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Critiques de Pierre Ménard (II) (37)
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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

Lorsque j'ai ouvert "20 bonnes raisons d'arrêter de lire", je n'étais pas très inquiet.

On a toujours une bonne raison d'arrêter ceci, ou de ne pas faire cela.

Un ou deux raisons au maximum, et plus ou moins bonnes !

Mais 20 bonnes raisons, ça sent la préméditation, ou carrément même le manque de motivation.

Donc, je n'étais pas très inquiet.

Je pensais m'en sortir avec quelques sourires, un ou deux rires au maximum.

Que j'avais tort !

Et, que Dieu me savonne, j'aurais dû me méfier.

Déjà, le livre s'ouvre sur une citation d'Oscar Wilde :

"Autrefois, les livres étaient écrits par les hommes de lettres et lus par le public.

Aujourd'hui, ils sont écrits par le public, et personne ne les lit".

Si ça se trouve aux "mots du large", on fait de la radio et personne ne nous écoute.

Ca fait froid dans le dos !

Pierre Ménard, l'auteur de ce livre, est un lanceur d'alerte :

"Oeuvrons pour un monde meilleur où les livres en seront réduits à écraser les moustiques, ou à caler les meubles".

Car lire est dangereux !

Combien d'innocents lecteurs se blessent chaque année en tournant les pages d'un livre médiocre ?

Lire rend laid, détruit la vue et rend insomniaque.

Et, si le lecteur assidu est fainéant, il n'en devient pas moins snob et pédant.

Lire coupe du monde !

Barbey d'Aurevilly ne s'est-il pas moqué en son temps d'un ami qui vivait dans sa bibliothèque comme un cloporte dans sa poutre ?

Pire même, lire rendrait fou !

Bref, j'en passe et des meilleurs ...

Lire est inutile, et mauvais pour la planète :

"save the planet : stop reading !

"20 bonnes raisons d'arrêter de lire" est dédié à ceux qui ne le liront pas.

Il est amusant, malicieux et bien écrit.

L'imagination de son auteur lui fait éviter les écueils d'un genre d'ouvrage qui souvent, il faut bien le dire, pêche par sa médiocrité.

Ici, on sourit de bon coeur, d'un sourire littéraire même.

Et, après avoir fini ce livre, on ne calera pas un meuble avec, on pourra éventuellement le décaper.

Mais, en tout cas, on n'arrêtera pas de lire ...

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Les infréquentables frères Goncourt

A partir de 1885, chaque dimanche, le "Grenier" est devenu le salon où l'on médit les auteurs morts et vivants, où, à l'instigation de Daudet, Edmond de Goncourt reçoit la "République des Lettres".

"Les infréquentables frères Goncourt" !

Ce nom aujourd'hui est connu de tous, et l'oeuvre qui s'y rattache de personne, ou de presque personne.

La biographie de Pierre Ménard est un magnifique éclairage.

Elle est vivante et agréable à la lecture.

Elle est fouillée et précise.

Huit ans ans séparent Edmond de son frère cadet Jules-Alfred.

Devenus seuls au monde à 17 et 26 ans, dégagés par un modeste héritage du besoin de travailler pour vivre, les deux frères ont voulu se tourner vers la peinture.

L'habitude de jeter leurs pensées par écrit les fera devenir écrivains.

Leur prose va attirer autant qu'elle va rebuter.

Ils seront toujours soutenus par Flaubert.

Mais Gide se vantait de les lire pour apprendre comment il ne faut pas écrire, et Anatole France les accusait de torturer la phrase, de fatiguer les mots ...

"Les infréquentables frères Goncourt" n'est pas une de ces biographies où l'auteur polit, lustre et enjolive.

Pierre Ménard, le sourire à la plume, soupèse, analyse, jauge et retrouve la juste silhouette de chacun de ses personnages, quitte à en écorner le souvenir.

Ce livre est plus qu'une biographie.

C'est un moment retrouvé de l'histoire de notre littérature.

C'est aussi une exploration dans l'oeuvre des Goncourt.

Le travail de Pierre Ménard s'appuie sur une une riche bibliographie, et sur les aller-retours de sa grand-mère en bibliothèque.

Merci grand-mère !

Ce livre, de près de 400 pages, comporte quelques rares et courtes longueurs.

Mais ce n'est pas cher payé pour ce beau voyage en Littérature.

"Les infréquentables frères Goncourt" n'est pas une galerie de portraits poussiéreux.

C'est un livre bien actuel.

Jules et Edmond sont tout ce que le monde d'aujourd'hui déteste.

