisme marchent toujours la main dans la main cette habitude de soumission que nous ne connaissons que trop chez nos contemporains.
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"Tout ce qu'il y avait de bon, de grand, de généreux, d'indépendant chez l'homme, s'émousse peu à peu, se rouille comme un couteau resté sans usage. Le mensonge devient vertu; la platitude, un devoir. S'enrichir, jouir du moment, épuiser son intelligence, son ardeur, son énergie, n'importe comment, devient le mot d'ordre des classes aisées, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l'idéal est de paraître bourgeois. Alors la dépravation des gouvernants - du juge, du clergé et des classes plus ou moins aisées - devient si révoltante que l'autre oscillation du pendule commence.
La jeunesse s'affranchit peu à peu, elle jette les préjugés par dessus bord, la critique revient. La pensée se réveille, chez quelques-uns d'abord; mais insensiblement le réveil gagne le grand nombre. La poussée se fait, la révolution surgit".
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La fourmi, l’oiseau, la marmotte et le Tchouktche sauvage n’ont lu ni Kant ni les saints Pères, ni même Moïse. Et cependant, tous ont la même idée du bien et du mal. Et si vous réfléchissez un moment sur ce qu’il y a au fond de cette idée, vous verrez sur- le- champ que ce qui est réputé bon chez les fourmis, les marmottes et les moralistes chrétiens ou athées, c’est ce qui est utile pour la préservation de la race et ce qui est réputé mauvais , c’est ce qui lui est nuisible . Non pas pour l’individu, comme disaient Bentham et Mill, mais bel et bien pour la race entière.
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Rechercher le plaisir, éviter la peine, c’est le fait général (d’autres diraient la loi ) du monde organique. C’est l’essence même de la vie.

Sans cette recherche de l’agréable, la vie même serait impossible. L’organisme se désagrégerait, la vie cesserait.

Ainsi, quelle que soit l’action de l’homme, quelle que soit sa ligne de conduite, il le fait toujours pour obéir à un besoin de sa nature . L’acte le plus répugnant, comme l’acte indifférent ou le plus attrayant, sont tous également dictés par un besoin de l’individu. En agissant d’une manière ou d’une autre, l’individu agit ainsi parce qu’il y trouve un plaisir, parce qu’il évite de cette manière ou croit éviter une peine.

Voilà un fait parfaitement établi ; voilà l’essence de ce que l’on a appelé la théorie de l’égoïsme.
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En nous déclarant anarchistes, nous proclamons d'avance que nous renonçons à traiter les autres comme nous ne voudrions pas être traités par eux; que nous ne tolérons plus l"inégalité qui permettait à quelques-uns d'entre nous d'exercer leur force, ou leur ruse, ou leur habileté, d'ue façon qui nous déplairait à nous-mêmes. Mais l'égalité en tout - synonyme d'équité - c'est l'anarchie même. Ce n'est pas seulement à cette trinité abstraite de Loi, de Religion et d'Autorité que nous déclarons la guerre. Et devenant anarchiste, nous déclarons guerre à tout ce flot de tromperie, de ruse, d'exploitation, de dépravation, de vice - d'inégalité en un mot - qu'elles ont déversé dans les coeurs de nous tous. Nous déclarons guerre à leur manière d'agir, à leur manière de penser.
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