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Citations de Philippe Muray (523)


Coupable, Baudelaire, crie Sartre. Coupable de se sentir inutile. Coupable de penser que les hommes utiles sont hideux. Coupable de se soumettre. Coupable de définir l'être vivant par son au-delà. Coupable d'accepter les lois morales de la société, de ne pas se rebeller, de ne pas créer de nouvelles valeurs. Coupable de n'être pas le pervers que le monde attend. Coupable d'accepter la chrétienté, le christianisme et l'histoire du catholicisme.
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Quelle passion nous pousse à vouloir qu’il y ait deux Céline, un Céline impeccable, hygiénique, marionnette lustrée ressortie pour les parades euphoriques de l’avant-garde, et un Céline sordide, contaminé, définitivement enterré dans les cloaques de l’Histoire ?
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Les pamphlets sont l’échec de Céline, son échec à poursuivre toujours plus loin dans la négativité. Effacer les Juifs, rêver de les éliminer, c’est vouloir que jamais ne revienne, au milieu des fêtes de célébration du lien social, le nœud manquant de ce lien, présent par son manque et menaçant tout le temps le lien de se rompre. C’est aussi bien ouvrir un horizon où la littérature n’aurait plus de raison d’être.
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[…] l’Histoire est la maladie, sans guérison possible, et […] le vouloir-guérir est la névrose religieuse par excellence.
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[…] Mitterrand n’était rien d’autre que le cheval de Troie à l’intérieur duquel était montée la génération de 1968, qui n’avait fait sa « révolution » que pour prendre le pouvoir au nom de valeurs plus destructrices que celles qu’elle disait avoir abattues alors qu’elles n’étaient déjà plus que des épouvantails.
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C’est à l’intensité du « oui » que l’on peut dire que se mesure la pertinence de tous les « non » que l’on est amené aussi à prononcer.
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J’ai vu se délabrer si vite, dès mes premières années, la « fonction paternelle », que je n’arrive plus à me souvenir aujourd’hui qu’elle ait pu exister. Sa disparition a entraîné l’effondrement de toutes ces protections de l’individu que l’on regroupait encore sous le nom d’intimité ; tandis que, dans le cimetière des pères, s’organisait la ronde sans fin, désormais, des fils et des filles débarrassés de leur antique sujétion, ne se connaissait plus d’autre espoir de survie que dans cette entraide inconditionnelle qu’ils parent du nom de « solidarité », quand ce n’est pas de celui de « communication » ou d’ « interactivité », pour ne pas savoir qu’ils y ont déjà abdiqué toute liberté de pensée, toute possibilité de vie privée.
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Il devient de plus en plus difficile de trouver des motifs de satisfaction. Si je regarde en moi et autour de moi, je n’en vois pas beaucoup ; sauf celui d’avoir échappé, naguère, au devoir de reproduction, c’est-à-dire à l’ultime activité fédératrice que se connaisse encore une société auto-torpillée. Je n’ai pas attrapé cette maladie sexuelle, transmissible entre toutes. Sur ce point délicat, je me trouve en accord avec Cioran, qui écrivait en 1962 : « La seule chose que je me flatte d’avoir comprise très tôt, avant ma vingtième année, c’est qu’il ne fallait pas engendrer. » Jeune aussi, j’ai eu la chance d’abominer de bon cœur la vénération qui s’esquissait alors pour la jeunesse et ses prestiges sucrés. Il faut en finir jeune avec la jeunesse, sinon quel temps perdu. Il faut liquider en deux lignes les jeux de l’enfance, laquelle n’est tellement appréciée que parce qu’elle est l’instant où tout le monde se ressemble. Ce n’est même pas l’ « innocence » supposée de ce moment que l’on aime ; c’est la période de magma égalitaire et de similitude enragée que celui-ci représente.
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Evolutionnisme réincarnatif, migrations sidérales, justice sociale zodiacale, progrès de sphère en sphère, réduction des inégalités et Karma, la confusion est apparemment à son comble, n’est-ce pas ? Mais non, il s’agit toujours d’assurer par tous les moyens la réhabilitation ici et maintenant de la créature trop longtemps assujettie par des dogmes humiliants. De lui offrir le grand projet dont elle était privée. Economico-spirituel. La métempsychose garantit le progrès, affirme carrément Lavater. Bien sûr, de nos jours, on ne parle plus comme cela. On est devenu plus rusé. Secret. Illusions de la magie ! Avenir sans religions !