Ils ont fait de leur vie la défense de l'essence aristocratique de l'Art.

Et, semblent nous questionner sur cette différence entre Culture et loisirs, sans laquelle peut-être s'affadit la réflexion d'une époque.

Finalement, Pierre Ménard, jeune biographe s'avère être une fine plume.

Peut-être, grâce à lui, vais-je relire avec un autre oeil "La galère des Goncourt" de René Benjamin ?

J'ai déjà, en tout cas, vécu avec "Les infréquentables frères Goncourt" un superbe moment de lecture ...
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Les infréquentables frères Goncourt

« Il est incroyable que la perspective d’avoir un biographe n’ait fait renoncer personne à avoir une vie » (Cioran). Voici en tout cas une belle biographie écrite par un jeune auteur, qui n’est ni une hagiographie, encore moins un portrait à charge. Et Dieu sait si ces deux irréductibles célibataires n’étaient pas des enfants de chœur. La postérité à leur égard n’aura pas été bonne fille. Elle aura écarté les collectionneurs et les écrivains (excepté sous la forme de signataires d’un formidable Journal), pour ne guère retenir que la création (par le seul Edmond, orphelin de son frère Jules) d’une Académie dont l’actuel fonctionnement est quelque peu éloigné des principes ayant présidé à sa conception. Le livre de Pierre Ménard se double d’une promenade très réussie dans le monde des lettres du 19ème siècle. Avec une écriture fluide, l’auteur a su, avec justesse, fixer la place qui revient aux deux frères dans notre littérature, comme l’indique Michel Winock dans sa courte préface.
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Les infréquentables frères Goncourt

L’académie Goncourt remettra un prix annuel « au meilleur roman, au meilleur recueil de nouvelles, au meilleur volume d’impressions, au meilleur volume d’imagination en prose, et exclusivement en prose, publié dans l’année. »



C’est en ces termes qu’Edmond de Goncourt imagine la mission qu’il veut voir assumée par celle dont il dresse les fondations avant de quitter la grande scène de la comédie humaine. Cette académie sera chargée selon ses intentions, certes non avouées, de suppléer au défaut de reconnaissance de leur talent par leurs contemporains, les privant ainsi de satisfaire leur vœu le plus cher : accéder à la postérité.



Pourtant peu de temps avant, à 64 ans, le même Edmond écrivait dans ce fameux journal qui faisait trembler tout ce que le monde littéraire pouvait comporter de sommités : « A l’heure présente, la lecture d’un roman, et d’un très bon roman, n’est plus pour moi une lecture captivante et il me faut un effort pour l’achever. Oui, maintenant, j’ai une espèce d’horreur de l’œuvre imaginée. »



En voilà donc un qui n’en était pas à une contradiction près. Il aurait pu faire de la politique. Domaine auquel il s’est pourtant bien gardé de toucher, trop confiant dans le talent que sa mégalomanie voulait lui attribuer et le garantir de survivre à une fin prochaine alors que tant d’autres, qui selon lui ne lui arrivaient pas à la cheville, voyaient leur publications plébiscitées par la critique et les lecteurs, tel Zola, Hugo, Flaubert et consorts. Ils se nourrissaient selon lui du talent des Goncourt pour bâtir leur propre célébrité. Ce que les deux frères ne manquaient pas de faire savoir dans ce journal qu’ils tenaient avec assiduité, puis Edmond tout seul après la mort précoce de ce frère « siamois », bien que de huit années plus jeune et retiré trop tôt à l’affection de son aîné.



Le journal des Goncourt, la véritable œuvre de leur vie, était devenu un épouvantail pour tous ceux qu’ils considéraient comme plumitifs, gratte-papier suceurs de célébrité et bâtissaient le temple de leur succès en déconstruisant celui des Goncourt. Si je faisais usage de tournures à la Audiard, je dirai qu’avec leur journal, ces deux-là formaient une belle paire d’obscurs furieux qui défouraillaient tout azimut, sur tout ce qui osait émerger du triste monde des pisse-copie. Le journal des Goncourt ne connaissait point d’amis. Un tel salué dans la journée se faisait clouer au pilori dans des pages assassines le soir même. Ce que d’aucuns auraient voulu voir censuré, interdit à vie, a pourtant fait du survivant des Goncourt, mais sur le tard, une icône reconnue de la nation. Sans doute pour avoir osé écrire et publier ce que tant d’autres fomentant la même rancœur jalouse chuchotaient entre eux après s’être garantis des oreilles indiscrètes.



