Citations de Philippe Grandcoing (77)
- Tu sais que tu te débrouilles bien, mieux que moi, je pense.
- C'est parce que vous avez un regard trop scientifique sur les objets que vous vendez, patron. Vous pensez qu'on vous les achète pour leur fiche signalétique. C'est peut-être vrai dans le cas de quelques collectionneurs érudits. Mais moi j'ai un regard esthétique, c'est ça qui plait. La plupart des gens qui rentrent dans votre boutique veulent un objet qui fera bien chez eux. Peut importe que ce soit un saint irlandais ou un lion empaillé d'Abyssinie. Et moi je les conseille, j'essaye de comprendre leurs goûts et de trouver l'objet qui va leur parler ou flatter leur ego.
Parce que vous pensez que l'art doit reproduire la réalité ? Mais non, il exprime une conception de l'univers, c'est différent.
J'ai une espèce de hâte, par moments, à quitter Paris. Peut-être une fois à Thias, là où, somme toute, ce livre a pris naissance et s'est fait, comme le nid d'un oiseau, de bribes arrachées aux alentours.... Mais, le déménagement me terrorise. S'il faut que j'emporte mes documents, avec tous les nouveaux livres que j'ai achetés cet hiver, plus de trois caisses. Emballé tout çà dans l'état de fatigue où je suis !
L'apparition de l'image en mouvement et sa reproduction fidèle de la réalité bouleversa la perception humaine. Elle donna très vite naissance à une industrie prolifique, étrangère au souci de conservation patrimoniale. Que dire des films à jamais disparus dont on récupérera la gélatine pour en faire des peignes ? Qu'est devenue la bataille de blanchisseuses au pont Saint-Étienne à Limoges, filmée en septembre 1900 par un opérateur de la maison Lumière ? Le même technicien qui tourna la sortie des usines Haviland, avenue Garibaldi, et dont le Courrier du Centre relate la venue : «prenant ensuite le tramway vers une heure et demie, et se plaçant à l'arrière de la voiture, il cinématographiera également l'avenue de la Gare, la place Jourdan, le boulevard Montmailler, etc. avec leur mouvement habituel à cette heure de la journée». En 1908 un opérateur de chez Pathé filme une nouvelle fois la sortie des usines. «Dans quelques jours, chacun pourra aller avec loisir se reconnaître sur le vaste écran du cirque» (Courrier du Centre, 22 mars 1908). Le cinéma a spontanément adopté la pratique commerciale des journaux consistant à photographier le public pour qu'il achète le journal.
Par épouse interposée, d'autres célébrités eurent de fortes attaches limousines. Ainsi, Madame Charles Pathé, femme du génial industriel - qui mit au point, entre autres découvertes, la pellicule ininflammable - fit construire dans son village de la Geneste, en Corrèze, une maison d'été avec vue sur les Monédières. Quant au Tulliste Victor Continsouza, nous lui devons tout simplement l'invention de la croix de Malte pour entraîner les films de façon régulière. Le brevet fut déposé le 28 avril 1896. Cette fameuse croix de Malte fut considérée comme le premier et le plus important des perfectionnements du cinématographe.
Comment imaginer un patronyme plus prédestiné que celui des frères Lumière, pionniers de l'exploitation commerciale de la cinématographie, gratifiés du titre d'inventeurs du cinéma ? Il y a la main du créateur dans cette identité rayonnante. Pour être équitable, ils furent plusieurs en cette fin de XIXe siècle à mettre au point les prémices du 7e Art : Georges Méliès, Émile Reynaud, Thomas Edison, sans oublier Louis Aimé Augustin Le Prince, auteur, en octobre 1888 dans les jardins de Leeds en Angleterre, du premier film jamais tourné au monde. Film historique devenu le plus court de l'histoire du cinéma puisqu'il n'en reste que... deux secondes. La pellicule fut en effet perdue, comme disparut mystérieusement Louis Aimé Le Prince dans un train entre Paris et Dijon
D'aucuns pensent que notre régime conduit inexorablement à un affaissement moral de la nation, soi-disant parce que la démocratie véhiculeraient des idées incompatibles avec l'ordre, la discipline, la hiérarchie, l'esprit de sacrifice dont auraient besoin nos armées. Ce sont des imbéciles. Napoléon III avait instauré une dictature. Son armée s'est battre à plate couture en 1870 !
Faire confiance à la justice, était-ce donc un leurre? Lui revinrent en mémoire l'affaire Dreyfus et l'implacable machine judiciaire qui avait conduit un innocent au bagne. Il en frémit.
Léopoldine avait décidé de faire un plat de saison, venu tout droit de sa Hongrie natale : un goulasch. La viande abondamment assaisonnée de paprika mijotait depuis deux heures déjà sur un coin de la cuisinière à charbon.
Il décida de passer le temps en préparant le jarret de porc acheté le matin. Il commença à cuire la viande dans une marmite. Puis il pela et decoupa l'oignon et les carottes. Quand l'eau commença à bouillir, il la retira du feu, rinça le jarret et nettoya la marmite. Puis il la remit sur le feu. Il fît revenir oignon et carottes dans un peu de saindoux, rajouta les lentilles et la viande, sala et recouvrit d'eau le tout. Il n' y avait plus qu'à attendre trois quarts d'heure environ, en surveillant de temps en temps la cuisson.