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Ce sont en effet les nouveaux officiants sacerdotaux, Michelet brahmane, Hugo druide, Renan lama madré, qui tournent les moulins à prières, réinventent la liturgie, les danses sacrées, les fêtes de flagellants, tombent en transes et lévitent. Pontifes maximes, purificateurs astrologues, rédacteurs d’horoscopes versifiés. Pour une croyance différente, bien sûr, mais où le doute est moins permis encore que dans les anciennes. Et les interdits plus efficaces.
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La magie comme maladie infantile de la politique en croissance ? Comme crise d’acné juvénile ?
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[A propos de Michelet]

Dans son œuvre d’historien qui n’est elle-même qu’un extraordinaire monument hyperfonctionnel élevé à la gloire de l’Empire de la Mort, cette description technique, méthodique et raffinée d’un appareil destiné à la fois à faire disparaître les cadavres et à entourer cette disparition d’une majesté toute moderne, m’apparaît comme une sorte de résumé, de condensé imagé de la méthode même de Michelet, de son travail et des raisons pour lesquelles il écrivait [...].
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À quoi bon méditer sur l’état actuel du roman si on n’a pas en tête l’univers précis, le monde concret, la situation générale dont il est le contemporain ? Si on n’a pas dans l’oreille, pour commencer, le bruit de fond du grand vent ramollissant qui souffle sur nous, un vent chargé de bonté, de bienfaits, de charité sirupeuse et d’humanité, une tornade perpétuelle d’encouragements à la compassion affichée, au simplisme, à l’infantilisme, à la solidarité de surface, aux vœux creux et pieux ?
Comment penser au roman, à cet art de la circonspection, de la méfiance, du doute, de la liberté, de la critique en acte et de la révélation des coulisses de tout, sans avoir dans l’esprit, comme une collection de marionnettes, plus ou moins effroyables, drôles, terrorisantes, toutes les figures modernes de la vigilance rancuneuse, de l’éthique chafouine et sourcilleuse, de la bonne conscience sans frontières, de la culture canonisée, de l’effusion, de l’indignation de pacotille et de la dénonciation sans risque ? Sans savoir de quoi bouillonne notre époque. Toutes ces larmes de crocodile. Toute cette disparition organisée des moindres antagonismes. Cet effacement des ultimes différences (confusion des sexes, des générations, de la réalité et de l’imaginaire, de l’original et de la copie). Cet angélisme philosophique. Cette prolifération de lois ridicules et persécutrices. Cette incitation à l’assoupissement dans la joie résignée. Cet écoulement terreux de la vie quotidienne asphyxiée de festivités. Cette propagande pour la Communication féerique et transfrontières qui rapproche les peuples et diffuse la démocratie sur toute la planète. Ce zèle purificateur des « derniers hommes » comme les appelait Nietzsche (depuis dix ans, on réécrit les vies d’artistes ou d’écrivains dans l’optique de leur jugement ou de leur décontamination : Picasso, Miller, Heidegger, Hemingway sont déjà passé à l’autoclave, les autres suivront, nous débarquerons tous sans miasmes, sans péchés rétroactifs, sans mauvaises pensées déplacées, au grand banquet de spectres de l’an 2000). Ces bouffées délirantes (téléthon, sidathon, etc.) devenues méthode unique de gouvernement. Ce partage euphorique des dépouilles qu’on nomme patrimoine (Matisse, Shakespeare ou Baudelaire sont des choses qui ne doivent plus avoir de sens qu’à condition d’être distribuées, loties, offertes à tous). Cette résorption patiente, minutieuse, du moindre résidu de « négativité » (désobéissance, souveraineté, désaccord, non-solidarité). Cette noyade de toute dissension et de toute dysharmonie sous le pathos, l’emphase, l’enflure, l’émotion affectée, la pompe inconsistante et tartuffière. Ce réaménagement morne du territoire. Cette occupation sans fin, par les images, par les loisirs, par la culture, par les fêtes, de la libido désormais sans emploi des masses.
Pour arranger la situation, ajoutons que jamais la littérature, région parmi d’autres du mouroir touristique appelé culture, n’a été plus encouragée, caressée sous toutes les coutures, comme l’espèce en voie de disparition qu’elle est. C’est joli, c’est inoffensif, c’est décoratif la littérature. Ça ne fait de mal à personne. Ce n’est qu’une couleur au milieu des autres sur la riche palette de l’approbation du monde tel qu’on le voit en train de se reformater. C’est un site à visiter si on n’a rien de mieux à faire.
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Les neuf dixièmes des événements, en réalité, sont ressassés désormais si longtemps à l'avance, si rabâchés et recommentés, que lorsqu'ils ont lieu enfin, ils sont à peine présentables tellement ils ont servi avant d'exister. Le bicentenaire de 89, déjà, ressemblait à sa propre rediffusion.