Pierre Ménard a fait de cette biographie un ouvrage succulent. Il faut dire que le sujet, les sujets devrais-je dire, lui ont facilité la tâche. Avec un style gouleyant et croustillant à souhait dont on imagine qu’il ait pu être transcendé par les deux frères, mais pas seulement. Il nous propose un ouvrage à la documentation fouillée, exigeant de culture pour un lecteur qui se perd facilement dans le cénacle des sommités littéraires ayant fréquenté le grenier des Goncourt, comme en d’autre temps on fréquentait les derniers salons où l’on cause. Avec pour le coup cette fois la hantise de se voir agoni d’opprobre, piétiné dès le lendemain dans le fameux journal. Dont la dernière édition aura été retardée bien au-delà de la disparition du dernier des frères tant il était suspecté et craint de révélations sulfureuses sur tous ceux qui avaient été aspirés par la sphère d’attraction des pourfendeurs de réputation, redresseurs de tort. Le tort étant, on l’aura compris, de leur voler la vedette dans le cercle très fermé des auteurs à succès.



Fervents admirateurs du XVIIIème siècle, chineurs et collectionneurs émérites, promoteurs de la culture asiatique, observateurs méticuleux mais sans scrupule de leur temps, critiques acerbes, opiniâtres et téméraires, ils avaient ouvert selon eux la voie à un nouveau courant littéraire dit naturaliste, qui se voulait en rupture avec l’idéalisme chaste et grandiloquent lequel présidait aux premiers ouvrages du genre romanesque. Oui mais voilà, Zola est passé par là avec les Rougon-Macquart et leur a mangé la laine sur le dos. Il s’est donc fait copieusement étriller dans le fameux journal. Mais paradoxe, il n’en désertera pas le grenier des Goncourt pour autant. Pierre Ménard nous ouvre à cette bizarrerie, laquelle a voulu que les cibles potentielles des Goncourt ne désertent pas le champ de tir tant elles ressentaient la nécessité de rester au fait de l’actualité – pour parer les coups peut-être aussi - plutôt que disparaître des écrans radars de la renommée. Plutôt vilipendés qu’oubliés. Le journal a fini par faire référence, et la gloire des diaristes redoutés.



Superbe ouvrage de Pierre Ménard qui ne vaut pas que par les sujets traités, puisqu’il faut bien garder le pluriel en parlant de Goncourt. Un ouvrage qui satisfait avec brio à l’obsession de ce couple atypique dont le patronyme est devenu aujourd’hui un nom commun affublé d’un millésime dans l’esprit des amateurs de littérature. Obsession de durer donc, au-delà de la mort, et puisque cela n’a pas été par le talent d’écriture, encore que, que cela soit en pis-aller par un artifice qui ramène au talent. L’intention est sauve.



Je remercie Babelio et les Editions Tallandier de m’avoir gratifié de cet envoi dont je ne regrette nullement la sélection dans l’opération Masse critique, bien au contraire.



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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

Force est de constater que la lecture est une activité hautement addictive. L'auteur de cet essai recense les maux que ce vice impuni fait encourir à tout lecteur, mettant en péril sa santé aussi bien mentale que physique.

Très réjouissant, ce texte est aussi érudit, peut-être un peu trop pour moi qui n'ait pas l'immense culture littéraire de Pierre Ménard qui malgré ses 23 ans a l'air d'avoir déjà beaucoup lu. Trop peut-être ? Cependant mon inculture ne m'a pas empêchée d'apprécier l'impertinence de cet ouvrage bien troussé et j''aimerai ajouter, à décharge, que si lire est toxique, dévorer des romans n'abîme pas les dents !
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Les infréquentables frères Goncourt

Tout le monde connaît le nom « Goncourt » à cause du prix littéraire qui lui est associé, le plus célèbre de tous les prix littéraires français. Mais on ne va pas forcément chercher plus d'informations sur celui qui créa ce prix et y associa à tout jamais son nom : Edmond de Goncourt. Parfois, de plus en plus souvent ces dernières décennies, on évoque une oeuvre, Le Journal, attribué aux frères Goncourt, dont des extraits féroces pour leurs contemporains sont parfois cités. La biographie de Pierre Ménard vient donc fort à propos pour présenter ces personnages, dont le nom circule largement, mais qui demeurent méconnus.



Ce sont donc des frères. L'aîné, Edmond, naît en 1822 et Jules en 1830. Malgré cette différence d'âge non négligeable, ils seront très proches, au point de se considérer comme des jumeaux. Ils perdrons jeunes leur père, officier napoléonien, et deux petites soeurs, et vivront chichement à Paris avec leur mère. Ils feront des études secondaires assez brillantes, mais après son bac Edmond est obligé de prendre un emploi de comptable. En 1884, après le décès de leur mère, ils découvrent qu'elle économisait férocement, et qu'elle leur laisse suffisamment d'argent pour leur permettre de vivre tous les deux correctement, sans avoir besoin de travailler. Ils décident alors de se consacrer entièrement à la littérature.