Salvignac ne put cacher son trouble. Bien évidemment, il connaissait de réputation Georges Clemenceau, journaliste et personnalité politique de premier plan. En mars de cette année 1906, il était devenu pour la première fois ministre à plus de soixante ans, avant d’être désigné il y a de ça quelques jours à peine chef du gouvernement, fonction qu’il cumulait avec le ministère de l’Intérieur. Mais il n’arrivait pas à faire le lien entre lui, un modeste antiquaire, et l’homme politique le plus en vue du moment.
– Et quand est-ce que M. le président du Conseil souhaite me voir ?
– Maintenant, bien évidemment !
– Je suppose que je n’ai pas le choix…
– Un fiacre nous attend rue Saint-Denis. Je vous laisse fermer votre musée des horreurs.
Il s’arrêta quelques instants pour profiter de la fraîcheur du petit square ceinturant la chapelle expiatoire érigée à l’emplacement de la fosse commune qui, durant la plus de vingt ans, avait abrité les dépouilles de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Modeste et incongrue oasis de de verdure au cœur des Grands Boulevards, elle était tel un vestige de temps reculés, une butte-témoin d’un monde révolu, celui de la Restauration appelant à expier les crimes de la Révolution, celui d’une Église élevant le dernier monarque de droit divin au rang de martyr, celui d’une noblesse revenue d’émigrations, sans avoir rien oublié, mais sans avoir rien appris non plus.
La vérité c'est la subjectivité.
Toutes ces fouilles et ces découvertes archéologiques ont mis le pays en émoi. [...] Heureux celui qui a trouvé un riche filon. Il fera fortune. [...] Les musées fraçais n'ont pas d'argent et les collectionneurs étrangers ont souvent de gros moyens. [...] Ces trouvailles iront au plus offrant.
Le 17 juin, après dix jours passés à la campagne, Salvignac se résolut à rentrer à Paris. La veille au soir, Lerouet était revenu de la capitale, affichant un air soucieux et maussade. Durant tout le repas, il se mura dans le silence, ne répondant que par monosyllabes aux questions de Madeleine et d'Hippolyte. Enfin, au dessert, il laissa exploser sa colère. Il n'en pouvait plus de travailler avec des incapables ou des corrompus. Il vomissait la guerre entre services, les coups bas et les règlements de comptes politiques. Hippolyte tenta un commentaire. Mal lui en prit. L'inspecteur bondit de sa chaise tel un diable et monta s'enfermer dans sa chambre.
Il commençait à regretter l'univers qu'il avait côtoyé un temps : le bureau du chef du gouvernement, la loge officielle à l'Opéra, les couloirs de la Sûreté. Il en voulait à Clemenceau et à Lerouet qui lui avaient entrebâillé une porte pour la refermer presque aussitôt. Il hésita à ouvrir une seconde bouteille. Il avait atteint cet état cotonneux où les sens s'émoussent, mais où l'esprit semble avoir repoussé ses propres limites. Finalement, il se laissa tomber dans un fauteuil face à la carte zébrée de rouge et piquetée d'épingles. Plus il la fixait, plus il lui semblait qu'elle cachait une vérité à laquelle jamais Lerouet, avec ses méthodes de policier, n'accéderait.
Lorsque Hippolyte se présenta le lendemain matin à la préfecture de police, Ernest Favre, l'homme qui l'avait ramené de Meudon la veille, lui expliqua qu'ils devaient aller chercher Lerouet au ministère avant d'aller fouiller la villa. Tandis que la voiture s'insérait dans le trafic matinal des quais, le policier lui expliqua que son collègue avait été convoqué par Clemenceau suite au rapport qu'il avait fait au préfet de police.
Ça doit être un gros lièvre que vous avez levé tous les deux, pour que le père Clemenceau s'en mêle…
Le chauffeur de Lerouet tourna à gauche, coupant la route à un fiacre dont le cocher se répandit en injures, aussi sonores que variées. Le taxi crut nécessaire de répondre, même si son "Ta gueule, pov' collignon ! Va bouffer ta rosse " ne risquait pas d'être entendu dans le brouhaha de la rue.
C'est quoi le style 1900 ? Des courbes, des volutes, des sinuosités, des spirales. On veut masquer la technique sous l'apparence de la nature qui n'est que rondeur, souplesse, irrégularités apparentes. Or la science, l'industrie sont basées sur le calcul, la matière dure, cassante, coupante. Tout n'est qu'assemblage. A priori, qu'est-ce qu'un atome ? Une structure géométrique. Notre XXème siècle sera marqué par la confrontation de l'homme avec la matière. Un choc dur, violent, terrible. Il faut nous y préparer. Arrêtons de nous bercer d'illusions avec nos courbes molles et notre style nouille. C'est nous mettre la tête sous un gros oreiller pour ne pas regarder la réalité en face. L'homme doit se penser comme matière dure, brute, comme ingénieur, comme chimiste, qui comprend et maîtrise cette matière...
_ Du courrier ?
_ Non... Enfin , pas du facteur. Mais y a ça pour vous. C'est un type tout galonné qui l'a déposé c'tantôt.
Elle tendit à Salvignac une enveloppe au papier épais. Au-dessus de son nom, à droite, était imprimé République française _ Sénat dans une typographie élégante.
Sans attendre d'être chez lui, Hippolyte décacheta l'enveloppe. Une carte de visite au nom de Georges Clemenceau l'invitait à se rendre au domicile du Tigre le jour même à 6 heures du soir.