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Ça pourrait être cela, en fin de compte, le propre de la critique : repérer ce qui tend à rendre le roman impossible. Il y a donc la poétification de la réalité. Et aussi, en vrac : l’interdiction de se moquer ou de caricaturer (tout le monde est respectable) ; la victimocratie ; le primat des larmes et de l’émotion, mélange radioactif de résidus de gauchisme et de puritanisme ; le terrorisme du cœur ; le chantage au moi comme authenticité, comme preuve (et finalement comme œuvre : « Il me suffit d’exhiber mes blessures et d’appeler ça de l’art. reconnaissez mes blessures comme de l’art et taisez-vous ! ») ; le rôle épurateur des émissions dites littéraires du type « Apostrophes », leur longue mission de nettoyage éthique et de formation de nouvelles générations d’ « auteurs » consensuels ; la confusion organisée des sexes (alors qu’un bon romancier est toujours un très ferme différenciateur des sexes) ; la propagande homophile acceptée lâchement comme style de vie général (« On est tous un peu homos ») ; le devenir nursery-monde du monde, l’infantilisation généralisée (devant « l’intérêt de l’enfant », qui oserait ne pas s’agenouiller ?) ; la vitesse médiatique, la sinistre vitesse liquidatrice, en opposition avec la lenteur nécessaire aux arts (à leur profond instinct de conservation) ; le modèle du racisme à toutes les sauces (invention du « sexisme » sur le moule du racisme, fabrication plus récente du « spécisme », crime consistant à voir une distinction entre les espèces) ; le refus des gens eux-mêmes, des simples gens, de n’être que des gens, leur prétention à passer pour le gratin, pour le dessus du panier, pour l’élite, leur désir d’être pris pour des people, comme on dit dans les magazines people justement, donc à perdre toute consistance romanesque […] ; la culture englobant les différentes disciplines dites artistiques et les réorientant vers une finalité résolument touristique, à l’intérieur du nouvel ordre social lui-même touristique (on vient, on paie, on regarde, on photographie, on camescopise, on approuve, on s’évacue) ; le tourisme lui-même, bien sûr, forme ultime et destructrice de la transparence planétaire, avec son choix de sites, ses cadrages, ses ravages et son accompagnement de pâtisseries romanesques luberonnaises ou vénitiennes qui ne renseignent que sur l’endroit où les auteurs ont passé leurs derniers congés payés. Et il faudrait encore ajouter la prévention généralisée, la Sécurité sociale (pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la survie triomphant de la vie), la politique des sondages en lutte contre toute attitude anti-communautaire, contre toute échappée hors des « valeurs » de la classe moyenne, contre toute imprévisibilité (donc contre l’essence du romanesque). Et ainsi de suite.
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Le Temps n’était même plus perdu, il s’effondrait sous le Loisir. Les années se vomissaient. On retrouvait partout, à travers rues, cette affiche qui ne cessait de proclamer : « POUR UN MONDE SANS CARIES ». Et qu’est-ce qu’on aurait pu attendre d’autre du monde désormais ? Une grosse fille Laide et sale marchait à sa rencontre, portant un badge sur son tee-shirt, entre les seins : « MAINTENANT, JE SUIS EN PLEINE FORME, DEMANDEZ-MOI POURQUOI ».
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Plus j’ai vu s’accroître, en ces années, le nombre de choses dont il était préférable de ne rien dire, et plus j’ai senti augmenter dans la même proportion mon envie de les couvrir par écrit du ridicule de l’immortalité.
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Vous éclairez vos lanternes avec nos vessies
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8 mars 1983.
Je viens d'apprendre ici [Berkeley], par des amis qui d'ailleurs le déploraient, la baffe reçue par les socialistes aux municipales : ça ne me fait pas le plaisir prévu. Trop loin, si dérisoire ... Et surtout, règle de Nietzsche : n'attaquer que ce qui est victorieux. Il est vrai que rien, j'en suis persuadé, n'a changé. Accident de parcours. C'est le socialisme qui, à travers tous les noms qu'on veut, est victorieux.
p. 259
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Les voyageurs des cieux, dans l'espace semé d'étoiles ferraillantes, voient les autoroutes bien autrement que ne les regardent les hommes. Soudain ils ont la puissante révélation de ce spectacle qui pour moi est quotidien. Ont soudain la forte intuition de votre unité, votre grande, secrète, harmonie qui ne demande qu'à commencer, qui ne demande qu'à éclater. Et, la nuit, survolant notre monde, ils savent que vous évoluez parmi les écailles scintillantes de vos villes, grands poissons limpides aux panaches d'autoroutes sinueuses. Moi (la foule) je sais combien longues sont mes autoroutes qui, sous la mer, plongent soudain pour ressurgir en d'autres continents.
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