Les débuts seront difficiles. Leurs pièces de théâtre sont refusées. Leur premier roman, « En18…. » doit être publié à compte d'auteur. Il paraît au plus mauvais moment, le jour du coup d'état de Napoléon III. Les rares comptes rendus « alternent entre la moquerie et l'insulte ». Ils s'essaieront , avec un certain succès au journalisme, mais le jeu était dangereux à l'époque, et un procès pour outrage à la morale publique mettra fin à cette carrière. Ils vont donc revenir à la littérature, et produiront à quatre mains, des romans dans une veine pré-naturaliste, dont ils seront précurseurs. Zola va ainsi beaucoup admirer Germinie Lacerteux. Mais le succès et la reconnaissance ne sont pas vraiment au rendez-vous. En 1851 ils ont aussi commencé l'écriture de leur fameux journal, dans lequel ils rendent compte de manière cruelle de ce qui se dit dans les milieux littéraires, et où ils croquent de manière impitoyable leurs confrères.



Le succès arrive après le décès de Jules, survenu en 1870. Les romans qu'Edmond continue d'écrire percent enfin, comme la Fille Elisa en 1877. Un succès avec un certain goût du scandale, mais un succès. Edmond devient une personnalité courue du monde des lettres, tous les écrivains se pressent ou rêvent de se presser au Grenier de celui qu'on surnomme le Maréchal. La publication des premiers tomes du journal à partir du 1885 le fait détester mais craindre encore plus. Il finit comme une sorte de gourou des lettres, haï mais inévitable. Il aura fréquenté tout ce que la littérature française a produit de plus important, et son témoignage, même s'il n'est guère bienveillant, est essentiel pour ceux qui s'intéressent à cette époque.



Plus que les lettres, ce sont ses collections d'art qui auront enrichi Edmond. Les deux frères auront su anticiper les modes à venir, ils seront ainsi parmi les premiers à s'intéresser au Japon. Cela leur permettra d'acheter des dessins et objets, avant que les prix ne montent fortement. Edmond décide de disperser après sa mort tout cela, et de s'en servir pour fonder la fameuse Académie Goncourt, dont les membres doivent recevoir une jolie somme annuelle, leur permettant de se consacrer à l'art. Et l'Académie devra attribuer un prix à une oeuvre en prose. Il ne s'agit pas ici de retracer l'histoire de ce prix. Mais malgré les dévaluations successives qui rendront la somme symbolique, il sera le plus recherché parmi tous, car permettant d'assurer à l'heureux écrivain qui le décroche des ventes très importantes et une attention médiatique énorme, tout au moins pendant quelques temps.



La biographie de Pierre Ménard est très bien faite. Elle retrace la vie des deux frères d'une manière précise et complète, dans une écriture ironique et souvent drôle, qui ressemble terriblement aux personnages. C'est une biographie grand public, accessible, et facile à lire. L'auteur ne dissimule pas les aspects peu attrayants des personnages, leur misogynie, antisémitisme, bref leur antipathie pour presque toute l'espèce humaine. Mais il ne peut cacher une sorte d'attachement à ces étranges créatures, et leur fait la grâce de circonstances atténuantes.



On peut rester un peu sur sa faim si on recherche une publication plus savante, avec une présentation du contexte de l'époque plus détaillée, et une analyse fouillée de l'oeuvre. Mais c'est une excellente introduction, avant peut-être d'oser franchir le pas, et lire les ouvrages des infréquentables frères Goncourt.
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Les infréquentables frères Goncourt

Antisémites, misanthropes, misogynes, réactionnaires, passéistes, Edmond et son petit frère Jules de Goncourt, les écrivains dont le nom est rattaché à un illustre concours littéraire, possédaient les pires défauts pour attirer l'attention de tout lecteur. Mon mari a abordé en premier cet ouvrage avec une intense curiosité et même s'il s'est un peu perdu dans les innombrables références livresques contenues dans cette biographie, il en a savouré chaque moment de lecture.

Infréquentables, oui, mais aussi admirés en secret et en même temps honnis pour la publication de leur Journal, sorte de « tribunal de papier » où toutes les conversations, les bons mots comme les plus méchants de leurs proches connaissances étaient étalés sans pudeur et avec une certaine délectation. Les gémeaux, comme ils aimaient s'appeler, se sont sentis incompris dans leur démarche littéraire et leurs romans, précurseurs du mouvement naturaliste, n'ont jamais été reconnus à leur juste valeur par leurs contemporains.

Pierre Ménard, en utilisant le même ton que ses sujets, a conçu une biographie haute en couleurs, vivante et vibrante, une longue plongée dans la société parisienne du XIXe siècle.
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Les infréquentables frères Goncourt

Quand on dit Goncourt, on pense au prix littéraire mais qui sait véritablement qui sont les frères Edmond et Jules de Goncourt ? Il faut bien dire que peu de lecteurs s'intéressent aujourd'hui à leur production littéraire hormis peut-être leur fameux Journal commencé a quatre mains et terminé par Edmond après la mort de Jules. Pierre Ménard nous éclaire donc sur la vie de ces deux drôles de frères avec cette excellente biographie très documentée, vivante et jamais ennuyeuse.

Nous en apprenons donc davantage sur les deux pères du Prix Goncourt, "au départ innocente clause d'un testament contesté en justice". Sans héritier, propriétaire d'une collection d'oeuvres d'art diverses, Edmond ne se doutait pas que ce prix allait finalement lui apporter (et Jules, avec lui) une gloire posthume si éclatante... bien que tous deux auraient certainement préféré l'obtenir grâce à leur oeuvre littéraire ! Imbus d'eux-mêmes en effet, ces deux garçons et de plus, misogynes, antisémites, langues de vipère, vachards, et rajoutons-en une couche, écrivains au style quelque peu ampoulé et abscons... Bref peu sympathiques, Jules et Edmond !

le talent de Pierre Ménard nous plonge avec délice dans une fresque historique et littéraire dans une époque où le monde changeait à une allure considérable. Nous côtoyons la fine fleur des artistes de leur temps, Zola, Flaubert, Dumas, Daudet et j'en passe. Et finalement nous nous prenons à les aimer ces deux frères, horripilants mais talentueux et fascinants, amoureux d'eux-mêmes certes, mais esthètes et travailleurs acharnés.

Leur Journal, dans ma bibliothèque depuis de nombreuses années, a pris la poussière faute de n'être pas lu depuis longtemps ; cette excellente bio va permettre de l'exhumer avec un oeil plus averti !
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Les infréquentables frères Goncourt

« Incompris », c’est sans doute l’adjectif qui décrit le mieux les frères Goncourt à la lecture de cette biographie, car il les a accompagnés toute leur vie durant, ou du moins en ont-ils été convaincus. Pour comprendre cela, il suffit de penser à ce que l’évocation de leur nom suscite chez nos contemporains :



- les Goncourt, c’est avant tout le nom du prix qu’ils créèrent pour récompenser un jeune auteur pour son premier roman (même là-dessus, on finira par trahir la volonté d’Edmond, une fois trépassé) ;

- c’est également les auteurs de romans naturalistes comme "Germinie Lacerteux" (sans doute le plus connu d’entre eux) ou "Madame Gervaisais" ;

- c’est, bien entendu, les auteurs de ce fameux "Journal" que beaucoup connaissent sans en avoir finalement lu la moindre page. Ce "Journal" dans lequel les deux frères consignaient, à quatre mains, avec ardeur et souvent causticité, tous les griefs qu’ils reprochaient à leurs proches ou relations ;

- c’est enfin un couple indissociable au point qu’on finit par en oublier leurs prénoms même si Jules et Edmond furent un peu les Jules et Jim du XIXe siècle, Catherine en moins.



Et pourtant, Jules et Edmond de Goncourt, ce fut plus que cela. Comme le rappelle avec raison Pierre Ménard, ce sont, tout d’abord, deux frères issus d’une aristocratie de fin de siècle mais dont ils ne réussirent jamais vraiment à se départir, au point de vivre un peu leur vie comme un deuil de l’époque tant regrettée du XVIIIe siècle. Face à la médiocrité de leurs contemporains, ils n’auront de cesse de se réfugier dans leurs souvenirs d’enfance et de famille à travers leur goût des grandes dames telles Marie-Antoinette ou la Du Barry, auxquelles ils consacrèrent deux de leurs oeuvre. L’ameublement de leurs différents logis est d’ailleurs également le reflet de cet amour inextinguible pour ce siècle passé. En somme, les Goncourt ont toujours eu l’impression d’être nés trop tard et d’avoir vécu à une époque qui n’était pas la leur. Difficile dans ce cas de se montrer objectifs face à leurs contemporains.



Et c’est le moins que l’on puisse dire car, un peu aigris de ne pas réussir à percer dans les milieux littéraires et à voir leur talent d’écrivains largement reconnus, Jules et Edmond semblent, à travers leur "Journal", régler leurs comptes avec ces êtres dénués de goût, sans se douter un seul instant que cette rédaction, sorte de récréation vespérale, sera ce qui leur permettra, outre-tombe, d’atteindre le panthéon de l’histoire littéraire. Journalistes, romanciers, dramaturges, esthètes, finalement, on ne leur accordera jamais la reconnaissance tant souhaitée et le peu d’aura qu’ils réussiront à récolter sera dû à la peur de leurs « victimes » de voir son nom ou ses propos rapportés dans l’ouvrage tant redouté et dont le Tout-Paris ne cesse de parler en catimini.



Et pourtant, Pierre Ménard rappelle combien les Goncourt furent des précurseurs : sans eux, Zola et le courant naturaliste n’auraient jamais été ce qu’il est devenu, même si Edmond ira jusqu’à s’imaginer avoir été spolié, sans doute à tort, par l’auteur des Rougon-Macquart. De même, si « style artiste » il y eut, c’est aussi à eux qu’on le doit (et nos dictionnaires actuels peuvent aussi en témoigner). Alors, on peut effectivement ne pas y voir un grand intérêt littéraire mais ce style est resté tout de même dans les annales et l’on doit reconnaître que sans eux, des œuvres comme "A Rebours" de Huysmans n’aurait sans doute pas eu la même saveur.



Une chose est certaine, une fois la dernière page de cette biographie tournée, vous n’oublierez plus jamais les frères Goncourt car, derrière les auteurs blessés de ce manque de reconnaissance tant désiré, se cachent deux êtres humains qui vécurent leur vie en faisant preuve d’une détermination sans faille et d’un désir de marquer leur temps coûte que coûte. Bon nombre d’auteurs auraient sans doute jeter l’éponge à leur place. Et que dire de ce lien insécable qui unit les deux frères, malgré la disparition prématurée de Jules ? On ne peut rester insensible face à la douleur qui semble avoir habité voire hanté Edmond jusqu’à la fin de ses jours et que même Pélagie, la servante dévouée, ne parviendra à atténuer, tant ces deux frères ne faisaient finalement qu’un.



Au final, une biographie qui vous dévoilera des facettes de la vie de ces deux auteurs un peu oubliés de la littérature et de l’enseignement scolaire et sans doute sacrifiés au profit d’autres élevés au rang de « monstres » littéraires.
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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

Alors pourquoi continuer à lire? Pour le plaisir et c'est ce qu'il y a de plus important. Ce livre est un ode au plaisir, à la lecture malgré tous les arguments annoncés les uns après les autres. Car même s'ils sont véridiques par l'illustration littéraire, historique ou chiffré, ils sont dérisoires face aux lecteurs aux mots, totalement accro.



J'ai vraiment adoré ce livre que j'ai véritablement dévoré. Alors si vous le rencontrez sur votre chemin où que vous voulez avoir une bonne tranche de rire, prenez-le avec vous. Plaisir de lecture et de relecture garantie.
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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

Je me doutais bien qu’un livre portant ce titre serait plus un essai traitant avec humour de la lecture et ses excès qu’une apologie contre ce plaisir que j’aime tant. Je ne cherche pas vraiment à arrêter de lire mais j’étais curieuse de savoir quelles raisons pourrait vraiment me décider à arrêter de lire (euh, inimaginable).

Et bien, ouf, j’ai bien ri et souri aux titres et aux contenus des chapitres, Lire rend laid, lire est dangereux ou Lire est économiquement aberrant entre autres, mais mon temps de lecture n’a pas diminué. En fait, les bonnes raisons sont plutôt des excuses pour parler des auteurs et apprendre quelques histoires sur eux. Et effectivement, on apprend pas mal de choses sur Marcel Proust, Georges Orwell et autres comparses. Certaines raisons sont un peu tirés par les cheveux ou d’autres absurdes (Lire, c’est pour les femmes), mais je ne regrette pas d’avoir lu ce petit essai qui m’a fait passer un bon moment ! (Et je suis contente qu’il ne m’ait pas convaincu !)

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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

Ne lisez pas cet article et jetez tous vos livres à la poubelle car ils pourraient bien vous tuer ! C’est en tous cas l’avis d’un jeune auteur d’une vingtaine d’années qui publie 20 raisons d’arrêter de lire (Cherche midi).



En 2007, un professeur de littérature française défrayait la chronique en publiant Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? (Editions de Minuit). Sept ans plus tard, le jeune auteur Pierre Ménard, qui a déjà signé Pour vivre heureux, vivons couchés. La Véritable histoire du sexe en 2013, va jusqu’à affirmer le danger de la lecture pour l’humanité.



Et si lire pouvait ruiner votre vie ?



"Gérard de Nerval promène dans Paris un homard au bout d’une laisse avant d’être soigné dans un asile psychiatrique, rappelle-t-il, les admirateurs de Goethe se suicident après la publication de Werther, Proust ne veut plus parler qu’à des ducs, George Orwell vit parmi les sans-abri et Borges perd la vue. Tous ces drames n’ont qu’une seule et même cause : la lecture, ce « vice impuni », selon Larbaud. Et si lire était dangereux pour la santé et pour la société, au même titre que l’alcool et le tabac ?", se demande Pierre Ménard. "Et si lire rendait laid, fainéant, pédant ou snob ? Et si lire pouvait ruiner votre carrière professionnelle, ou même vous rendre la vie insupportable ?", ajoute-t-il.



Un pamphlet étonnant sur la lecture qui nous ferait presque douter des bienfaits de ce plaisir unanimement considéré comme vertueux. A lire - malgré tout - dès le 13 mars.



L.M.
Lien : http://www.myboox.fr/actuali..
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Les infréquentables frères Goncourt

Edmond et Jules Goncourt n’ont rien pour plaire, misanthropes, misogynes, vaniteux, réacs, pas modernes, provocateurs, paranoïaques... et antisémites comme une bonne part des intellectuels de leur époque. Les deux frères revendiquent parfaitement ces traits de caractères.

Ils ont vécu dans une sorte de gémellité inaccoutumée jusqu’à ce que la mort les sépare. Pas même une femme ne les a séparé.

Ils ont eu la liberté de ne pas travailler, grâce aux économies de leur mère, les rentrées d’argent provenant d’un fermage hérité de leur père.

A quatre mains ils ont écrit : pièces de théâtre, livres historiques, ainsi qu’une partie de leur fameux Journal.

En 1877 le succès arrive avec la publication de La Fille Elisa, roman sur la prostitution et les maisons carcérales pour femmes. Edmond est plébiscité par Mirbeau, Maupassant et les autres, il est sacré « écrivain « contemporain » comme Flaubert et Zola. Enfin !

Edmond de Goncourt à la fin de sa vie était seul, aigri de n’avoir pas connu la notoriété dont il fantasmait avec son frère.

Les Frères de Goncourt auront tout de même leur revanche : En 1896 nait l’Académie Goncourt, Edmond de Goncourt donne la chance à de jeunes écrivains ……Académie est de renommée internationale. Le fameux « Prix Goncourt «, devenu aujourd’hui le prix le plus couru des récompenses littéraires françaises.

Pierre Menard avec ce livre nous apporte une source d’information sur la vie littéraire du XIXe, grâce au Journal des 2 frères.

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20 bonnes raisons d'arrêter de lire



Il est des livres dont je me souviendrai par delà la mort.



Il est aussi des livres que l’on peut lire sans les ouvrir – je ne pense pas là à l’une de ces dégoulinances, aussi maniérées que commercialisées,

Je ne pense pas à cet auteur que j’avais abordé deux fois sans plaisir et dont – esclave de la rumeur publique, des critiques, des injonctions et des conseils amicaux – j’ai repris un livre. J’y ai trouvé ce que l’on entend dans un café, dans une salle d’attente, dans un dîner en ville… la quotidienneté médiocre, la pauvreté du langage, la fatuité érudite, sans jamais un seul mot qui fasse rêver ou admirer. En notre temps où la couture et la cuisine sont des arts, voici venu le temps de la mièvrerie des mots et des idées transformée en littérature.

Et nous nous y soumettons, et nous ne nous en lassons pas, comme la sérotonine ne se lasse pas de pousser au suicide.

Reviendra-t-il le jour qui nous verra dire à nouveau: 'Le monde entier ne vaut pas le jour où fut donné ce livre.'?*

Mort du mot, mort de l'individu et de tous ses autres.



* Il y a un peu plus de 2000 ans, Rabbi Ekiva parlait ainsi du Cantique des Cantiques.

effleurements livresques, épanchements maltés http://holophernes.over-blog.com © Mermed
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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

signalons un anti-recueil de critiques ; ou, pour mieux dire, un anti-livre sur les livres. Il est signé Pierre Ménard (nom éminemment borgésien, vous ne trouvez pas ?), et s’intitule 20 bonnes raisons d’arrêter de lire. A le croire, lire rend snob, laid, triste, fainéant, solitaire, etc. Le malheur, c’est que c’est vrai, que les arguments touchent juste, et qu’ils sont drôles. Brûlons donc les librairies, faisons sauter les bibliothèques, et finissons-en une bonne fois pour toutes. Sans quoi les livres s’auto-engendreront à l’infini. La preuve.

Ludovic Barbiéri (Chro)
Lien : http://www.chronicart.com/li..
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20 bonnes raisons d'arrêter de lire

Cet opuscule s’adresse à tous celles et ceux qui sont dotés une bonne dose de mauvaise foi et qui aiment les livres. Si Pierre Ménard joue un peu trop sur un paradoxe de pacotille « dénoncer la lecture par le biais d’un livre » et use voir abuse de l’entre soi, sa démarche reste néanmoins rigolote, un brin potache, avec plus ou moins de pertinence selon les chapitres. Parmi mes préférés : Lire rend fainéant, Votre libraire vous ment, Lire est inutile. Bien évidemment une super bibliographie clôture magistralement la démonstration.
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Les infréquentables frères Goncourt

Biographie très fouillée et intéressante, de lecture agréable et qui fait découvrir ces deux personnages que tout le monde connaît et méconnaît.

Mais quelle méchanceté, quelle mesquinerie jalouse, que de mots vains sur les uns et les autres.

Aujourd'hui aucune féministe digne de ce nom ne se devrait d'accepter le Prix Goncourt!
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Les infréquentables frères Goncourt

Bonne biographie des Frères Goncourt, complète et précise. Le récit est enlevé et les interventions de l'auteur sont souvent très drôles. Le livre marque bien l'importance du Journal, véritable bible indispensable à la connaissance de l'histoire littéraire et culturelle, et d'ailleurs de l'histoire tout court, de la seconde partie du dix neuvième

Il permet de contextualiser les diverses notations de l'ouvrage, notamment quant à la vie d des frères, pour laquelle il opère d des recoupements intéressants avec d'autres sources.

En même temps, il traite de l'œuvre proprement littéraire des Frères qu'il s'emploie à réhabiliter au point de donner envie d'aller y voir de plus près.

De quoi donner aussi envie de lire le Journal pour ceux qui ne l'ont pas encore fait. Malheureusement il en existe une seule bonne édition, celles des éditions Bouquins, qui contient les textes restitués. Les éditions numériques que l'on trouve facilement sur le web sont conformes à ce qui a été publié du vivant d'Edmond, donc expurgé des passages les plus "vaches" ce qui est bien dommage. Elle est malheureusement épuisée et difficile à trouver d'occasion. Mais cela vaut la peine de chercher.
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Les infréquentables frères Goncourt

Intéressant roman sur ces deux horribles langues de vipères qu'étaient Edmond et Jules de Goncourt. Ce que j'ai aimé surtout est la manière dont l'auteur dépeint l'époque, et les artistes de tout poil croisés au long du texte. J'imagine qu'on aime ou on déteste, mais ça vaut le coup, intellectuellement parlant !
Lien : https://la-clef-des-mots.e-m..
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Le grand roman de l'écriture

Si vous vous sentez une âme d'écrivain, ce livre est fait pour vous. Mais il vous fera prendre conscience que la route est longue. Affronter et surmonter l'épreuve de la page blanche est en effet un vrai travail de création, en plusieurs étapes : une conception, une gestation, un enfantement.

Passant en revue les différents ingrédients d'un bon roman, l'auteur nous livre ici de nombreux témoignages et conseils d'écrivains classiques et contemporains. Les personnages : "on pardonne les défauts des gens, jamais leurs qualités" (page 122) ; "chaque personne figurant dans votre ouvrage devrait avoir une utilité" (page 126) ; "sinon faites-la disparaître". L'incipit. L'excipit. La longueur des chapitres. Le choix du titre. Celui du temps. L'art de la description : "on peut décrire sans raconter, tandis qu'il est impossible de raconter sans décrire" (page 152). Enfin et surtout, la relecture, deuxième temps de l'écriture et vraie face cachée de l'iceberg. L'ouvrage révèle, à ce sujet, quelques énormes fautes commises par de grands écrivains qui, une fois la renommée venue, se sont relâchés et n'ont pas assez relu.

La conclusion que je tire de cet ouvrage, c'est que le talent, pour reprendre la formule de Thomas Edison, c'est 10% d'inspiration et 90% de transpiration. Un des auteurs cités déclare, d'ailleurs : " je n'aime pas écrire, j'aime avoir écrit ; ce n'est pas la même chose" (page 137). Avis aux amateurs.
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